La férocité de certaines violences provoque une condamnation spontanée : elles sont « barbares », « monstrueuses » ou « folles », autant de qualifications qui ne font que traduire les réactions du spectateur, c’est-à-dire, en vérité, son sentiment d’impuissance devant l’inexplicable (« folie »), l’intolérable (« barbarie »), l’injustifiable (« monstruosité »). Au plus profond, l’horreur éprouvée résulte du fait, indicible, que les auteurs de telles violences puissent précisément les revendiquer et par là-même les justifier ; le mal spécifique de la violence pourrait bien être celui-là : une déshumanisation légitimée des pratiques extrêmes de la destruction. En faisant de la violence un moyen ultime et absolu, un instrument de domination définitive et totale, le violent incarne la justification de l’injustifiable. Ce qui suscite le questionnement : qu’est-ce qui cause ou favorise cette légitimation de l’inacceptable ?
- L’illimitation du recours à la violence
René Girard fournit une réponse à ce type d’interrogation quand il associe sa théorie de la violence mimétique au principe d’action réciproque qu’il découvre chez Clausewitz : « Chez les animaux, il y a la prédation, il y a sans doute la rivalité génétique pour les femelles. Mais avec les hommes, si personne n’a jamais le sentiment d’agresser, c’est que tout est toujours dans la réciprocité. Et la moindre petite différence, dans un sens ou dans un autre, peut provoquer une montée aux extrêmes. L’agresseur a toujours déjà été agressé1. »
Dire que l’agresseur se considère toujours comme d’abord agressé, c’est constater que la violence s’auto justifie et qu’elle se présente initialement comme une riposte toujours légitimée par avance par une agression : « C’est parce qu’il “répond” aux États-Unis que Ben Laden organise le 11 septembre2. » Se donner le droit à la revanche entretient la réciprocité, c’est-à-dire la logique du duel à mort, la pratique sans fin de la violence et de la contre-violence. Se considérer comme victime allume la passion du ressentiment qui use de la surenchère. Dès lors que la rivalité mimétique (ravir le pouvoir à son adversaire pour l’exercer à son tour) use de la concurrence victimaire, qu’elle se planétarise et que la religion, loin de calmer le jeu, l’envenime, la violence met en branle un processus capable de conduire le monde à l’apocalypse.
En termes moins dramatiques, comprenons que la guerre échappe à la politique, qu’elle s’entretient elle-même (la privatisation, la multiplication et la banalisation des conflits asymétriques montrent que la faiblesse finit par se prendre pour un droit d’utiliser tous les moyens), que la politique court derrière la violence qui aura toujours une longueur d’avance3. L’analyse de Girard explique ainsi à sa façon l’efficacité à la fois physique et mentale de la violence terroriste, qui administre, par une exhibition systématique de la violence, la preuve que celle-ci ne cessera de revenir, qu’elle n’est plus de l’ordre de l’action raisonnée, mais d’un processus de conquête du pouvoir par le moyen exclusif de la destruction totale du pouvoir de l’adversaire.
L’autolégitimation victimaire conduit à l’extrémisme quand l’asymétrie agit comme un facteur moral d’illimitation du « droit » d’anéantir. Hannah Arendt a montré comment la victimisation du faible, exaltée en idéologie révolutionnaire, peut conduire à l’exacerbation de la violence en enclenchant la dynamique sans fin de la vengeance. « Les hommes de la Révolution entreprirent d’émanciper le peuple non pas en tant que futurs citoyens, mais en tant que malheureux4. » Des « enragés » de la Révolution française aux « damnés de la terre » de la Révolution soviétique s’accomplit l’histoire d’une même dérive : la révolution a changé de route et abandonné les motifs de la liberté pour lui préférer ceux de la pauvreté, donnant ainsi une postérité terrifiante à la conviction que « les malheureux sont les puissances de la terre »5.
Le ressort initial de ce changement fut, explique Arendt, la pitié. Non pas la compassion en tant que sentiment de notre commune humanité souffrante, mais la pitié idéologisée et pervertie, celle qui érige la faiblesse en « bonté » et le malheur en « vertu », en une innocence si absolue, originaire et indiscutable qu’elle a pu devenir une arme physique et morale (le pouvoir des masses) dressée contre l’« hypocrisie » des riches, dans un combat sans fin puisque « la chasse aux hypocrites est, par nature, illimitée »6. La pauvreté devient ainsi l’instrument d’une politique de destruction qui exalte la valeur morale du malheur au moment où elle le transforme en un réservoir intarissable de violence indéfiniment exploitable.
