On raconte qu’un jour, le sujet de philosophie donné au baccalauréat ayant été « Qu’est-ce que le courage ? », un élève a répondu : « Le courage, c’est cela. » La formule introduisait une copie blanche. L’anecdote, vraie ou fausse, suscite toujours les mêmes réactions, contradictoires. « Ce n’est pas du courage, mais de l’intrépidité » ; « Tout de même, il a du cran » ; « Non, c’est de la provocation plutôt que du courage »…
Le courage ne saurait-il donc plus comporter un sens commun qui puisse servir de référence à une même collectivité ? Se serait-il « privatisé » au point de n’être plus qu’un comportement simplement probable au gré des circonstances et des individualités ?
Qu’il existe une ou plusieurs cultures du courage n’est pas douteux. Mais il peut exister aussi une culture du découragement. À bien examiner le sens de ces deux réalités, on peut se demander si leur contrariété n’ouvre pas la voie à une nouvelle culture du courage, qui doive être à la mesure des défis, souvent si difficiles à percevoir, analyser et comprendre, provoqués par plusieurs mutations brutales du monde contemporain.
- Où est le courage ?
Que le courage, au moins dans l’imaginaire des peuples, puisse agir comme principe d’union et de solidarité, l’histoire en donne maints exemples. Rousseau, au xviiie siècle, rappelle à ses contemporains la force morale des vertus spartiates et son lecteur comprend que le courage guerrier peut servir de modèle pour les vertus publiques : ténacité, résistance, dépassement de l’intérêt immédiat, dévouement à une cause… Hegel, au xixe siècle, trouve dans le patriotisme gréco-romain l’exemple d’une énergie collective par laquelle l’intérêt du tout, d’une manière quasi-mystique, donne sens à l’action des parties. L’imaginaire populaire de la tradition républicaine en France réunit dans un même idéal-type le courage du guerrier et celui du travailleur, le devoir civique associant le travail au champ, l’instruction des jeunes et le sacrifice de soi dans un même type de probité. Ce qui ne veut pas dire que chacun était courageux, mais que chacun attendait d’autrui qu’il se réfère à une même image de la valeur sociale. Agissant ainsi comme une exhortation à la fois individuelle et collective, sa fonction sociale se confondant avec sa valeur éthique, le courage était un facteur d’unité politique ; qu’il s’agisse d’assumer son rôle jusqu’au bout (« cette veuve est courageuse »), de supporter l’épreuve du sort (« ce mourant est courageux »), de vaincre la paresse (« cet élève travaille courageusement »), de surmonter la peur (« ce sauveteur n’écouta que son courage »)…, l’hommage rendu au courage en son sens civique témoigne d’une croyance partagée dans la transcendance de l’intérêt commun, une transcendance perçue comme ce qui unit et ce qui résiste à l’adversité (guerres, crises, catastrophes).
Cette image du courage semble déjà fort lointaine, pour ne pas dire « ringarde », et elle peut sans doute faire sourire les sceptiques comparativement à la représentation qu’ils se font de la nature humaine et du lien social en général. Peut-être aussi a-t-elle pâli devant l’apparition, en France tout au moins, de l’intellectualisation du courage : la philosophie et la littérature de l’engagement ont associé le courage, devenu l’apanage des intellectuels, à une pratique de la pensée et de l’écriture. Le sens du courage restait bien concentré sur l’idée de lutte, mais la tonalité protestataire (lutte « contre ») l’emportait sur la dimension affirmative (lutte « pour »), principalement dirigée contre le pouvoir, plus exactement contre l’illusion que le pouvoir fasse toujours le bien du peuple. Avec sa pratique du soupçon à l’égard des politiques, des élites et de leur reproduction institutionnelle, l’intellectuel engagé se mettait au service d’une autre idée de la liberté, celle qui délivre de l’aliénation, c’est-à-dire des croyances qui enchaînent et font de l’obéissance la complice des violences d’État : il importait que la vertu civique fût déniaisée et le courage spécialisé dans la résistance aux puissances.
