« Il a deux trous rouges au côté droit. » Chacun se souvient de ce « dormeur du val » que le poème de Rimbaud éponyme immortalise comme un jeune soldat frappé par la mort. Ce n’est ni un vagabond ni un promeneur solitaire ni un ivrogne. Comment sait-on que c’est un soldat ? Une certaine solennité dans le poème inspire cette qualité de silence qui marque les cérémonies du souvenir autour de ceux qui sont morts au combat. Mais cela ne saurait suffire à identifier ce corps comme celui d’un soldat ; sans doute l’uniforme, ou ce qui en reste, et le fait, aussi, qu’on est en guerre, font percevoir ce corps comme quelque chose de plus qu’une individualité, comme une sorte de réalité « collective ».
- L’énergie collective
L’uniforme, surtout si l’on est en guerre, sert à distinguer les corps les uns des autres, à faire, pour commencer, la différence entre l’ami et l’ennemi. Il force le corps à devenir une réalité publique, publiquement identifiable, à la manière d’une carte de visite qu’on afficherait à l’extérieur de soi. Et ce qu’il exprime est une appartenance : appartenance à une nation, à une arme (marine, infanterie…), à un régiment, à une brigade… Le soldat appartient corporellement à un autre corps, un corps plus grand que lui, auquel il s’« incorpore ». L’uniforme réalise cette immersion du corps physique dans une enveloppe publique et le transfigure en une réalité collective, individuellement collective.
L’uniforme, assurément, mais pas seulement l’uniforme. Car un mannequin recouvert d’un uniforme n’est pas un soldat, mais un leurre. Il faut que l’uniforme soit animé. On touche alors au paradoxe le plus visible de cette fonctionnalité publique : le corps individuel doit avoir incorporé ou ingéré un certain nombre de mécanismes qui sont la traduction physique de l’appartenance, de la fonction, d’une destinée même dont la définition est collective, publique, nationale ou internationale. Une politique du corps s’est inscrite dans le corps, au titre de comportements prédéterminés ou de réactions prévues. Il faut qu’il soit prêt à réagir collectivement, conformément à certaines normes.
- Le corps-énergie
Un tel corps n’est pas pour autant un corps-chose, un corps-objet, il est intrinsèquement, substantiellement de l’énergie. Le corps du soldat est une énergie en action dont la mobilisation totale des ressources, musculaires et nerveuses aussi bien qu’intellectuelles et morales, est programmée et anticipée jusqu’à inclure leur épuisement même dans leur fonctionnalité. Nombre d’historiettes destinées à amuser circulent sur l’entraînement du militaire pour ridiculiser ses excès (marches forcées) ou son inutilité (à des heures impossibles) et l’abus de pouvoir des caporaux (punitions pour motifs futiles), mais qui révèlent sans le savoir le négatif photographique de l’histoire à vivre, réelle, terrible, imprévisible, qui sera celle du corps engagé dans l’action.
Dire que l’épuisement de son énergie est programmé, c’est savoir que la seule identité qui reste au corps qui a perdu sa force, sa forme et sa vie est l’unité finale d’une unique et même dépense d’énergie qui a été portée au-delà même des limites supportables : « Plus de quatre millions d’hommes ne survécurent qu’après avoir subi de graves blessures, le corps cassé, coupé, marqué, mordu, la chair abîmée, quand ils n’étaient pas gravement mutilés. Les autres s’en sortirent en apparence indemnes : il leur restait le souvenir de l’horreur vécue pendant plus de cinquante mois, la mémoire du sang, de l’odeur des cadavres pourrissants, de l’éclatement des obus, de la boue fétide, de la vermine, la mémoire du rictus obscène de la mort1. »
L’énergie ainsi commanditée, formée et entraînée a cette particularité de contredire constamment l’inertie propre à la matière, et ce dans l’assaut comme dans la résistance : inventer des commencements, en faire durer l’inspiration dans l’adversité, affronter l’imprévisible et durer, tenir, résister… jusqu’aux conséquences ultimes. Rien n’y est passif, pas même l’attente, mais tout fait partie d’une opération, comme segment d’un début, d’une suite ou d’une fin de l’action. La disponibilité elle-même est de l’activité potentielle, en attente d’agir ou de servir l’action.
De là vient aussi, pour une part, l’émotion particulière inspirée par le poème de Rimbaud. « Il a deux trous rouges au côté droit » fait entendre la sourde et puissante victoire du silence que la mort impose à la vie quand elle en détruit la fécondité, et quand il s’agit, en l’occurrence, de la destruction d’une énergie en mouvement sous le coup d’une violence tout aussi énergique. Le sommeil du jeune mort n’est pas celui d’un corps qui finit paisiblement une vie personnelle dans un contexte familier ; c’est une histoire brutalement arrêtée dont on ne connaîtra jamais la fin, parce que la mort l’a rendue impossible pour toujours. L’émotion des spectateurs qui regardent un film de guerre vit de la réactivation perpétuellement actuelle de cette intuition.
On n’est pas dans le contexte de la société civile où le mobile de l’intérêt fait comprendre, pour l’accuser ou l’excuser, les conflits entre énergies productives. Dans le contexte de la productivité commerciale, le calcul des forces règle la prise des risques, il gère la dépense des forces en excluant les dépenses inutiles. Cette situation peut se donner pour modèle de civilisation tant qu’elle est préservée par la paix, à l’abri d’une menace qui en détruirait la possibilité d’être.
Autre chose est de détruire la menace qui détruit la possibilité d’être, et c’est là la fonction spécifique de l’énergie militaire. Quand le public en prend conscience, il comprend que cette gageure métamorphose totalement le besoin d’intelligibilité de la dépense énergétique et qu’elle le transporte lui-même dans un tout autre ordre de compréhension et de justification. Parler, par exemple, d’un « intéressement » du soldat aux « coûts » et aux « bénéfices » de l’activité de défense (un butin ?) serait inconvenant et même choquant, réaction qui témoigne du fait que l’expérience militaire implique de changer vraiment, ontologiquement, le besoin de repères : la dépense d’énergie qui inclut sa propre destruction dans le programme de son accomplissement n’est pas individuelle, elle est forcément, inévitablement, incontournablement collective en sa racine. Dès lors que le soldat convertit la matière de son corps en énergie, en énergie disponible et sacrifiable, il ne peut s’agir que d’une énergie collective.
- Accords en résonance
Qu’on prenne pour exemple l’expérience du défilé militaire. C’est la présence physique des autres, présence de leur force musculaire en état de se manifester dans la marche, la posture et la stature, qui révèle à chacun l’énergie contenue dans son propre corps. Ce n’est pas une addition arithmétique de forces atomiques qui se produit, mais une contagion de l’énergie. La cohésion du tout entraîne et intègre les parties ; le corps individuel est transcendé et absorbé par le corps du groupe : la marche est le rythme et la musique de cette fusion, d’une sorte de joie lumineuse et vitale. On s’accomplit dans un vécu partagé d’une solidarité possible et crédible, qui se fait chair. On ne comprend rien à cette expérience si l’on ne voit pas à quel point elle peut réactiver ou restaurer en chacun l’honneur de vivre et l’estime de soi.
Cela n’a rien à voir avec l’esprit de corps (qui existe, bien sûr, mais qui relève de la culture de l’action militaire plutôt que de ce vécu expérimental d’une jubilation d’un corps content de vivre, sans mots, une dynamique partagée). Cela n’a rien à faire non plus avec une masse en fusion. Il s’agit simplement de rythme et de cadence, de la musique qui forme un corps collectif au moment où le corps individuel se met en résonance avec cette musique et fait donation de sa présence à une corporéité collective qui mêle son identité à celle de tous les autres. Une expérience collectivement intime de la formation du corps d’un groupe par et pour sa cohérence. Plus chacun contribue à la cohérence de ce corps comme un tout, plus il se désindividualise, et plus la désindividualisation contribue à se surpasser dans un corps commun dont l’unité ainsi réalisée pourrait bien être l’« esprit » ou l’« âme » d’une collectivité créée par sa propre cohérence et sa persistance dans la même unité.
