Avertissement :
Les événements survenus à la prison d’Abu Ghraib ont été retenus pour ce travail parce qu’ils ont fait l’objet d’une investigation complète par les autorités militaires américaines et que les témoignages obtenus lors de cette enquête ont été largement diffusés par les médias américains, et donc peuvent servir dans l’analyse psychologique des phénomènes de décrochage du sens moral. C’est tout à l’honneur des États-Unis d’Amérique d’avoir, sur ces événements, su réagir aussi rapidement et avec une telle transparence. Il est évident que ce type de dérapage ne saurait être attribué à une nation plus qu’à une autre, à une culture plus qu’à une autre ; la polémologie et l’histoire de l’humanité montrent qu’il n’est malheureusement pas une époque où ces phénomènes ne se sont pas produits.
« Je cherche cette région cruciale de l’âme
où le mal absolu s’oppose à la fraternité. »
André Malraux, Lazare
Durant la guerre d’indépendance américaine, les officiers généraux s’indignaient devant george washington des traitements cruels et des condamnations expéditives auxquels étaient soumis leurs soldats prisonniers des forces anglaises. Ils lui demandèrent comment fallait-il qu’eux-mêmes traitassent les soldats anglais prisonniers. George Washington leur répondit, selon une formule connue aujourd’hui de tous les écoliers américains : « traitez-les avec respect et dignité, parce que c’est pour ces valeurs que nous nous battons. Si nous ne les traitions pas ainsi, nous perdrions les valeurs morales de notre combat. »
Que s’est-il passé à Abu Ghraib ?
Un contexte géopolitique et stratégique
En septembre 2003 les militaires américains ont achevé la phase de conquête de l’Irak. Leur supériorité technologique leur a permis un rapide succès. Il leur faut profiter au plus vite des effets de leur victoire. À cette époque, ils croient toujours que des armes de destructions massives sont clandestinement entreposées dans le pays. Leur mission consiste à les trouver le plus vite possible et démanteler les supposés réseaux de soutien au terrorisme international.
C’est le moment le plus propice pour obtenir du renseignement. L’armée américaine arrête des civils chaque jour et en grand nombre, non seulement des miliciens armés mais aussi tous ceux qui refusent de collaborer avec eux. Ils sont dénommés « insurgés » et placés en détention dans les prisons irakiennes.
La prison et sa population
Le complexe d’Abu Ghraib est un vaste ensemble carcéral situé en périphérie de Bagdad. Cette prison a déjà une réputation sinistre, Saddam Hussein y faisait enfermer, torturer et parfois disparaître les opposants à sa politique.
Fin 2003, ce centre accueille deux types de détenus :
des prisonniers de droit commun, majoritairement condamnés pour des crimes divers : vols, viols, meurtres. Ces personnes purgent des peines prononcées par les tribunaux réguliers du régime baasiste. Ils étaient déjà en prison avant l’arrivée des Américains. Ils se sont adaptés à la violence de leur milieu. Ils font une arme d’un bout de fer, d’une pierre ou d’un bâton. Ils sont particulièrement dangereux.
les insurgés sont des adultes masculins de tous âges et de toutes origines sociales, pour certains arrachés arbitrairement à leurs maisons et à leurs familles sur le simple soupçon qu’ils pouvaient détenir un renseignement utile dans la guerre contre le terrorisme. Les enquêtes qui ont suivi le scandale médiatique ont objectivé que seuls 10 % de ces insurgés justifiaient d’une détention.
Les militaires chargés du camp
Un bataillon de police militaire est chargé de la garde des sites de détention. À leur tête une femme officier général, première femme générale américaine à avoir un commandement en opération. Ces militaires sont des réservistes. Dans leur majorité ils sont sans expérience de gestion d’une prison, à quoi il faut ajouter qu’ils ne connaissent pas les Conventions de Genève. De toute façon, selon une volonté du département d’État à la Défense, la dénomination d’« insurgés » permet de les soustraire au droit international. À partir du moment où les règles qui disent le statut et les droits de ces détenus sont flous, les consignes de service données aux militaires qui en assument la charge sont tout aussi floues. Ils sont censés sécuriser les bâtiments et les personnes contre les dangers de l’extérieur – les attaques des miliciens – et ceux de l’intérieur du camp – les rébellions et les tentatives d’évasion.
Ils ne sont pas formés à la collecte du renseignement et cela n’est pas leur charge. Celle-ci est l’affaire d’autres militaires spécialisés et de civils de la cia. Ils vont et viennent dans la prison pour interroger les détenus. La police militaire ne les assiste que pour conduire les insurgés dans les salles d’interrogatoire et les ramener dans leur cellule ensuite. Les policiers militaires reçoivent cependant de ces personnels chargés du renseignement la consigne d’« assouplir » les détenus, c’est-à-dire de les préparer aux interrogatoires en diminuant leur résistance morale. Une note du département de la Défense explicite ce que peut être cette préparation : un régime alimentaire particulier, la privation de sommeil, l’exposition lumineuse permanente, l’exposition à des bruits intenses. On définit ainsi un genre, mais aucunement une mesure. À chacun d’apprécier selon ce qu’il estime régulier de faire. L’erreur a été de penser que chacun pouvait se référer à son jugement éthique.
Contraintes de la vie ordinaire
Les membres de la police militaire sont très vite en difficulté. Chaque jour s’entassent davantage de détenus, obligés de coucher sous des campements de fortune montés au sein du camp. Ils peuvent y séjourner plusieurs semaines sans avoir une idée du motif de leur détention. Aucun système de justice n’est mis en place. Dans ce lieu, les militaires sont contraints à mal les recevoir : absence d’hygiène, mauvaise alimentation, la vermine et surtout les rats. Le système d’assistance médicale est dérisoire. De toute façon les consultations et les soins se font à heure fixe, au travers du grillage, par la médiation d’un interprète et sous la protection d’un garde, pas autrement.
De nombreux détenus meurent faute de soins appropriés. Mais ils ne meurent pas que de maladie. Presque chaque soir le camp est bombardé au mortier, faisant des morts et des blessés parmi les détenus et les militaires américains. À ces attaques extérieures s’ajoute la menace intérieure avec la violence des détenus : jets de pierre, rébellion, insoumission, cris, crachats, injures… Il n’y a ni répit ni sanctuaire. Le stress des militaires est permanent et partout.
Le « pousse à la cruauté »
Les services de renseignement sont pressés d’obtenir des résultats : les politiques demandent que des preuves de l’existence des armes de destruction massive soient fournies au plus tôt. Ils s’inspirent du camp de Guantánamo et décident d’appliquer à Abu Ghraib les techniques d’interrogatoire qui ont fait leurs preuves sur les détenus du champ de bataille afghan. Ils ordonnent aux membres de la police militaire de « Gitmoizer1 » Abu Ghraib. Il leur est recommandé d’utiliser des méthodes plus efficaces pour épuiser la résistance morale des insurgés, celles qui affectent leur fierté : la nudité, la saleté, les humiliations sexuelles… et celles qui les font craquer en leur imposant un stress prolongé : l’isolement dans le noir, la tête capuchonnée, le maintien durant des heures suspendus par les menottes, la peur des chiens, les menaces de viol…
Alors l’enfer tombe sur le premier étage du site des interrogatoires. Durant quarante nuits, de 16 heures à 04 heures, les détenus sont livrés à l’imagination perverse du sergent Graner. Lorsque les militaires du renseignement ont fini leur journée et laissent les détenus aux mains de leurs geôliers, la cruauté du sergent s’emballe et entraîne ceux qui sont autour de lui. Il met en scène des empilements d’hommes nus, des écrasements, des postures imitant entre eux la sodomie ou la fellation. Il prend des photos par dizaines. Il fait poser les autres militaires, dont la soldate England qui est sa maîtresse. Elle se fait photographier cigarette aux lèvres tenant un homme nu en laisse.
