« Il vous suffira de dire “j’étais à la bataille d’Austerlitz” pour que l’on vous réponde “Voilà un brave !” » L’adresse de Napoléon à ses soldats au lendemain d’une victoire à l’éclat sans pareil est éloquente : pour le plus grand chef de guerre que la France ait connu, la bravoure est la vertu militaire par excellence, au point que sa seule mention suffit au plus vibrant des éloges.
Le mot a vieilli. Pour s’en convaincre, il suffirait sans doute de consulter les textes des citations décernées à ceux qui se distinguent dans les opérations d’aujourd’hui. Le temps n’est plus où un sous-lieutenant de la Grande Guerre pouvait être qualifié de « jeune officier d’une bravoure légendaire »1. Et pourtant, si la bravoure se définit comme le courage au combat, l’audace, la vaillance, le mépris du danger, ne demeure-t-elle pas la vertu2 sans laquelle il n’y a pas de soldat qui vaille ?
On pourra objecter que l’hésitation sémantique tient peut-être à l’évolution même du combat qui n’aurait plus que par exception l’extrême brutalité des affrontements d’antan. Outre que ce point est discutable, l’action militaire reste néanmoins, dans sa quintessence, un engagement de l’être tout entier au cœur de périls extrêmes, qui requiert une « vertu » toute particulière. Peut-être aussi, en substituant le plus souvent le mot « courage » au mot « bravoure », veut-on écarter dans celle-ci ce qu’elle peut sous-entendre de témérité, d’irréflexion, d’impétuosité, pour lui préférer une attitude plus raisonnée. On y reviendra.
Pour autant, à l’heure de vérité du soldat, dans le crépitement des rafales, dans le fracas des explosions, quand le sang coule, quand la peur est un étau, quand tout devrait pousser à renoncer, à s’incruster dans le sol, à sauver sa vie, quand le fait d’« y aller » lorsque le chef a dit « en avant » est une folie, comment qualifier cela sinon d’acte de bravoure ? Autrement dit, de manifestation d’un courage très spécifique en ceci que le « cœur » – au sens de la question posée à Rodrigue : « As-tu du cœur » ? – l’emporte sur la raison.
D’ailleurs, s’il est une tradition dans l’héritage culturel de l’armée française, c’est bien le culte de la bravoure. Avec le respect de la parole donnée, elle est la marque de la chevalerie. La Chanson de Roland, cette Énéide nationale écrite plus de trois siècles après le combat d’arrière-garde de Roncevaux3, campe pour les temps à venir la bravoure en vertu cardinale. Roland et ses preux seront désormais l’archétype du guerrier à la française : audacieux, impétueux, téméraire, au mépris d’une mort au combat dont l’éclat semble l’emporter sur la victoire elle-même. Au prix, aussi, de désastres historiques, depuis Crécy ou Azincourt jusqu’à Reichshoffen et aux offensives meurtrières de la Grande Guerre. Il n’en demeure pas moins qu’à Roland, au fil des siècles, font écho le chevalier Bayard, le tambour Bara4, les maréchaux Murat, Ney, le général Lasalle, de la Grande Armée, les chasseurs de Sidi-Brahim, les légionnaires de Camerone, les marsouins de Bazeilles, les saint-cyriens du « serment de 14 »5, Pol Lapeyre6 et Bournazel7, les « cadets de Saumur »8…
Pour ce qui concerne les héros nommément désignés de cette filiation, il est vraisemblable qu’en dehors des saint-cyriens et de ceux qui aspirent à le devenir, leur nom est ignoré de la plupart. En revanche, Sidi-Brahim, pour les chasseurs, Camerone, pour la Légion étrangère, Bazeilles, pour les troupes de marine, sont célébrés chaque année avec faste. À Vincennes, à Aubagne et à Fréjus, les « maisons mères », est organisée une cérémonie nationale à laquelle les plus hautes autorités militaires se font souvent obligation d’assister. De surcroît, en parallèle, il n’est pas de garnison, aussi modeste, exotique ou conjoncturelle soit-elle, occupée par ces mêmes chasseurs, légionnaires ou marsouins, qui ne procède à sa propre célébration, fût-elle de la plus grande sobriété, notamment en opérations. Ainsi, pour ces troupes qui, chacune en ce qui la concerne, se conçoivent comme ayant vocation à l’excellence et qui constituent une part très significative des unités projetées au contact sur tous les théâtres d’engagement d’aujourd’hui, ces faits d’armes, à cent cinquante ans et plus de distance, restent la référence suprême du comportement au combat. Ils sont la marque de leur identité collective. Ils demeurent pour ces troupes et, par mimétisme, pour une large part de l’armée française, une source d’inspiration. Or qu’y trouve-t-on sinon la pérennité du culte de la bravoure telle qu’esquissée précédemment, avec ses fulgurances, mais aussi ses excès, bien à rebours, souvent, de l’air du temps ?
- Sidi-Brahim, Camerone, Bazeilles, la bravoure en héritage
Dans l’ordre chronologique, apparaît d’abord Sidi-Brahim. La conquête de l’Algérie se heurte alors aux plus talentueux de ses adversaires, l’émir Abd el-Kader. Du 23 au 26 septembre 1845, quatre-vingts chasseurs retranchés dans le marabout de Sidi-Brahim font face aux assauts de cinq mille cavaliers conduits par l’émir en personne. Affamés, assoiffés, les rescapés se ruent sur les avant-postes ennemis le 26 à l’aube. Formant le carré, les blessés au centre, ils cherchent à rejoindre le premier poste ami. Seize seulement y parviendront vivants, aux ordres du caporal Lavayssière qui a pris le commandement, tous les officiers ayant été tués. Pour les chasseurs, qui avaient été créés précisément pour apporter une capacité nouvelle adaptée aux caractéristiques des opérations outre-Méditerranée9, ce fait d’armes sera d’emblée magnifié. Il allait devenir un mythe fondateur. Aujourd’hui, sa mémoire en est entretenue à Vincennes, au « tombeau des braves ». Et chaque année, dans chaque garnison, à la date anniversaire, tous les chasseurs écoutent le récit des combats. « L’esprit chasseur » qui se définit comme une combinaison d’allant, d’audace et d’esprit d’initiative, mais aussi de sens du devoir pouvant aller jusqu’au sacrifice, y trouve sa principale source d’inspiration.