Le défilé s’approprie le temps pour le discipliner par le rythme : au même moment, dans la même temporalité captivée, se réalise un accord de plusieurs accords mis en résonance. Accord des corps en mouvement, accord du rythme et de la musique dans le tout du groupe, accord entre les éléments convoqués, comme le vent, la lumière, la couleur et le son et, surtout, ce qui est visé, mise à l’unisson des spectateurs et des acteurs, résonance intime d’un rendez-vous souhaité entre deux imaginaires, celui du peuple et celui des corps qui le protègent. Le « Nous » de Flambeau2, le « Nous » des petits, des obscurs, des sans-grade, le « Nous » de la solidarité des corps épuisés :
« Nous qui marchions fourbus, blessés, crottés,
Sans espoir de duchés ni de dotations ; malades,
Nous qui marchions toujours et jamais n’avancions ;
Trop simples et trop gueux pour que l’espoir nous berne
De ce fameux bâton qu’on a dans sa giberne ;
Nous qui par tous les temps n’avons cessé d’aller,
Suant sans avoir peur, grelottant sans trembler,
Ne nous nous soutenant plus qu’à force de trompette,
De fièvre, et de chansons qu’en marchant on répète. »
La survie de chacun est accrochée à la condition du « tenir ensemble » du groupe, condition ultime qui le porte au-delà de ses propres forces et de sa résistance individuelle, expression d’une solidarité de type charnel, d’une compréhension de la souffrance de l’autre, qui, dans les opérations, passera d’abord par la perception d’un corps en détresse.
Cette expérience de la solidarité énergétique des corps peut être aussi vécue par les sportifs. Imaginons un groupe de jeunes gens qui s’entraînent à courir en vue d’épreuves à affronter. S’ils choisissent de le faire ensemble, c’est que la solidarité physique des énergies existe. Le film Les Chariots de feu en fait l’image de son générique, et l’histoire racontée de deux champions olympiques met en avant l’énergie morale et même presque mystique que réclame le dépassement des limites physiques de son propre corps.
Le spectateur ne voit dans un défilé ou dans le groupe qui s’entraîne qu’un rouage mécanique, mais c’est qu’il projette sur lui une manière de penser qui est elle-même mécanique, alors que la réalité, elle, ne l’est pas. Si une chorale ne nous donne pas, quand on l’écoute, l’image d’un rouage mécanique, c’est que sa performance n’est pas de marcher (action qui se déroule géométriquement dans l’espace) mais de faire résonner des accords (action qui se déroule dans la fluidité de la durée)3. La chorale chante le rythme et ne le marche pas, aussi la discipline et les répétitions qui ont mobilisé et conditionné les énergies qui la composent se font-elles oublier au profit des voix qui s’harmonisent, se répondent et se confondent : les accords en résonance nous permettent de n’entendre que la musique comme pure énergie créatrice.
- L’unité sociale incarnée
Le courage, l’endurance et l’initiative sont des vertus privées, chacun peut s’enorgueillir de les posséder et les considérer comme le fond de son caractère. Il peut même s’agir de vertus déshonnêtes : pour le voleur, le manipulateur ou le faussaire, ce sont moins des vertus que des talents exploitables qu’ils instrumentalisent pour les faire agir contre autrui et pour leur profit égoïste exclusivement. Si, dans le cas du soldat, elles deviennent objets de respect et si elles peuvent entrer dans la confection d’un comportement publiquement estimable, c’est qu’elles deviennent de l’étoffe collective : il leur est reconnu de valoir objectivement et non pas simplement subjectivement. Réaliser une unité « objective » à partir d’unités « subjectives » est la gageure de la civilisation moderne. Notre civilisation est celle des droits de l’individu, mais à condition d’en faire une unité, la fondation de l’unité d’un vivre ensemble stable. Cela impose de réaliser un objectif contradictoire. Par suite, le corps du soldat, parce qu’il est perçu comme la matière première sacrifiable de l’édification du corps de l’Armée en tant que corps de la République et dans la République, est l’objet de projections symboliques multiples. La principale, la mort du soldat, incarne, symboliquement et dramatiquement, l’unité qu’on cherche aussi bien que celle que l’on a perdue. Elle peut être réquisitionnée par le culte de la nostalgie aussi bien que pour le rêve de tous les possibles.
- Le corps sacrificiel
Si le soldat est une figure symbolique, exemplaire, irremplaçable ou difficilement remplaçable, c’est que les utopies, pas plus que les conservatismes, ne peuvent s’en passer : le combat, la lutte, la résistance… sont de toujours, même s’ils changent de nom et de région sur la surface du globe. En l’occurrence, si le corps du soldat a une caractéristique particulière qui lui permet d’être un déterminant symbolique majeur dans tous ces combats, c’est que le sacrifice de la vie de ce corps s’intègre à une vision organique de l’unité collective à réaliser ou à restaurer.
C’est au philosophe Hegel qu’on empruntera l’idée d’incarnation en un sens politique et militaire, l’incarnation au sens de la réalisation d’un esprit dans un corps. Le sens théologique est connu. Mais il en existe aussi une application politique, et elle marque, en principe, le destin particulier de la civilisation européenne.
Si nous donnons aux grandes causes des ressorts simplement individuels et psychologiques, explique Hegel, alors il est impossible de concevoir un État autrement que comme un prestataire de services qui se met lui-même au service du confort et de la prospérité des individus. Des intérêts privés attendent de l’État une satisfaction agrandie et garantie. Mais une telle vision détruit ou nie la raison d’exister d’un État en le réduisant à une simple société marchande. Pour qu’il soit une unité organique (et non pas simplement mécanique), il faut que l’individu n’ait pas de plus grande liberté que celle qui consiste à s’unir à la totalité politique ; qu’il renonce à sa liberté d’atome et d’individu isolé pour se fondre dans une unité de libertés réconciliées et non plus antagoniques. Ceci n’est pas un idéal, mais la seule réalité qui, parce qu’elle est librement collective, forge la substance même de l’État moderne. Cette substantialité n’est pas le fruit du calcul, elle est un sentiment.
Le corps du soldat exprime cette unité organique parce que le sacrifice de soi incarne exemplairement cette élévation du « soi » au « tout ». Le corps sacrifiable du soldat réalise le dépassement de l’égoïsme moral indéfiniment additionné dans l’incarnation (la mise en chair) du Tout dans l’individu. Le Tout de l’État, de la Nation, du Peuple, de l’Histoire se réalisant dans le sacrifice de la partie à l’Unité. L’Unité incarnée.
L’absolutisation de cette incarnation se prête, à l’évidence, à tous les abus dès lors qu’elle peut être instrumentalisée par une idéologie totalisante ou totalitaire et qu’elle se met à faire la quête de nouveaux adeptes sur les terres de la misère, de la rancœur et de la haine attisées par l’ignorance et l’obscurantisme. Il n’en demeure pas moins que, à bonne hauteur spéculative, elle définit effectivement la conversion de la vie individuelle en vie collective. « L’État comme réalité morale, comme compénétration du substantiel et du particulier, implique que mes obligations envers la réalité substantielle sont en même temps l’existence de ma liberté particulière, c’est-à-dire qu’en lui, droit et devoir sont réunis dans une seule et même relation. […] L’individu, qui est sujet par ses devoirs, trouve dans leur accomplissement en tant que citoyen la protection de sa personne et de ses biens particuliers, et la satisfaction de son essence substantielle, la conscience et la fierté d’être membre de ce tout4. »
Si mon adhésion aux besoins réels de l’État ne concrétise ni n’« objective » mes dispositions morales, mon dévouement même ne vérifie qu’une bonne conscience privée, abstraite, et l’on demeure dans une sorte d’égoïsme moral. Le soldat réalise de manière exemplaire et corporelle cette union d’une volonté privée et d’une volonté collective, puisque l’annihilation de sa vie prouve son adhésion à la vie supérieure de l’État. L’arme à feu, explique Hegel, vérifie l’universalisme caractéristique du monde moderne et confirme que le courage militaire n’est pas une vertu privée, mais un acte collectif ! De même que le soldat tire avec une arme à feu qui est l’œuvre d’une collectivité au bénéfice de cette collectivité, l’individu qu’il vise n’est pas une personne privée, mais le membre d’un tout : « Ce n’est pas un hasard que la découverte de cette arme ait transformé la forme purement personnelle de courage en une forme plus abstraite [au sens d’impersonnelle, dépourvue de ressentiment ou de colère privés]5. » Analyserait-il de la même façon la massification de la mort, phénomène impersonnellement collectif, telle qu’elle a été vécue par la génération des soldats de la Grande Guerre ?