Le petit groupe de militaires colle au sergent Graner devenu en quelques jours leur leader. Les actes commis témoignent de leur régression. Les humiliations portent sur le sexe, l’urine, la défécation. Le sergent Graner photographie les détenus ensanglantés, recouverts de leurs excréments. Il tape aussi. Les coups de poing, de pieds, de bâton sont distribués systématiquement.
Au stade où en était arrivé ce petit groupe isolé et autonome, aucun des protagonistes ne pouvait mettre fin à cette escalade. Pas les détenus qui, plus ils suppliaient leurs bourreaux de leur donner la mort, plus ils leur donnaient la satisfaction de penser qu’ils faisaient bien leur travail. Pas les militaires non plus, pris dans des comportements d’imitation mutuelle, jouissant de voir les autres inventer ou répéter leurs actes sadiques. Ils étaient aveugles à leur propre monstruosité.
Fin de partie
C’est par un intervenant de l’extérieur que les conduites de cruauté vont prendre fin. Un soldat nouvellement affecté à Abu Ghraib vient rejoindre le groupe de la police militaire. Il est tout de suite choqué, mais il n’ose pas réagir immédiatement de peur de tourner contre lui la violence de ses camarades. Il fait clandestinement une copie des cd de photos de Graner, les met dans une enveloppe anonyme et glisse le tout de nuit sous la porte du bureau d’un officier chargé des investigations criminelles.
Rapidement une enquête interne est lancée. Quelques semaines plus tard les médias publient les photos et le scandale éclate. L’armée et la population américaine éprouvent ensemble une même honte. Ils vont réagir par une démonstration de rapidité et d’efficacité dans l’enquête et les sanctions infligées. En moins d’un an tout est bouclé. Plus de vingt militaires sont condamnés à des peines échelonnées selon leurs crimes et leurs responsabilités. Graner est condamné à dix années de réclusion en forteresse, la condamnation la plus lourde. Le plus haut gradé, la femme officier général qui commandait le bataillon de police militaire, est rétrogradée au rang de colonel et mise d’office à la retraite.
Mais au-delà du procès qui définit des coupables et leurs punitions, les gens veulent comprendre. Comment cela a-t-il été possible ? Comment ces jeunes Américains, élevés selon les standards éducatifs de leur nation autour des valeurs du respect de la liberté et de la dignité d’autrui, ont-ils pu se conduire ainsi ?
Des éléments de réponse avaient déjà été apportés dans les années soixante par deux professeurs de psychologie américains.
Deux leçons de psychologie expérimentale
« J’aimerais tant en savoir plus sur le mal2. »
Au milieu des années 60, le concept qui intéresse les psychologues est celui de « la banalité du mal ». C’est une notion développée par Hannah Arendt après qu’elle eut assisté au procès du criminel nazi Eichmann, grand ouvrier de l’extermination des populations juives d’Europe. Elle avait constaté que cet homme n’était pas le monstre attendu. Elle avait face à elle une personne banale, moyennement intelligente, qui avait conduit son entreprise génocidaire sans haine, mais uniquement avec le souci et la méthode de celui qui veut donner satisfaction à l’autorité qui lui avait commandé son travail. Eichmann n’était finalement qu’un fonctionnaire sérieux et appliqué à sa tâche, concentré sur son travail, n’ayant jamais cherché à se poser des questions de fond, jamais encombré du moindre conflit éthique quant à la finalité du système qu’il mettait en place. Il n’était qu’un maillon de la chaîne, un simple élément d’une mécanique complexe. Il n’incarnait pas le mal ; on ne pouvait pas réduire sur lui seul la cruauté de l’extermination de millions de personnes. Le mal était dans la structure même du système qu’il avait servi avec zèle et soumission.
Tortionnaire sur ordre
Stanley Milgram étudie la soumission à l’autorité. Il publie une petite annonce dans le journal local : « cherche volontaire pour une expérience de psychologie ». La note précise que l’expérience doit durer environ trois heures et que le volontaire recevra à l’issue une petite rémunération.
Il est établi d’emblée que le volontaire est piégé. Milgram lui fait croire qu’ils sont deux : un testeur et un testé. Par un tirage au sort truqué, le rôle de testeur est systématiquement attribué au volontaire ; le faux testé est un acteur qui fait partie de l’équipe du laboratoire de psychologie.
Un scientifique en blouse blanche indique au volontaire qu’il s’agit d’évaluer si la mémoire peut être améliorée chez un sujet lorsque celui-ci sait que chaque erreur est sanctionnée par une punition. Le volontaire doit donc lire une association de mots que le faux cobaye doit faire semblant d’apprendre. Le volontaire interrogera ensuite ce faux cobaye et devra lui infliger des chocs électriques d’intensité croissante au fur et à mesure de ses erreurs. Il a devant lui un tableau fait de plusieurs manettes qu’il pousse les unes après les autres. Elles sont graduées des indications « choc léger » à « choc intense ». Le dernier tiers des manettes est signalé en rouge avec l’indication « danger – risque vital ». Le volontaire croit qu’il délivre réellement des chocs électriques, mais tout cela est factice. Le vrai cobaye de cette expérience, c’est le testeur.
L’objectif avéré de ce montage est de répondre à la question suivante : jusqu’où une personne peut-elle aller à infliger une souffrance à une personne qu’elle ne connaît pas et qui ne lui a rien fait ? Milgram reproduit cette expérience auprès de plusieurs dizaines de personnes. Il introduit des variantes de situation. Au final le constat est sans appel. La soumission à l’autorité peut conduire des personnes normales à des comportements cruels sur autrui. Près des deux tiers des volontaires sont allés jusqu’au bout, disciplinés, obéissant aux ordres, acceptant de délivrer les chocs électriques les plus intenses, sans s’opposer aux consignes des scientifiques. Milgram conclut qu’une personne ni spécialement bonne ni spécialement mauvaise, une personne « comme tout le monde », peut aller très loin dans la cruauté de son acte parce qu’elle n’est plus en mesure de voir cette cruauté, déplaçant la question du conflit éthique sur la personne à côté de lui qui commande de poursuivre l’expérience malgré les supplications du faux cobaye.
La démonstration est faite que dans des conditions particulières tout individu peut devenir le tortionnaire d’un autre sans que son sens moral ne provoque un conflit entre ce qu’il accomplit et les nobles valeurs auxquelles il croit.
En chaque homme se tient une victime ou un bourreau
Quelques années plus tard, un autre psychologue nommé Philip G. Zimbardo monte une nouvelle expérience. Il recrute par petite annonce une vingtaine d’étudiants volontaires au sein du campus de l’université de Stanford. Il transforme le sous-sol de son service pour l’aménager comme une vraie prison. Par tirage au sort la moitié des volontaires est désignée pour être les condamnés, l’autre pour être les gardiens ; ils ne savent pas quand exactement débutera l’expérience. Il s’agit de reproduire dans les conditions les plus réalistes possibles les mouvements psychologiques individuels et collectifs au sein d’une prison. L’observation est prévue pour se dérouler sur quinze jours. Lorsqu’il choisit de faire démarrer l’expérience, il obtient du shérif local qu’il procède à l’arrestation manu militari des volontaires désignés pour être prisonniers. Ils sont arrêtés par surprise chez eux. Ils sont conduits à la prison où ils sont tondus, mis à nus, lavés et épouillés, puis enfermés dans leurs étroites cellules.