Le parallèle est frappant avec Camerone pour la Légion étrangère. Elle aussi est créée pour la conquête de l’Algérie. Elle aussi allait trouver dans la célébration épique des combats de Camerone son mythe fondateur. Les faits se déroulent au cours de la campagne du Mexique, cette guerre oubliée et aujourd’hui largement incomprise des années 1861-186710. Alors que l’armée française fait le siège de Puebla, à la fin avril 1863, il s’agit de prêter main-forte à un important convoi de ravitaillement. La compagnie du régiment de Légion étrangère qui en est chargée, forte d’une soixantaine d’hommes aux ordres du capitaine Danjou, doit faire face, le 30 avril, à l’attaque de deux mille Mexicains. Formant le carré, repoussant plusieurs assauts, elle se retranche à l’abri des murs entourant un vaste bâtiment, l’hacienda de Camerone. Pour le capitaine Danjou, il s’agit de tenir le plus longtemps possible de façon à donner au convoi le temps de rejoindre Puebla sans être inquiété. Il fait jurer à ses hommes de « se défendre jusqu’à la mort ». Onze heures durant, dans une chaleur accablante, les légionnaires résistent à des assaillants infiniment supérieurs en nombre. Trois d’entre eux seulement font face au dernier assaut ; ils acceptent finalement de se rendre mais sous condition que l’on soigne leurs camarades blessés et qu’on leur laisse leurs armes.
Comme pour Sidi-Brahim, le fait d’armes est exalté dès l’époque. En 1892, un monument est érigé sur les lieux ; il porte l’inscription : « Ils furent ici moins de soixante opposés à toute une armée, sa masse les écrasa. La vie plutôt que le courage abandonna ces soldats français le 30 avril 1863. À leur mémoire, la patrie éleva ce monument. » Aujourd’hui, chaque année, le 30 avril, la célébration des combats de Camerone donne lieu à Aubagne à une imposante cérémonie au cours de laquelle en est fait le récit, tandis qu’est portée solennellement la main artificielle du capitaine Danjou11. Camerone reste ainsi pour la Légion étrangère la référence suprême dans son culte de l’accomplissement de la mission au mépris de la mort. Aujourd’hui encore, l’expression « faire Camerone » est parlante pour les légionnaires, tout comme « faire Sidi-Brahim » pour les chasseurs. L’une et l’autre expriment la quintessence de la bravoure.
Avec Bazeilles, les troupes de marine, leurs marsouins12 et leurs bigors13, ne sont pas en reste. En 1870, à l’entrée en guerre contre la Prusse, ces troupes, encore rattachées à la Marine, sont pour la première fois regroupées dans une division, la « division bleue14 ». Celle-ci appartient à l’armée Mac-Mahon qui cherche à rompre l’encerclement de Metz ; sa 2e brigade reçoit mission de tenir le village de Bazeilles, sur le flanc est de la forteresse de Sedan. Pris et repris quatre fois, le village est le lieu de combats acharnés les 31 août et 1er septembre 1870. Les marsouins luttent à un contre dix, rue par rue, maison par maison, mais les pertes sont effroyables et les munitions viennent à manquer. L’épisode emblématique de la défense de l’auberge Bourgerie, immortalisé par le peintre Alphonse de Neuville dans son célèbre tableau Les Dernières Cartouches, se déroule le 1er septembre en fin de matinée. Le commandant Lambert, blessé, et une poignée d’hommes défendent la maison. Ils tiendront jusqu’à l’épuisement complet des munitions. Le capitaine Aubert tire la dernière cartouche.
Popularisé dès l’époque, le fait d’armes allait devenir le mythe fondateur des marsouins et des bigors au sein des troupes de marine devenues troupes coloniales lorsqu’elles rejoignent l’armée de terre en 1900. Rebaptisées aujourd’hui troupes de marine, elles en célèbrent chaque année l’anniversaire avec faste et ferveur, à Fréjus. Elles y affirment leur cohésion et la pérennité de l’exemple de ceux de la maison des « dernières cartouches », dans l’exaltation de l’ardeur au combat et de la fermeté d’âme quand bien même tout semble perdu.
La similitude des valeurs portées par ces trois évocations est totale. Toutes mettent en scène la bravoure au combat, une bravoure faite de vaillance tour à tour impétueuse et impavide, de panache et d’abnégation, de mépris de la mort et de sens de l’honneur porté jusqu’au sacrifice suprême, une bravoure nourrie par la fraternité d’armes qu’elle alimente en retour, une bravoure inscrite en lettres d’or sur les emblèmes et léguée en héritage. La leçon en est claire : être chasseur, légionnaire ou marsouin, mais tout aussi bien être soldat de France, c’est être prêt à refaire, si nécessaire, Sidi-Brahim, Camerone ou Bazeilles.
La bravoure n’est de nos jours jamais nommée. Elle est néanmoins, d’évidence, célébrée, proposée en exemple, distillée comme un puissant ferment culturel. Un tel constat suscite nombre de réflexions, sur la forme et sur le fond.
- La bravoure en question
À propos de la célébration de Camerone, on connaît l’anecdote : un légionnaire est interrogé sur les impressions que lui ont laissées cérémonie et festivités associées ; la réponse a de quoi réjouir les sceptiques : « Quelle cuite ! » Autrement dit, faut-il exclure que les manifestations récurrentes évoquées ici, celles qui accompagnent l’évocation des trois hauts faits d’armes dont il est question, ne soient que combinaison de folklore militaire, de liturgie laïque et d’activités festives dénuées de sens véritable ?
À l’appui de cette appréciation, une question mérite attention : en quoi des événements et des comportements datant de l’aube de l’ère industrielle, et plongeant leurs racines un millénaire plus tôt, peuvent-ils être sources d’inspiration dans un monde qui a plus changé au cours des cinq dernières décennies que durant les cinq siècles qui ont précédé ?