Pour une part, c’est à une forme radicale de responsabilité que cette catégorisation du courage comme vertu intellectuelle s’associe. Sartre est sans doute l’un des intellectuels les mieux connus des classes terminales pour sa dénonciation de la lâcheté, et ce parce qu’il fait précisément de la lâcheté un vice intellectualisé, le manque de courage devenant méconnaissable quand chacun entreprend de le justifier par des alibis pseudo-rationnels, empruntés à la psychologie, à la science sociale ou à l’histoire : c’est la « mauvaise foi ». L’essence de la lâcheté se déplaçant dans le mensonge sur soi devant les autres, l’essence du courage devenait la force de se reconnaître publiquement responsable, courage de la transparence sur soi devant autrui. Une nouvelle qualité attendue des politiques (le parler vrai) se trouvant hiérarchiquement placée au-dessus de la maîtrise de la force, devenue, elle aussi, objet de soupçon.
Pour une autre part, l’engagement prend aussi le sens d’un enrôlement dans un camp contre un autre. Il pousse par anticonformisme à de nouveaux conformismes, en y perdant alors le sens du courage intellectuel ; au lieu de servir le vrai, par-delà les options partisanes, il rationalise son choix particulier dans le but de rassembler pour enrôler ; au lieu de combattre les artifices du pouvoir, il met son habileté à choyer celui à qui il donne la préférence. L’intellectuel « engagé », devenant séducteur et propagandiste, tire profit du courage qu’il suscite au sein des masses pour construire son propre chemin vers le pouvoir ; il oublie le prix du service de la vérité, qui accepte le risque d’être ignoré, incompris et méprisé.
La professionnalisation de l’action militaire marque une nouvelle étape de la relation entre le public et le courage. Le courage militaire n’est pas nié, loin s’en faut, il est salué comme le courage d’une communauté en particulier, une communauté parmi celles qui aident, sauvent et soignent, au prix de leur vie si c’est nécessaire ; le respect du public est total, mais il s’exerce dans la distance, car, si le soldat est reconnu comme exemplairement courageux, il a cessé en même temps d’être le même que nous, fait de la même substance, de la même étoffe, né du même imaginaire fondateur : on le comprend et on l’admire, tout en pensant qu’il fait un curieux choix de vie, difficile à généraliser. Dans une époque que l’on caractérise parfois comme celle de la « religion de la retraite », et même si le propos est d’abord polémique, cet étonnement devant le courage est révélateur : le courage est devenu une vertu professionnelle, il fait l’objet d’un choix personnel de la part de certains individus, dont la « différence » est remarquée. Le risque de cette coupure est d’aboutir à une situation socialement et culturellement étrange, où le courage est la vertu propre d’une profession qui aurait désormais vocation à protéger l’ensemble de ceux qui s’emploient à se préserver de la nécessité d’avoir du courage. Faut-il penser qu’une éthique du courage, statutairement cantonnée dans le corps militaire, servirait à perpétuer une culture du découragement, devenue caractéristique de la société civile ?
- Le temps du découragement
Le découragement qui s’empare d’un individu est un phénomène psychique et moral que chacun peut connaître par expérience : une sorte de panne de l’énergie vitale se produit parce qu’elle n’est plus mobilisée par un projet de sens capable de conférer à l’effort à la fois une orientation et une dignité propres ; le découragement se présente alors comme une démobilisation. Mais une culture du découragement peut prendre un tout autre aspect, celui d’un bonheur sans contrainte et d’une liberté sans frein. C’est là le paradoxe d’une mobilisation nourrie quotidiennement par le découragement, d’une activité bornée à exaucer des vœux, qui, ignorant ou écartant le besoin du courage, prépare à sortir d’une culture du courage.
L’impératif du progrès, par son ambivalence, peut avoir cette efficacité trompeuse, l’effort de progresser ayant pour but ultime de se supprimer lui-même comme courage de l’effort. C’est ainsi que l’idée du progrès, après avoir été un mobile d’émancipation par volonté de transformer le sort de l’espèce humaine, devient une simple idéologie au service du processus de reconduction de la consommation par innovations continues. Si le pouvoir, à l’âge postmoderne, veut se passer de légitimation religieuse, morale ou idéale, c’est que sa propre justification se borne aux besoins de la consommation, au point que, parfois, l’éloge du pacifisme n’exprime plus qu’une aspiration au repos à l’abri des conflits, un repos qui pourrait perdurer, comme par inertie, dans un même mode de vie uniformisé pour toujours. C’est que la conscience technocratique l’emporte sur la conscience morale1, préférant à une solution éthique, qui implique effort et privation, une solution technique, qui fournit des substituts artificiels. Il est certes normal d’utiliser les possibilités techniques (médicales, industrielles ou militaires) pour prolonger l’action humaine, mais considérer que tout est susceptible d’un traitement technique, même la volonté, c’est faire comme si nos manières de penser n’étaient pour rien dans les malheurs qui nous frappent et oublier que la maladie, la souffrance et la mort ne peuvent se passer d’une prise en charge morale et spirituelle courageuse, qu’elle soit athée ou religieuse.