Zimbardo s’est entouré d’un ancien gardien et d’un ancien détenu qui le conseillent pour reproduire le climat d’une prison. Il met en place une série de manœuvres qui favorisent la suspicion et donc la division chez les prisonniers. L’énorme surprise de son expérience est qu’en l’espace de seulement trois jours, la personnalité des détenus s’est complètement effondrée. Ils se soumettent totalement à l’expérience comme si elle était maintenant devenue vraie. Ils présentent les signes physiques et psychiques d’un stress important. Ils acceptent passivement les contraintes, puis les frustrations, puis les brimades. Lorsqu’un prêtre les visite, ils confient toutes leurs fautes. Ils sont convaincus qu’ils ne pourront pas sortir de cette situation dans laquelle ils se sentent invinciblement piégés. Ils réclament et obtiennent l’assistance d’un avocat. Comme le prêtre et l’avocat jouent le jeu, les volontaires sont devenus dans leur psychisme de vrais détenus. Ils acceptent tout. Ils se soumettent à l’arbitraire de la situation dans laquelle ils ont été jetés. Ils croient tout ce qui leur est dit. L’un d’entre eux débute un épisode dépressif sévère.
Dans ce même mouvement, les gardiens sont devenus hostiles, suspectant les détenus de planifier une évasion ou une rébellion. Eux aussi se prennent à leur propre jeu. Chaque jour ils mettent plus de sévérité dans leur comportement. Au troisième jour ils appliquent systématiquement des brimades physiques. Dès la troisième nuit ils accomplissent les premiers sévices, d’humiliation sexuelle. La cruauté s’est installée et le mal s’est banalisé sur le site. À aucun moment n’apparaît chez un gardien le moindre recul autocritique sur ses actes.
Zimbardo observe cela et enregistre tout. Lui-même n’est pas en état de s’opposer aux dérapages qui se produisent dans son service. Il est pris au jeu, à son propre jeu. C’est une étudiante de troisième année qui passait par là pour observer à son tour cette expérience qui tire le signal d’alarme. « C’est inacceptable ! » ose-t-elle déclarer à son professeur. Cette remarque dissonante sort Zimbardo de la situation de torpeur morale dans laquelle il était devenu incapable de raisonner. Il comprend que ces dérapages ne surviennent pas malgré lui mais à cause de lui. Son sens moral se « réveille » et il suspend immédiatement l’expérience. En quelques heures tout le système qu’il avait construit est démonté. Cela n’aura finalement duré que sept jours.
Il conclut qu’en situation extrême chaque personne peut rapidement se transformer : les uns étaient devenus les victimes soumises et les autres les bourreaux cruels qui infligeaient le mal…
Troisième partie : le décrochage du sens moral
Après coup, chacun put dire que les dérapages d’Abu Ghraib étaient prévisibles. Mais personnes n’a pu le dire avant. Il convient d’être inquiet de cette évidence : nul ne peut dire que cela ne se reproduira plus. Il est même certain que cela se reproduira, autrement, ailleurs. La bonne question est : saura-t-on le repérer assez vite ?
Cela passe par deux étapes : au préalable se convaincre de cet aspect voilé et effrayant de la nature de l’homme et ensuite identifier les conditions qui favorisent le développement de ces exactions.
La révolution freudienne
On a dit que trois hommes avaient, dans l’histoire, réduit les prétentions égocentriques et narcissiques des êtres humains. Galilée a proclamé que la terre tournait autour du soleil. Darwin a établi que l’homme descendait du singe. Freud a postulé que l’enfant était un pervers polymorphe, animé entre autre par des pulsions sadiques.
Dans son développement psychologique, l’enfant fait précocement l’expérience du mal. Cela se produit au moment de l’apparition des premières dents et la découverte du phénomène de morsure. Il peut faire mal quand il mord et il peut aussi avoir mal lorsqu’il est mordu. Dans ses premiers espaces de socialisation, en famille puis à l’école, il apprend à connaître sa violence et celle des autres. Lorsque son développement se déroule normalement, par son éducation et ses expériences, il apprend à maîtriser ses pulsions agressives. Mais celles-ci ne disparaissent pas pour autant et il faut finalement peu de chose pour qu’elles réapparaissent. Les experts ont établi que Graner n’avait rien d’un malade mental. Tout au plus était-il plus violent que les autres, ou avait-il un rapport au mal moins maîtrisé. Explicitement désigné pour « amollir » les détenus, il a été dépassé par ses pulsions sadiques et il ne s’en est pas rendu compte. Et aucun de ceux qui étaient avec lui dans le même environnement ne s’en est rendu compte ; c’est de l’extérieur que le signal d’alarme a été tiré.
Dans des conditions définies, un système social peut forcer une personne « bonne » à commettre les actes les plus cruels. Penser à soi en se disant qu’on est à l’abri de tels dérapages est une grave erreur. Finalement, parmi les personnes qui font chuter nos illusions narcissiques, après Galilée, Darwin et Freud, on peut ajouter Milgram et Zimbardo.
Les conditions favorisantes
Les facteurs d’environnement qui favorisent le décrochage du sens moral sont multiples. Il n’existe pas d’inventaire fini dans ce domaine. Chaque drame humain en apporte de nouveaux. Voici ceux qui apparaissent à l’analyse de la situation à Abu Ghraib.
La perte des repères identifiant chaque individu
Dans la prison, il n’y a plus d’individus nommés et identifiés. Les noms et les fonctions de chacun ont été effacés. Pour les gardiens, les détenus n’ont plus de nom et sont désignés par des numéros. Ils doivent répondre à l’appel de leur numéro et se nommer par celui-ci. Leur fonction au sein de leur famille et de leur groupe social a été abolie. Ils sont détenus, prisonniers, voués à l’attente, à l’inaction et à l’interrogation. Pour certains, cette perte de l’identité a été renforcée par l’emploi de surnoms comiques et dégradants.
Pour les détenus, les gardiens non plus n’ont pas de nom. Leur bande patronymique a été masquée avec un adhésif noir, pour qu’ils ne soient pas identifiables et éviter les risques de représailles. Leur rôle social aussi a été temporairement effacé : quels que soient leur métier et leur emploi dans la vie civile antérieure, pendant leur année de réserviste leur identité est escamotée derrière une fonction standardisée de policier militaire et un uniforme identique.
Lorsqu’une personne pense qu’elle ne sera pas identifiée, sa tendance à la transgression est renforcée. Laquelle d’entre elles pouvait penser que ses proches verraient un jour des images de ce qu’ils étaient là-bas et de ce qu’ils faisaient ? S’ils avaient pu à un moment ou à un autre se représenter que quelqu’un d’extérieur pouvait les voir, ils se seraient conduits autrement. C’est un peu le principe du carnaval où le port du masque permet toutes les licences. Celui qui pour un temps n’a pas à répondre de son identité perd le contact avec ses repères éthiques. Il y a un rapport étroit entre l’identité d’une personne et son comportement moral. Chacun se comporte comme il se reconnaît vis-à-vis des autres : qu’il masque son nom et ses pulsions se déchaînent.