La question n’est qu’à demi pertinente. Pour dire en quoi elle ne l’est pas, il faut rappeler ce qu’est, par nature, l’action militaire. Usage de la force au cœur de la violence du monde quand il n’est plus d’autre solution pour y mettre un terme, elle suppose, pour aboutir, la présence in fine de l’homme sur le terrain ; les exemples contemporains ne manquent pas pour en apporter la preuve. Elle implique dès lors, de la part du combattant, un engagement qui peut être hors normes, à la mesure du déchaînement de violence auquel il est exposé. La brutalité de cette « heure de vérité » du soldat a été rappelée plus haut. Imaginer qu’en certaines situations on puisse en faire l’économie, c’est vouer l’action militaire à l’échec, avec de surcroît l’humiliation et la honte.
Que l’on songe, par exemple, à l’abandon par les forces de l’onu des enclaves de Zepa et de Srebrenica en Bosnie à l’été 1995 : il eût suffi d’un capitaine résolu à la tête de soldats qui se comportent en soldats – à supposer que la hiérarchie, plus spécialement la hiérarchie politique, jusqu’au plus haut niveau, s’y prête – et il n’y aurait vraisemblablement pas eu ces massacres que l’on a pu qualifier de « dernier génocide du siècle » en Europe. La même période offre un contre-exemple : la reprise d’assaut du pont de Vrbanja15, à Sarajevo, en mai 1995, par un capitaine, quant à lui résolu, et des soldats qui, eux, se sont comportés en soldats, au prix, il est vrai, de la mort de deux d’entre eux.
Mais, faut-il le répéter, si tout chef militaire digne de ce nom doit avoir le souci impérieux d’épargner la vie de ses hommes, un objectif « zéro mort » qui l’emporterait sur tout autre condamne l’action militaire à l’inefficience et la frappe d’absurdité. Donc le soldat est là pour « l’heure de vérité ». Et pour cette heure-là, il ne fera jamais preuve de trop de « bravoure », comme à Sidi-Brahim, comme à Camerone, comme à Bazeilles, toutes choses égales par ailleurs. En cela, le rituel parle au chasseur, au légionnaire, au marsouin : en alimentant son imaginaire, en suscitant son émotion, il l’invite à suivre la voie tracée par les anciens16.
Dans ce texte, tout est dit des ressorts de l’action militaire :
- d’abord, une nécessaire adhésion de l’esprit par l’affirmation de la légitimité de l’action ;
- l’appel au professionnalisme ;
- l’injonction éthique ;
- enfin et surtout, l’adhésion du cœur par la référence à la fraternité d’armes, à l’esprit de corps et au patriotisme, toutes valeurs transmises en l’occurrence par l’héritage des troupes de marine.
Le moment est venu de tenter d’éclairer l’étrange absence dans les textes et les propos contemporains du mot « bravoure » et de l’adjectif « brave », quand bien même la culture diffusée et la formation donnée en sont profondément imprégnées.
Il n’est pas anodin que l’on ait quelques difficultés à compléter, au-delà du début de la Seconde Guerre mondiale, la lignée multiséculaire issue du preux Roland, telle que suggérée précédemment. Il est pourtant tout à fait certain que les « braves » n’ont pas manqué depuis lors, que ce soit au cours de la campagne d’Indochine, de celle d’Algérie ou des engagements plus récents. Pourtant, pas un nom parmi ceux-là n’est célébré à l’instar de ceux de Pol Lapeyre ou de Bournazel dans les années 1930, avec une connotation légendaire qui les plaçait dès l’époque au panthéon des héros. Pas un combat du dernier demi-siècle n’est venu ajouter son nom au triptyque emblématique issu du xixe siècle. Phénomène de proximité ? Peut-être, mais les exemples historiques montrent que ce n’est pas une règle. Discrédit dont seraient entachés les conflits de la décolonisation ? S’il est vraisemblable que l’opinion est orientée en ce sens, l’institution militaire n’en est que faiblement affectée, cultivant une vision apolitique de ses engagements. On peut même observer que perdure une mémoire mythique de la « guerre d’Indochine », sans pour autant que tel ou tel homme, tel ou tel fait – on pense, parmi tant d’exemples d’une vaillance hors du commun, à la retraite de Tu Lê de Bigeard17 – aient acquis un statut de référence fondatrice. Quant aux engagements des deux dernières décennies, ils bénéficient de la faveur populaire et médiatique. Or rien ni personne, là non plus, ne vient s’inscrire dans la lignée des « braves » et des hauts faits d’armes emblématiques. Vrbanja, par exemple, en recèle tous les ingrédients, mais qui, en-dehors des initiés, en connaît plus que le nom, s’il le connaît ?
Cette question renvoie à la problématique du « héros » traitée dans un précédent numéro d’Inflexions18. Le constat, dans cette évolution, d’un point origine au cours de la Seconde Guerre mondiale, conduit à formuler une hypothèse : les effroyables hécatombes de cette guerre totale, l’impensable régression barbare que marque le nazisme, avec notamment son univers concentrationnaire auquel fait écho pour une large part le goulag soviétique, les génocides, le terrorisme aveugle, en bref le retour de la barbarie, tout cela dans un monde de plus en plus ouvert à l’information, n’auraient-ils pas profondément et durablement affecté les paradigmes ? Au xixe siècle, on était encore porté par l’optimisme du siècle des Lumières. Passé le xxe siècle, nous avons appris qu’en chaque homme, sous le vernis de la civilisation, peut ressurgir la barbarie.
Dès lors, pour la question qui nous occupe, jamais plus la bravoure ne pourra être célébrée comme fureur guerrière, à l’instar des accents épiques de la Chanson de Roland qui les conjugue avec allégresse. Telle est aujourd’hui, à jamais, la problématique de la bravoure au combat : à cultiver, à susciter de toute nécessité car, sans vaillance ni mépris du danger, il n’est aucune chance de l’emporter. Mais sachant que dès lors que ce ressort est tendu, puis libéré, la voie peut être ouverte à l’ivresse meurtrière. Pour cela, au-delà de la formation éthique, le rôle des traditions, du cérémonial, des modèles épiques proposés en exemples est déterminant. Sidi-Brahim, Camerone, Bazeilles jouent ce rôle pour l’illustration de la vaillance, du mépris du danger, de l’accomplissement de la mission quoi qu’il en coûte. En complément, les modèles contemporains illustratifs de la problématique identifiée ici restent à proposer et à orchestrer. Ils existent. Mais peut-être faut-il que le temps fasse son œuvre.