Une illustration vécue des considérations de Hegel sur la nature profonde de l’État moderne, laquelle consiste à s’associer individuellement et librement à la vie collective de la nation, est donnée par les engagés volontaires de cette Grande Guerre, engagement qui donne effectivement à leur choix une place substantiellement historique et mémorable. En témoigne cette lettre d’un jeune israélite qui demande à son général, en 1917, une affectation aux postes les plus dangereux : « Mes aïeux, en acceptant l’hospitalité de la France, ont contracté envers elle une dette sévère ; j’ai donc un double devoir à accomplir, celui de Français d’abord, celui de nouveau Français ensuite. C’est pourquoi je considère que ma place est là où les “risques” sont les plus nombreux. Lorsque je me suis engagé, à dix-sept ans, j’ai demandé à être artilleur sur la prière de mes parents et les conseils de mes amis qui servaient dans l’artillerie. Les “appelés” de la classe 1918 seront sans doute envoyés prochainement aux tranchées. Je désire les y devancer. Je veux après la guerre, si mon étoile me préserve, avoir la satisfaction d’avoir fait mon devoir, et le maximum de mon devoir. Je veux que personne ne puisse me contester le titre de Français, de vrai et de bon Français6. » Ici, la transformation de la moralité subjective en éthique objective collective saute aux yeux.
- Le corps discipliné
L’incarnation de l’unité politique se réalise dans la discipline imposée au corps, comme si les normes institutionnelles d’un État se corporalisaient au sens où elles prennent corps dans la gestuelle militaire. Foucault en donne une tout autre analyse que Hegel, instructive sur le plan sociologique. Il associe la discipline des corps à l’avènement d’un nouveau type d’exercice du pouvoir, d’un certain art de gouverner, qu’il nomme « une politique de la vie », laquelle contient et implique une radicale mutation du rapport à la guerre et à l’armée.
On sait que les guerres populaires, guerres où s’affrontent des nations et non des princes, sont redoutablement meurtrières parce que le facteur moral, alimenté par une idéologie dont le triomphe passera pour certifier la vérité, conduit à dépasser les limites matérielles de l’énergie physique elle-même. La mobilisation massive de toute la population active engendre des combats qu’une violence extrême rend particulièrement sanglants. Or si l’analyse que fait Foucault de cette intensification de la violence des guerres a de quoi surprendre, c’est qu’elle n’associe pas ses hécatombes à une politique de la mort, mais bien à une politique de la vie : « C’est la prise en charge de la vie, plus que la menace du meurtre, qui donne au pouvoir son accès jusqu’au corps7. » Dans la logique monocratique du pouvoir de l’Ancien Régime, la décision de faire la guerre manifeste la souveraineté du Souverain en son sens prémoderne : il est maître de ses soldats (et sujets) au sens où il a le droit de les faire mourir en exposant leur vie ; le pouvoir qu’il possède est le droit de donner la mort, un droit exemplairement affirmé dans les supplices publics pratiqués sur le corps des condamnés, l’horreur des souffrances infligées étant encore une part de la magnificence qui convient à la visibilité publique du pouvoir royal. Mais l’instauration du régime républicain change la visée du pouvoir et son champ d’application. C’est la population qui importe, au sens où elle désigne un groupement ou une race d’êtres vivants, dont la subsistance, l’accroissement et la vitalité conduisent à privilégier les performances du corps, la plus haute fonction du pouvoir n’étant désormais « peut-être plus de tuer, mais d’investir la vie de part en part »8. Aussi les guerres deviennent-elles génocidaires au nom de la volonté inconditionnelle de vie d’une communauté au prix du massacre de l’autre. L’ampleur des destructions réalisables peut alors être regardée comme un effet de la promotion de la vie au rang de nouvelle raison d’être de la politique.
Ainsi, le corps devient le lieu privilégié de l’exercice du pouvoir. Hygiène du corps, prévention des maladies, exercices physiques, éducation… Le corps du soldat incarne exemplairement le double sens de ce nouvel intérêt pour la vie : la promotion du corps en même temps que sa soumission au pouvoir. Pour Foucault, en effet, la logique de la performance corporelle est une logique disciplinaire, et la politique de la vie est une politique de la normalisation (mise aux normes) des esprits qui passe par les corps. L’hygiène place ceux-ci sous surveillance ; l’éducation physique les oriente ; la médecine les sélectionne ; l’armée en garantit la qualité (ne disait-on pas aux filles, il n’y a pas si longtemps, de n’épouser qu’un garçon reconnu apte au service militaire pour être sûres qu’il est en bonne condition physique).
Cette analogie entre la discipline militaire et la discipline scolaire (et aussi entre la discipline militaire et la discipline hospitalière) rend compte de la partie bureaucratique de l’exercice du pouvoir sur la vie. Mais on ne peut la conserver jusqu’au bout, car la discipline a, dans l’armée, un autre sens que celui d’un conditionnement et d’une soumission des corps au pouvoir politique. Il est vrai que le modèle militaire a été introduit dans d’autres sphères d’activité, comme l’école, pour favoriser la soumission au pouvoir. Mais l’armée étant, par son statut, l’émanation du pouvoir, la discipline y joue un rôle spécifique, qui n’est pas idéologiquement politicien.
La caserne ne subit pas subrepticement une mise sous contrôle, elle engendre elle-même la discipline comme sa pratique particulière ; elle ne la subit pas, elle en fait une forme d’action. L’obéissance fait intrinsèquement partie du commandement, elle en est la réalité, elle en est la substance et elle en fait la force. Un officier ne « règne » pas sur ses hommes, il en fait une troupe, il leur donne l’unité d’un corps commun. Alors que le pouvoir qui résulte d’une bureaucratisation des corps (postures, emplacements et attentes réglés) a pour effet de réduire les individus à la même impuissance, l’obéissance, qui fait la force du commandement, exige l’activité et la disponibilité de chacun pour les transformer en action commune. Le couple commandement / obéissance ne se comprend pas en dehors de la perspective des dangers qui structurent l’expérience commune et il requiert une tout autre philosophie de la vie, celle qui associe la vie à la décision, à l’engagement, au sens de la puissance de créer un destin. « La vie créatrice est une vie énergique »9, affirme le philosophe José Ortega y Gasset pour signifier que le commandement n’a pas pour fin de réduire les esprits, mais de les orienter, qu’il n’arrête pas l’énergie vitale, mais en dévoile les potentialités, qu’il ne limite pas l’existence, mais la transforme en destin.
- Le corps comme réalité publique
Le corps du soldat peut encore être dit « collectif » au sens où il incarne l’imaginaire d’une communauté (ce dont il peut d’ailleurs être le premier à souffrir) ; c’est ainsi que les témoins de la Grande Guerre racontent parfois l’incompréhension tragique qui s’est élevée entre la population de l’arrière (ignorant la réalité terrifiante du front, elle continue d’exalter pour soi, à l’abri des coups, sa mythologie du héros) et l’expérience réellement vécue par les combattants, autrement dit le prix réel, exorbitant, de la victoire espérée. De nos jours, la perception du corps du soldat connaît des turbulences, à commencer par le fait que sa réalité même subit l’épreuve de la médiatisation des imaginaires.
- Le corps emblématisé
La Révolution française a produit, comme on sait, une certaine fétichisation du corps du soldat. Pas seulement en France ; même un philosophe réputé aussi cérébral que Kant a salué l’image nouvelle de la lutte donnée par les soldats français à Valmy : la guerre changeait de sens, elle se faisait au nom de la liberté des peuples et non plus au nom de l’honneur, de l’esprit de caste et dans l’intérêt des princes. L’image du soldat-peuple, vainqueur de l’aristocratie guerrière, allait incarner pour longtemps le triomphe de la justice sur l’orgueil et donner corps à la légitimité nouvelle, démocratique, des combats. Les Français, surtout les intellectuels qui passent pour avoir inspiré l’événement comme ceux qui l’ont mis en mots, n’ont pas hésité à invoquer en abondance la virilité guerrière des Romains pour en faire l’image type de la vertu républicaine. Quand Rousseau évoque les « mœurs simples des premiers Romains ; leur désintéressement, leur goût pour l’agriculture, leur mépris pour le commerce et pour l’ardeur du gain »10, il les oppose à la mollesse et à l’avidité des Modernes. Le corps du guerrier, parce que sa robustesse exprime la santé et l’énergie, passe pour rendre visible, en quelque sorte, la vertu qui anime, seule, le cœur. Comme si un certain degré de privation et de rudesse dans les traitements subis pouvait « produire » de manière quasi physique une intention vertueuse, de sorte que l’étoffe dont est fait le soldat est indissociablement matérielle et morale. Toute une rhétorique de l’exemplarité a ainsi « républicanisé » le corps du soldat, identifié à une sorte de missionnaire des grandes causes.
