« La force de la cité n’est pas dans ses remparts ni dans ses vaisseaux,
mais dans le caractère de ses hommes »
Thucydide
En 1139, on tente d’interdire l’usage de l’arbalète, trop violente par comparaison à l’arc. Qui utilise cette arme ou en fait le commerce est menacé d’anathème. En 1925, le protocole de Genève interdit l’usage des gaz toxiques dans les combats, mais cette interdiction n’est pas totale : un État a la possibilité d’utiliser une telle arme en réponse à une attaque du même type. Ces exemples, que l’on pourrait compléter par beaucoup d’autres encore, illustrent le difficile et constant débat sur la force et sur la violence. Un débat de plus en plus complexe. Rarement dans l’histoire la violence a pris autant de visages : traditionnellement rapportée à la dimension guerrière, mais qui ne l’a jamais épuisée, elle est aujourd’hui également celle de Daech, des groupes armés terroristes du Sahel, de Boko Haram, du terrorisme international. Elle s’exprime aussi bien sur les théâtres d’opérations extérieures qu’à l’intérieur même de nos frontières. Elle est interétatique, infra étatique, mais également mafieuse et criminelle. Elle est multiforme. En miroir, la réponse doit sans cesse évoluer et s’adapter. Face à la violence, la force est nécessaire.
La force légitime, l’un des fondements des États modernes, peut revêtir plusieurs formes : elle peut être judiciaire, policière, militaire. Les forces sécuritaires et militaires se distinguent les unes des autres par la nature de l’adversaire qu’elles combattent. Le policier et le juge agissent contre des hors-la-loi : criminels ou délinquants. Le soldat, lui, s’oppose à un ennemi dont les buts peuvent être politiques. L’affrontement verra la victoire de l’un et soldera la défaite de l’autre. Aujourd’hui, cette distinction traditionnelle se brouille face à des groupes violents armés dont le but est de mettre à mal voire à bas la société. Ce sont les groupes djihadistes, mais ce sont aussi — certes sous une autre forme et plus loin de nous — les organisations mafieuses ou les narcotrafiquants. Ce sont en fait tous ces groupes totalitaires qui ne gardent que l’arbitraire comme seule norme. La majorité d’entre eux cherche l’implosion de la société pour imposer leur propre système ou se constituer en pseudo-État ou « califat ». Cette difficulté croissante à distinguer la nature de notre ennemi est un des grands défis auxquels nous devons faire face.
Démêler ce qui est force de ce qui est violence renvoie aux responsabilités du chef militaire. Celui-ci est un praticien de la force, utilisée comme expression de la politique. À la fois homme de réflexion et d’action, il doit penser la violence afin de la contrer. Il doit également raisonner la force afin de l’utiliser à bon escient. Il en est le garant, et il doit mettre et maintenir les hommes et les femmes qu’il a sous ses ordres sur une étroite ligne de crête. L’usage légitime des armes ne doit pas être dévoyé ; il doit rester tourné vers le bien commun, celui qui transcende le soldat et justifie qu’il risque sa vie. Cette responsabilité, qui s’ancre dans la réalité du terrain, c’est celle que j’ai continuellement à l’esprit en tant que chef d’état-major des armées.
Sur ce terrain mouvant du rapport entre force et violence, une grande humilité est nécessaire. Il convient d’avancer pas à pas, de chercher un sol plus solide, afin de ne pas prendre le mot pour l’objet et l’objet pour le mot. Trois étapes sont indispensables pour qui veut penser cette difficile question. La première consiste à défricher le terrain et à dissiper, le plus possible, la confusion entre force et violence. La deuxième s’intéresse à la violence sous ses formes guerrière et terroriste. Enfin, la troisième explore des pistes pour la réponse militaire à lui apporter.
- Force et violence, de quoi parle-t-on ?
À l’expérience, la ligne de partage entre force et violence s’avère toujours complexe à tracer dans le brouillard de l’affrontement guerrier, brouillard que vient encore épaissir le terrorisme. Chaque antagoniste est dénoncé comme le violent de l’autre, ce qui pourrait laisser penser que l’appréciation de la violence est contingente, relative. Et pourtant, on sent bien qu’il existe une ligne de fracture : la force est acceptable, alors que la violence ne l’est pas.
La violence est un mal endémique qui se nourrit de la misère de l’homme et du monde ; elle est un abus qui entraîne la mort et la destruction. Bien qu’il n’y ait pas de déterminismes simples, de profil type aisément identifiable du violent, désespoir et violence cohabitent souvent : être violent peut aussi être l’occasion d’exister. La violence est souvent un mode d’expression des désespérés, des exclus, des affamés, des humiliés, réels ou estimés. Elle est aveugle, elle se déchaîne sans frein et n’atteint pas uniquement ceux qu’elle vise. Elle est d’autant plus effroyable qu’elle se nourrit d’elle-même : la violence entraîne la violence.
A contrario, la force cherche à rompre le cycle de la violence. La force légitime est l’ultima ratio des États. Elle est même constitutive de la notion de société organisée. Elle est mise en œuvre par des serviteurs de l’État, qui obéissent à une autorité légitime et visent des buts politiques, le plus souvent de paix collective, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Cité. Le militaire est l’un d’eux. Les moyens qu’il utilise restent dans des limites proportionnées à la capacité de prendre l’ascendant sur l’adversaire. Il protège les populations civiles et respecte les ennemis vaincus… Tout ce que la violence, le plus souvent, ignore : elle estime que tous les moyens lui sont bons. La force se distingue donc bien de la violence par ce qu’elle porte de vertu, s’opposant au développement de l’autre, néfaste, mortifère.