Le découragement n’est pas inactif, il épouse l’idéologie contemporaine de la performance, laquelle fonctionne par obstination dans le même processus de réitération indéfinie de soi : être performant pour rester performant. Mais le stress qui lui sert de moteur n’est pas le courage, c’est un phénomène qui use et détruit les individualités, sans les ennoblir des sacrifices qu’elles ont consentis. Le découragement caractéristique de la performance consumériste tient à ce qu’il réduit la vie à une pure passivité, dans la joie comme dans la peine. La vie devient une réalité subie (le « vécu »), c’est un capital personnel conçu comme une somme d’opportunités de plaisir, mais en perpétuel danger d’être perdu, gaspillé ou endommagé. Sans doute est-on toujours mieux soigné, mais en passant le temps à imaginer la maladie ; sans doute est-on mieux informé, mais en vivant des peurs multiples. La sécurité finit par être une charge aussi lourde à supporter que le danger lui-même (épuisement de l’énergie vitale dans les luttes quotidiennes pour se maintenir jeune et valide, rester dans la mode, résister à l’obsolescence professionnelle, compenser les pannes de l’amour...).
Le découragement n’est pas amoral, il entretient même souvent un hypermoralisme. Ainsi, le souci du bien-être pour tous alimente une morale compassionnelle toujours plus élargie, nos contemporains faisant du bonheur, compris comme accumulation de plaisirs, une unité de mesure qui permet d’étendre le droit au respect d’autrui et à l’estime de soi aux animaux (et même aux robots…). C’est une philosophie utilitariste qui gouverne ainsi un victimisme qui tend à s’ériger en pensée morale unique. Si, en effet, il n’est d’autre valeur que d’éviter la souffrance et de maximiser les plaisirs, la liberté, le don de soi, la création poétique… étant des préférences et donc des valeurs au même titre que l’appât du gain ou le goût du sport, il devient possible d’égaliser démocratiquement les intérêts de tous les vivants, les hommes n’étant plus qu’une sous-partie du règne animal.
Mais cette « généreuse » multiplication des droits offre-t-elle autre chose que des libertés négatives ? Elle fait, certes, bénéficier du droit de n’être pas méprisé, de n’être ni discriminé ni exclu des bienfaits collectifs, mais sans bâtir pour autant d’autres formes de vie. C’est pourquoi, peut-être, l’individualité décomplexée, devenue un produit populaire de cette éthique négative, reste une forme d’individualité découragée, non parce qu’elle manque de force, mais parce qu’elle manque de buts2.
L’hypermoralisme européen s’approfondit de l’intérieur en reconnaissant à des populations toujours plus variées et plus nombreuses le statut de victime d’une discrimination (enfants, handicapés, étrangers, homosexuels, individus désireux de changer de genre, animaux…3), mais en décourageant l’entraide et au risque d’ignorer comment pense et agit le reste du monde. Comment aider autrui par amour ou par solidarité dès lors que ses droits à l’aide passent par le canal de qualifications juridiques très ciblées, minutieuses et incontournables ? La victimisation a pour défaut de réduire l’aide à l’assistance et d’associer l’assistance à l’incapacité, terme peu encourageant… Restant à l’étroit chez lui, notre universalisme ne se développe que de l’intérieur et pour l’intérieur de l’Europe quand il exalte des droits humains que nombre de peuples étrangers ignorent ou rejettent. Cette séparation entre deux langages, celui de la paix selon le droit (langage de la grande tradition cosmopolitique de l’Europe) et celui de la lutte dans la course à la puissance (dont la crise financière commencée en 2008 révèle la féroce réalité, au détriment de l’Europe), fait craindre que prospère une indifférence obstinée à la montée des périls.