Mais l’imaginaire collectif n’est pas simplement l’imagerie populaire, il est aussi ce qui vient rétablir et recréer l’unité perdue ou dégradée. Face à la montée des périls, une nouvelle image du soldat doit être inventée, une image idéo-motrice, c’est-à-dire une idée qui est en même temps un mobile, une idée qui mobilise.
Le génie de Péguy a ainsi créé une sorte de version charnelle de l’idéal républicain : dans le corps du soldat, l’esprit d’un peuple se fait chair. Pressentant prophétiquement que la guerre qui vient décide du partage entre civilisation et barbarie à l’intérieur de l’Europe11, il voit dans le courage (le cœur) du soldat, parce qu’il sera décisif pour le destin du monde, une fraternité continuée entre le passé et le futur, une sorte d’union sacrée entre les vivants et les morts, et il annonce à celui-ci, par avance, que sa disparition possible et probable sera la matière même qui fait durer le monde, sa matière indestructible, la chair qui naît de la terre et nourrit la terre : « Le soldat mesure la quantité de terre où on parle une langue, où règnent des mœurs, un esprit, une âme, un culte, une race. Le soldat mesure la quantité de terre où une âme peut respirer. Le soldat mesure la quantité de terre où un peuple ne meurt pas12. »
À la même époque, Jaurès, dans L’Armée nouvelle, perçoit que le patriotisme est le terrain d’un enjeu majeur pour la civilisation moderne, rien de moins que le dépassement de la lutte entre les classes : « La patrie n’a pas pour fondement des catégories économiques exclusives, elle n’est pas enfermée dans le cadre étroit d’une propriété de classe. Elle a bien plus de profondeur organique et bien plus de hauteur idéale. Elle tient par ses racines au fond même de la vie humaine et, si l’on peut dire, à la physiologie de l’homme13. » Ce pour quoi lutte Jaurès est un patriotisme qui ne soit pas statique, mais évolutif, capable d’un mouvement qui associe la paix des nations à la paix internationale et qui donne à l’idée de peuple une puissance intégrative large et ouverte. Un patriotisme qui ne soit pas un militarisme, où le corps de l’armée tout entière doit pouvoir devenir le support d’un nouvel esprit, visant la paix du monde…
- Le corps-témoin
Aujourd’hui, l’image publique du soldat est confrontée aux exigences du pouvoir démocratique, aux contraintes du monde contemporain comme aux métamorphoses du pouvoir de l’image elle-même. Les observateurs s’accordent à constater la profonde ambivalence du pouvoir de l’image : pouvoir de tromper, de manipuler, d’exploiter la sensibilité en la fixant sur des codes et des repères imposés, l’image fabrique des adhésions non réfléchies parce qu’elle arrête le processus de la pensée (la vieille analyse platonicienne garde sa valeur). Mais il faut constater aussi que l’image a un pouvoir fédérateur, qu’elle détient la capacité d’unir un peuple par des symboles communs, des représentations communes. Après tout, les défilés du 14 juillet ont une fonction plus « religieuse » que publicitaire : le peuple français retrouve l’intuition de son unité, forgée il y a longtemps dans un événement dont le caractère spectaculaire a été fixé par des récits et des films, mémorisé par le pouvoir rétrospectif de l’image.
Le vocabulaire contemporain parle de communication pour désigner l’état des liens entre le peuple et la politique, parce que la communication rend compte de l’élasticité et de la mobilité de l’opinion dont elle accompagne le mouvement. D’incontestables changements s’introduisent alors dans la signification publique de l’image du soldat, en particulier sa fonction de témoin. Le corps du soldat tel qu’il est représenté sur les monuments aux morts de toutes les communes de France a longtemps été une sorte de corps-témoin donné pour mesure du prix de l’unité et de l’identité nationale en termes de souffrance et de dévouement. D’une manière plus ou moins infra-consciente, sa présence au cœur des cités solidarisait les représentations et les jugements, concrétisait pour chacun la même unité de mesure de la reconnaissance populaire. Désormais, chacun prend pour unité de mesure la sensibilité de son propre corps à la souffrance, sans mémoire collective, ce qui contribue à individualiser les ressentis, mais provoque une disparition de l’élément solidaire de la sensibilité ; pour chacun, le monde commence et finit avec soi.
Par ailleurs, la mise en images télévisuelles, le plus souvent dans des guérillas ou des conflits urbains, transforme la force communicationnelle des témoignages : les corps agressés, blessés et les corps-cadavres sont principalement ceux de civils, de sorte que le corps-témoin est principalement un corps-victime. Les soldats-otages et les cercueils rapatriés rejoignent, par l’image télévisée, la cohorte des corps-victimes. Dans un contexte démocratique, ce n’est plus tant l’image de la puissance qui fascine que la souffrance qui suscite la pitié. À l’image médiatisée correspondrait donc une nouvelle sensibilité politique, la sensibilité démocratique comme phénomène public qui cherche le semblable pour sa ressemblance et qui, en conséquence, est une sensibilité « compatissante » (le semblable souffrant de la souffrance du semblable). Le corps du soldat doit-il se rendre médiatique ? La provocation affirmant que « la guerre du Golfe n’a pas eu lieu » parce qu’elle a été sans images confirme l’entrée de la démocratie dans une Société du spectacle14 : l’image ne copie pas la réalité, elle la crée. L’apparence devient vérité et s’impose comme vérité. Pour le téléspectateur, ce qui a été jugé digne d’être télévisé, présenté au public, ne peut être indifférent, inutile, stupide ou faux. La télévision érige un message, l’exemple d’une vie, une situation, un cas en une réalité digne d’exister. Elle lui donne une valeur exemplaire normative. Le téléspectateur peut ainsi opérer un transfert psychologique de la banalité de sa vie quotidienne dans le monde de la vie mise en images, digne d’être vue, approuvée et reconnue. Être digne d’être télévisé, se mettre en images est un facteur incontournable de reconnaissance publique, c’est devenir authentique, plus vrai que nature.
- Le corps exposé
Si l’image atteste de la réalité des choses publiques, institutions ou événements, il faut convenir que la photographie de magazine ou de reportage comme les images disponibles sur Internet sont ce qui fixe dans l’opinion la réalité corporelle de l’action militaire. Il est alors facile d’observer que le corps du soldat se trouve doublement exposé : à la voracité des consommateurs de simplifications médiatiques, sur le plan symbolique, à la dangerosité des nouvelles pratiques de la violence, sur le terrain des opérations. Or plus l’intrication des dangers devient complexe parce que difficile à percevoir, plus la demande de représentations symboliques se simplifie dans l’opinion.
Les nouvelles figures de la violence mettent en déroute les images classiques du recours à la force. La globalisation des risques ignore les frontières nationales ; la violence se criminalise quand elle est utilisée comme moyen de subsistance ou de promotion en dehors de tout contrôle étatique ; les armements les plus sophistiqués sont rendus impuissants par la montée aux extrêmes que leur utilisation elle-même provoque15 et une guerre des symboles enflamme les passions en rongeant les esprits : une guerre des symboles vise à détruire la confiance de l’adversaire en son propre système de valeurs, elle contribue aussi à familiariser l’opinion avec des schématisations sommaires du « bien » et du « mal ».
Les nouvelles exigences de construction de la paix sont devenues, elles aussi, très complexes et difficiles à « corporéifier » dans une image médiatique. Qu’une victoire militaire ne soit plus le but ultime du combat, mais une médiation en vue d’une reconstruction de la paix est une idée complexe, trop souvent et trop hâtivement simplifiée dans la réduction de l’image du soldat en un missionnaire de l’action humanitaire, imagerie naïve d’une version quelque peu magique du pacifisme, laquelle, en simplifiant les attentes, contribue à augmenter les frustrations et les incompréhensions du public.