La déshumanisation de la victime
C’est plus que l’identité qui est enlevée au prisonnier. Il perd aussi son humanité. Il est avili, nu comme un animal, voué à l’obéissance ou au châtiment. Sa raison d’être est de produire du renseignement comme d’autres produisent du lait ou de la laine. Son régime de vie est très dégradé. Il vit dans des conditions d’hygiène déplorables.
Il existe un mouvement psychologique commun appelé « l’identification à la victime ». D’une manière générale cela veut dire que celui qui apprend un malheur survenant à autrui essaye de se représenter comment il serait s’il se trouvait dans la même situation. À Abu Ghraib, les policiers militaires ont probablement eu ce premier mouvement d’identification à la victime, puis ça leur est devenu intolérable car cela a généré en eux un fort sentiment inconscient de culpabilité, de menace et d’angoisse. La seule solution devant cette contrainte psychique a été de ne plus considérer les détenus comme des personnes mais comme des choses. Déchus de leur humanité, les prisonniers sont tombés dans le registre des objets. Ils peuvent être traités et comptés comme tels, ce qu’ils vivent n’est plus éprouvé par leurs gardiens. Ils peuvent les traiter de façon très dégradée sans que le sens moral ne soit heurté.
Il faut ajouter que la situation logistique les a contraints à exercer sur leurs prisonniers une maltraitance en matière de santé et de sécurité ; à savoir devoir vivre dans la promiscuité et sans hygiène, l’exposition aux intempéries, la non-protection contre les dangers extérieurs, une alimentation malsaine, etc. Dès lors, confrontés tous les jours à leurs propres interrogations éthiques devant ces maltraitances de base et le spectacle des détenus qui mourraient sans soins, les policiers militaires ont eu à éteindre en eux les questions morales que cette situation faisait surgir.
La justification des représailles
Au moment des faits, l’affaire « Jessica Lynch » avait été à son paroxysme médiatique. Aux premières heures de l’invasion de l’Irak cette jeune soldate avait été faite prisonnière par les forces irakiennes. Son convoi s’était engagé sur une mauvaise route pour finir dans un camp militaire ennemi. Après un court échange de coups de feu, elle avait été faite prisonnière puis emmenée dans un hôpital irakien pour des soins. Se conformant aux Conventions de Genève, le chirurgien qui l’avait opérée de sa fracture de jambe était lui-même entré en communication avec les autorités américaines pour les informer de la situation et proposer un rapatriement. Les militaires américains avaient alors monté une opération factice de sauvetage commando par hélicoptère. Les commandos avaient tiré avec des balles à blanc. Cela a été filmé et immédiatement diffusé dans les médias. Les journalistes dupés ont décrit Jessica Lynch comme une héroïne qui s’était battue avec courage jusqu’à l’épuisement de ses munitions. La rumeur courait qu’elle avait été violentée… Tout cela a été par la suite démenti par l’intéressée elle-même une fois qu’elle fut rendue à la vie civile. Mais entre-temps, sur le terrain, les policiers militaires ont pu penser qu’ils avaient, selon la loi du talion, une justice à rendre…
La falsification du rapport à la vérité
Ces faux-semblants ont été répétés. Un exemple qui a été largement reproduit et commenté dans les médias est celui de la mort d’un détenu irakien. Les militaires américains du renseignement ont battu à mort ce détenu, puis ont demandé à un auxiliaire sanitaire de poser une perfusion sur le cadavre pour faire croire que son décès était survenu suite à une cause médicale et malgré la réanimation mise en œuvre.
La falsification du rapport à la vérité est une dimension hautement favorisante du décrochage du sens moral. Fausses preuves de l’existence des armes de destruction massive, fausse affaire Jessica Lynch, faux soins, faux certificats, faux comptes rendus… Ces falsifications entraînent inévitablement une perte de la norme, un effacement des repères moraux qui donnent un cadre éthique aux comportements humains.
Même les mots ont été travestis. Il y a eu un usage systématisé des euphémismes. Par exemple formuler qu’un détenu avait été « préparé » signifiait qu’il avait été soumis à diverses cruautés avant la séance d’interrogatoire. En 2002, le conseiller pour la Justice avait rédigé un mémoire à l’intention du président américain dans lequel il définissait la limite conceptuelle de la torture : « ne peut être désigné comme torture qu’un acte causant une douleur équivalente à la perte définitive d’une fonction corporelle ou équivalente à celle d’une amputation3 ». Le mot « torture » n’a jamais été employé dans le procès des policiers militaires d’Abu Ghraib, uniquement celui de mauvais traitements4. En matière de dérapage éthique, la pratique des euphémismes peut constituer le premier signe du décrochage du sens moral.
L’anomie et l’impunité
L’anomie est, selon le Larousse, l’état de désorganisation, de destructuration d’un groupe, d’une société, dû à la disparition partielle ou totale des normes et des valeurs communes à ses membres. Au moment des faits, aucun policier militaire ne pouvait s’imaginer devoir un jour rendre compte de ses comportements. Ils étaient dans un autre monde, hors norme, hors cadre, sans loi. Dans les éléments qui ont causé cet état d’anomie, on peut repérer l’absence de connaissance des Conventions de Genève, l’absence de préparation des militaires aux tâches qu’ils ont eu à accomplir dans la prison, ainsi que l’absence d’une instance permanente de surveillance et de contrôle de proximité.
Un huis clos sous pression
Dans cette affaire il y a aussi le huis clos et le stress. La menace était dehors comme dedans. Les policiers militaires étaient eux aussi, d’une certaine manière, enfermés dans le système carcéral d’Abu Ghraib, sans pouvoir mentalement en sortir.
Fort probablement, s’ils avaient pu sortir, rencontrer d’autres personnes, échanger avec ceux de l’extérieur des conversations banales comme on peut en avoir régulièrement sur soi et sur sa vie, ils auraient pu réaliser l’horreur de la situation dans laquelle ils avaient progressivement glissé.
Un fonctionnement groupal archaïque
La bande des policiers militaires à Abu Ghraib n’était plus régie par les règles de fonctionnement classique de la vie militaire : ordre, discipline, frugalité et dévouement. En l’absence de la supervision d’un chef, le fonctionnement du groupe avait régressé au niveau de la meute. Ils étaient soumis à l’influence d’un chef de bande. Deux femmes présentes sur le site ont été ses maîtresses ; cela illustre bien cette dégradation de l’organisation du groupe, tombé sous la seule influence d’un personnage masculin dominant. On sait aussi que dans ce type d’organisation sociale dégradée, pour asseoir son pouvoir et son emprise sur les autres membres de la communauté, le dominant est poussé à faire régulièrement la démonstration de sa puissance.
L’ensemble de ces facteurs a donné, à ce moment et dans ce lieu, cette configuration sociale bien particulière que l’on peut appeler « le pousse à la cruauté » qui peut transformer une personne banale en un instrument du mal que rien ne régule.
Ne pas rester sur un angélisme de principe et préparer ses personnels
Pour être averti du risque de décrochage du sens moral, il faut d’abord être soi-même convaincu de la dynamique du mal pour ensuite en convaincre les autres. La bonne mesure serait de faire une leçon sur ce qui s’est passé à Abu Ghraib et introduire cette leçon dans les enseignements proposés aux jeunes cadres des armées.
Il faudra vaincre des réticences pour parvenir à cela. Galilée, Darwin et Freud eurent à se défendre contre les violentes attaques dirigées contre eux après qu’ils eurent fait leurs observations. Mais on peut être sûr d’une chose : rester sur un angélisme de principe et penser que nous-mêmes et nos personnels sommes à l’abri de commettre des comportements cruels est probablement le premier facteur de fond propice à la reproduction des dérapages éthiques.