De nos jours, la médiatisation apporte à l’analyse une dimension nouvelle : l’élément symbolique de la violence vient alimenter la montée aux extrêmes. Alors que la violence animale détruit la vie pour consommer une proie, la violence humaine cherche à détruire aussi les raisons de la vie, à abolir ce qui donne un sens à celle-ci. Par suite, quand la volonté d’anéantir ne porte pas uniquement sur l’existence physique de l’adversaire, mais sur ce qu’il représente, ce qu’il symbolise, sur ses mœurs, ses valeurs, ses raisons d’exister, s’engage une guerre des représentations et des images. La médiatisation, en multipliant spectaculairement l’efficacité émotionnelle, conduit à des surenchères insupportables : exhibition sans retenue des carnages provoqués, mise en scène de supplices devant les caméras, exultation publique des auteurs d’atrocités… Autant de moyens de provoquer la panique en rendant la violence omniprésente, à la fois intolérable et imprévisible. La médiatisation a pour effet de coaguler les peurs subjectives dans une même impression de danger collectif et d’atteindre cet adversaire collectif dans sa propre conscience de soi, en mettant en échec ses moyens de comprendre autant que son aptitude à tolérer.
Quand un « droit » auto justifié à la violence porte sur des symboles, il s’ouvre une carrière illimitée, puisque détruire physiquement une abstraction est une impossibilité dont la tentative inaugure un processus sans terme. Détruire l’Occident, la modernité, l’incroyance ou la démocratie c’est vouloir détruire une représentation du « mal », comme si le mal « en soi » était une réalité physique, alors qu’on n’anéantira jamais que les représentants dont on choisit de faire des symboles exemplaires. Cette malédiction de la violence déchaînée contre des symboles ne touche pas seulement la guerre ou le terrorisme, elle sape la vie des banlieues et décourage le courage d’enseigner. On sait que, dans certains établissements, on humilie ou persécute ceux qui aiment l’école…
- La violence culturalisée
Pour un adepte de la non-violence, « ce qui, en définitive, fonde la culture de la violence, ce n’est pas la violence, mais la justification de la violence. […] La culture confectionne un habillage qui a pour but, non pas de désigner la violence, mais de la déguiser. Cet habillage veut occulter la violence de la violence en la légitimant comme un droit de l’homme et en l’honorant comme la vertu de l’homme fort »7. Pour rendre compte de cette complicité de la culture avec la violence, il faut tenter de comprendre l’accueil, le soutien ou la complicité que la violence peut paradoxalement recevoir de ceux-là mêmes qui la condamnent ou qui la subissent.
L’usage de la violence trouve facilement, il est vrai, des justifications culturelles : il suffit de la juger « naturelle », de la regarder comme « inévitable » ou « nécessaire », de l’encourager comme un droit à la riposte… Et il faut bien reconnaître que l’éducation, la société et l’opinion donnent une place culturellement « naturelle » à la violence. Si bien qu’elle jouit, de façon générale, d’une légitimité qui fait d’elle une sorte de droit subjectif aussi bien que social, sinon un signe de courage et d’honneur. Cette culturalité de la violence fait partie de l’éducation. Un père ou une mère acceptent mal de voir leur enfant battu par d’autres enfants sans riposter : il faut lui enseigner que l’affrontement est une situation dans laquelle la violence est légitime, ne serait-ce que momentanément, comme une exception nécessaire qu’il faut savoir se réserver.
La violence est tout particulièrement culturalisée dans les scénarios porteurs de symbolique justicière. Dans le western, par exemple, l’autorité paternelle aussi bien que la juste guerre présentent le « bon côté » de la violence : elle répare, elle venge, elle rend justice. Toute culture fait cette part à la violence au nom de l’honneur, de la survie, au nom même de la valeur de la vie. D’où cet étonnement : comment expliquer qu’une légitimation morale et politique de la violence puisse émaner de ceux qui en sont les premières victimes ?
Que les sacrifices humains soient des faits de culture, institutionnalisés par de grandes civilisations prémodernes, a été interprété comme une mystique du sang versé. Cette débauche de violence ne ferait qu’anticiper, explique Joseph de Maistre, une vérité religieuse universelle qui veut la purification par le sang. L’effusion de sang et l’horreur des sacrifices seraient ainsi pourvues d’un sens précis, celui du salut ou de la communion : « Comment ne pas croire que le paganisme n’a pu se tromper sur une idée aussi universelle et aussi fondamentale que celle des sacrifices, c’est-à-dire de la rédemption par le sang8 ? »
On comprend, à un premier degré, que de tels excès de violence dépassent à ce point les limites ordinaires de l’intelligence que celle-ci en vient à les regarder comme surnaturels ou divins, comme si leur extrême inhumanité contribuait à leur donner une paradoxale transcendance surhumaine. On craint, à un second degré, que cette fascination funèbre ne soit en train de renaître dans la rage de mondialiser le spectacle de sacrifices d’otages à la manière d’une nouvelle mystique du sang versé. À moins qu’il ne s’agisse d’une adhésion conformiste à une institutionnalisation de la violence qui suffit pour la faire passer pour juste : dans ce cas, la violence vérifie un ordre du monde qui dépasse la mesure humaine.
Une interprétation sociologique du phénomène met en parallèle la résignation intime à la violence nazie et celle des populations marquées par la violence des fanatiques islamistes : un ordre du monde se vérifie, qui fait le partage entre bonnes et mauvaises races, dans un cas, entre fidèles et infidèles, dans l’autre ; à défaut d’en comprendre la raison ultime, la population est invitée à s’installer dans un ordre du monde que la violence structure et justifie.