Comment signifier l’internationalisation de l’enjeu des crises ? Comment symboliser la figure de l’ennemi quand l’ennemi s’identifie à la peur, peur de l’imprévisibilité des menaces naturelles et humaines ? Comment, enfin, rendre visibles la complexité et l’intellectualisation croissantes du savoir-faire militaire, lesquelles, pourtant, ne suppriment nullement le risque suprême pour ceux qui matérialisent, dans et par leur corps, la réalité physique de l’action ?
Il semble, conclusion soumise à la critique et à l’épreuve de l’évolution des faits, qu’une image publique du corps du soldat tende actuellement à répondre à ces défis multiples, culturels, techniques et circonstanciels, cette image est celle du professionnalisme. Si le professionnalisme peut devenir une sorte de carte d’identité militaire, c’est à la condition de signifier la permanence et la persistance d’un certain code de l’honneur dans le comportement. Une telle perception du métier de soldat ne s’impose pas de manière simple et directe comme une évidence, elle ne peut se donner une légitimité médiatique qu’à la condition de surmonter l’image, vulgaire ou vulgarisée, d’un savoir-faire technique, mécanique et protégé. Que le professionnalisme est une garantie éthique bien plus que technique, c’est ce qui ressort des images publiques que les soldats acceptent de donner de leur corps photographié ou filmé, sachant qu’une telle représentation renferme des enjeux médiatiques qui peuvent être sources de manipulation. Le métier de soldat comporte une responsabilité morale dont se libèrent les aventuriers, les fanatiques et les cyniques. Le professionnalisme signifie à la fois une compétence (faire coïncider la forme et la force, soumettre et civiliser la violence) et une vocation (contribuer à la possibilité de résoudre les conflits autrement que par la guerre). Le corps professionnalisé du soldat est celui dans lequel l’opinion publique perçoit l’image de sa sécurité, il est aussi le signe dont nous attendons des réponses innovantes à des défis qui n’ont pas encore de nom.
1 Paroles de poilus. Lettres et carnets du front, 1914-1918, introduction de Jean-Pierre Guéno, Paris, Librio/Radio France, 1998, p. 7.
2 Edmond Rostand, L’Aiglon, Acte II, scène IX.
3 Nous utilisons librement une opposition caractéristique de la philosophie bergsonienne.
4 Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 261, traduction A. Kaan, Paris, Gallimard, « Idées », 1940, p. 278.
5 Idem, § 328, p. 358.
6 Paroles de poilus, op. cit., p. 16.
7 Michel Foucault, La Volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 188.
8 Idem, p. 183.
9 José Ortega y Gasset, La Révolte des masses, Paris, Stock, 1961, p. 198.
10 Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Livre IV, chapitre IV.
11 Les Considérations d’un apolitique de Thomas Mann, publiées en 1919, expriment le même pressentiment, mais en version allemande et pour la sauvegarde de la plus haute culture dans l’avenir de l’Europe.
12 Charles Péguy, L’Argent, Suite, in Œuvres en prose 1909-1914, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1968, p. 1 218.
13 Jean Jaurès, L’Armée nouvelle, Paris, Éditions sociales, 1978, p. 326.
14 Guy Debord, La Société du spectacle, Paris, Gallimard, 1967.
15 René Girard, dans son livre Achever Clausewitz (2007), s’emploie à prédire l’issue apocalyptique d’un processus ainsi planétarisé.
“There are two red holes in his right side”. We all remember this Sleeper in the Valley that Rimbaud’s poem immortalised as a young dead soldier. He is neither a vagabond nor a lonely walker nor a drunk. How do we know he is a soldier? A certain solemnity in the poem inspires this silence which marks the remembrance ceremonies for those dead in combat. This is however not enough to identify this body as that of a soldier; the uniform, or what is left of it, and also the fact that this is wartime, probably means that this body is perceived as something more than a mere individual, a sort of “collective” reality.
- Collective energy
The uniform, particularly in wartime, is used to distinguish bodies, first of all to tell the difference between friend and foe. It forces the body to become a public reality, publicly identifiable, not unlike an outwardly displayed business card. What this uniform expresses is a sense of belonging: belonging to a nation, a branch of the armed forces (marine, infantry etc.), a regiment, a brigade etc. The soldier’s body belongs to another body, a body greater than itself into which it is incorporated. The uniform epitomises this immersion of the physical body into a public envelope and transforms this body into a collective reality, an individually collective reality.
The uniform of course but not just the uniform, as a mannequin in a uniform is not a soldier but a decoy. The uniform must be animated. This relates to the most visible paradox of this public functionality: the individual body must incorporate or integrate a number of mechanisms which are the physical manifestation of an affiliation, a function, a very destiny the definition of which is collective, public, national or international. A corporeal policy is programmed into the body, in the form of predetermined behaviour or expected reactions. The body must be ready to react collectively, in accordance with certain standards.
- The body as energy
This body is not however an entity or an object, it is intrinsically, substantially energy. The soldier’s body is energy in action for which the total mobilisation of the muscular, nervous as well as intellectual and moral resources is programmed and anticipated to the point of including the very depletion of these resources in their functionality. There are many entertaining anecdotes about the training of soldiers which mock its excesses (forced marches) or its uselessness (at ungodly hours) and the corporals’abuse of power (punishments for trivial reasons), but which unknowingly reveal the photographic negative of the history in the making, real, terrible, unpredictable history of the body in action.
The belief that the body’s energy depletion is programmed means that the only identity left in a body which has lost its strength, its form and its life is the ultimate relevance of a single and common energy expenditure which has exceeded all human limitations: “Over four million men survived having suffered serious injury, their body broken, cut, marked, bitten, their flesh damaged, when they weren’t seriously mutilated. The others escaped apparently unharmed but with the memory of the horror experienced for more than fifty months, the memory of the blood, the smell of rotting bodies, the explosion of shells, the fetid mud, the vermin, the memory of death’s obscene grin1.”
This summoned, fostered and trained energy has the characteristic of constantly contradicting the inertia specific to the matter, in both attacking and resistance mode: invent new beginnings, make the inspiration endure through adversity, tackle the unpredictable and endure, withstand, resist… until the ultimate consequences. Nothing is passive; not even waiting, but all is part of an operation, a segment of the beginning, continuation or end of the action. Availability itself is potential activity, waiting to act or to serve the action.
This is also where the special emotion inspired by Rimbaud’s poem comes from. “There are two red holes in his right side” conveys thesoundless and powerful victory of the silence that death imposes upon life when it destroys life’s fertility and, as is the case here, when a living energy is destroyed by an equally energetic violence. The young dead person’s sleep is not that of a body which peacefully ends its life in a familiar context; it is a brutally interrupted story the end of which will remain unknown because death has made it forever impossible. The emotion of spectators watching a war movie is the perpetual reactivation of this intuition.
This is not the context of civil society where the motive of self-interest helps to understand, in order to accuse or excuse, the conflicts between productive energies. In the context of commercial productivity, the calculation of the forces determines the taking of risks, manages the expenditure of strength by excluding useless expenditure. This situation can appear as a model of civilisation as long as it is preserved by peace, protected from a threat which would destroy the possibility of its existence.
Another option is to destroy the threat which destroys the possibility of its existence, and this is the specific function of military energy. When the general public is aware of this, they understand that this challenge totally transforms the need for intelligibility of the energy expenditure and takes it to a completely different level of understanding and justification. For example, to talk about the soldier’s “share” in the “costs” and “profits” of the defence activity (spoils?) would be inappropriate and even shocking; this reaction attests to the fact that military experience involves an actual, ontological change in the need for references: the energy expenditure which includes its own destruction in its completion programme is not individual; it is necessarily, inevitably, unquestionably collective by nature. From the moment the soldier converts his body’s matter into available and expendable energy, this can only be a collective form of energy.