Le soldat combat la violence. Le soldat agit par la force. Pour autant, lui qui connaît la guerre sait aussi que la frontière entre force et violence est ténue, sans cesse troublée par les événements, le perfectionnement des armes et l’imagination des hommes. Face au phénomène de la violence, la modestie s’impose. Il faut reconnaître une zone grise où la force peut être violence, tant peuvent devenir brouillés l’intentionnalité, la nature des buts poursuivis et le choix des moyens. Le débat sur l’utilisation des drones armés, par exemple, illustre cette problématique. L’existence de cette zone grise renforce d’autant la responsabilité du chef qui donne des ordres dans le brouillard de la guerre où se mêlent le stress, l’agression, la peur et surtout la mort, que l’on donne et que l’on reçoit.
Comprendre les rouages de la violence, c’est percer le mystère de l’homme. La dimension humaine est en effet au centre de notre sujet puisque la violence dénie l’humanité de l’adversaire et que seule la conscience du prix de la vie permet au soldat de retenir ses armes dans les limites d’une force acceptable.
Le soldat n’est donc pas un homme de violence. Pourtant, sans préavis, il peut être engagé dans un conflit armé, foyer d’une violence qu’il devra dominer. Ainsi, pour protéger la cité, il se porte au-devant de cette violence, à son contact. Il entretient ainsi des liens étroits avec la violence destructrice qui se déchaîne dans l’affrontement guerrier. Bras armé du pouvoir politique de son pays, il a le pouvoir exorbitant d’infliger légalement la mort. Il pratique la guerre dans le respect de ses coutumes, des lois, traités et conventions internationaux qui, tous, bannissent la violence mais reconnaissent la nécessité du recours à la force. Ainsi, parce qu’il doit côtoyer la violence et user de la force, il lui faut développer une conscience aiguë de sa responsabilité propre.
- Le soldat face à la violence guerrière
Les quelques éléments qui précèdent n’épuisent pas la réflexion, mais montrent que la force militaire ne peut être assimilée à la violence qu’elle combat. C’est dans la réalité de la guerre et des opérations que le soldat est confronté à la violence qui a quitté son habit conceptuel pour prendre corps dans la mort et la destruction. La confrontation à cette réalité est le quotidien du soldat : il côtoie la violence des hommes et la violence du monde. Cette violence est concrète, incarnée, visible ; elle peut aller jusqu’aux charniers de l’ex-Yougoslavie, au génocide du Rwanda, aux massacres interethniques de Centrafrique, aux enfants soldats du Congo... Elle peut se cristalliser dans l’affrontement guerrier qui en est l’expression collective la plus générale. Cette cristallisation est souvent subite, imprévisible. Elle conduit à des situations de guerre, marquées par la démesure et par leur caractère collectif.
Dans la dialectique de la force et de la violence, montrer sa force, et sa volonté de l’utiliser le cas échéant, peut suffire à contrer la violence. J’ai ainsi été frappé par l’effet que produisait à Mitrovica au Kosovo en 1999 le déploiement d’une patrouille de deux chars Leclerc : il suffisait, le plus souvent, à faire cesser les affrontements entre Serbes et Kosovars. Ce phénomène trouve son expression ultime dans la dissuasion nucléaire qui tient une place singulière dans l’opposition de la force et de la violence : « ultra force », elle ne doit pas devenir « ultra violence », sauf à échouer. Face à la violence guerrière, la force peut donc agir sans être dans l’action.
L’efficacité de l’outil militaire ne se mesure pas forcément, ni exclusivement, à son emploi, mais à cette capacité à agir. Être craint par ses adversaires, et ainsi agir par le seul fait d’être, n’est néanmoins réellement possible qu’à la condition d’avoir fait la preuve que la volonté s’appuyait sur des capacités à le faire. En d’autres mots, l’intervention nourrit et rend crédible la dissuasion.
Plus globalement, les leviers de l’action résident toujours dans la conjonction et la combinaison de trois éléments : la volonté, l’engagement et les moyens. C’est pour cette raison que la stratégie générale militaire, qu’il ne s’agit pas ici de développer, s’articule autour de trois capacités : vouloir, agir et pouvoir.
Il faut en complément souligner la pertinence, toujours d’actualité, des fonctions stratégiques telles qu’elles sont inscrites dans notre Livre blanc. La connaissance/anticipation, la dissuasion, la protection, l’intervention et la prévention restent une matrice pour penser une réponse globale à la violence ; c’est une matrice équilibrée d’éléments qui se renforcent les uns les autres.
L’histoire nous enseigne que le caractère de la guerre change, mais que sa nature, c’est-à-dire sa structure fondamentale, est durable. C’est ce qu’exprimait déjà Clausewitz en présentant la guerre comme un véritable « caméléon ».
Au regard des conflits récents, un premier constat s’impose : la violence, qui fait globalement son lit dans la misère et la pauvreté, germe dans les zones grises, les zones de non-droit, partout où l’État faillit ou démissionne. C’est en cela que les actions de prévention des crises sont essentielles. C’est ce que nous faisons, me semble-t-il, avec nos missions de coopération. Construire une paix d’avance, c’est ce que nous accomplissons en accompagnant la montée en puissance des forces armées de certains pays amis, afin qu’elles soient, à terme, en mesure de prendre en main leur propre sécurité. À titre d’illustration, les actions de coopération militaire sont complétées par de nombreux détachements d’instruction opérationnelle (dio) et par notre soutien aux pays du g5 Sahel, appuyé par l’opération Barkhane.