Chez les Modernes, c’est plutôt une idéologie de la violence réparatrice qui contribue à justifier un usage de la violence extrême alors même que l’on prétend travailler à l’avènement d’un monde qui supprime la violence du pouvoir. La préface de Jean-Paul Sartre aux Damnés de la terre de Frantz Fanon en fournit une illustration connue et instructive. Il y légitime la violence des colonisés jusqu’à la provoquer et l’exalter : « Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre9. » Il est facile de démonter le raisonnement : la colonisation doit être condamnée, c’est là une revendication que chacun comprend et qu’une majorité légitime ; mais que cette revendication serve à légitimer un droit absolu au meurtre aveugle du premier venu fait problème ; un conflit éclate inévitablement entre l’efficacité de la violence (physiquement incontestable) et la moralité de sa justification (éthiquement infondable).
C’est pour des raisons politiques que Sartre en appelle à la violence extrême (au sens qu’il ne peut y avoir de liberté sans la mort de l’autre) en identifiant hâtivement la terreur à une « juste guerre ». Mais quelle réponse donner à la terreur qui se légitime de manière moins politique que culturelle et se donne ouvertement des mobiles communautaires et religieux au point de dresser une civilisation contre une autre ?
Pour nombre d’observateurs, le nazisme a initié une guerre raciale au nom d’une culturalité particulière (la germanité) contre l’universalisme de la civilisation démocratique et libérale, usant de la violence totale (génocidaire) pour conquérir un pouvoir total. Un tel extrémisme a été résolument condamné de manière quasi unanime par les démocraties comme une catastrophe politique et humaine interne à la civilisation occidentale.
Mais la situation du début du xxie siècle diffère sensiblement en ce qu’elle écartèle la démocratie entre sa force et ses valeurs, entre son désir de paix et son refus du rejet de l’Autre (autre culture, autre communauté, autre religion). Face aux attaques terroristes s’installe ainsi une sorte de principe de précaution moral qui condamne en même temps l’agresseur et la tentation de contre-violence de l’agressé pour éviter l’amalgame entre violence fondamentaliste et religion. Toutefois, outre que la neutralité en la matière risque de passer pour indifférence ou complaisance envers des actions manifestement criminelles, il semble que cette timide délégitimation de la violence totale échoue dans un immobilisme qui favorise paradoxalement l’imprévisibilité et l’omniprésence de la violence sporadique. « Anorexie stratégique »10 ou « vacuité spirituelle de l’Europe »11 ?
Le philosophe américain Michael Walzer12 met en cause la « culture de gauche » pour le soutien paradoxal (évidemment non délibéré) qu’elle apporte à la cause terroriste par une sorte d’inertie idéologique qui perpétue la compassion victimaliste de son révolutionnarisme. Il cite le philosophe slovène Slavoj Zizek, pour qui le radicalisme islamique exprime « la rage des victimes de la mondialisation » (les Français se souviennent, quant à eux, du soutien ouvertement apporté par le philosophe Jean Baudrillard aux attentats du 11 septembre 2001). C’est ainsi qu’une certaine inertie idéologique continuerait d’identifier la pauvreté à un réservoir de violence légitimée pour toujours et d’en faire un facteur de « progressisme » social mondialisé. Toutefois, Walzer n’en reste pas à une simple mise en cause de tels tropismes intellectuels et il envisage pour l’avenir une reconversion et une refondation de « la gauche » par elle-même.
Si la question est vitale pour les Européens, c’est qu’ils comprennent que la barbarie de la violence terroriste risque de les entraîner dans la barbarie d’une culture totalement réduite à la peur de la violence. En l’absence d’unité politique, l’Europe paraît se donner une unité morale qui se borne à mettre en pratique un pacifisme simplement abstrait et magique. La croyance en un pluralisme unificateur merveilleusement capable de désarmer les adversaires de la paix ne trompe pourtant personne, et chacun sait qu’elle traduit un moralisme de confort qui assure mentalement la paix d’une opinion majoritaire. C’est ainsi que le combat contre les « violents » se réduit à une affaire de mots, à des querelles de formules et à des invectives sur des images qui installent la conscience médiatique de chaque jour dans un attentisme devenu le style de son impuissance.
- La force contre la violence
La confusion des mots et des images peut être poétique (« la terre est bleue comme une orange »), comme elle peut être politique quand un « signifiant vide » crée par son abstraction une illusion de consensus ; ainsi la justice, le bien, le pluralisme… sont des objectifs communs à des individus et à des groupes qui en ont pourtant des conceptions rivales, mais leur généralité informelle et leur échéance lointaine assurent momentanément une certaine tranquillité sociale. Toutefois, si une rhétorique des images peut contribuer à unir une communauté, elle peut aussi opérer comme un refus du réel : le consensus dit « moralement correct » vise assurément la paix sociale, mais c’est un consensus vide, qui évite d’affronter les violences et les contradictions de la réalité telle qu’elle est.