Inscrire dans les programmes de formation un débat sur le décrochage du sens moral
On peut insérer dans le cursus de formation des futurs cadres des armées, officiers et sous-officiers, un cours et un débat sur ce thème. Ce cours pourrait reprendre la construction de cet exposé : montrer Abu Ghraib au fil des jours sans commentaire, revenir aux deux expériences de psychologie expérimentale de Milgram et de Zimbardo, analyser les facteurs de décrochage du sens moral puis ouvrir un débat sur les actions de commandement susceptibles de prévenir ce type de dérapage.
Cela peut aussi se faire à partir de témoignages individuels. Les incidents militaires de l’armée française les plus médiatisés ne sont pas forcément ceux qui sont le plus propices à un tel enseignement. Il existe différents documents vidéo faciles à se procurer ; un des plus riche sur ce thème est le documentaire de Patrick Rotman intitulé L’Ennemi intime construit sur les témoignages d’anciens combattants de la guerre d’Algérie où chacun, quarante ans après, reconstruit le cheminement qui l’a amené à commettre des actes cruels5.
Une vigilance soutenue sur le terrain
Comment anticiper les situations exposant au risque de décrochage du sens moral. Si l’on se réfère aux incidents observés ces dernières années au sein des forces appartenant à l’otan, on peut construire une liste des paramètres caractérisant les situations à risque pour un groupe militaire : l’isolement prolongé, le confinement, l’éloignement hiérarchique, la contrainte à gérer seuls l’environnement de personnes civiles démunies et dépendantes, le défaut de moyens logistiques pour gérer des réfugiés ou des détenus, la difficulté à distinguer la menace au sein de ces personnes civiles…
Ne pas laisser sur une longue durée les militaires exposés et agir sur l’encadrement
Une mesure efficace serait de faire tourner les effectifs sur des périodes brèves et renouvelées afin d’éviter les phénomènes de glissement éthique.
Une autre serait aussi de mixer les unités ressources afin d’éviter les effets de bande et multiplier la circulation de personnes susceptibles de tirer le signal d’alarme.
Peut-être aussi faut-il augmenter le nombre des personnels d’encadrement, c’est-à-dire augmenter la pression hiérarchique sur les personnels dédiés à la gestion des détenus.
Faire fonctionner les instances de contrôle, militaires et internationales
C’est une mesure beaucoup plus difficile à établir. Chaque guerre a amené la Croix-Rouge internationale à définir de nouveaux standards pour répondre aux failles des textes passés et les nouvelles Conventions ressemblent parfois à une bonne conscience après coup.
Il ne faut pas penser que le droit international suffit : il faut aussi des instances neutres, puissantes et actives pour le faire respecter. On sait que dans l’affaire d’Abu Ghraib les rapports de la Croix-Rouge ont été précis sur les dérapages dans les prisons irakiennes trois mois au moins avant la survenue du scandale. Il faut savoir multiplier le recours aux indicateurs des dérapages éthiques et faire circuler au plus haut niveau les rapports de la Croix-Rouge ou ceux d’Amnesty International.
On peut imaginer aussi des instances de contrôle militaires indépendantes des forces déployées sur le terrain. Le contexte moderne des missions internationales, des opérations de police et des actions auprès de populations civiles mêlées aux actions de combat est favorable à ces perspectives. Des pays d’Europe du Nord comme les Pays-Bas ont déjà beaucoup travaillé sur ce sujet et il est prévu très prochainement la création d’un groupe de travail otan dédié à ces questions.
Au-delà des effets de discours et des bonnes intentions c’est dans la réflexion commune et une mise au travail de chacun que peuvent s’élaborer des avancées sur ce problème. Soyons convaincus qu’aussitôt que notre attention se relâchera les dérapages éthiques se développeront, c’est un point irréductible de la nature humaine.
Synthèse Patrick clervoy
Chaque homme a en lui autant de potentiel de fraternité que de haine. Pris dans les conditions extrêmes de son engagement, un soldat peut montrer de lui le meilleur comme le pire. Par l’ampleur de son retentissement médiatique, le scandale d’Abu Ghraib a paru constituer une surprise tant la communauté militaire américaine fut choquée, mais les conduites observées étaient hautement prédictibles. Voilés ou révélés, ces dérapages ont existé en bien d’autres temps et d’autres lieux.
Il est étonnant que dans leur planification des opérations en Irak, les spécialistes américains n’aient pas retenu les brillantes démonstrations de psychologie expérimentale faites dans leurs universités dans les années 1960 et qui montraient qu’un homme normal placé dans des conditions particulières peut avoir des comportements cruels par extinction de son jugement moral.
Les faits sont incontestables : l’éthique peut faire défaut chez un soldat, quelles que soient ses qualités. Les militaires impliqués dans le scandale d’Abu Ghraib étaient des personnes normales. Il se trouvait au milieu d’eux des personnes au comportement moral jusque-là remarquable, mais la situation dans laquelle ils ont été placés les a invinciblement conduits à ce qu’ils ont fait. Ce n’est qu’après coup que l’aspect choquant de leur conduite leur est apparu.
La seule vraie prévention de ce phénomène relève du commandement par une action d’information et de surveillance. Plusieurs pays de l’otan ont inclus dans leurs académies militaires un enseignement sur les situations dans lesquelles peut se produire ce problème désigné aujourd’hui sous le terme anglais de moral disengagement et dont la traduction française adéquate serait le « décrochage du sens moral ».
Traduit en allemand et en anglais.
“I am searching for this crucial region
of the soul where absolute evil meets fraternity”
André Malraux, Lazare
During the us war of independence, general officers were indignant towards george washington about the cruel treatment and expeditious sentences handed out to soldiers on their side that fell prisoner to english forces. they asked how they were to treat english prisoners. george washington’s response was in keeping with a formula known today in all schools in america: “treat them with respect and dignity, since it is for these values that we are fighting. if we do not treat them thus, we will lose the moral values of our struggle”.
Warning:
The events that took place at Abu Ghraïb prison have been used here because they are at the centre of a complete investigation by US military authorities, and because the accounts obtained during this investigation have been widely broadcast in the US media, and this are of use in the psychological analysis of the phenomena of moral disengagement. It is a credit to the United States of America that it has reacted to these events so quickly and with such transparency. It is clear that this type of loss of control cannot be attributed more to one country than another or one culture more than another; war studies and the history of humanity show that unfortunately, these phenomena are not limited to a single period in time.
What went on at Abu Ghraïb?
A geopolitical and strategic context
US forces completed their conquest of Iraq in September 2003. Their technological superiority ensured their rapid success, and they had to capitalise on the effects of their victory as soon as possible. At the time, they still thought that weapons of mass destruction were hidden in the country. Their mission, then, was to find these weapons as soon as possible and dismantle the networks that supposedly provided support to international terrorism.
This was the best time to obtain intelligence. The US army arrested large numbers of civilians each day, not only armed militia but also anyone who refused to cooperate with them. They were known as “insurgents” and held in Iraqi prisons.
The prison and its population
Abu Ghraïb is a vast prison complex located on the outskirts of Baghdad. This prison already had a sinister reputation: Saddam Hussein locked up, tortured and sometimes eliminated political opponents there.