Je fais un second constat, celui de la grande perméabilité de la jeunesse à la violence. Elle est un âge de la vie où « la soif de grand air et de mouvement » peut, si elle est mal orientée ou manipulée, basculer dans la violence guerrière comme expression d’un trop-plein d’énergie et d’un sentiment de puissance et d’invincibilité. Mais il ne faut pas pour autant réduire la violence à la jeunesse. Je suis d’ailleurs toujours frappé par le fait que nos armées transforment parfois des jeunes, aux parcours chaotiques ou dans la difficulté, en de véritables héros. Je ne peux pas m’empêcher de penser que ces mêmes jeunes auraient pu être tentés par la violence si les armées ne leur avaient pas donné des valeurs à défendre et un cadre exigeant où exprimer leur désir de participer à l’histoire qui se construit devant eux. L’armée offre ainsi à la jeunesse l’opportunité de se mettre au service d’un intérêt supérieur qui est un moyen de se réaliser, ce que, fondamentalement, elle recherche.
Autre observation : sous l’effet combiné de la mondialisation et de l’émergence de nouvelles façons de conduire la guerre, les crises sont en train de muter. La violence change de visage et la force s’exprime de plus en plus en marge des institutions étatiques. Aujourd’hui, certains États se comportent parfois comme des bandes armées et certaines bandes armées comme des États. Le phénomène de Daech, et ses échos terroristes à l’intérieur même de nos frontières, en est une terrifiante illustration ; il nécessite une réflexion spécifique.
- Le soldat face à la violence du terrorisme
Avec Daech, et avec le terrorisme international qui s’en revendique, nous sommes confrontés à une forme de violence contre laquelle nous nous sentons, par bien des aspects, mal armés. Daech et ses séides nous renvoient à la problématique spécifique de la violence terroriste à caractère irrationnel qui met en avant un idéal dévoyé à caractère religieux et spirituel, d’ailleurs parfaitement décrit depuis une dizaine d’années par une « littérature » à laquelle nous n’avons peut-être pas assez prêté attention1. Cette dimension rend inopérants les leviers traditionnels de la négociation qui ne peuvent s’appuyer sur des revendications politiques ou économiques. Surtout, elle donne une épaisseur à la motivation de l’adversaire.
La force de Daech ne réside en effet pas uniquement dans la jeunesse de ses recrues et dans ses capacités de financement tirées du pétrole, des trafics et des razzias ; elle tient surtout aux forces (im) morales de ses combattants et à l’attraction, voire à la fascination qu’elle exerce à travers le monde. Le jusqu’au-boutisme de ses combattants est alimenté par un discours aux références djihadistes et par une fuite en avant qui recherche la rupture dans une surenchère de violence. La radicalisation djihadiste, qui alimente le Moloch en guerriers, fait l’objet d’une stratégie délibérée relayée par des actions continues et efficaces dans le champ de l’influence et des perceptions. Cette propagande — offensive, réactive et de grande qualité technique — véhiculée par Internet et les réseaux sociaux nourrit la violence ; elle lui donne une résonnance sans précédent, lui fournit une énergie nouvelle. Elle est au bilan efficace et, ne nous leurrons pas, elle opère une attractivité certaine sur une partie de notre propre population. En cela, elle menace notre société et place la violence au cœur de la cité.
Cette propagande a également pour effet de réunir les conditions morales et psychologiques d’un déchaînement et, pire, d’une légitimation de la terreur. Il existe un effet démultiplicateur de la propagande qui fait disparaître tout sentiment de modération. Face au terrorisme, qui vise un effet psychologique, je suis persuadé de l’importance de nos propres forces morales, en premier lieu pour que la peur individuelle ne se transforme pas en panique collective.
S’agissant de Daech, il faut noter une dialectique particulièrement compliquée et perverse. Son discours prône un retour à un état primitif qui doit partout permettre l’émergence d’une gouvernance autour d’un pseudo-État. Il fait continuellement référence à une histoire fantasmée tout en niant l’histoire, avec la destruction de tout patrimoine culturel qui ne correspondrait pas à sa vision de la civilisation islamique. Il fait une utilisation intensive des outils de communication les plus modernes et de l’ensemble des rouages de la mondialisation, alors même qu’il dénonce cette modernité comme mère de tous les vices et source d’une perversion de la société.
À la lumière de la violence terroriste, on perçoit mieux que la violence est un déni de l’autre, alors que la force implique une retenue de la puissance. Le sort de l’autre importe, la force se refuse à la cruauté à laquelle la violence conduit souvent. La force peut être affirmée, la violence se déchaîne. D’un côté, il s’agit d’une passion raisonnée ; de l’autre, d’une passion dévastatrice.
Restons sûrs que la violence avance là où la force recule. Le maintien d’une force militaire en capacité de s’opposer à la violence est une responsabilité collective. Elle conditionne la solidité de l’organisation de notre société, permet ce « vivre ensemble », cette « cohésion nationale », dont nous parlons tant et que nous avons tant de mal à appréhender.
- Le soldat face au défi de l’efficacité de sa force
Le chef militaire ne peut pas se limiter à l’observation du terreau sur lequel se développe la violence guerrière ou terroriste. Lorsque la prévention n’a pas été suffisante, que la dissuasion n’a plus d’effets et que l’affrontement est inévitable, il lui faut agir. Pour que la force militaire soit efficace, elle doit combiner des effectifs, des équipements, une mise en condition opérationnelle, une doctrine... L’articulation de ces éléments détermine le modèle d’armée. Celui qui est visé par la France est un modèle complet, c’est-à-dire permettant de faire face au spectre le plus large possible des menaces, y compris la menace terroriste. Décrire ce spectre et en exposer les problématiques n’est pas l’objet de cet article. Je voudrais en revanche souligner trois dimensions qui me semblent, de plus en plus, constituer des facteurs de succès pour l’engagement de nos armées dans les crises actuelles, quelle qu’en soit leur nature : le temps, la confiance et l’approche globale.