Dans ce registre, le choix d’identifier toute force à une violence et de la condamner comme telle jouit d’une assez grande efficacité consensuelle, la violence (parentale, étatique, symbolique, économique, judiciaire...) devenant une catégorie assez extensive pour abriter toutes les condamnations d’abus de pouvoir. Mais le procédé a son revers, car sa systématicité a pour effet de « manichéiser » et de sacraliser le couple violence/faiblesse en donnant à la faiblesse, identifiée à l’innocence et à l’impuissance, une autorité morale et un prestige social en quête de position dominante.
Or cette manière de renoncer à la lutte fait le lit des sophismes sur lesquels prospère la violence. Parmi eux, celui qui identifie la violence à la vie est doublement pernicieux, puisque la violence ne régénère pas la vie mais la détruit et parce que la confusion fait oublier que c’est la lutte, et non la violence, qui est nécessaire à la vitalité de la vie. Si l’on veut dire qu’il est impossible d’éliminer la violence de la vie, on ne risque pas de se tromper, car il est des situations où le recours à la violence est inévitable (neutraliser celui qui tire dans une foule, par exemple), mais cela ne confère aucune légitimité à une quelconque cause : la violence en exercice ne prouve qu’elle-même, sa pure instrumentalité, son pouvoir irrépressible de détruire.
Est bien différente la position de celui qui lutte pour faire reconnaître la pleine légitimité morale et politique de son combat. Le penseur et le libérateur que fut le Mahatma Gandhi a su enseigner la profondeur éthique de la véritable aspiration à l’indépendance en comprenant la non-violence comme une force et non comme un renoncement à la force. Sa vision de la force arrête l’infinie réciprocité de la violence et de la contre-violence en ne traitant jamais la faiblesse ou la pauvreté comme un droit à la violence ; on n’a pas raison parce qu’on est faible, pauvre ou victime, mais par la souffrance que l’on est capable d’accepter pour soi-même. Le courage de laisser retomber sur soi-même les douleurs provoquées par un affrontement oppose, tant physiquement que symboliquement, la force morale et spirituelle incarnée dans la souffrance consentie à l’efficacité simplement brutale de la violence.
Alors que la violence met aux prises des volontés de puissance et de conquête, la force capable de refuser la violence s’ancre dans une loi de nature bien plus méconnue, celle de la douleur qui est universellement le propre de toute sensibilité et qui fonde la solidarité des vivants jusque dans la solidarité d’espèce (un même genre humain) de ceux qui s’affrontent à mort. « Ceux qui se soumettent volontairement à une longue suite d’épreuves grandissent en noblesse et élèvent le niveau de l’humanité entière13. » Que l’action se nourrisse de choix qui ne servent pas à augmenter l’efficacité des choses, mais à exprimer la grandeur dont le genre humain est porteur échappe à l’utilitarisme, incapable de comprendre que, pour le non-violent, la force de la force est l’amour.
Mais si la non-violence radicale confine finalement à la sainteté, la responsabilité du monde, quant à elle, a besoin de force. Pour les Européens, la force de la force est la légitimité, ce qui les conduit à opposer l’éthicité de la force à la pure instrumentalité de la violence en distinguant entre le « pouvoir de » et le « pouvoir sur ». Pouvoir marcher, pouvoir penser, pouvoir désirer sont des fêtes de la vie, ce sont des accomplissements, des expériences de plénitude. La virilité, quand on en fait une vertu morale, n’est pas le machisme, mais, bien au contraire, le pouvoir de refuser la violence sexuelle, et il n’est pas absurde de penser que l’idéal de la force est l’évitement de la violence. La force peut être bienveillante, ce dont la violence est incapable, sauf en se reniant. « La force crée au lieu que la violence détruit. La violence n’obtient pas la force, elle détruit celle de l’autre (et sa dignité, son estime de soi...). Mais la force de lutter contient celle de construire, de coopérer et de faire monde avec les autres. Le sentiment d’être “capable” en fait trouver en soi-même les ressources14. »
Il importe au plus haut point à la politique de distinguer entre le pouvoir et la violence, autant qu’il lui est indispensable de distinguer entre l’obéissance (aux lois) et l’asservissement (aux hommes). S’il est vrai qu’« il n’y a jamais eu de gouvernement exclusivement sur l’emploi des moyens de la violence »15, c’est que le pouvoir est une solidarité organisée en une capacité collective de penser et d’agir. Il manque encore à l’Europe la force de fonder un pouvoir d’agir en commun sur une solidarité culturelle qui organise son développement futur dans la vitalité de repères symboliques assurés. Il demeure que sa part de responsabilité dans le monde tel qu’il est lui enjoint de ne pas consentir à tenir une violence extrême pour une justice suprême, la faiblesse politique pour une grandeur morale et une impuissance commune pour un pacifisme concerté.
La force nous est à charge, elle n’est pas un instrument matériel dont on se servirait à son gré ; elle a besoin de solidarité, d’éthicité et même de spiritualité, car elle est une figure de la culture qui retourne à la violence quand elle se « naturalise », c’est-à-dire quand elle naturalise la justice, l’honneur ou la dignité en les transformant en violences physiques déchaînées. Les Européens l’ont appris à leurs dépens dans les guerres d’un passé encore récent. Des voix avaient alors tenté de se faire entendre pour dire que « la paix est l’épanouissement de la force. La paix, la vraie paix, n’est pas un état faible où l’homme démissionne. Elle n’est pas non plus un réservoir indifférent au bon comme au pire. Elle est la force »16.