- Resonant chords
Take the example of the military parade. The physical presence of the others, the presence of their muscular strength capable of manifesting itself in the march, the posture and stature, is what reveals the energy contained in each soldier’s own body. This is not a mathematical addition of atomic forces but a contagious energy. The cohesion of the whole involves and integrates the different parts; the individual body is transcended and absorbed by the group’s body: the march is the rhythm and the music of this merger, a sort of luminous and vital joy. Self-fulfilment is achieved by the shared experience of a possible and credible solidarity, which is its embodiment. One cannot understand this experience if one cannot see how it can reactivate or restore the honour and self-esteem of each individual.
This has nothing to do with the esprit de corps (which of course exists but relates to the culture of military action rather than the jubilation of a body happy to be alive, without words, a shared dynamic). This has also nothing to do with a mass in fusion. This is simply a matter of rhythm and cadence, music which forms a collective body when the individual body starts resonating with this music and gives itself to a collective corporality which merges its identity with that of all others. A collectively intimate experience of the formation of a group’s body by and for its coherence. The more each one contributes to this body’s coherence as a whole, the less the individual exists, and the more this collectivity becomes a common body the unity of which could well be the “spirit” or “soul” of a collective body created by its own coherence and persistence within the same unity.
The parade appropriates time and uses rhythm for its discipline: at the same moment, within the same captivated period of time, there is a combination of several resonating chords. A combination of moving bodies, a combination of rhythm and music in the group as a whole, a combination of the different elements such as wind, light, colour and sound and, above all, a dialogue between spectators and stakeholders, the intimate resonance of a rendezvous between two minds, that of the people and that of the bodies in charge of protecting them. The “Us” of Flambeau2, the “Us” of the meek, the obscure, the rank and file, the “Us” of the solidarity of exhausted bodies:
“Us, tramping broken, wounded, muddy, dying,
Having no hope of duchies or endowments;
Marching along and neveradvancing;
Too simple and too ignorant to covet
The famous marshal’s baton in our knapsack?
What about us who marched through all weather,
Sweating but fearless, shivering without trembling,
Kept on our feet by trumpet calls, by fever
And by the songs we sang while we marched?”
The survival of each individual depends on the condition of the group’s “sticking together”, the ultimate condition which transports it beyond its own forces and individual resistance, the expression of carnal solidarity, the understanding of the other’s suffering which, in operations, primarily involves the perception of a body in distress.
This experience of bodies’energy-driven solidarity can also be perceived by sportsmen and women. Take for example a group of young runners training for upcoming competitions. If they decide to do it together, it is because there is such a thing as the physical solidarity of energies. This is the first image of the film Chariots of fire, in which the story of the two Olympic champions highlights the moral and almost mystical energy required to exceed the physical limitations of one’s own body.
If the spectator only sees mechanical machinery in a parade or in the training group, it is because he / she projects onto this group a way of thinking which itself is mechanical, whereas in reality it is not. If listening to a choir does not convey the image of a mechanical machinery, it is because it is not performed as a march (an action geometrically anchored in space) but as resonant chords (an action flowing over time)3. A choir does not march to a rhythm, it sings this rhythm, therefore concealing the discipline and rehearsals which have mobilised and conditioned the energies making up this choir so that we only hear voices in harmony, talking to each other and merging into one: with resonant chords we only hear music as pure creative energy.
- Embodied social unity
Courage, endurance and initiative are individual virtues which everyone can claim to possess and consider part of their character. There can even be negative virtues: for thieves, manipulators or forgers, these are not so much virtues as exploitable talents which they use against others and exclusively for their own selfish profit. If, in the soldier’s case, these virtues become a source of respect and an element of publicly estimable behaviour, they become part of the collectivemake-up: they are acknowledged as objective and not just subjective virtues. Realising an “objective” unity based on “subjective” unities is the challenge of modern civilisation. Our civilisation is one of individual rights, provided that they form a unity, the foundation of the unity in which we can live together durably. This requires the achievement of a contradictory objective. Consequently, the soldier’s body, perceived as the expendable raw material for the edification of the Armed forces’body as the body of and within the Republic, is the object of multiple symbolic projections. The principal one, the soldier’s death, symbolically and dramatically epitomises the unity sought after as well as that lost. It can be expressed via the cult of nostalgia as well as the dream where everything is possible.
- Sacrificial body
The soldier is a symbolic, exemplary, irreplaceable or difficult to replace figure because utopias as well as conservatisms cannot do without it: combat, fighting, resistance etc. are a constant, even though they change name and region all over the globe. In this instance, the soldier’s body has a specific characteristic which enables it to be a major symbolic determinant in all these combats because the sacrificed life of this body is part of an organic vision of the collective unity to be achieved or restored.
We draw our inspiration from the philosopher Hegel for the idea of embodiment in a political and military sense, embodiment in the sense of realisation of a spirit in a body. The theological sense is well known but there is also a political application which theoretically marks the specific destiny of European civilisation.
Hegel explains that if we only apply individual and psychological motivations to major causes, it is impossible to conceive of a State other than as service provider guaranteeing the comfort and prosperity of the individuals. Private interests expect enhanced and guaranteed satisfaction from the State. However, this vision destroys or negates the State’s rationale by reducing it to a mere commercial society. For the State to be an organic (and not just mechanical) unity, the individuals must have no greater freedom than that consisting of uniting into the political whole; they must renounce their freedom as atoms and isolated individuals to merge into a unity of reconciled and no longer antagonistic liberties. This is not an ideal; this is the only reality which, because it is freely collective, creates the very substance of a modern State. This substantiality is not calculated, it is a feeling.
The soldier’s body expresses this organic unity because self-sacrifice is the perfect embodiment of this elevation from “oneself” to “whole”. The expendable body of the soldier can exceed the moral egotism indefinitely reproduced in the incarnation (embodiment) of the Whole in the individual. The Whole of the State, Nation, People, History is achieved in the sacrifice of the part for the Unity, the embodied Unity.
This incarnation taken to the extreme can obviously lead to all forms of abuse from the moment that it can be manipulated by a totalitarian ideology and that it starts recruiting new followers based on poverty, resentment and hatred fuelled by ignorance and obscurity. Nevertheless, with the right approach, it effectively defines the conversion of individual life into collective life. “In the state, as something ethical, as the inter-penetration of the substantive and the particular, my obligation to what is substantive is at the same time the embodiment of my particular freedom. This means that in the State duty and right are united in one and the same relationship. […] The individual is obligated by his duties; but as a member of civil society he finds that fulfilling his duties for the protection of his person and property, regard for his private welfare, the satisfaction of the depths of his being, the consciousness and feeling of himself as a member of the whole4.”
While one’s support for the State’s actual requirements does not materialise or “objectify” one’s moral aptitudes, one’s very devotion only reflects a personal, abstract good conscience, and this still relates to a sort of moral egotism. The soldier achieves this combination of personal and collective willpower in an exemplary and corporal manner, as his life’s annihilation demonstrates his belief in the superior life of the State. Firearms, as explained by Hegel, are proof of the universalism characteristic of the modern world and confirm that military courage is not a personal virtue but a collective action! As a soldier fires a weapon which is the result of a collective group, the individual he is aiming at is not a private person but a part of a whole: “The invention of this weapon, which has changed the purely personal form of bravery into a more abstract one [in the sense of: impersonal, bereft of personal resentment or anger], is no accident5.” Would he analyse in the same way the mass deaths, an impersonally collective phenomenon, as experienced by the generation of World War One soldiers?
A real-life illustration of Hegel’s considerations on the profound nature of the modern State, which consists of individually and freely uniting with the nation’s collective life, is provided by the voluntary enlisted soldiers of World War One, whose devotion effectively gives their choice a substantially historic and memorable place, as attested by this letter from a young Israelite asking his general, in 1917, to be posted to the most dangerous locations: “My ancestors, when accepting France’s hospitality, contracted a serious debt towards France; I therefore have a dual duty to fulfil, first as a Frenchman and second as a new Frenchman. This is why I believe I belong where there is most risk. When I enlisted, at age seventeen, I asked to be an artilleryman in accordance with my parents’wishes and the advice of my friends who served in the artillery. The “conscripts” of the 1918 generation will probably be sent to the trenches soon. I want to be there before them. After the war, if I am lucky enough to survive, I want to have the satisfaction of having fulfilled my duty to the greatest extent possible. I do not want anybody to question the fact that I am French, a true and good Frenchman6.” The transformation from subjective morality to a collective objective ethic is obvious.