La bonne prise en compte de la dimension temporelle est indissociable de l’efficacité militaire. La force ne doit pas être qu’une réponse de l’instant face à la violence. Bien sûr, la réactivité est une qualité première des armées d’élites. Les armées françaises font partie de cette catégorie : elles l’ont montré au Mali en arrêtant en quelques heures la descente des groupes armés terroristes vers Bamako ou en République centrafricaine en intervenant dans l’urgence pour éviter un massacre interethnique et une catastrophe humanitaire ; elles l’ont encore montré avec le déploiement de dix mille soldats sur le territoire national en quelques jours afin de protéger les Français après les attentats du 7 janvier et du 13 novembre 2015. Mais les effets de la force ne se mesurent que sur le temps long. Nous devons faire preuve de constance, de persévérance et de patience, alors même que nous assistons à une accélération du temps avec une pression pour une réponse immédiate qui s’applique à nous tous. Le temps ne s’écoule plus, c’est désormais un jaillissement permanent que l’on subit et qui s’impose à nous de façon quasi irrationnelle. Ce phénomène sert la violence qui sait choisir son moment pour frapper, alors que la force a besoin de temps pour produire ses effets. Il y a donc une sorte d’effet ciseau avec lequel le chef militaire doit composer : il doit intégrer la demande d’effets immédiats et visibles, sans pour autant subir la tyrannie de l’urgence et de l’effet immédiat.
L’action militaire doit aussi reposer sur la confiance. Cette confiance est d’abord celle des militaires entre eux ; elle puise ses racines dans la fraternité d’armes, l’esprit de corps et d’équipage. Cette confiance, c’est surtout celle de la population civile vis-à-vis de la force armée. Sans elle, l’action militaire est construite sur du sable. Le soldat français la recherche dans chacun de ses engagements en établissant le contact et le dialogue avec la population locale. Elle était à la base de la stratégie mise en place dans la région de Kaboul par le Regional Command Capital en Afghanistan lorsque je le commandais en 2007. C’est aussi l’une des briques de l’opération Sentinelle.
Enfin, troisième élément, après le temps et la confiance : l’approche globale. La force militaire n’est qu’une partie de la réponse à la violence ; elle est opérante, mais pas suffisante. Gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix. La force militaire n’agit pas sur les racines de la violence lorsque celles-ci s’ancrent dans des problèmes d’identité, de culture ou d’éducation. Utilisée seule, uniquement répressive, elle peut même la nourrir. En réalité, la force militaire s’inscrit dans un environnement plus vaste que le seul champ de la violence guerrière. Elle doit composer avec des réalités culturelles, sociales, économiques, politiques. Seule une approche globale — c’est-à-dire une approche politique, au sens premier du terme —, qui intègre tous ces paramètres et dont la force militaire est une des composantes, peut espérer venir à bout de la violence.
Cette nécessité d’une approche globale est encore accentuée par le phénomène de mondialisation, dont nous observons les conséquences sur les crises. Aujourd’hui, les connexions matérielles et immatérielles, à l’échelle régionale et mondiale, augmentent la difficulté de circonscrire une crise à un théâtre limité. Et les combattants se recrutent, se financent et se forment en réseau. Nos adversaires s’affranchissent des frontières et leurs zones d’opération ne se limitent plus aux seules zones grises des États défaillants qui les a vues naître.
Je constate aussi que l’avance technologique, qui dissuadait et offrait l’ascendant aux armées qui la possédait, se réduit sous l’effet de capacités que l’on peut qualifier de « nivellantes ». Elles sont redoutablement variées : ce sont les cyber-attaques, les engins explosifs improvisés, les snipers, les attaques suicides ; c’est le recours aux outils de la mondialisation que sont Internet, les réseaux sociaux... Ces capacités sont l’expression de l’éternelle recherche du contournement ; par leur pouvoir égalisateur, elles visent à limiter les avantages liés à la technologie. Elles sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont peu coûteuses, directement accessibles et qu’elles se combinent facilement à l’idéal de mort de ceux qui nous combattent.
Mais, au-delà de ces considérations, l’emploi de la force dans les situations de violence reste dominé par la question éthique.
- L’éthique du commandement
Le terroriste perd son humanité à nier celle de ses victimes. Le combat contre le terrorisme est un combat pour l’homme et pour sa dignité ; c’est une lutte contre la chute de l’homme. Ne croyons pas que notre violence serait le prix à payer pour éradiquer le terrorisme.
Ces risques de dévoiement de la force par la violence renvoient à l’importance de la dimension morale et éthique du métier militaire. Céder à la violence et à la discrimination, à la non-distinction des moyens, à la torture, c’est l’échec de la conscience collective.
Dans ce combat, le soldat doit porter les armes sans perdre son âme. Il ne doit pas tomber dans la violence à vouloir la combattre : succomber au mimétisme du comportement, c’est faire le jeu des terroristes. Cette responsabilité est en particulier celle du chef. Il n’ignore pas que l’homme qui rejoint le groupe guerrier gagne une sorte d’anonymat, qui peut lui donner l’impression trompeuse d’impunité, laissant libre champ à la violence. C’est un des ressorts de la violence des groupes armés terroristes. Le soldat doit échapper à ce phénomène.
La responsabilité du chef militaire est ici centrale. C’est à lui de donner du sens, de promouvoir des valeurs et une éthique. C’est à lui qu’il revient d’incarner ces valeurs et de faire en sorte qu’elles soient les marques d’une identité collective, l’esprit de corps, témoin d’une différence fondamentale avec ceux qui prônent la seule haine de l’adversaire et justifient ainsi leur violence.
Mais le chef militaire ne doit pas être pensé comme un être isolé qui, seul, serait le garant de l’éthique et de l’efficacité de nos armées. Au contraire, il s’inscrit dans un ensemble plus grand, le « commandement », qui est le ciment de nos armées. De sa solidité et de son épaisseur, technique, tactique, mais surtout morale, dépend la véritable efficacité de nos forces de l’armée.