1 René Girard, Achever Clausewitz, Paris, Carnets Nord, 2007, p. 53. Souligné par l’auteur.
2 Ibid., p. 51.
3 Ibid., p. 54.
4 Hannah Arendt, De la révolution, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 2013, p. 168.
5 Saint-Just, cité par Hannah Arendt, op. cit., p. 86.
6 H. Arendt, Ibid., p. 150.
7 Jean-Marie Muller, « Philosophie de la non-violence », Faut-il s’accommoder de la violence ?, Paris, Complexe, 2000, p. 355.
8 Joseph de Maistre, Éclaircissements sur les sacrifices, Œuvres, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 2007, p. 833.
9 Jean-Paul Sartre, préface aux Damnés de la terre de Frantz Fanon, Paris, Maspero, 1961, pp. 19-20.
10 Pascal Boniface, La Volonté d’impuissance, la fin des ambitions internationales et stratégiques ?, Paris, Le Seuil, « l’histoire immédiate » 1996, p. 190.
11 Pierre Manent, La Raison des nations, réflexions sur la démocratie en Europe, Paris, Gallimard, p. 96.
12 Michael Walzer, « Cette gauche qui n’ose pas critiquer l’islam », Le Monde, 8 mai 2015.
13 Gandhi, Tous les hommes sont frères, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 2012, p. 151.
14 Monique Castillo, « Paix et contre-violence », Dictionnaire de la violence, Paris, puf, 2011, p. 976.
15 Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, Paris, Agora, 1994, p. 150.
16 Emmanuel Mounier, « Éloge de la force », Esprit, février 1933, p. 826. Mounier ponctue sa réflexion par cette phrase de Montherlant : « Faire une paix qui ait la grandeur d’âme de la guerre. »
Most people’s spontaneous reaction to the savagery of certain acts of violence is to condemn them as “barbaric”, “monstrous”, or “mad”, all descriptions that reflect the reactions of the onlooker, in other words, if truth be told, the sense of powerlessness in the face of the inexplicable (“madness”), the intolerable (“barbarism”), and the unjustifiable (“monstrosity”). Deep down, the horror results from the (unspeakable) fact that the perpetrators of such acts of violence are capable of claiming responsibility for them and, in so doing, justify such violence; the specific evil of violence may well be exactly this: the legitimised dehumanisation of extreme destructive practices. In making violence an ultimate and absolute means, an instrument of definitive and total domination, the perpetrator of violence embodies the justification of the unjustifiable. This raises the question: what causes and favours this legitimising of what is unacceptable?
- Unlimited recourse to violence
René Girard provides one response to this kind of question by combining his theory of mimetic violence with the principle of reciprocal action found in Clausewitz: “Among animals, there is predation, and there is doubtless genetic rivalry for females. However, among humans, the fact that no one ever feels they are the aggressor is because everything is always reciprocal. The slightest little difference, in one direction or the other, can trigger the escalation to extremes. The aggressor has always already been attacked1.”
To say that the aggressor always believes that he has been attacked first, implies that violence is self-justifying and is initially a response which is always rendered legitimate by a prior attack: “It was because he was ‘responding’ to the United States that Bin Laden planned 9/11 and subsequent events2.” Giving oneself the right to revenge maintains the principle of reciprocity, in other words, a fight to the death, the endless exercise of violence and counter-violence. To consider oneself as the victim inflames the impassioned resentment which underlies the escalation of violence. When mimetic rivalry (appropriating the enemy’s power in order to exercise it in turn) competes as to who is the victim, when it extends across the entire world, and religion, rather than calming things down, only makes matters worse, violence sets in motion a process liable to result in apocalypse.
To put it less dramatically, we can see that war outruns politics, that it is self-sustaining (the privatisation, and the multiplication and increasing banality of asymmetric conflicts demonstrates that weakness eventually sees itself as the right to use any means), that politics lags behind violence, and violence always takes the lead3. In Girard’s analysis, he explains the physical and mental effectiveness of terrorist violence, which, by systematically making a show of violence, administers the proof that it will always return, that it is no longer in the realm of reasoned action, but a process of winning power exclusively through the total destruction of the enemy’s power.
The self-legitimisation of the victim leads to extremism when asymmetry acts as a moral factor in establishing an unlimited “right” to annihilate. Hannah Arendt showed how the victimisation of the weak, raised to the level of revolutionary ideology, can exacerbate violence by triggering the never-ending dynamics of vengeance. “The men of the Revolution set out to emancipate the people not qua prospective citizens but qua malheureux4.” From the “enragés” of the French Revolution to the “Wretched of the Earth” of the Soviet Revolution, the same tendency played out: the revolution changed course, abandoning the cause of liberty in preference to poverty, thus passing down a terrifying heritage to the conviction that the “les malheureux sont les puissances de la terre” (the wretched are the power of the earth)5.