Encore restons-nous là dans le droit fil des valeurs militaires nourries au cours des siècles. Mais, s’il fallait se persuader qu’après les régressions barbares du xxe siècle, notamment l’univers concentrationnaire d’extermination conçu et mis en œuvre par les nazis dans un pays de haute civilisation, plus rien ne sera jamais comme avant et que la bravoure d’antan peut s’en trouver balayée comme un fétu de paille, le témoignage d’un grand ancien, le général André Rogerie, ouvre des abîmes.
En novembre 1942, l’invasion de la zone sud et la dissolution de l’armée d’armistice surprennent ce jeune homme à peine sorti de l’adolescence alors qu’il est en classe de préparation à Saint-Cyr. Décidé à rejoindre la France libre, il est arrêté en juillet 1943, puis déporté. Il va alors vivre une odyssée qui a peu d’équivalents, déporté successivement à Buchenwald, Dora, Maïdanek, Auschwitz-Birkenau, Gross-Rosen, Nordhausen, Dora à nouveau, Harzungen enfin, pour ne retrouver la liberté qu’en avril 1945. Aujourd’hui officier général en deuxième section, il n’a de cesse de témoigner. Ainsi l’a-t-il fait en 2002 à l’occasion d’un colloque organisé à Aix-en-Provence sur le thème des « saint-cyriens dans la Résistance ». Il déclarait alors : « Le drame du saint-cyrien dans un camp de concentration, c’est d’assister impuissant, ne pouvant pas réagir, à des actes de barbarie. Protester, c’est être immédiatement abattu. Attendre sans broncher, c’est avoir une chance de revenir pour témoigner. En cet instant et avant de conclure, je voudrais que nous ayons une pensée et peut-être une prière pour nos camarades saint-cyriens qui avaient rêvé eux aussi de mourir un soir sous un ciel rosé, en faisant un bon mot pour une belle cause en casoar et en gants blancs, et qui sont morts de façon atroce dans la plus effroyable des misères. »
Cette même terrible expérience devait être celle des membres du corps expéditionnaire français en Indochine faits prisonniers après le désastre de la rc419. Le Manifeste du camp n° 1 de Jean Pouget décrit la descente aux enfers d’officiers qui, se refusant à composer avec leurs geôliers et à se renier, sont voués à disparaitre les uns après les autres. Il faudra l’injonction d’un preux parmi les preux, le capitaine Cazaux20, à l’heure de sa mort, pour que les survivants admettent que la seule bravoure qui vaille désormais était de tout faire pour survivre et pour être les témoins de leurs camarades morts de misère. Ils signèrent le manifeste qui stigmatisait la politique de la France présenté par leurs geôliers.
Si conclure, c’est ouvrir, cette ouverture-là paraît invalider tout ce qui précède et peut sembler désespérante. Il n’en est rien, car l’abomination des systèmes capables de produire cela doit fonder la détermination de ceux qui ont vocation à s’y opposer par les armes. Une vocation qui implique le culte de la bravoure.
1 Sixième citation, celle-là à l’ordre de l’armée, décernée en 1918 au sous-lieutenant Jean Vallette d’Osia, futur chef de l’armée secrète (as) de Haute-Savoie en 1943.
2 Du latin virtus (« le courage »).
3 L’arrière-garde de Charlemagne est massacrée au col de Roncevaux en 778. La Chanson de Roland est composée au début du xiie siècle.
4 Joseph Bara est un jeune volontaire tué durant la guerre de Vendée le 17 frimaire an II à l’âge de quatorze ans. La Convention en a fait une icône de la République, plus tard magnifiée dans les manuels scolaires.
5 Le 30 juillet 1914, lors du baptême des deux dernières promotions de Saint-Cyr avant l’entrée en guerre, « De la croix du drapeau » (1913-1914) et « De la grande revanche » (1914), par la promotion « Montmirail », Jean Allard Meeus exhorta les cyrards qui l’entouraient à monter au combat « en casoar et gants blancs ».
6 Sous-lieutenant au 5e régiment de tirailleurs sénégalais lors des opérations de pacification du Maroc, Pol Lapeyre commande le poste de Deni Derkoul qu’il fait sauter plutôt que de se rendre le 14 juin 1925, à l’issue d’un siège de soixante et un jours.
7 Capitaine de goumiers au cours des opérations de pacification du Maroc, Henry de Bournazel s’était acquis auprès des autochtones une réputation d’invulnérabilité en montant à l’assaut à la tête de ses troupes revêtu du burnous rouge de parade. Il meurt au combat en 1933, après avoir exécuté l’ordre qui lui avait été donné d’adopter une tenue plus réglementaire.
8 Les 19 et 20 juin 1940, deux jours après l’allocution radiodiffusée du maréchal Pétain appelant à cesser le combat, les élèves-officiers de l’école de cavalerie de Saumur, aux ordres du colonel Michon, s’opposent au franchissement des ponts de la Loire par les divisions allemandes.
9 En complément des unités « de ligne », lourdes et peu manœuvrières, il s’agissait de créer des unités légères, dans lesquelles étaient privilégiées la fluidité, l’initiative et l’adaptation au terrain. Pour cela, on allait fédérer, au sein de bataillons autonomes, des combattants, les « chasseurs », qui avaient toujours existé, individuellement ou par équipe, à pied ou à cheval, pour agir en éclaireurs en avant des troupes. Le cor, qui allait devenir leur signe distinctif, est la représentation de celui dont ces éclaireurs étaient équipés pour signaler leur retour dans les lignes et éviter les méprises.
10 Tout se passe comme si la guerre du Mexique souffrait du discrédit général affectant le Second Empire. De fait, il y avait bien un objectif stratégique à cette expédition : tirer parti de la guerre de Sécession pour créer en Amérique du Sud un pôle d’équilibre catholique et latin face à l’ensemble anglo-saxon et protestant du Nord. Le retrait, qui n’est pas sans lien avec l’issue de la guerre de Sécession, est marqué d’un sceau quelque peu infâmant par l’abandon à un sort tragique de l’archiduc Maximilien d’Autriche, que Napoléon III avait pensé habile de placer sur le trône mexicain.