- Disciplined body
Political unity is embodied in the discipline imposed upon the body, as if the State’s institutional standards took on a corporal expression in the sense that they are incarnated in military gestures. Foucault provides an analysis completely different from Hegel’s, of sociological interest. He associates the body’s discipline with the emergence of a new type of exercise of power, a certain form of government which he refers to as a “life policy”, which contains and involves a radical transformation of the relationship with war and the armed forces.
Popular wars, i.e. wars waged between nations and not princes, are notoriously bloody because the moral factor, fuelled by an ideology the triumph of which passes for the official truth, results in the excess of the material limitations of physical energy itself. The massive mobilisation of the entire active population generates extremely violent and therefore particularly bloody combats. However, Foucault’s analysis of this increasing war violence is somewhat surprising because he does not associate these massacres with a death policy but with a life policy: “It is the taking charge of life, more so than the threat of murder, that gives power its access to the body7.” In the Ancien Régime’s monocratic logic of power, the decision to wage war reflected the Sovereign’s sovereignty in the pre-modern sense of the word: he was the master of his soldiers (and subjects) in the sense that he had the right to make them die by exposing their lives; his power was the right to inflict death, a right asserted in the public torturing of the convicted prisoners’bodies, the horror of the suffering inflicted being yet another part of the magnificence suitable for the public visibility of the royal power. However, the establishment of the republican regime changed the aim and scope of the power. The focus was now on the population, in the sense of a group or race of human beings, the subsistence, development and vitality of whom require the focus on the body’s performance, the highest function of power being “no longer to kill but to invest in life through and through”8. Thus, wars became genocidal in the name of a community’s unconditional desire for life, justifying massacres. The extent of the achievable destruction can therefore be regarded as an effect of the promotion of life to the rank of new political rationale.
Thus, the body became the location of choice for the exercise of power. Body hygiene, disease prevention, physical exercise, education etc.: the soldier’s body was a perfect embodiment of the dual meaning of this new interest in life: the body’s promotion at the same time as its submission to power. Foucault believes that the corporal performance logic is a disciplinary logic and that the life policy is a policy aimed at standardising the minds via the bodies. Hygiene puts these bodies under surveillance while physical education orientsthem, medicine selects them and the armed forces guarantee their quality (not so long ago, girls were told that they should only marry boys who qualified for military service to be sure of their good physical condition).
This analogy between military discipline and school discipline (and also between military discipline and hospital discipline) attests to the bureaucratic part of the exercise of power over life. However, it cannot be conserved all the way through as military discipline has another meaning than that of body conditioning and submission to the political power. Admittedly, the military model has been introduced in other areas of activity such as the education system to encourage the submission to power but as the armed forces are by essence an emanation of this power, discipline plays a specific role which is not ideologically political.
Armed forces are not surreptitiously under control; they generate discipline themselves as a specific practice. They are not subjected to it but turn it into a form of action. Obedience is an intrinsic part of command; it makes it a reality, gives it substance and strength. An officer does not “rule” over his men, he turns them into troops; he gives them the unity of a common body. While the power resulting from the bureaucratisation of the bodies (regulated postures, locations and expectations) reduces the individuals to the same impotence, obedience, which gives strength to command, requires everyone’s activity and availability to turn them into a common action. Thecommand / obedience combination is inconceivable outside the perspective of the dangers which structure the common experience and it requires a completely different philosophy of life, that which associates life with decision-making, commitment, in the sense of the power to create destiny. “A creative life is energetic life”9, claims philosopher José Ortega y Gasset, meaning that the purpose of command is not to weaken the minds but to guide them; command does not curb vital energy but stimulates its potential; it does not limit existence but turns it into destiny.
- The body as a public reality
The soldier’s body can still be referred to as “collective” in the sense that it embodies the psyche of a community (of which it can sometimes be the first victim); this is how those who experienced World War One sometimes told of the tragic misunderstanding between the population at the rear (unaware of the terrifying reality of the front line, they continued to glorify its hero mythology for their own purposes and away from the violence) and the actual experience of the combatants, in other words the actual, exorbitant price of the desired victory. Nowadays, the perception of the soldier’s body is somewhat chaotic, not least because of the fact that its very reality is put to the test of the media.
- Symbolic body
It is a well-known fact that the French Revolution resulted in a certain fetishism of the soldier’s body and not just in France; even a philosopher as famously cerebral as Kant praised the new image of the fight embodied by the French soldiers in Valmy: the war was changing its sense, being waged in the name of the freedom of the people and no longer in the name of honour, class consciousness and in the interest of the princes. The image of the people’s soldier overcoming the warring aristocracy durably embodied the triumph of justice over pride and incarnated the new democratic legitimacy of the combats. The French, in particular French intellectuals who are supposed to have inspired this event and who wrote about it, did not hesitate to abundantly resort to the warlike virility of the Romans and make it the standard image of Republican virtue. When Rousseau mentions the “first Romans’simple morals, their lack of interest, their taste for agriculture, their contempt for commerce and the ardour for gain”10, it is in opposition to the listlessness and greed of the Moderns. The warrior’s body, because its robustness expresses health and energy, is deemed to somewhat reflect the virtue which alone animates the heart. As if a certain degree of deprivation and harshness in the treatments inflicted could “produce” a virtuous intent in an almost physical manner, so that the stuff the soldier is made of is inseparably material and moral. An entire rhetoric of exemplarity thereforemadethe soldier’s body more “republican”, identified as a sort of missionary of major causes.
However, the collective psyche is not just the popular imagery, it is also what restores and recreates the lost or deteriorated unity. In light of increasing perils, a new image of the soldier had to be invented, an ideomotor image, i.e. an idea which is also a motive, a mobilising idea.
Péguy’s genius thus created a sort of carnal version of the republican ideal: the people’s spirit is incarnated in the soldier’s body. With his prophetic premonition that the upcoming war will decide on the division between civilisation and barbarism within Europe11, he perceived in the soldier’s bravery (heart), because it will be decisive for the destiny of the world, a continued fraternity between the past and future, a sort of sacred union between the living and the dead, and he tells the soldier in advance that his possible and probable death will be the very fabric of what makes the world go on, its indestructible matter, the flesh borne of the earth and returning to the earth: “The soldier is the measure of the extent of land where a language is spoken, where customs, a spirit, a soul, a cult, a race reign. The soldier is the measure of the extent of land where a soul can breathe. The soldier is the measure of the extent of land where a people does not die12.”
In the same era, Jaurès, in The New Army, feels that patriotism is the breeding ground of a major challenge for modern civilisation, nothing less than overcoming the class struggle: “The country is not founded on exclusive economic categories; it is not trapped in the restricted framework of class property. It has much more organic depth and ideal height. It is rooted in the very nature of human life and, so to speak, man’s physiology13.” What Jaurès fought for was a kind of patriotism which is not static but upgradeable, capable of a movement combining the peace of nations with international peace and giving a broad and open integrating power to the idea of people. This patriotism would not be militarism, where the body of the entire armed forces must become the support of a new spirit aiming for world peace…
- The body as a witness
Nowadays, the public image of the soldier is confronted with the demands of the democratic power, the constraints of the modern world and the evolving power of the image itself. Observers agree on the profound ambivalence of the power of the image: power to deceive, manipulate and exploit the sensitivity by focusing it on imposed codes and references. The image produces unconditional support because it interrupts the thought process (Plato’s old analysis is still relevant). However, it should be pointed out that the image has a mobilising power, capable of uniting a people using common symbols and representations. After all, the 14th July parades have a purpose more so “religious” than promotional: the French people rediscover the intuition of its unity, formed a long time ago in an event the spectacular nature of which has been determined by stories and films, memorised by the retrospective power of the image.
Modern vocabulary uses the term communication to refer to the state of the links between people and politics because communication attests to the elasticity and mobility of the opinion whose movement it reflects. Undeniable changes therefore appear in the public significance of the soldier’s image, in particular its function as a witness. For years, the soldier’s body as represented on war memorials in every French municipality was a sort of witnessing body attesting to the price of unity and national identity in terms of suffering and devotion. In a more or less infra-conscious manner, its presence in the heart of the cities united representations and judgements, embodied the same measurement unit of popular recognition for all. Now each individual’s measurement unit is their own body’s sensitivity to suffering, with no collective memory, which contributes to individualising the emotions but results in the disappearance of the inclusive element of sensitivity; everyone believes the world begins and ends with them.