The initial impulse behind this change was, according to Arendt, pity. Not compassion in the sense of a fellow-feeling towards those suffering, but an ideologised and distorted pity, which sets weakness up as “goodness” and suffering as “virtue”, as such an absolute, original and indisputable innocence that it has become a physical and moral weapon (the power of the masses) made to stand against the “hypocrisy” of the rich, in a conflict that never ends since “the hunt for hypocrites is boundless by nature»6. Poverty thus becomes the instrument of a politics of destruction which glorifies the moral value of suffering at the same time as transforming it into an inexhaustible reservoir of violence that can be exploited indefinitely.
The media has recently brought a whole new dimension to analysis of this question: the symbolic factor of violence now feeds the escalation to extremes. While the violence of an animal destroys life in order to eat its prey, human violence goes further and seeks to destroy the reasons for living, to eliminate everything that gives life meaning. As a result, when the will to destroy aims not only at the adversary’s physical existence, but also at what he stands for, what he symbolises, his morals, values, his reasons for living, there ensues a war of representations and images which, with the media spectacularly ramping up the emotional effect, leads to insupportable escalation: untrammelled displays of provoked carnage, scenes of torture in front of the cameras, and public glorification of those that commit such atrocities. All this is intended to cause panic by making violence omnipresent, intolerable and unpredictable at the same time. Media coverage has the effect of congealing subjective fears into a widespread impression of collective danger and to target this collective adversary in its own self-awareness, causing its capacity for understanding, as well as its ability to tolerate violence, to collapse.
When a self-justified “right” to violence rests on symbols, its future path opens to infinity, given that physically destroying an abstraction is an impossibility and all attempts to do so will set off an interminable process. To destroy the West, modern society, unbelief and democracy, etc., is to want to destroy a representation of “evil”, as if evil “in itself” were a physical reality, whereas only its representatives, chosen to be exemplary symbols, can be annihilated. This curse of the violence unleashed against symbols does not only impact on war and terrorism, it drains the lifeblood from the housing estates and undermines the courage to teach. It is widely known that, in some schools, students who love school are humiliated and persecuted.
- A culture of violence
For a believer in nonviolence, the culture of violence is based, not on violence, but on the justification of violence. […] Culture constructs a representation designed, not to describe violence, but to disguise it. This representation aims to hide the violence of violence, making it legitimate, a human right, and paying tribute to it as a strong man’s virtue7. To understand this complicity between culture and violence, we need to try and understand the approval, support and complicity that violence may, paradoxically, receive from the very people who condemn it or are victims of it.
It is true that the use of violence finds many cultural justifications: it only needs to be deemed “natural”, to see it as “inevitable” or “necessary”, to encourage it as a right to riposte. We should admit that education, society and public opinion see violence as having a “natural” place in culture. So much so that, in general, it enjoys a legitimacy that makes it a sort of subjective as well as social right, if not a sign of courage and honour. Such a culturality of violence is part of our education. Fathers and mothers find it difficult to see their child beaten up by other children without fighting back: the child must be taught that confrontation is a situation in which violence is allowed, even if just momentarily, as a necessary exception to the rule and one over which one has exclusive rights.
Violence is more particularly given cultural legitimacy in scenarios full of the symbolism of justice. In Westerns, for example, paternal authority and the just war demonstrate the “good side” of violence: it repairs, takes revenge, and brings justice. Every culture endorses violence in this way, in the name of honour and survival, even in the name of the value of life itself. Hence the surprise: what explication is there for the moral and political legitimisation of violence when it comes from those who are its primary victims?
That human sacrifice is a fact of culture, institutionalised by the greatest pre-modern civilisations, has been interpreted as a mystical conception of bloodshed. This profusion of violence preceded, explained Joseph de Maistre, a universal religious truth that calls for purification by blood. The bloodshed and horror of sacrifice would thus be endowed with a precise meaning, that of salvation and communion: “How then can we fail to recognise that paganism could not be mistaken about an idea so universal and fundamental as that of sacrifice, that is to say, of redemption by blood8?”
We primarily understand this as meaning that such excessive violence is so far beyond the normal limits of intelligence that we are forced to view it as supernatural or divine, as if such extreme inhumanity gives it a paradoxical superhuman transcendence. Secondly, there is a fear that this morbid fascination may be re-emerging in the rage to show the sacrifice of hostages across the world, like a new mystical conception of bloodshed. Unless it is conformist uptake of an institutionalisation of violence which needs go no further to be seen as just: in which case, violence confirms a world order that is beyond human comprehension.
One sociological interpretation of the phenomenon draws a parallel between the inner resignation to Nazi violence and that of the people affected by the violence of Islamic extremists: it confirms a world order that distinguishes, on the one hand, between good and bad races, and on the other, between the faithful and the unfaithful; without needing to understand the ultimate reason, the population is invited to live in a world order structured and justified by violence.
