N° 58

La Fraternité

Éditorial

Jean-Luc Cotard

Dossier

Jean-Pierre Rioux

Notre chère oubliée

Le troisième terme de la devise républicaine est rarement débattu, il est peu inscrit dans le vocabulaire et les travaux des sciences sociales, et pas davantage dans le débat public. La désaffection est manifeste, alors qu’un souci de la fraternité revient pourtant dans nos sociétés désunies. Ce qui pourrait peut-être, un jour, gommer son oubli. Alors, ne restons pas « au balcon » !
Richard Senghor

La fraternité, l’inconnue juridique la plus célèbre de france

L’idée de fraternité est au cœur institutionnel de nos républiques successives depuis 1880. Point d’équilibre de notre devise, sa simple évocation caractérise l’adn de notre projet collectif, libéral et laïque. Le Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs érigée en principe supérieur de notre droit. Alors pourquoi cette valeur « matricielle » demeure-t-elle floue ?
Jean-Clément Martin

Fraternité et politique, l’expérience de la révolution française

Le lien entre fraternité et Révolution française est considéré d’une façon ambivalente : promesse d’un monde meilleur ou injonction mortifère. Une contradiction qui a marqué les esprits puis nos mémoires jusqu’à aujourd’hui. Il convient plus que jamais de faire l’examen, sans préjugé et sans tabou, des années cruciales de 1789 à 1795.
Pierre Schill

On ne choisit pas ses frères

Pas plus qu’on ne choisit ses frères, le soldat ne choisit ses compagnons d’armes, qu’ils soient ses chefs, ses camarades ou ses subordonnés. Pourtant, tous sont unis par des liens qui transcendent les différences de sexe, de religion, d’orientation politique ou d’origine. Une fraternité d’armes qui procède de la finalité guerrière du soldat : livrer bataille, donner la mort pour vaincre et accepter de la recevoir. Ensemble.
Marie Bonnet

Fraternité heureuse, fraternité dangereuse

Il existe des militaires dont la mission consiste à assister les populations civiles pour garantir leur sécurité face aux catastrophes naturelles, aux risques technologiques, aux crises humanitaires et sanitaires. Ce sont les sapeurs-sauveteurs des formations de la sécurité civile. Leur action paraît motivée par la conviction profonde d’une fraternité universelle. Qu’en est-il ?
Benoît Haberbusch

Gendarmerie en Indochine

Entre 1946 et 1954, près de quatorze mille gendarmes sont partis en Indochine. Ils y ont assuré diverses missions d’ordre public, de police aux armées, d’encadrement d’unités autochtones, de patrouilleurs fluviaux, et même de parachutistes. Mais la majorité d’entre eux a connu la vie de poste où ils devinrent de vrais « gens d’armes » et développèrent une fraternité spécifique.
Karine Rousseaux

Cérémonial et fraternité d’armes dans l’Anabase de Xénophon

Dans l’Anabase, Xénophon, philosophe en armes, chronique l’épopée des Dix Mille à travers l’Empire achéménide. Il met en lumière les liens fraternels qui unissaient ces mercenaires grecs d’origines hétéroclites, une cohésion construite grâce à un cérémonial à la fois civique, religieux et militaire.
Tom Dutheil

Fraternité, ordres et distinctions

Qu’ils soient apparus durant les croisades ou à l’époque contemporaine, qu’ils soient structurés en confréries, chevaleresques ou de mérite, ou soient une simple décoration, les ordres et distinctions ont toujours été institués autour du principe fondateur de la fraternité, une fraternité de service et d’action pour l’intérêt général et le rayonnement des principes qui les unissent.
Jean-Luc Cotard

Les trois croissants ou la fraternité en action

L’étude des Trois Croissants, le bulletin de l’amicale des anciens combattants de la 3e division d’infanterie algérienne (dia), permet de découvrir de façon concrète la mise en application de la notion de fraternité d’armes. Des nombreuses actions de solidarité à la diffusion des idées du chef devenu patriarche.
Yann Andruétan

Le mépris

Les médecins, comme d’autres professions, entretiennent une relation fraternelle spécifique : la confraternité. Or, pendant plusieurs dizaines d’années, les deux écoles de santé des armées, Bordeaux et Lyon, ont entretenu une rivalité intense appartenant au folklore propre à ces établissements, mais prenant aussi souvent la forme du mépris.
Vincent Bernard

Brother against brother

Brother against Brother, « frère contre frère ». Telle est l’expression la plus fréquemment associée aux récits de la guerre de Sécession, la terrible guerre civile entre le « Nord » et le « Sud », de loin le conflit le plus meurtrier de l’histoire des États-Unis. Or, elle ne reflète pas seulement le déchirement symbolique d’une nation en construction.
Bernard Bruneteau

Fraternité totalitaire

À côté de l’univers de la terreur et des camps, la nouvelle société mise en place par les régimes stalinien et nazi pouvait être vécue comme une grande fraternité. Une réalité qui peut certes apparaître comme un trompe-l’œil, mais tout n’était pas qu’illusion.
Olivier Hanne

Frères en islam

La définition islamique de la fraternité englobe les antiques rapports claniques, mais les dépasse par une solidarité de foi et d’appartenance. Une dimension religieuse complétée au Moyen Âge par des dispositions juridiques, avant d’être politisée, fantasmée et parfois fanatisée.
Agnès Mannooretonil

Les contes du chat perché  : la sororité taille enfant

La sororité s’est fait une place dans notre vocabulaire comme critique de la fraternité autant que comme projet transformateur de la société. Porteur de radicalité, le terme peut irriter. Pour comprendre les bienfaits et les limites de cet idéal, faisons un détour par l’imaginaire littéraire, dans les pas de Delphine et Marinette, les deux fillettes des Contes du chat perché de Marcel Aymé.
Christian Budex

Peut-on éduquer à la fraternité ?

Mettre fin à la déploration récurrente à propos du faible sentiment d’appartenance à la communauté des citoyens et d’adhésion aux valeurs qui fondent la République suppose d’en finir avec l’incantation et l’injonction. Mais comment faire ? Une éducation permettrait-elle de cultiver la fraternité ? Sous quelles conditions ?

Pour nourrir le débat

Antoine Bourguilleau

Traduire la guerre

Quelle responsabilité que de mettre en mots, dans une autre langue, ce qui fait la guerre, les derniers instants d’une vie, ce qu’ils contiennent de futurs anéantis, emplis de tout ce qui fut et ne sera pas ! On ne sort pas indemne du combat ; on ne sort pas indemne non plus de ses récits. Antoine Bourguilleau, traducteur de De sable et d’acier de Peter Caddick-Adams, témoigne.
Robin Marteau

Célébrer pour être et durer

En 1952, les contraintes structurelles sont tellement importantes dans les armées que le commandement des troupes de marine invente des traditions pour forger l’identité de ses unités et perdurer au sein de l’institution. C’est ainsi qu’est née la fête de Bazeilles.
Eva Renucci

La naissance de la sonnerie aux morts

Connue de tous les Français, la sonnerie Aux morts semble exister depuis la nuit des temps. Elle est pourtant née après la Grande Guerre de la volonté d’un chef militaire prestigieux, le général Gouraud, qui œuvra sans relâche pour l’imposer durant tout l’entre-deux-guerres.

Comptes rendus de lecture