11 Le capitaine Danjou, amputé d’une main, portait une prothèse qui a été pieusement conservée au musée de la Légion étrangère.
12 Appellation traditionnelle des fantassins « de marine ». Par extension, désigne souvent tout membre des troupes de marine.
13 Idem pour les artilleurs « de marine ».
14 L’uniforme en est bleu quand les unités de ligne portent le pantalon « garance ».
15 Le 27 mai 1995, au cours du conflit bosniaque et du siège de Sarajevo, qui marquent le paroxysme de l’éclatement de la Yougoslavie, une compagnie du 3e rima (régiment d’infanterie de marine) aux ordres du capitaine Lecointre reprend de vive force un poste occupé par surprise par les Serbes durant la nuit.
16 À cet égard, l’adresse du colonel Bernard Thorette (futur chef d’état-major de l’armée de terre) à son régiment, le 3e rima, à la veille de l’offensive durant la première guerre du Golfe, reproduite dans l’encart ci-dessous, est très illustrative.
17 Le 16 octobre 1952, dans le Haut-Tonkin, le 6e bataillon de parachutistes coloniaux aux ordres du chef de bataillon Bigeard est parachuté avec six cent soixante-cinq hommes pour porter assistance aux petits postes disséminés dans la montagne, en perspective d’une offensive du Vietminh. Celle-ci se déclenche simultanément avec deux divisions fortes de dix mille hommes. Le 24 octobre, après une retraite qui est une véritable épopée et alors que le commandement croit le bataillon anéanti, Bigeard rejoint la base de Na San avec l’essentiel de ses effectifs et des garnisons évacuées.
18 « Que sont les héros devenus ? », Inflexions n° 16, 2011.
19 Fin septembre/début octobre 1950, l’évacuation des postes situés sur la route coloniale n° 4 (rc4), reliant le delta du Tonkin à la frontière de la Chine, est décidée. Elle sera notamment marquée par l’anéantissement, dans la région de Cao-Bang, du 1er bataillon étranger de parachutistes et du 3e bataillon de parachutistes coloniaux, largués en renfort.
20 Le capitaine Paul Cazaux commande le 3e bpc lors du désastre de la rc4 en octobre 1950. Interné au camp n° 1, son refus de composer avec le Vietminh le condamne à mort par épuisement. Avant de mourir, il exhorte les officiers qui l’entourent à tout faire pour survivre. Après Dien Bien Phu, en mai 1954, le capitaine Jean Pouget, qui fait partie des milliers de prisonniers, retrouve les survivants qui lui racontent leur odyssée. Après sa libération, il en fera le thème d’un livre qui a fait date : Le Manifeste du camp n° 1.
“You will only need to say ‘I was at the battle of Austerlitz’ for people to reply ‘There is a brave man!’” Napoleon’s address to his soldiers the day after a victory of unequalled splendour was eloquent. For the greatest war leader that France had ever known, bravery was the military virtue par excellence, to the point where just talking about it was sufficient to confer the most powerful praise.
Use of the word has dated. To be convinced, you probably need only read the citations to those who have distinguished themselves in present-day operations. We are no longer in the era when a second lieutenant of the Great War could be called a “young officer of legendary bravery”1. And yet, if bravery can be defined as courage in combat, boldness, valour and contempt for danger, doesn’t that make it the virtue2 without which there is no soldier worthy of the name?
It may be objected that hesitation over the semantics perhaps results from the very way that fighting has developed, with the extreme brutality of the confrontations of the past now being seen only in exceptional cases. Apart from the fact that this point is questionable, military action nevertheless remains essentially an engagement of the whole being in the centre of extreme perils, requiring a very special form of “virtue”. Perhaps also, by replacing the word “bravery” by “courage” in most cases, we want to distance ourselves from the thought that it can imply foolhardiness, thoughtlessness or impetuousness, preferring a more reasoned attitude. We will come back to that.
And yet, at the soldier’s moment of truth, among the hail of bullets and the havoc of explosions, when blood is being shed and fear grips like a vice, when everything should push those caught up in it to give up and take refuge in the ground, saving their lives; when “going to it” after the leader has instructed “Forwards!” is madness, what can you call it if not an act of bravery? In other words, it is a manifestation of a very specific courage in that “the heart” is winning out over “the head”.
Furthermore, if there is anything that can be regarded as traditional in the French army’s cultural heritage, it is the cult of bravery. Along with keeping one’s word, it is the mark of chivalry. The Chanson de Roland, France’s epic poem, written more than three centuries after the action at Roncesvalles3, portrays bravery as a cardinal virtue for the times to come. Roland and his valiant knights were henceforth to be archetypal French warriors: bold, impetuous and foolhardy, contemptuous of death in combat, the splendour of which seems to overshadow that of the victory itself. That is also at the cost of historic disasters, from Crécy and Agincourt to Reichshoffen (1870, sometimes called the second battle of Wörth) and the deadly offensives of the Great War. The fact remains that, over the centuries, there were echoes of Roland in the knight Bayard, the drummer Bara4, marshals Murat and Ney, General Lassalle of the Grande Armée, the chasseurs at Sidi-Brahim, the legionnaires at Camerón, the marines at Bazeilles, the Saint-Cyr cadets who took the “Oath of ‘14”5, and Pol Lapeyre6 with Bournazel7, followed by the “Saumur cadets”8 and others.
With regard to the people identified by name as heroes, it is probable that few other than past or would-be-future Saint-Cyr cadets are aware of them. There are, however, the memories of Sidi-Brahim, for the chasseurs, Camerón for the Foreign Legion and Bazeilles for the marines, that are extolled with pomp every year. The “headquarters”, at Vincennes, Aubagne and Fréjus respectively, hold national ceremonies which the highest military authorities often make it a point to attend. In addition, there is no garrison, however modest, recherché or specialised – manned by the chasseurs, legionnaires or marines – that does not hold its own celebration, even if of an extremely restrained nature, especially during operations. As an example, for the troops that, each in the way that is relevant to them, see themselves as having a vocation for excellence, and who constitute a very significant proportion of the units sent to engage in today’s theatres of operations, these feats of arms, 150 years or more in the past, remain the supreme reference standard for behaviour in combat. They mark each unit’s collective identity and remain a source of inspiration for them and, by unconscious imitation, for a substantial part of France’s armed forces. So, what do we find there if not the enduring nature of the cult of bravery as previously sketched, with both its searing intensity and its excesses, often going against the flow of current trends?