In the Modern era, it is more an ideology of restorative violence that is used to justify the use of extreme violence, while pretending to work toward the coming of a world that will put an end to the violence of power. Jean-Paul Sartre’s preface to Franz Fanon’s Wretched of the Earth provides a widely-known and instructive illustration of this. Sartre justifies the violence of the colonised, provoking and praising it: “to shoot down a European is to kill two birds with one stone, to destroy an oppressor and the man he oppresses at the same time: there remain a dead man, and a free man9.” The reasoning behind this is easily explained: colonialism must be condemned, everyone understands this claim and the majority see it as legitimate; but that it should serve to legitimise a absolute right to blindly kill the first person who comes along is problematic; a conflict inevitably arises between the effectiveness of violence (physically indisputable) and the morality of its justification (ethically unfounded).
Sartre had political reasons behind the call to extreme violence (in the sense that there can be no freedom without the death of the other) hastily identifying terror with a “just war”. Nonetheless, what should our response be to terror that justifies itself in a less political but more cultural manner, and openly declares its community and religious motives to the point that it sets one civilisation against another?
Many observers think that Nazism initiated a race war in the name of a specific culturality (Germanity) against the universalism of liberal democratic civilisation, making use of total violence (genocide) to win total power. Such extremism has been resolutely condemned more or less unanimously by democratic states as a political and human catastrophe inherent in western civilisation.
However, the situation now at the beginning of the 21st century is significantly different, in that it it divides democracy between its strength and its values, between its desire for peace and its refusal to reject the Other (other culture, other community, other religion). In the face of terrorist attacks, a sort of principle of moral precaution takes root, which condemns both the attacker and the attacked’s temptation to counter-violence in a bid to avoid any confusion between fundamentalist violence and religion. That said, apart from the fact that neutrality on the issue risks being seen as indifference or complacency with regard to actions that are obviously criminal, it seems that timid moves to de-legitimise total violence fail in an immobility that paradoxically encourages unpredictability and the omnipresence of sporadic violence. “Strategic anorexia”10 and “the spiritual vacuity of Europe”11?
American philosopher Michael Walzer12 challenges “left-wing culture” for paradoxically (and obviously not deliberately) supporting the terrorist cause due to a sort of ideological inertia that sustains compassion for the victim in its revolutionary doctrine. He cites the Slovenian philosopher, Slavoj Zizek, for whom Islamic radicalism is an expression of “the rage of the victims of globalisation” (the French may well recall philosopher Jean Baudrillard’s open support for the 9/11 attacks). Thus, a certain ideological inertia will continue to identify poverty with a reserve of legitimised violence for all time and make it a factor in global social “progress”. Nonetheless, Walzer does not stop at a simple challenge to such intellectual tropisms, and he looks ahead to a time in the future when the “Left” will reform and re-found itself.
If the question is a crucial one for Europeans, it is because they understand that the barbarity of terrorist violence risks leading them into the barbarity of a culture totally on its knees due to its fear of violence. Without political unity, Europe seems to give itself a moral unity which merely practices a form of pacifism which is simply abstract and magical. The belief in a unifying pluralism that is miraculously able to disarm the enemies of peace does not fool anybody, and everyone knows that it implies a moral stance of comfort that mentally ensures peace as conceived by majority opinion. The combat against the perpetrators of violence is thus reduced to a battle of words, to quarrelling over formulae and invective over the images which fix the media awareness of each day in a wait-and-see attitude that has become the signature of its own powerlessness.
- Force against violence
The confusion of words and images is almost poetic (“the earth is blue like an orange”), as it can be political when an “empty signifier” creates by its abstraction an illusion of consensus; thus, justice, good, pluralism, etc. are common objectives shared by individuals and groups who nonetheless hold rival concepts, but their informal generality and far-off deadline momentarily ensures a certain social calm. Yet, if a rhetoric of images can help unite a community, it can also operate as a refusal to accept reality: so-called “morally correct” consensus aims for social peace, but it is a consensus without substance, which avoids confronting the violence and contradictions of the real world as it is.
At this level, the choice of identifying every force with violence and condemning it as such enjoys quite significant consensual effectiveness; violence (be it parental, state, symbolic, economic or based in the legal system, etc.) becomes a rather broad category under which any condemnation of the abuse of power finds shelter. But the process works in reverse too, its systematic nature has the effect of “manicheanising” the violence/weakness pair and making it sacred, endowing weakness, identified with innocence and powerlessness, with moral authority and social prestige striving to reach a position of dominance.
This manner of stepping back from the fight encourages sophistry which in turn leaves the ground clear for violence. Sophisms include identifying violence with life, pernicious on two counts, since violence does not restore life but destroys it, and confusion makes us forget that it is the fight, not the violence, that is necessary to make life vital. If we say that it is impossible to eliminate violence from life, there is little risk of being proven wrong since there are situations in which recourse to violence is inevitable (neutralising an attacker who fires into a crowd, for example), but that does not make any cause legitimate: violence in practice proves nothing but itself, its pure instrumentality, its unstoppable power to destroy.