At the end of 2003, this centre held two types of inmates:
common law prisoners, most of whom had been imprisoned for various crimes such as theft, rape and murder. These inmates were serving terms of imprisonment handed down by regular courts during the Baathist regime. Already in prison by the time the Americans arrived, they had become used to being surrounded by violence. They make weapons out of a tool, stone or stick, and are particularly dangerous.
the insurgents were adult males of all ages and from all social backgrounds, some of whom no doubt were arbitrarily taken from their homes and families based on the mere suspicion of withholding information that could be useful in the war on terror. Investigations that followed the scandal in the media revealed that there was justification for the detention of just 10% of these insurgents.
Soldiers responsible for the camp
A military police battalion was responsible for guarding detention sites. The battalion was led by a female general officer, the first female general to be in command during an operation. These soldiers were reservists. Most of them had no experience in prison management; moreover, they were not familiar with the Geneva conventions. In any case, according to one volunteer from the Department of Defence, the label of “insurgents” meant that their treatment is not governed by international law. When rules that stipulate the status and rights of these inmates become vague, instructions given to soldiers responsible for them also become vague. They were supposed to protect buildings and persons from dangers from outside – attacks by militias – and inside the camp – uprisings and escape attempts.
They were not trained to gather intelligence, nor was it their role: this is the role of other specialist soldiers and civilians from the cia. They come and go from the prison to interrogate the inmates. The military police did not assist them, other than to handle insurgents in the interrogation rooms and return them to their cells. However, military police received from this personnel responsible for intelligence orders to “soften up” inmates, i.e. prepare them for interrogation by reducing their morale. A note from the Defence Department explains what this preparation can entail: a particular dietary regime, sleep deprivation, permanent exposure to light and exposure to loud noise. Thus, one can define an approach, but in no way a measure. It was left to each individual to evaluate what was appropriate. It was here where the error lie: to believe that everyone could rely on their ethical judgement.
Constraints of ordinary life
Members of the military police very soon found themselves in difficulty. Each day more inmates were squeezed into the prison, forced to sleep under campsites set within the camp. They could remain there for several weeks without the faintest idea of the reasons for their detention. No justice system was put in place. Soldiers are forced to treat them poorly: an absence of hygiene, poor food, vermin and in particular, rats. The medical assistance system is derisory. In any event, health consultations and care are provided at fixed hours through a wire mesh, with the assistance of an interpreter and with the protection of a guard only.
A number of inmates died due to a lack of proper care. However, they die but not from illness alone: almost every evening, the camp comes under mortar attack, resulting in death and injury to the inmates and members of the US military. In addition to these attacks from the outside, inside there is the threat of violence from the inmates: stones being thrown, uprising, insubordination, screaming, spitting, injuries, etc. There is no respite, no sanctuary. The stress experienced by soldiers is ongoing and everywhere.
The “progression towards cruelty”
Intelligence services were under pressure to achieve results: politicians demanded that evidence of the existence of weapons of mass destruction be produced as soon as possible. They were inspired by the camp at Guantanamo Bay and decided to implement at Abu Ghraïb the interrogation techniques that produced results on inmates from the battlefield in Afghanistan. They ordered members of the military police to “Gitmoize”1 Abu Ghraïb. It was recommended to them that they use the most effective methods to wear down the morale of the insurgents, those that affect their pride (nudity, filth, sexual humiliation, etc.) and those that make them crack by imposing prolonged stress: isolation in darkness, heads covered in a hood, hours spent handcuffed, fear of dogs, threats of rape, etc.
Thus, hell was on the first stage of the interrogation site. For 40 nights between 16:00 and 04:00, inmates were left to the mercy of the perverse imagination of sergeant Graner. With the intelligence officers having finished their shift and left the inmates in the hands of their jailers, the cruelty of the sergeant built up and carried those around him away with it. He staged the piling of naked men on top of each other, the crushing of inmates, postures reminiscent of sodomy and fellatio. He took photos by the dozen and had other soldiers pose for photos, including his partner, private England. She posed with a cigarette to her lips and a naked man on a chain.
The small group of soldiers with sergeant Graner became their leader in several days. The acts committed are testament to their regression. Inmates were subjected to sexual humiliation, urination and defecation. Sergeant Graner photographed bloodied inmates, covered in their own excrement. He also taped such scenes. Inmates were also systematically punched, kicked and battered with sticks.
By the time this small, isolated, autonomous group arrived, none of the protagonists could put an end to this escalation. Not the inmates who, the more they implored their torturers to end their lives the greater the satisfaction they gave them thinking they were doing their job well. No longer the soldiers, who engaged in mutual imitation and who enjoyed seeing their fellow soldiers invent new sadistic acts or repeat their own. They were blind to their own monstrosity.
End of the party
It was due to a person from the outside that the cruelty would come to an end. A soldier recently posted to Abu Ghraïb had just joined the group of military police. He was immediately taken aback, but dared not react straight away out of fear that his fellow soldiers would turn on him with violence. He clandestinely made a copy of the cds containing sergeant Graner’s photos, put them in an anonymous envelope and, under the cover of darkness, slid them under the door of an officer in charge of criminal investigations.
An internal inquiry was quickly launched. Several weeks later, the photos were published in the media and the scandal broke. The army and the American people felt the same sense of shame. They would react with a demonstration of speed and efficiency in the inquiry and punishments meted out. In less than a year, the matter was settled: more than 20 soldiers were given sentences that varied in length according to their crimes and responsibility. The heaviest penalty was reserved for Graner: he was given 10 years’ prison in a fortress. For the person who had reached the highest level, the general officer in command of the military police battalion was demoted to colonel and was officially discharged.
Apart from the trial that determined who the guilty parties were and their punishment, however, there are still questions that have not been answered. How was this possible? How could young Americans, raised according to the educational standards of their nation based on the values of respect for freedom and the dignity of others, behave in such a manner?
Part of the answers to these questions had already been provided in the 1960s by two American psychology professors.
Two lessons in experimental psychology
“I would love to know more about evil”2
In the mid-1960s, what interested psychologists was the concept of “the common occurrence of evil”. This concept was developed by Hannah Arendt after she attended the trial of Nazi war criminal Eichmann, architect of the extermination of Jews in Europe. She found that this man was not the monster he was expected to be. Before her was an average person of average intelligence who had conducted his genocidal enterprise without hate, but only with the care and method of a person who wishes to provide satisfaction to the authority that has ordered him to perform a task. In the end, Eichmann was no more than a serious, diligent official focussed on his work who had never thought to ask himself substantive questions, never encumbered with the slightest ethical conflict in regard to the purpose of the system he had put in place. He was nothing more than a link in the chain, a mere component in a complex mechanism. He was not evil incarnate; one could not attribute the cruelty of the extermination of millions of people to him alone. The evil was in the structure of the system itself that he had served with zeal and submission.
Torturer on order
Stanley Milgram has studied submission to authority. He placed a small advertisement in the local newspaper: “Seeking volunteer for a psychological experiment”. The advertisement states that the experiment will last around three hours, and that the volunteers will be paid a small sum for their time.
It was immediately established that the volunteer was trapped. Milgram had the volunteer believe that there were two: a tester and a testee. Using an impostor, the volunteer was automatically given the role of tester; the fake testee was an actor playing the role of a member of the psychology laboratory team.
A scientist in a white coat explains to the volunteer that the aim of the exercise is to assess whether the memory of a subject can be improved when the subject is aware that each error is followed by a punishment. The volunteer must read a word association that the fake guinea-pig must learn. The volunteer then interrogates the fake guinea-pig and administers electric shocks that increase in intensity with each error. In front of him is a table with several levers one after the other. Measures increase from “light shock” to “intense shock”. The last third of levers is marked in red with the words “Danger – Risk of death”. The volunteer believes that he is in fact delivering electric shocks, but this is all fiction. The real guinea-pig in this experiment is the tester.