- Le courage qui vient
Ce qui réclame individuellement et collectivement du courage est de trouver en soi la force de vouloir ce que l’on est et d’être ce que l’on peut, la force de vouloir pouvoir, devenue si nécessaire pour affronter la montée des dangers ; une telle force n’est pas le pouvoir d’acquérir plus de pouvoir mais la capacité des accomplissements, la puissance de porter à l’existence les potentialités absurdement sacrifiées au règne de la défiance généralisée, des satisfactions illusoires et des reconnaissances imaginaires, la force de résister à ce que laisse faire le découragement : la destruction des solidarités culturelles démocratiques.
La démocratie peut se faire l’ennemie d’elle-même, la chose est connue et a été abondamment analysée. Il n’est pas impossible que ses propres valeurs, aujourd’hui, l’empêchent de voir le danger. À commencer par l’illusion rhétorique d’unité consensuelle. Un certain nombre de mots passe-partout, comme « pluralisme », « identité », « ouverture » noient la contradiction entre des revendications adverses sous le couvert d’une illusion de consensus, en quoi consiste leur pouvoir rhétorique. C’est ainsi que la souveraineté des médias permet d’exploiter la confusion des idées dans des jeux de pouvoir inédits et peu lisibles, mais en aggravant la faiblesse des valeurs ainsi instrumentalisées puisque le « consensus » sur les mots permet d’oublier, de nier ou de renier les faits, séparant ainsi toujours plus le domaine du sens (les mots) et celui de la réalité effective (l’expérience). La souveraineté médiatique, qui impose la rhétorique du sens en désignant au public ce qui vaut d’être dit, vécu, apprécié ou combattu4, a créé à notre insu (mais notre indifférence ne fonctionne-t-elle pas aussi comme une complicité ?) un empire du sens autorisé qui emprisonne chacun au plus intérieur de lui-même, là où émerge le sens des mots qu’il emploie, mais de seconde main, pourrait-on dire.
D’un autre côté, les individus immergés, quant à eux, dans la vie concrète, éprouvent au cœur de leur action la résistance du réel, l’âpreté des combats, les supercheries et les ingratitudes qui font l’ordinaire des humiliations, les faux contrats et les fausses promesses qui découragent les projets et les ambitions, la « vraie » vie, enfin, dont la nudité brutale est désormais vécue « hors les mots » qui sont permis, parce que la rhétorique de la tranquillité pour citoyens ordinaires les a rendus indicibles… Ainsi, là où est la force (celle de la fécondité, qu’elle soit familiale, professionnelle, associative, esthétique, solidaire…), là n’est pas le sens ; et là où le sens (un monde magiquement consensuel sans frontières et sans conflits), là n’est pas la force. Nietzsche voyait dans cette alchimie qui sépare la force de ce qu’elle peut la genèse de la faiblesse, de cette faiblesse particulière qu’était, à ses yeux, le mode de vie que l’Europe choisissait pour en faire son avenir et son malheur.
Il faut du courage pour surmonter une fracture culturelle qui ronge l’intimité individuelle et divise le corps social entre son éthique et sa force, au risque de réduire la vie politique à une opposition catastrophique entre le cynisme (force sans éthique) et le nihilisme (éthique sans force). Aller au-delà de cette opposition ravageuse, renoncer à la sécurité de se croire justifié par l’appartenance à un clan, savoir que le point de vue du Monde, si nécessaire pour servir d’observatoire de la mondialisation, n’existe pas encore et n’est donné à personne, autant de sources d’angoisses et d’interrogations qui ont besoin du courage comme autre mobile éthique et culturel.