Qu’il soit caporal, à la tête d’une équipe de voltige, commandant, pacha d’un navire de guerre ou chef d’une base aérienne, chaque chef porte une part de la responsabilité collective dans l’usage de la force. L’expression « chaîne de commandement » traduit d’ailleurs bien l’importance de chacun pour la solidité du tout. Chacun doit faire preuve de discernement. Ce discernement s’éduque et se mûrit ; il renvoie à l’importance de la formation et de la sélection des chefs. Surtout, le commandement est efficace lorsqu’il s’appuie sur une confiance construite dans le quotidien des relations humaines, au contact des réalités et des difficultés du terrain. Bâtir cette confiance est un processus continu, qui passe par une estime réciproque et par le fait que chaque chef est proche de ses hommes, qu’il a connu la condition et le métier de son subordonné. Le chef et le subordonné sont « compagnons d’arme ». Lorsqu’ils sont jetés de manière brutale et imprévue dans la guerre, seule une confiance mutuelle, éprouvée, leur permettra de contenir la violence. Parce qu’estimé, le chef sera respecté, ses ordres exécutés, la vengeance ou l’usage de moyens disproportionnés écartés. La solidité du commandement, gardien et juge de la force, est un processus continu ; c’est un capital inestimable ; c’est elle le véritable régulateur de la violence ; elle qui peut faire en sorte que la violence ne s’insinue pas dans la force.
Le corpus du droit de la guerre et du droit dans la guerre, la notion de « guerre juste », reste une matrice pour chacune de nos actions militaires. Il guide nos pas, mais seul le commandement empêche la chute ; il est un repère dans le brouillard de la guerre et un cap dans le fracas des combats.
La violence touche au mystère de l’homme ; elle est la genèse du monde. Mais l’homme n’est pas que violence, il peut même s’y opposer, au besoin par la force. La canalisation de la violence par la force renvoie aux fondements de l’homme en société. L’encadrement et la régulation de la force permettent en effet à la société de vivre et de se développer en paix. La préservation de la force pour le bien commun est donc un enjeu collectif, et les armes, expression de la force, doivent continuer à servir le droit. C’est ce que les armées françaises font au quotidien sur les théâtres d’opérations extérieures comme à l’intérieur de nos frontières. Dans les sables du Sahel, sur les mers et les océans, dans l’air ou sur le macadam parisien, le soldat français s’impose une parfaite maîtrise de sa force ; sans perdre ni son honneur ni son âme, il s’oppose à la violence du monde.
Aujourd’hui, les échos de cette violence, dont l’expression mute sans cesse, se font entendre de plus en plus distinctement. Pour affronter cet avenir incertain, dans la suite de la loi de programmation militaire 2015-2019, notre pays doit continuer à consacrer un effort de défense à la hauteur des enjeux sécuritaires ; en retour, il peut compter sur des armées qui gagnent et qui protègent, dotées d’un commandement responsable et cultivant ses forces morales. Face à la violence terroriste, la solidité du commandement empêche la force de dériver en une violence qui ne dirait pas son nom ; c’est en définitive une question de forces morales.
1 Par exemple : Abu Bakr Naji, Gestion de la barbarie, Éditions de Paris, avril 2007.
“The strength of a City resides not in its walls and its vessels,
but in the character of its citizens.”
Thucydides
In 1139, attempts were made to ban the use of the crossbow, viewed as too violent compared to the bow and arrow. Anyone using or selling a crossbow risked excommunication. In 1925, the Geneva Protocol prohibited the use of toxic gases in war, but the prohibition was not absolute: a State can use such a weapon in retaliation to an attack of the same kind. These examples, to which many more can be added, illustrate the problematic and constant debate over force and violence, a debate which is becoming more and more complex. Rarely in history has violence had so many different faces: while traditionally viewed in relation to war, in which it has never been exhausted, we now have to deal with the violence of Islamic State, the armed terrorist groups in the Sahel, Boko Haram, and international terrorism. It is also manifested both during overseas operations and within our own borders. There is inter-state and infra-state violence, as well as Mafia and criminal violence. It comes in many shapes and forms. As a result, the response also needs to change and adapt. Faced with violence, force is necessary.
Legitimate force, one of the foundations of the modern State, can take many forms: it can be judicial, police or military force. The security forces and military forces are distinguished from one another by the nature of their adversaries. The police officer and the judge take action against outlaws: criminals and delinquents. The soldier, on the other hand, stands in opposition to an enemy whose aims may be political. Confrontation will result in the victory of one and the defeat of the other. That traditional distinction is now beginning to blur, with the emergence of violent armed groups, whose aim is to undermine and even overthrow society. These are jihadist groups, but also—albeit in another form and further away from us—they are Mafia-type organisations or drug traffickers. They are like all totalitarian groups for whom the only norm is the arbitrary. Most are hoping for society to implode so that they can impose their own system or set themselves up as a pseudo-State or “caliphate”. The growing difficulty in distinguishing the nature of our enemy is one of the greatest challenges facing us.
Being able to identify the differences between force and violence is one of the responsibilities of a military leader. A military leader is a practitioner of force, used as a manifestation of politics. A man of reasoning and of action, he must understand violence if he is to counter it. He must also understand force, in order to use it advisedly. He is the guarantor of force, and he must place and keep the men and women under his orders on a straight and narrow track. The legitimate use of weapons must not be perverted; it must remain focussed on the common good, that which transcends the soldier and justifies the fact that he puts his life at risk. That responsibility, rooted in the realities of the field, is what I, as Chief of Defence Staff, keep constantly foremost in my mind.