In addition, the television images, most frequently of guerrillas or urban conflicts, transform the communicational strength of testimonies: assaulted, injured and dead bodies are mostly those of civilians, therefore the body as a witness is primarily that of a victim. Soldiers-hostages and repatriated coffins join the ranks of victim bodies via televised images. In a democratic context, it is not so much the image of power which generates fascination as suffering which arouses pity. Thus, the media-oriented image seems to generate a new political sensitivity, the democratic sensitivity of a public phenomenon seeking a resemblance in one’s fellow human being, therefore a “compassionate” sensitivity (as the fellow human being suffers the same woes). Does the soldier’s body need media coverage? The provocative claim that “the Gulf War did not happen” because there were no images of it confirms the emergence of democracy in a Society of the spectacle14: the image does not mimic reality, it creates it. Appearance becomes truth and imposes itself as truth. For television viewers, what has been deemed worthy of television coverage and public presentation cannot be indifferent, useless, stupid or false. Television transforms a message, the example of a life, situation, case into a reality worthy of existence and gives it a normative exemplary value. Television viewers can therefore experience the psychological transference from the banality of their daily lives into the world of the televised life, worthy of being seen, approved and recognised. Being worthy of television coverage is an essential factor of public recognition; it means becoming authentic, larger than life.
- Exposed body
While the image attests to the reality of public elements, institutions or events, it should be noted that magazine or news photographs as well as the images available on the Internet are what determines public opinion’s corporal reality of military action. It is easy to observe that the soldier’s body is doubly exposed: to the voracity of the consumers of media simplification, symbolically speaking, and to the hazards of the new forms of violence, in the field of operations. Yet, as dangers become increasingly complex because they are more difficult to perceive, public opinion’s demand for symbolic representations becomes increasingly simplified.
The new figures of violence considerably differ from the traditional images depicting the use of force. Risk globalisation ignores national borders; violence turns into crime when it is used as a means of subsistence or promotion outside any State control; the most sophisticated weapons are powerless against the extreme upsurge caused by their very usage15 and a war of symbols inflames passions while wearing down the spirit: a war of symbols aims at destroying the opponent’s trust in his own set of values, while contributing to familiarising public opinion with simplified “good” and “evil” manifestations.
The new demands regarding peace restoration have also become very complex and difficult to epitomise in the media. The fact that military victory is no longer the ultimate purpose of combat but a mediation with a view to restoring peace is an exceedingly complex idea, too frequently and hastily simplified by reducing the soldier’s image to a missionary of humanitarian action, a naïve imagery of a somewhat magical version of pacifism which, by oversimplifying the expectations, contributes to increasing public frustration and lack of understanding.
How to convey the globalisation of the crises? How to epitomise the enemy’s figure when the enemy is identified with fear, the fear of unpredictable natural and human threats? Finally, how to underline the increasing complexity and intellectualisation of military expertise which, however, does not alleviate the ultimate risk for those who materialise, in and via their own bodies, the physical reality of action?
It seems, and this conclusion is subject to criticism and put to the test of evolving facts, that a public image of the soldier’s body currently tends to respond to these multiple cultural, technical and circumstantial challenges; this image is that of professionalism. Professionalism can become a sort of military identity card provided that a certain code of honour persists in the soldier’s behaviour. This perception of the soldier’s business is not simply and directly obvious; it can only acquire media legitimacy if it overcomes the common and popular image of a technical, mechanical and protected expertise. What emerges from the public images in which the soldiers agree to let their bodies be photographed or filmed is that professionalism is an ethical much more than technical guarantee, knowing that this representation involves media-related issues which can be a source of manipulation. The soldier’s business involves moral responsibility of which adventurers, fanatics and cynics are devoid. Professionalism means competence (combine form and force, subdue and civilise violence) and vocation (contributing to the possibility of resolving the conflicts other than by waging war). The professionalized soldier’s body is that in which public opinion perceives the image of its own safety; it is also the sign from which we expect innovative responses to yet unnamed challenges.
1 Paroles de Poilus. Lettres et carnets du front, 1914-1918, introduction by Jean-Pierre Guéno, Paris, Librio / Radio France, 1998, p. 7.
2 Edmond Rostand, L’Aiglon, Act II, scene IX.
3 We make free use of an opposition characteristic of Bergson’s philosophy.
4 Hegel, Philosophy of right, § 261, French translation by A. Kaan, Paris, Gallimard, Idées, 1940, p. 278.
5 Ibid, § 328, p. 358.
6 Paroles de Poilus. op. cit., p. 16.
7 Michel Foucault, The Will to Truth, Paris, Gallimard, 1976, p. 188.
8 Ibid., p. 183.
9 José Ortega y Gasset, The Revolt of the masses, Paris, Stock, 1961, p. 198.
10 Jean-Jacques Rousseau, The social Contract, Book IV, chapterIV.
11 Thomas Mann’s Observations of an apolitical man, published in 1919, express the same premonition but in German and for the safeguard of the highest culture in the future of Europe.
12 Charles Péguy, L’Argent, Suite, in Œuvres en prose 1909-1914, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1968, p. 1218.
13 Jean Jaurès, The New Army, Paris, Éditions sociales, 1978, p. 326.
14 Guy Debord, Society of the spectacle, Paris, Gallimard, 1967.
15 René Girard, in his book Achever Clausewitz (2007), strives to predict the apocalyptic outcome of this global process.
1 Paroles de Poilus. Lettres et carnets du front, 1914-1918, introduction by Jean-Pierre Guéno, Paris, Librio / Radio France, 1998, p. 7.
2 Edmond Rostand, L’Aiglon, Act II, scene IX.
3 We make free use of an opposition characteristic of Bergson’s philosophy.
4 Hegel, Philosophy of right, § 261, French translation by A. Kaan, Paris, Gallimard, Idées, 1940, p. 278.
5 Ibid, § 328, p. 358.
6 Paroles de Poilus. op. cit., p. 16.
7 Michel Foucault, The Will to Truth, Paris, Gallimard, 1976, p. 188.
8 Ibid., p. 183.
9 José Ortega y Gasset, The Revolt of the masses, Paris, Stock, 1961, p. 198.
10 Jean-Jacques Rousseau, The social Contract, Book IV, chapterIV.
11 Thomas Mann’s Observations of an apolitical man, published in 1919, express the same premonition but in German and for the safeguard of the highest culture in the future of Europe.
12 Charles Péguy, L’Argent, Suite, in Œuvres en prose 1909-1914, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1968, p. 1218.
13 Jean Jaurès, The New Army, Paris, Éditions sociales, 1978, p. 326.
14 Guy Debord, Society of the spectacle, Paris, Gallimard, 1967.
15 René Girard, in his book Achever Clausewitz (2007), strives to predict the apocalyptic outcome of this global process.
1 Paroles de Poilus. Lettres et carnets du front, 1914-1918, introduction by Jean-Pierre Guéno, Paris, Librio / Radio France, 1998, p. 7.
2 Edmond Rostand, L’Aiglon, Act II, scene IX.
3 We make free use of an opposition characteristic of Bergson’s philosophy.
4 Hegel, Philosophy of right, § 261, French translation by A. Kaan, Paris, Gallimard, Idées, 1940, p. 278.
5 Ibid, § 328, p. 358.
6 Paroles de Poilus. op. cit., p. 16.
7 Michel Foucault, The Will to Truth, Paris, Gallimard, 1976, p. 188.
8 Ibid., p. 183.
9 José Ortega y Gasset, The Revolt of the masses, Paris, Stock, 1961, p. 198.
10 Jean-Jacques Rousseau, The social Contract, Book IV, chapterIV.
11 Thomas Mann’s Observations of an apolitical man, published in 1919, express the same premonition but in German and for the safeguard of the highest culture in the future of Europe.
12 Charles Péguy, L’Argent, Suite, in Œuvres en prose 1909-1914, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1968, p. 1218.
13 Jean Jaurès, The New Army, Paris, Éditions sociales, 1978, p. 326.
14 Guy Debord, Society of the spectacle, Paris, Gallimard, 1967.
15 René Girard, in his book Achever Clausewitz (2007), strives to predict the apocalyptic outcome of this global process.