The aim of this setting is to provide an answer to the following question: just how far will a person go to inflict suffering on a person they do not know and who has done nothing to them? Milgram duplicated this experiment using several dozen people, introducing situation variants. The end result was conclusive: submission to authority can lead normal people to engage in cruel behaviour towards others. Close to two-thirds of volunteers were to the end disciplined and obeyed orders, agreeing to administer the most intense electric shocks without opposing instructions given by the scientists. Milgram concluded that a person who is neither particularly good nor particularly evil – a person like any other can go to great lengths in the cruelty of their actions as they are no longer able to see this cruelty, moving the question of the ethical conflict within the person alongside the person who gives the order to continue the experiment despite the supplications of the false guinea-pig.
It was demonstrated that under certain conditions, any individual can become the torturer of another without their sense of morality giving rise to a conflict between what he is doing and the noble values that are true to them.
In every man there is a victim or torturer
Some years later, another psychologist named Philip Zimbardo set up a new experiment. With the help of an advertisement, he recruited some 20 student volunteers at the University of Stanford campus. He transformed the basement of his department to fit it out like a real prison. Using a ballot, half of the volunteers were chosen to be convicts, while the other half were made guards; they did not know when exactly the experiment would begin. The objective of the experiment was to reproduce, under the most realistic conditions possible, individual and collective psychological movements within a prison. The observation is scheduled to last fifteen days. When a decision was made to begin the experiment, he was told by the local sheriff that he would arrest volunteers acting as prisoners manu militari style. They were arrested by surprise at their homes and driven to the prison, where they were cropped, stripped, washed and deloused before being locked in their narrow cells.
Zimbardo was surrounded by a former warden and a former inmate, who advised him on how to replicate the atmosphere of a prison. He carried out a series of manoeuvres that encouraged suspicion, and thus division among the prisoners. The great surprise of this experiment was that in the space of just three days, the inmates’ personalities completely collapsed. They submitted completely to the experiment, as though it were now a real-life experience. They showed signs of great physical and psychological stress. They passively accepted constraints, then frustration, then harassment. When they were visited by a priest, they confessed all of their sins. They were convinced that they would not be able to get out of that situation, in which they felt trapped with no hope of escape. They requested and received assistance from a lawyer. As the priest and the lawyer played along, the volunteers, in their minds, became real inmates. They accepted everything. They submitted to the arbitrary nature of the situation in which they had found themselves. They believed everything they were told. One volunteer experienced an episode of severe depression.
At the same time, the guards became hostile, suspecting the inmates of planning an escape or uprising. They also played their role. Each day, their behaviour became more and more severe. On the third day, they began to systematically engage in physical harassment. From the third night they engaged in their first acts of cruelty, which consisted of sexual humiliation. Cruelty had become entrenched and evil had become commonplace on the site. At no time did a guard express criticism of his actions in the least.
Zimbardo observed and recorded all of this. He himself was in no position to oppose the slips that were occurring in his department. He was taken in by the game – his own game. It was a third-year female student who observed around him this experiment and raised the alarm. “This is unacceptable!” she told her professor. This discordant comment shook Zimbardo out of the situation of moral torpor in which he had become incapable of reason. He understood that these examples of a breakdown of ethical standards were occurring despite him, but because of him. His sense of moral behaviour “awoke” and he immediately suspended the experiment. In the space of a few hours, the system he had built up was dismantled. In the end, it only lasted seven days.
Zimbardo concluded that in extreme situations, each person can quickly transform: those who had become submissive victims and the others the cruel torturers who inflicted evil …
Moral disengagement
After the event, it is easy to say that the breakdown of ethical standards at Abu Ghraïb was predictable. But noone could predict the future. It is advisable to be uneasy at this evidence: there is nothing to say that it cannot happen again. Moreover, it is certain that it will be repeated somewhere else. The question to ask is: will it be spotted it in time?
This involves two stages: to be convinced of this warped aspect of human behaviour and be frightened of the nature of Man, and to identify the conditions that favour the development of these exactions.
The Freudian revolution
It has been said that in history, three men have reduced the egocentric and narcissistic claims of humans. Galileo proclaimed that the Earth revolved around the Sun. Darwin established that Man descended from the apes. Freud said that the children were perverse polymorphs, driven, among other factors, by sadistic impulses.
In their psychological development, children have experience of evil at an early age. This occurs when their first teeth appear and they learn to bite. They can do evil when they bite, and can be the victims of evil if bitten. In their first fora for socialisation, in the family then at school, they learn to be aware of their violence and that of others. When they develop normally, through education and experience, they learn to master their aggressive impulses. However, for all that they do not disappear and little is required for them to reappear. Experts have established that Graner did not have a mental illness. At most, he was more violent than the others or had less control over his evil impulses. Explicitly appointed to “soften up” inmates, he was overcome by his sadistic impulses and he failed to realise this. Nor did any of those who were with him in the same environment realise; it was from the outside that the alarm was sounded.
Under particular conditions, a social system can force a “good” person to commit the cruellest of acts. To consider and tell oneself that one is protected from such declines in ethical standards is a serious error. Thus, among the people who have shattered our narcissistic illusions after Galileo, Darwin and Freud, we can add Milgram and Zimbardo.
Favourable conditions
There are various environmental factors that favour moral disengagement. There is no complete list of such factors; each human drama adds new factors to the list. Here are those that became apparent during the analysis of the situation at Abu Ghraïb.
The loss of reference points that identify each individual
In prison, there are no longer named and identified individuals; the names and functions of each individual are erased. For the guards, the inmates no longer have a name and are referred to by number. They must respond when their number is called and refer to themselves by that number. Their role within their family and social group has been abolished. They are inmates, prisoners devoted to waiting, inaction and interrogation. For some, this loss of identity has been compounded by the use of comical and degrading nicknames.
For the inmates, the guards have no name. Their patronymic group had been masked with a black adhesive, so that they could not be identified and in order to avert the threat of reprisals. The social role is also temporarily erased: regardless of their previous profession and employment in civilian life, during their year as reservists their identity is concealed behind a standardised role as military police officer in an identical uniform.
When people believe that they will not be identified, their tendency to contravene the law is greater. They may believe that those around them could one day obtain images of what they were and what they were doing at the time. If for one moment they had considered that someone on the outside could see them, they would have behaved differently. It is a little bit like the beginning of Carnaval, when the anything goes. He who for a time does not respond to his own name loses contact with his ethical reference points. There is a close relationship between the identity of a person and her moral behaviour. People behave as they recognise themselves vis-à-vis others: he whose identity is suppressed will see his impulses burst out.
Dehumanisation of the victim
The prisoner loses more than their identity; they also lose their humanity. He is demeaned, naked like an animal, devoted to obedience or punishment. His raison d’être is to produce information, just as others produce milk or wool. His living conditions are very poor. He lives in deplorable conditions of hygiene.
There is a common psychological phenomenon called “identification with the victim”. Generally, this means that a person who learns of a misfortune experienced by another person tries to express how he would feel if he were in the same situation. At Abu Ghraïb, the military police probably felt this initial identification with the victim before it became intolerable for them since it created a strong subconscious feeling of guilt, menace and anxiety. In the face of this psychological constraint, the only solution was to no longer consider the inmates as people, but rather as objects. Stripped of their humanity, the prisoners fell into the category of objects. They could be treated and counted as such; what they experienced was no longer affected by their guards. They could treat the prisoners in a highly degrading manner without clashing with their sense of morality.