On the shifting sands of the relation between force and violence, we must show great humility. We must advance one step at a time, seeking more solid ground, and avoid taking the word for the thing and the thing for the word. Anyone thinking through this complex question should follow three essential steps. The first entails clearing the ground and dissipating, as far as possible, the confusion between force and violence. The second implies looking at the different forms of violence, in war and in terrorism. Third, he must explore the options for the military response to the issue.
- Force and violence, what are we talking about here?
Experience shows that the dividing line between force and violence is always difficult to define in the fog of battle, a fog made even denser by terrorism. Each side denounces the other as the perpetrator of violence, which could make us believe that assessments of violence are contingent and relative. Yet we have an impression that there is indeed a dividing line between the two: force is acceptable, and violence is not.
Violence is an endemic evil that feeds on human misery and the misery of the world; it is an abuse that causes death and destruction. While there is no simple determinism, no easily identifiable profile of a violent person, despair and violence do often go together: being violent may be a way to exist. Violence is often a means of expression for the desperate, the excluded, the starving, the humiliated, whether real or perceived. It is blind, it is unleashed without control and does not only harm those against whom it is targeted. It is all the more terrible in that it feeds on itself: violence breeds violence.
Force, on the contrary, seeks to break the cycle of violence. Legitimate force is the ultima ratio of the State. It is even a constituent part of the concept of organised society. It is implemented by those who work in the service of the State, who obey a legitimate authority and have political aims, usually that of collective peace, both inside and outside the walls of the City. The soldier is one of these people. The means he uses remain within limits proportional to the capability of gaining the upper hand over the opponent. He protects civilian populations and respects the defeated enemies… In other words, most often, the opposite of violence, which believes all means are acceptable to achieve its ends. Force is therefore quite distinct from violence in that it is a vehicle of virtue, opposing the development of the harmful, deadly other.
The soldier fights violence. The soldier acts through force. And yet, a man who knows war knows that the dividing line between force and violence is thin, constantly at the mercy of events, new developments in weapons technology and of Man’s imagination. When facing violence, it is best to remain humble. One must be aware that there is a grey zone where force may be violence, so apt are our intentions, the nature of the aims pursued and the choice of the means to become obscure. The debate over the use of armed drones, for example, illustrates this. The existence of this grey zone makes the responsibility of the leader that much greater, it is he who gives orders in the fog of war permeated by stress, aggression, fear and, above all, death, whether causing or receiving it.
Understanding how the cogs of violence turn is to penetrate the mystery of mankind. The human dimension is in fact central to our subject since violence denies the enemy’s humanity and only an awareness of the value of life allows the soldier to keep the use of his weapons within the limits of acceptable force.
Therefore, the soldier is not a man of violence. Nonetheless, without warning, he may be engaged in armed conflict, a breeding ground for violence which he has to control. So, to protect the city, he must go out to meet this violence, and stand up to it. Thus he has close links with the destructive violence unleashed in war. The armed right hand of his country’s political authority, he has the exorbitant power to legally inflict death. He undertakes war in accordance with the customs, laws and international treaties and conventions, all of which ban violence, yet recognise the necessity of recourse to force. Thus, since he must rub shoulders with violence and use force, he must develop an acute consciousness of his own responsibility.
- The soldier faced with the violence of war
The thoughts above barely touch upon the subject, but rather show that military force cannot be assimilated to the violence it fights against. It is in the reality of war and operations that the soldier confronts violence, which has thrown off its conceptual cloak to take substance in death and destruction. Confronting this reality is the soldier’s task: he is in the midst of man’s violence and the world’s violence. And this violence is real, substantial, visible; it is in the mass graves in the former Yugoslavia, the genocide in Rwanda, the inter-ethnic massacres in Central African Republic, the child soldiers in the Congo. It can crystallise in armed confrontation, which is its most common form of collective expression. Such a crystallisation is often sudden and unpredictable. It leads to war situations, typified by their excess and their collective nature.
In the dialectic between force and violence, demonstrating one’s force, and the determination to use it if necessary, may be all that is needed to counter violence. For example, I still remember the effect that the deployment of a patrol made up of two Leclerc tanks had in Mitrovica, in Kosovo, in 1999: on numerous occasions, that was all that was needed to put an end to clashes between the Serbs and Kosovars. The ultimate manifestation of this can be seen in nuclear deterrence, an extraordinary example of the opposition of force and violence: as the “ultra force”, it must not become “ultra violence”, at the risk of its failure. Against the violence of war, it is therefore possible for force to act without action.
The effectiveness of the military capability is not necessarily, or exclusively, to be measured through its implementation, but by its capacity to act. To be feared by the enemy, and thus act by means of this very fact of being feared, is not, however, really possible unless you have proven that your determination is based on the capability for taking action. In other words, intervention fosters and consolidates the credibility of deterrence.
More generally, the leverage for action always lies in the conjunction and combination of three factors: determination, engagement and means. This is why general military strategy, which we will not go into here, is based on three things: to be willing, to act and to be able.
It should be emphasised that the strategic functions, set out in the French White Paper on Defence and National Security, are still relevant today. Knowledge and anticipation, deterrence, protection, intervention and prevention, remain a matrix that is used to think through an overall response to violence; it is a balanced matrix in which each element reinforces the others.
History teaches that the character of war changes, but that its nature, in other words, its basic structure, stays the same. This is what Clausewitz said when he described war as a “chameleon”.
Looking at recent conflicts, one of the first things we can observe is that violence, which generally arises from misery and poverty, takes root in grey zones, in no-go areas, in places where the State has failed or abdicated responsibility. This is why action to prevent emergency situations is essential. This, I believe, is what we do in our cooperation missions. To build peace first, this is what we achieve when we support certain friendly nations in ramping up their armed forces, so that they are able, in time, to manage their own security. For example, military cooperation actions are combined with operational training detachments and by providing our support to the g5 Sahel countries, backed by the Barkhane operation.