À un tel courage d’être et de faire être correspond l’idée de capabilité. C’est un concept qui est ici emprunté de façon très libre à la science économique (en particulier à Amartya Sen) et à l’éthique (en particulier à Paul Ricœur) pour tenter d’en dégager la force culturelle. Si nous admettons un instant que la véritable affaire de l’économie n’est pas le bonheur mais la justice5 et que la justice ne consiste pas à faire le bonheur de tout le monde (comme si la quantité des bénéficiaires prouvait la valeur du principe), alors on se démarque quelque peu du « matérialisme » culturel dominant, terme qui sert à dénoncer, en vérité, un culte du bien-être qui a fini par devenir la mesure de toute valeur. La capabilité (A. Sen) désigne un pouvoir effectif d’agir plutôt qu’une simple possibilité évasive, et le concept d’homme capable (P. Ricœur) désigne la puissance d’être et de faire d’un individu qui est l’auteur actuel d’une action plutôt qu’une entité fictive pourvue de droits abstraits. Redécouvrir le courage comme puissance d’agir et comprendre la liberté comme capacité de faire plutôt que comme avantage personnel relèvent de la même démarche : répudier la croyance dans la suprématie de l’intérêt immédiat. Il est facile de croire que le calcul de son profit immédiat est le mobile le plus fort qui puisse habiter un individu. Mais c’est pourtant là une naïveté, une naïveté qui a été popularisée par une vision plus commerciale que véritablement réaliste. Qui ne reconnaîtrait dans la passion de l’honneur, de l’amour ou du savoir une énergie bien plus mobilisatrice ? Considérer le calcul du bien-être comme le mobile le plus répandu a d’ailleurs des effets moralement choquants : oserait-on penser que la justice doive se régler sur le désir d’impunité du criminel parce que tel est son avantage ? Oserait-on penser que l’instruction doive se régler sur le désir de ne pas apprendre parce que celui-ci procure plus de bien-être que l’effort ? Oserait-on prendre le découragement comme modèle ordinaire et normal de l’action collective ?
Si le courage et la capacité d’agir ont besoin d’un même retournement mental pour redevenir perceptibles, peut-être est-ce dû au fait que notre civilisation privilégie (impératif de communication) ce que nous signifions au détriment de ce que nous sommes, ce que symbolise notre action plutôt que ce qu’elle fait réellement. Mais le langage de la capacité d’être, de faire et d’agir porte en lui la force de concurrencer cette rhétorique de l’apparence parce qu’il redonne accès à la réalité. La capabilité, loin de multiplier des chances imaginaires de réussites improbables, veut être l’incarnation de ce que nous savons, voulons et pouvons dans des actions, des entreprises et des réussites qui font du monde ce qu’il est. S’instruire n’est pas conformer son esprit à un modèle étranger et abstrait, mais transformer des dispositions en talents véritables. La compétence médicale ne se limite pas à la guérison des corps quand elle contribue à restaurer la puissance d’agir des patients. La défense militaire de la nation ne se borne pas à obéir à la politique du moment dès lors que sa vocation est de prolonger la capacité d’une société à être et demeurer l’acteur indépendant de son existence et de son unité. Dans ces quelques exemples, les raisons d’agir sont des capacités de faire qui révèlent des ressources que le simple calcul est incapable de produire, comme d’ajouter au devoir le surplus d’une solidarité dont on peut faire le don ou d’user de son énergie sur le mode de la dépense plutôt que de l’économie quand il s’agit de promouvoir des buts souhaitables ou d’anticiper des puissances d’agir qui regardent l’avenir. Reconnaître le courage qui est déjà à l’œuvre chez ceux qui contribuent à maintenir, restaurer ou inventer la capacité d’agir des autres, en dépit de l’oubli ou de l’ignorance où ils sont tenus, annonce, peut-être, un courage qui vient.
1 Jürgen Habermas fait cette distinction dans La Technique et la science comme « idéologie ».
2 Vu à Luxembourg : au cœur de la ville, un motard portant un casque de guerre allemand, affirmation décomplexée de soi contre le conformisme supposé du public.
3 Chantal Delsol observe que ce n’est plus l’individu-sujet qui est le bénéficiaire légitime des droits de l’homme d’aujourd’hui, mais le désir en général, L’Àge du renoncement (Paris, Le Cerf, 2011, p. 267).
4 Analyse de Guy Debord, bien connue dans La Société du spectacle.
5 Amartya Sen, L’Idée de justice, Paris, Flammarion, 2009, p. 335.
It is said that a pupil sitting the baccalauréat when the topic to be discussed in Philosophy was “What is courage?” once replied “This is courage!” and handed in an otherwise blank script. Whether or not it is true, the anecdote always provokes the same (contradictory) reactions: “That is not courage; it’s boldness”, “You’ve got to admit, he’s got guts” or “No, that’s just being provocative, rather than showing courage.”
So, couldn’t we have more of a consensus on the meaning of courage so that it can serve as a model for people in the same group? Has the concept been “privatised” to the point of being no more than a way of behaving that is simply probable, depending on the circumstances and the individuals involved?
There is no doubt that there exist some cultures char