- Sidi-Brahim, Camerón and Bazeilles: the heritage of bravery
The first, chronologically, was Sidi-Brahim. The conquest of Algeria was, at that time, coming up against the most talented of France’s adversaries, the Emir Abd el-Kader. During the period 23 to 26 September 1845, 80 chasseurs entrenched in the marabout’s burial place of Sidi-Brahim faced attack from 5,000 horsemen, led by the Emir himself. The survivors were starving and desperately thirsty but pounced on the enemy outposts at dawn on the 26th. They took up a square formation, with the wounded in the centre, and sought to reach the nearest friendly post. Only 16 of them came out of it alive, led by lance corporal Laveyssière, who had taken command when all the officers had been killed. For the chasseurs, who had been formed precisely to give a new and appropriate capability to France’s operations on the other side of the Mediterranean9, that feat of arms was immediately glorified, and it was to become a founding myth. Memory of it is now maintained at the “tomb of the brave” in Vincennes. Also, in every garrison, on the anniversary date each year, all the chasseurs listen to accounts of the battles. That is the main source of inspiration for the “chasseur spirit”, defined as a combination of drive, boldness and initiative, together with a sense of duty that can extend as far as self-sacrifice.
The parallel with Camerón for the Foreign Legion is striking. The Legion too was created for the conquest of Algeria, with celebration of the epic Camerón battle again providing inspiration for its founding myth. The events happened during the Mexican campaign: a largely forgotten and misunderstood war of the years 1861-6710. While, at the end of April 1863, the French army was laying siege to Puebla, the legionnaires were providing assistance to a large supply convoy. On 30 April, a 60-man company from the Foreign Legion regiment given responsibility, under Captain Danjou, had to deal with an attack by two thousand Mexicans. The legionnaires took up a square formation and repelled a number of attacks, digging in, sheltered by the walls surrounding an enormous building, the Camerón hacienda. For Captain Danjou, the important thing was to hold out as long as possible so as to maximise the time available for the convoy to reach Puebla without provoking concern. He got his men to swear to “defend to the death”. For 11 hours, in stifling heat, the legionnaires withstood attack from the overwhelmingly larger number of Mexicans. There were only three left to face the last attack, and finally they agreed to surrender, but only on condition that treatment was given to their wounded comrades and that they were able to keep their weapons.
As with Sidi-Brahim, the feat of arms has been extolled ever since, with a monument being erected at the site in 1892. It bears the inscription: “Here, there were fewer than 60, facing a whole army, and its sheer weight crushed them. It was life rather than courage that left those French soldiers on 30th April 1863. This monument was erected by the country, in their memory.” Now, on 30 April of every year, celebration at Aubagne of the Camerón battle involves an impressive ceremony in which the story is recounted, solemnly marked by the carrying of Captain Danjou’s artificial hand11. For the Foreign Legion, Camerón thus remains the supreme reference point in its devotion to accomplishing the task and scorning death. Even now, the expression “doing a Camerón” speaks volumes to the legionnaires, just as does “doing a Sidi-Brahim” for the chasseurs. Both historic events express the very essence of bravery.
Nor have the marines, including their marsouins12 and bigors13 forgotten Bazeilles. At the beginning of the 1870 war with Prussia, those troops, still attached to the navy, were reorganised for the first time into a division: the “blue division”.14 This formed part of the Mac-Mahon army that was trying to break the encirclement of Metz. Its 2nd brigade was given the task of holding the village of Bazeilles, on the flank of the Sedan fortress. The village was taken and retaken four times, being the scene of bitter fighting on 31 August and 1 September 1870. The marines were fighting one against ten, street by street and house by house, but the losses were appalling, and the ammunition was running out. The symbolic episode involving defence of the Bourgerie inn, immortalised in paint by Alphonse de Neuville in his famous Les Dernières cartouches (The Last Cartridges), took place at the end of the morning of 1 September. Major Lambert was wounded, and there were just a handful of men defending the building. They held out until all the ammunition was gone, Captain Aubert firing the last cartridge.
That feat of arms immediately became a subject of popular acclaim and then the founding myth of the marines, adopted by those who became colonial troops when, in 1900, they joined the French army. They have now been renamed Troupes de Marine, and they commemorate the anniversary each year with pomp and fervour at Fréjus, thus affirming their solidarity and the continuing relevance of the example shown by those in the “last cartridge” building, extolling zeal in combat and firmness of mind even when everything seems lost.
There is an identity of values held up for admiration in the memory of these three events. They all portray bravery in combat, composed of courage – in turn impetuous and impassive – together with panache, abnegation, contempt for death and a sense of honour taken to the supreme sacrifice; bravura fed by – and nourishing – the fraternity of arms: bravery inscribed in golden lettering on the emblems, and forming part of the heritage. The inference to be drawn is clear. You may be a chasseur, legionnaire or marine, but you are just as much a French soldier: one who is ready if necessary to relive Sidi-Brahim, Camerón, or Bazeilles.
You may think that, these days, people never talk about bravery. Clearly, however, it is extolled, put forward as an example, and drawn on as a powerful cultural essence. These observations suggest a number of thoughts, regarding both its form and its basis.
- Bravery in question
With regard to commemorations of Camerón, there is the well-known anecdote that a legionnaire is asked about the impressions left on him by the ceremony and associated celebrations. His answer could delight those who are sceptical: “What a piss-up!” In other words, can we rule out the possibility that the regular commemorations referred to here, those accompanying the evocations of supreme feats of arms, are just a combination of military folklore, secular rituals and festivities making no real sense?