A second observation is that violence permeates through to the younger generations very easily. There is a time in life when the thirst for the great outdoors and physical activity can, if it is misdirected or manipulated, shift to warlike violence as an outlet for too much energy and give a feeling of being powerful and invincible. However, we must be careful not to equate violence with youth. I still find it remarkable that our armed forces sometimes transform young people from chaotic or difficult backgrounds into true heroes. I cannot help myself thinking that those same young people might have been tempted to violence if the armed forces had not given them values to defend and a demanding framework in which they found an outlet for the desire to be part of history as it develops in front their eyes. The army this provides young people with an opportunity to work for a higher interest, which is basically a way to achieve what youth seeks.
Another thing I have observed is that, under the combined effect of globalisation and the emergence of new ways to wage war, emergency situations are also changing. The face of violence is changing and force is increasingly demonstrated outside state institutions. There are currently certain States which sometimes behave like armed groups and some armed groups that behave like the State. Islamic State, and its terrorist echoes that resonate within our own borders, is a terrifying illustration of this, which calls for a separate discussion.
- The soldier faced with the violence of terrorism
With Islamic State, and with international terrorism claiming to be IS, we are up against a form of violence that, in many respects, we feel ill-equipped to deal with. IS and its henchmen send us back to the particular problem of irrational terrorist violence which promotes a corrupted religious and spiritual ideal (well described over the last ten years or so in a “literature” to which we possibly did not pay enough attention1. This aspect makes traditional levers for negotiation ineffective, given that it is not possible to support them with political and economic claims. Above all it makes the enemy’s motives more substantial.
Islamic State’s force does not only lie in the youth of its recruits and its financial resources drawn from oil, trafficking and raids; it is above all related to the (im) moral strength of its militants and the attraction, the fascination even that it exercises across the world. The extremism of its militants is fed by a discourse full of references to jihad and by pushing ahead regardless and seeking the breaking point in the escalation of violence. Jihadi radicalisation, feeding new warriors to Moloch, is part of a deliberate strategy relayed via continuing and effective action within the field of influence and the perceptual field. Such propaganda—offensive and reactionary and technically of high quality—spread via the Net and social networks, fuels violence; it gives it unprecedented appeal and injects new energy. It has a record for effectiveness and, let’s not fool ourselves, certainly appeals to a section of the population in France. As such, it is a danger for our society and has brought violence inside the city walls.
This propaganda also has the effect of bringing together the moral and psychological conditions needed to unleash and, worse still, legitimise terror. Propaganda has a snowball effect, making all sense of moderation disappear. Faced with terrorism, which aims for psychological effect, I am convinced of the importance of our own moral strength, primarily in a bid to ensure that individual fear does not become collective panic.
In the case of IS, we should be aware of a particularly distorted and complicated dialectic. The discourse of IS advocates a return to the primitive state which will lead everywhere to the emergence of governance based around a pseudo-State. It constantly refers to an imagined history, denying actual history, and entailing the destruction of all cultural heritage that does not match its vision of Islamic civilisation. Its use of the most modern communication tools and of all the machinery of globalisation is intensive, while denouncing modernity as the mother of all evil and the source of the perversion of society.
In the light of terrorist violence, we see more clearly how violence is a denial of the Other, while force implies control over power. Force is concerned by the fate of the Other, it rejects the cruelty to which violence often leads. Force can be asserted, violence is unleashed. On one side there is rationalised passion, and on the other, devastating passion.
We can be sure that violence progresses when force withdraws. Maintaining the capability of a military force to oppose violence is a collective responsibility. It is a prerequisite for the solidity of our social organisation, enabling us to “live together”, and enjoy that “national cohesion” we talk so much about and which we find so difficult to apprehend.
- The soldier when the effectiveness of his force is challenged
The military leader must not restrict himself to observing the breeding-ground in which the violence of war or of terrorism develops. When prevention has not been effective, when discussion proves to be of no avail and when confrontation becomes inevitable, it is time to act. For military force to be effective, it must combine personnel, equipment, operational readiness, and doctrine. How these elements interrelate determines the model of the armed force. France aims for a complete model, i.e. that enables it to deal with the broadest possible spectrum of threats, including the terrorist threat. It is not the aim of this paper to describe this spectrum and outline the related issues. I would, on the other hand, like to emphasise three aspects which I increasingly feel are success factors for engaging our armed forces in current emergency situations, whatever their nature: time, trust and an overall approach.
A good grasp of all the different aspects related to time is essential for military effectiveness. Force must be more than an immediate response to violence. Of course, responsiveness is a prime quality of any elite army. France’s armed forces fall into this category: they proved this in Mali by stopping the armed terrorist groups reaching Bamako within the space of a few hours, and in Central African Republic through an emergency intervention to stop an inter-ethnic massacre and a humanitarian disaster; they again proved it with the deployment of ten thousand soldiers across France in a matter of days, to protect the French following the attacks of 7 January and 13 November 2015. However, the effects of force can only be measured in the long term. We must show constancy, perseverance and patience, even though we are witnessing a speeding-up of time, with pressure mounting for an immediate response that applies to us all. Time does not pass any more, it gushes out constantly sweeping us along in its path and dominating our lives in a more or less irrational manner. This serves violence, which chooses its time to strike, whereas force needs time to produce its effects. This means there is a sort of scissor effect with which the military leader must find a compromise: he has to factor in the demand for immediate and visible results, while resisting the tyranny of urgency and the immediate effect.