It should also be said that the logistical situation led them to impart on their prisoners mistreatment in terms of health and security, i.e. led them to live in overcrowded conditions and without hygiene, exposure to the elements, an absence of protection from outside dangers, an unhealthy diet, etc. From then on, confronted each day by their own ethical questions in light of this basic mistreatment and the spectacle of inmates dying without receiving medical assistance, the military police had to quell the moral questions in themselves to which this situation had given rise.
Justification for reprisals.
At the time, the “Jessica Lynch” affair was at its media climax. In the first hours of the invasion of Iraq, this young soldier was taken prisoner by Iraqi forces. Her convoy had taken a wrong turn and ended up in an enemy camp. After a short exchange of gunfire, she was taken prisoner and subsequently taken to an Iraqi hospital for attention. Acting in accordance with the Geneva conventions, the surgeon who had operated on his leg fracture was himself put in communication with US authorities to inform them of the situation and proposed repatriation. US soldiers then mounted a fictitious helicopter commando rescue operation. The commandos shot blanks. This was filmed and immediately broadcasted in the media. Gullible journalists described Jessica Lynch as a heroine who had fought with courage until she had ran out of ammunition. It was rumoured that she had been raped… All of this was subsequently denied by Miss Lynch once she had returned to civilian life. In the meantime, however, military police on the ground could have thought, according to Talion’s law, that they had to administer justice.
Falsification of the truth
These false appearances have been repeated. One example which has received extensive coverage and been ordered in the media is the death of an Iraqi inmate. US intelligence soldiers beat the inmate to death, then demanded that a health assistant place a drip on the corpse to give the impression that they had died following illness and despite attempts to revive him.
The falsification of the truth is a dimension that strongly favours a breakdown of morality. False evidence of the existence of weapons of mass destruction, the false Jessica Lynch affair, false care, false certificates, false accounts, etc. These falsifications inevitably led to the loss of norms, an erasure of moral reference points that give human behaviour an ethical framework.
Even words were misrepresented. There was systematic use of euphemisms. To say that an inmate had been “prepared”, for example, meant that he had been subjected to diverse forms of cruelty prior to interrogation. In 2002, the advisor to the Justice Department had prepared a report for the US President in which he defines the conceptual limit of torture: “Only an act that causes pain equivalent to that felt on the permanent loss of a body function or an amputation can be described as torture”3. The term “torture” was never used in the trial of the military police at Abu Ghraïb, only “mistreatment”4. As far as the breakdown of ethical standards is concerned, the use of euphemisms can be the first sign of moral disengagement.
Anomia and impunity
According to Larousse, anomia is the state of disorganisation, the destructuring of a group or society, due to the partial or total disappearance of norms and values shared by its members. At the time of the events in question, no military police officer could imagine that they would one day have to account for their behaviour. They were in another world, one without norms, without structure, without law. The factors that gave rise to this state of anomia include a lack of knowledge of the Geneva conventions, a lack of preparation among the soldiers for the tasks they were to carry out in the prison and the absence of a permanent body for local surveillance control.
Closed doors and under pressure
In this affair, there is also the closed doors and stress. The threat was both outside the jail and inside. In a sense, the military police were also trapped inside the jail system of Abu Ghraïb, without being able to leave mentally.
It is highly likely that if they had been able to leave, meet other people, engage with people on the outside in day-to-day conversations as can occur regularly in one’s life, they would have been able to realise the horror of the situation into which they had gradually descended.
An archaic group function
The group of military police at Abu Ghraïb was not subject to the traditional laws of operation of military life: order, discipline, frugality and devotion. In the absence of the supervision of a leader, the functioning of the group had regressed to the level of the pack. They were subject to the influence of a gang leader. Two women present in the site were his mistresses; this is a good illustration of this degradation in the organisation of the group, which had fallen under the influence of a dominant male. It is also known that in this type of degraded social organisation, in order to assert his power and influence over the other members of the community, the dominant member must regularly demonstrate his power.
At this time and place, these factors gave this unique social configuration, which could be described as “the progression towards cruelty” which can turn an average person into an instrument for evil that cannot be controlled.
Do not rely on principled goodness and prepare personnel
In order to be forewarned of the risk of moral disengagement, one must first be convinced of the dynamic of evil to later convince others of the same. A good way to achieve this would be to draw lessons from what happened at Abu Ghraïb and include these lessons in training given to young army officers.
Reticence must be overcome in order to do this. Galileo, Darwin and Freud had to defend themselves against violent attacks directed at them after they had made their observations. However, one thing is certain: to rely on principled goodness and believe that we and our personnel are under protection from engaging in cruel behaviour is probably the first substantial factor that will foster the repeat of declines in ethical standards.
Include a debate on the decline moral standards
in training programmes
Training courses for future army cadets, officers and sub-officers could include a course and a debate on this subject. This course could revive the construction of this exposé: show Abu Ghraïb a day at a time without commentary, come back to the two experiences with experimental psychology of Milgram and Zimbardo and analyse factors that lead to moral disengagement, before opening a debate on actions by the command that could have prevented such a decline.
This could also be done using individual accounts; military incidents involving the French army that receive the most media coverage are not necessarily the best-suited for such learning. There are various video documentaries that are easy to obtain; one of the richest of these on this subject is the documentary by Patrick Rothman entitled L’Ennemi Intime, which is based on eyewitness accounts of former combatants in the war in Algeria where each, forty years later, reconstructed the course that led them to commit acts of cruelty5.
Permanent vigilance on the ground
This is how to anticipate situations that expose people to the risk of moral disengagement. If we take incidents observed in recent years within NATO forces, we can create a list of parameters that characterise risk situations for a group of soldiers: prolonged isolation, confinement, distance from authority, the need to manage an environment with deprived, dependent civilians on their own, the absence of logistical resources with which to manage refugees and inmates, the difficulty of distinguishing the threat among these civilians, etc.
Do not leave soldiers exposed for long periods of time and take action on control
One effective measure would be to rotate soldiers at short intervals, in order to prevent a breakdown of ethical standards.
Another would be to mix units, in order to prevent groups from becoming too insular and increasing the circulation of people likely to sound the alarm.
A third possibility would be to increase the number of management personnel i.e. increase hierarchical pressure on personnel who manage inmates.
Ensure the correction operation of control bodies, soldiers and international bodies
This measure is much more difficult to establish. Each war has led the International Red Cross to set new standards to respond to faults contained in past texts and new conventions that at times resemble clear conscience after the event.
To believe that international law is enough would be a mistake: neutral, powerful and active bodies are required to ensure that it is respected. It is known that in the Abu Ghraïb affair, reports by the Red Cross were accurate in relation to the drift in Iraqi prisons at least three months before the scandal surfaced. There must be knowledge of how to increase the use of indicators of slipping ethical standards and circulate reports by the Red Cross and Amnesty International at the highest levels in the chain of command.
One can also imagine instances for the independent military control of forces deployed on the ground. The modern context of international missions, police operations and actions conducted through civilian populations mixed with combat action is favourable to the possibilities. Countries in northern Europe, such as the Netherlands, have already done much work on this subject and it is expected that a NATO task force will be set up to answer these questions.
Apart from the consequences of discussion and good intentions, it is through common reflection and the implementation of each that progress can be made on this issue. Let’s believe that as soon as our attention in relation slipping ethical standards wavers, such drifts will grow; it is an indomitable part of human nature.