Supporting this assessment, one question deserves attention: how can events and ways of behaving that date back to the early days of the industrial era, and with roots a thousand years earlier, provide inspiration in today’s world, which has changed more during the past five decades than in the previous five centuries? The question is only partly relevant. To say in what ways it is not, we need to remember the true nature of military action: the use of force amidst the world’s violence when there is no longer any other way to end it; it presupposes, at the end of the day, the presence of men on the ground in order to succeed. There is no shortage of contemporary examples providing evidence. It thus implies, from the combatant, a commitment that may be extraordinary, matching the violence that has been unleashed and to which he is exposed. We were reminded above of the brutal nature of a soldier’s “moment of truth”. Imagining that, in some situations, force can be used sparingly would involve condemning the military action to failure with, in addition, humiliation and shame.
We need only think, for example, about the UN forces’ abandonment of the enclaves of Zepa and Srebrenica, in Bosnia in the summer of 1995. It would only have needed a determined captain at the head of soldiers behaving like soldiers – always supposing that the powers that be, and especially the political leaders, right up to the highest, went along with the idea – and there would probably not have been the massacres that have been called Europe’s “last genocide of the century”. There is a counter-example from the same period: the retaking by attack in May 1995 of the Vrbanja15 bridge, in Sarajevo, undertaken by a Captain who was determined, with soldiers who likewise acted as soldiers, at the price it is true that two of them died.
But it should hardly need repeating that, while any military leader worthy of the name should have an overwhelming concern to spare the lives of his men, a “zero deaths” objective taking precedence over all others would inevitably make military action inefficient and absurd. Soldiers are therefore there precisely for the “moment of truth” and, other things being equal, when that moment comes, then as at Sidi-Brahim, Camerón and Bazeilles, there can never be too much bravura. In that respect, the rituals have meaning for the chasseur, legionnaire or marine. By feeding the soldiers’ imagination and getting them emotionally involved, the rituals issue an invitation to follow in the footsteps of their predecessors16.
This quotation says everything about the underlying reasons for military action:
- first of all, necessary sharing of the mood, by asserting the action’s legitimacy.
- a call for professionalism.
- an ethical instruction.
- lastly, and most importantly, an appeal to the heart by referring to the fraternity of arms, esprit de corps and patriotism, all being values, as it happens, that can be communicated by the marines’ heritage.
The time has come to try and throw light on the strange absence from the documents and contemporary discussion of the words “bravery” and “brave”, given that the ethos disseminated and the soldiers’ training are deeply imbued with the concept.
It is not a trivial matter that we are having some difficulty, as previously suggested, in finding successors, after the beginning of the Second World War, to the multi-century line founded by the valiant Roland. Yet it is absolutely certain that there has been no shortage of brave soldiers since then, whether we are concerned with the Indochina campaign, that of Algeria or more recent conflicts. The fact remains that there is not a single name among those who were involved that is hailed like those of Pol Lapeyre or Bournazel from the 1930s, with legendary associations that ever since put them among the pantheon of heroes. Not a single conflict of the past half-century has added a name to the emblematic 19th century triad. Could it be a question of closeness to us? Perhaps, but the historic examples show that lack of interest in recent heroes is not a general rule. Could it be that they were discredited by contamination with the decolonisation conflicts? While it is probable that public opinion tends to that view, the military institution is only weakly affected by it, as it has cultivated an apolitical perception of its engagements. We can even observe that a folk memory persists of the Indochina War, yet without any particular man or fact having acquired the status of a founding myth; among a fair number of examples of extraordinary courage we recall Bigeard’s retreat from Tu Lê17. As for engagements in the past two decades, they have received widespread popular attention through the media. There again, nothing and nobody has come to be seen as continuing the line of brave human exploits or outstanding and emblematic feats of arms. Vrbanja, for example, contains all the ingredients, but who, apart from those intimately associated with it, knows more than the name, if that?
This question takes us back to the problem of “heroes”, handled in a previous issue of Inflexions18. The perception of an origin in the course of the Second World War led to formulation of a hypothesis. Would the horrifying slaughter of that total war, the previously unthinkable barbaric regression shown by Nazism, and in particular the concentration camps (to a great extent echoed by the Soviet Gulag system), the genocides and blind terrorism, in short the return to barbarism – all this in a world increasingly open to the communication of information – not have profoundly and with lasting effect altered the paradigms? In the 19th century, people were still influenced by the optimism of the Enlightenment. Having experienced the 20th century, we know that, under the veneer of civilisation, there is a barbaric element in everyone that can re-emerge.
Consequently, for the issue with which we are concerned, no longer can bravura be extolled as a warrior’s passion, as depicted in the epic tones of the Chanson de Roland, where it goes hand in hand with elation. This is the problem with which bravery in combat is now eternally faced: it is to be nurtured and brought forth out of necessity as, without courage and contempt for danger, there is no chance of success. We know, however, that, as soon as this motivation is invoked and then set free, the way may be open to murderous excess. In this connection, and going beyond ethical instruction, there is a decisive role to be played by traditions, ceremonial practices and the epic role models offered. Sidi-Brahim, Camerón and Bazeilles fulfil this role by portraying courage and contempt for danger, and accomplishing the mission at whatever cost. Contemporary models to supplement the 19th century examples and deal with the problem identified here remain to be put forward and integrated into the ethos. They do exist, but perhaps we need to wait for the passage of time to do its work.
We still remain direct recipients of the military values encouraged over the centuries. While we need to take on board the fact that – after the barbaric regressions of the 20th century, and in particular the concentration camps and extermination centres designed and built by the Nazis in a country with a high degree of civilisation – nothing will ever be the same again, with the bravura of yesteryear swept away like a wisp of straw, the testimony of a great man of the old school, General André Rogerie, opens up a chasm.
In November 1942, the invasion of France’s southern zone and disbanding of the army that had survived the country’s 1940 armistice took this young man – barely out of his teens – by surprise, when he was in the Saint-Cyr academy’s preparatory class. He decided to join “free” France, and was arrested in July 1943, and then deported to Germany, where his odyssey was almost unequalled, being imprisoned successively at Buchenwald, Dora, Majdanek, Auschwitz-Birkenau, Gross-Rosen, Nordhausen, Dora (again) and finally Harzungen, and being released only in April 1945. He is now general officer in the second section (a type of reserve function), and has never stopped bearing witness. One such occasion was in 2002, at a conference in Aix-en-Provence, on Saint-Cyrians in the Resistance, when he said: “What is dramatic for a Saint-Cyrian in a concentration camp is that he is a powerless witness, unable to respond to barbaric acts. Protesting brings immediate death, while standing there passively means having a chance to return home and bear witness.