The person who fights to have the full moral and political legitimacy of his combat is quite another matter. The thinker and liberator Mahatma Gandhi succeeded in teaching the deeper ethics of a genuine aspiration to win independence, understanding nonviolence as a strength, not a renouncement of strength. His vision of force puts a stop to the infinite reciprocity of violence and counter-violence by never treating weakness or poverty as a right to violence; one is not right because one is weak, poor or a victim, but because of the suffering one is capable of accepting for oneself. The courage to accept the pain caused by confrontation sets up, physically as much as symbolically, the moral and spiritual strength embodied in the suffering to which one consents in opposition to the simply brutal effectiveness of violence.
Whereas violence is a clash between two parties’ desire for power and conquest, the strength to refuse violence is rooted in a law of nature about which much less is understood, namely that of the pain which universally belongs to any sensitive being and which underlies solidarity between living beings, the solidarity of the species (a single humankind) felt by those who confront each other to the death. “People who voluntarily undergo a course of suffering raise themselves and the whole of humanity13.” For action to be underpinned by choices that do not serve to make things more effective, but to express mankind’s potential greatness, is a long way from utilitarianism, which cannot understand that, for a nonviolent person, the strength of strength is love.
Yet, while radical non-violence leads ultimately to sainthood, the responsibility of the world needs force. For the Europeans, the strength of force is legitimacy, which leads them to oppose the ethics of force to the pure instrumentality of violence, distinguishing between the “power to” and “power over”. The power to walk, to think, to desire, are celebrations of life, accomplishments, experiences of abundance. Virility, when it is made into a moral virtue, is not machismo, but, quite the opposite, it is the power to resist sexual violence, and it is not absurd to think that the ideal of strength is the avoidance of violence. Strength can be benevolent, something that violence is incapable of, unless it is renounced. “Strength creates whereas violence destroys. Violence does not achieve strength, it destroys the other’s strength (together with its dignity and self-esteem, etc.). But the strength to fight contains the strength to build, cooperate and form a world together. The feeling of being ‘able to’ to find the resources in oneself14.”
It is essential that politics distinguish between power and violence, just as it is essential to distinguish between obedience (to laws) and subjugation (to men). If it is true that “No government exclusively based upon the means of violence has ever existed”15, that is because power is a form of solidarity organised on the basis of a collective capability to think and act. Europe still lacks the force to found the power to take common action on a cultural solidarity whose future development would draw on the vitality of solid symbolic points of reference. Nonetheless, its share in responsibility in the world as it is enjoins it not to consent to taking extreme violence for supreme justice, nor political weakness for moral superiority, nor common powerlessness for concerted pacifism.
Force is our responsibility, it is not a material instrument to be used as one pleases; it requires solidarity, ethics and even spirituality because it is a figure of the culture that returns to violence if it is “naturalised”, that is, when it naturalises justice, honour and dignity by transforming them into unleashed physical violence. Europeans have learned this lesson to their cost, during the wars of a still recent past. At the time, voices did try to make themselves heard in saying that “la paix est l’épanouissement de la force. La paix, la vraie paix, n’est pas un état faible où l’homme démissionne. Elle n’est pas non plus un réservoir indifférent au bon comme au pire. Elle est la force. » (Peace is the fulfilment of strength. Peace, real peace, is not a weak state in which man gives up. Nor is it a reservoir indifferent to good and bad alike. It is strength)16.
1 René Girard, Achever Clausewitz, Paris, Carnets Nord, 2007, p.53 (translation from Battling to the End: Conversations with Benoit Chantre, Michigan State University Press). Highlighted by the author.
2 Ibid. p.51.
3 Ibid., p.54.
4 Hannah Arendt, De la révolution, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 2013, p.168 (On Revolution).
5 Saint-Just, quoted by Hannah Arendt, op. cit., p.86.
6 H. Arendt, Ibid, p.150.
7 Jean-Marie Muller, « Philosophie de la non-violence », Faut-il s’accommoder de la violence ?, Paris, Complexe, 2000, p.355.
8 Joseph de Maistre, Éclaircissements sur les sacrifices, Œuvres, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 2007, p.833.
9 Jean-Paul Sartre, preface to Damnés de la terre by Franz Fanon, Paris, Maspero, 1961, pp.19-20.
10 Pascal Boniface, La Volonté d’impuissance, Paris, Le Seuil, 1996, p.190.
11 Pierre Manent, La Raison des nations, Paris, Gallimard, p.96.
12 Michael Walzer, « Cette gauche qui n’ose pas critiquer l’islam », Le Monde, 8 May 2015.
13 Gandhi, Tous les hommes sont frères, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 2012, p.151. (English translation from All men are brothers, published by unesco, 1958, p.83)
14 Monique Castillo, « Paix et contre-violence », Dictionnaire de la Violence, Paris, puf, 2011, p.976.
15 Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, Paris, Agora, 1994, p.150 (English translation from Reflections on Violence).
16 Emmanuel Mounier, « Éloge de la force », Esprit, February 1933, p.826. Mounier includes this phrase by Montherlant in this essay : « Faire une paix qui ait la grandeur d’âme de la guerre. » (Make peace with the same generosity of spirit as we make war).