“At this moment, and before ending, I would like us to think about, and maybe say a prayer for our Saint-Cyrian comrades who also dreamt about dying one evening under a pink sky, saying a good word for a fine cause, while decked out in a plume and white gloves, and yet who died atrociously in the most pitiable of circumstances.”
The same terrible experience was in store for the members of the French expeditionary force in Indochina who were taken prisoner following the RC4 debacle19. Jean Pouget’s Manifeste du camp n°1 describes the officers’ hellish experience when, refusing to come to terms with their jailers and renounce their commitments, they were condemned to die, one after another. It needed an order from a latter-day valiant knight, Captain Cazaux20, just when he was dying, for the survivors to accept that the only bravery that now counted was to do everything to survive and bear witness for their comrades who had died in such wretchedness. They signed a manifesto presented by their jailers, denouncing the policy of France.
If concluding means opening a new chapter, that opening seems to have nullified everything that went before and could seem appalling. It is nothing of the sort, as the abomination of systems able to produce such situations must underlie the determination of those whose role it is to oppose it by arms: a vocation implying an ethos of bravery.
1 That was the sixth citation, on army orders, awarded in 1918 to second lieutenant Jean Vallette d’Osia, who was to become head of the Armée Secrète in Haute-Savoie, in 1943.
2 From the Latin virtus (= courage).
3 Charlemagne’s rearguard was massacred in the Roncesvalles pass, in 778. The Chanson de Roland was composed early in the 12th century.
4 Joseph Bara was a 14-year-old volunteer, who was killed during the “Wars of the Vendée” uprisings, on 17 Frimaire of the Revolutionary Year II. The Convention made him an icon of the Republic, and later he was glorified in school textbooks.
5 On 30 July 1914, when the last two years’ graduates from Saint-Cyr (De la croix du drapeau of 1913-14 and De la grande revanche of 1914), were being initiated by their Montmirail predecessors before going to war, Jean Allard Meeus exhorted the cadets surrounding him to go to war “in plumes and white gloves”.
6 As a second lieutenant in the 5th regiment of Senegalese infantry during the operations to pacify Morocco, Pol Lapeyre commanded the Deni Derkoul post, and then blew it up on 14 June 1925, after a 61-day siege, rather than surrendering.
7 As a captain of Moroccan soldiers in the French army during the pacification operations, Henri de Bournazel gained a reputation for invulnerability among the indigenous troops by going into attack at the head of his troops wearing a red parade-ground burnous. He died in battle, in 1933, after carrying out the order he had been given, to adopt a more regulation form of dress.
8 On 19 and 20 June 1940, two days after Marshal Pétain’s radio broadcast calling for fighting to stop, student officers at the Saumur cavalry school, on the orders of Colonel Michon, opposed the German divisions that were seeking to cross the Loire bridges.
9 Complementing the heavy and cumbersome “line” units, the idea was to create light units in which the emphasis would be given to ease of movement, initiative and suitability for the terrain. To do that, they were going to bring together within autonomous battalions the chasseur fighters who had always existed as individuals or teams, organising them on foot or on horseback to act as scouts, ahead of the troops. The horn that was to become their distinctive sign represents the instrument given to the scouts to announce their return to the lines and avoid being the victims of “friendly fire”.
10 It was exactly as if the war in Mexico suffered from the general discredit attaching to the Second Empire. In fact, the expedition did have a real strategic objective: taking advantage of the American Civil War (War of Secession) to establish a Catholic and Latin focus to the South, acting as a counterweight to the English-speaking and Protestant emphasis in North America. The withdrawal, not unconnected with the outcome of the Civil War, was marked by the somewhat ignominious abandoning to a tragic fate of the Archduke Maximilien of Austria, whom Napoleon III had thought could be put on the Mexican throne.
11 Captain Danjou, one of whose hands had been amputated, wore a prosthesis, and it has reverently been kept in the Foreign Legion’s museum.
12 Traditional name for the navy infantry, often extended to include any member of France’s marine corps.
13 Similar for the marine gunners.
14 The uniform was blue, whereas line-infantry units wore madder-coloured trousers.
15 On 27 May 1995, during the Bosnian war and siege of Sarajevo, which marked the height of Yugoslavia’s fragmentation, a company of the 3rd Marine Infantry Regiment, under the command of Captain Lecointre, forcibly retook a position that the Serbs had taken over by surprise during the night.
16 In this respect, Colonel Bernard Thorette’s address to his regiment, the 3rd Marine Infantry, the day before the First Gulf War offensive, reproduced in the adjacent box, is highly illustrative.
17 On 16 October 1952, given the prospect of a Viet Minh offensive, the 665-strong 6th battalion of colonial paratroopers in Upper Tonkin, under the command of Major Bigeard, was parachuted in to assist the small French posts spread through the mountainous terrain. The offensive began with the simultaneous deployment of two divisions, each with 10,000 men. On 24 October, following a withdrawal that was of epic proportions, and while the high command believed the battalion had been wiped out, Bigeard returned to the Na San base with the bulk of his men, the garrisons having been evacuated.
18 Que sont les héros devenus ? (What has become of heroes?), Inflexions No. 16, 2011.
19 At the end of September and beginning of October 1950, it was decided to evacuate the positions on Colonial Road No. 4 (RC4), linking the Tonkin delta to the border with China. In particular, this action was marked by the 1st Foreign Parachute Battalion and the 3rd Colonial Parachute Battalion in the vicinity of Cao-Bang not receiving reinforcements and being wiped out.
20 Captain Paul Cazaux commanded the 3rd Colonial Parachute Battalion in October 1950, at the time of the RC4 debacle. He was interned in Camp No. 1, and refused to compromise with the Viet Minh, who condemned him to death by exhaustion. Before dying, he exhorted the officers around him to do everything possible to survive. After Dien Bien Phu (May 1954), Captain Jean Pouget, who was one of the thousands of prisoners, found survivors, who told him of their experience. When he was released, Pouget made it the subject of his book Le Manifeste du camp n°1, recording the historic episode.