Military action must also be underpinned by trust. First, there is the mutual trust between soldiers; this is rooted in the idea of being brothers in arms, of esprit de corps and team spirit. Above all trust means the trust of the civilian population in the armed forces. Without this, military action is built on sand. The French soldier seeks it in each deployment, establishing contact and dialogue with the local population. It underpinned the strategy developed in the area of Kabul by the Regional Command Capital in Afghanistan when I was in command in 2007. It it also one of the building blocks in the Sentinelle operation.
Last, the third success factor, in addition to time and trust, is an overall approach. Military force is only part of the response to violence; it is an operative part, but insufficient on its own. Winning the war is not enough to gain peace. Military force does not deal with the roots of violence when they are rooted in problems relating to identity, culture or education. Used on its own, for exclusively repressive purposes, it can even make violence worse. In fact, military force operates within a much larger environment than just that of the violence of war. It has to deal with cultural, social, economic and political realities. Only an overall approach – i.e. a policy approach, in the original sense of the term –, which factors in all these parameters and of which military force is one component part, can hope to bring an end to violence.
Again, this need for an overall approach is accentuated by globalisation, the consequences of which we can see on emergency situations. Today, material and virtual connections, regional and global, make it even more difficult to contain an emergency situation within a smaller theatre. Also, militant fighters are recruited, funded and trained through networks. Our enemies know no borders and their areas of operation are no longer restricted to the grey zones of the failing States in which they came into being.
I also find that a technological lead, which acted as a deterrent and ensured the superiority of the armed forces that had it, is narrowing due to what we can term “levelling” capabilities. These are formidably varied: they include cyber-attacks, improvised explosive devices, snipers, suicide attacks; and recourse to instruments of globalisation, the Net and social networks, etc. These capabilities reflect the never-ending quest for circumvention; thanks to their power to render equal, such capabilities aim to reduce the advantages related to technology. They are all the more dangerous in that they are inexpensive, directly accessible, and are easily combined with the ideal of death held by those fighting us.
Apart from these considerations, however, the use of force in situations of violence is still subject to the question of ethics.
- The ethics of command
The terrorist loses his humanity when he denies that of his victims. The fight against terrorism is a fight for mankind and human dignity; a fight against Man’s downfall. We must not believe that our own violence would be the price worth paying for eradicating terrorism.
These risks of perverting force with violence remind us how important the moral and ethical aspects of the military profession are. To give in to violence and discrimination, to the non-distinction of means, to torture, would mean an end to the collective conscience.
In armed conflict, the soldier must bear his weapons without losing his soul. He must not give way to the violence of wanting to fight: succumbing to mimicking violent behaviour, is playing into the hands of the terrorists. This, in particular, is the responsibility of the military leader. He is aware that a man who joins a group of fighters gains a sort of anonymity, which can give him a false impression of impunity, and give free reign to violence. This is one of the mechanisms at work in the violence of armed terrorist groups. The soldier must avoid this phenomenon.
Here, the military leader’s responsibility is of central importance. It is he who creates sense, and promotes values and and ethics. It is his duty to embody those values and ensure that they are the signs of a collective identity, the esprit de corps, proof of a fundamental difference from those who advocate only hatred of the enemy and thereby justify their violence.
The military leader must not be thought of as an isolated figure, sole guarantor of our armed forces’ ethics and effectiveness. Quite the contrary, he is part of a larger entity, the “Command”, which cements our armed forces together. The real effectiveness of our armed forces depends on the solidity and substance—technical, tactical and above all moral—of their leader.
Whether he is a corporal, at the command of an aerobatics unit, a commandant in charge of a battleship, or the commander of an air base, each leader bears a share of the collective responsibility in the use of force. The expression “chain of command” perfectly reflects the role of each in ensuring the solidity of the whole. Everyone must demonstrate discernment. This discernment can be learned and matures with time; this emphasises the importance of training and of selecting the right leaders. Above all, Command is effective when it can rely on trust built up every day in human relations, through contact with real situations and the hardships of the field. Building this trust is a continuous process, it depends on mutual esteem and the fact that each leader is close to his men, and has known the position and the trade of his subordinates. Both leader and subordinate are “companions in arms”. When they are suddenly and without warning thrown into war, only real mutual trust will help them to contain violence. Since the leader is esteemed, he will be respected, his orders obeyed, and vengeance or the use of disproportionate means will be ruled out. The solidity of Command, keeper and judge of the force, is a continuous process; it is an invaluable asset; it is what really keeps control over violence; and ensures that violence does not seep into force.
The corpus of the law of war and of jus in bello, the concept of a “just war”, provide a matrix for every military action we undertake. It guides our steps, but only Command prevents the fall; it is a point of reference in the fog of war and a marker to help remain on course in the chaos of battle.
Violence is part of the mystery of mankind; it is the genesis of the world. But Man is not only violent, he can even be opposed to violence, if necessary by force. Using force to channel violence leads back to the foundations of Man in Society. Managing and controlling by force in fact allows society to live and progress in peace. Keeping force for the common good is thus a collective challenge and weapons, as manifestations of force, must continue to serve the law. This is what the French armed forces do every day in overseas theatres of operations and within our own borders. In the sands of the Sahel region, on the seas and oceans, in the air or on the streets of Paris, the French soldier keeps his force under perfect control; without losing his honour or his soul, he stands against the world’s violence.
Today, the echoes of this violence, the manifestation of which is constantly changing, resonate more and more clearly. To manage this uncertain future, following on from France’s 2015–2019 Military Planning Act, France must continue to finance a defence budget proportional to the security challenges; in return, it will be able to count on armed forces that win and protect, and whose Command is responsible and nurtures its moral strength. In the face of terrorist violence, a sound Command prevents force from deteriorating into unspeakable violence; this surely is a question of moral strength.
1 For example: Abu Bakr Naji, Gestion de la sauvagerie, April 2007 (English translation, The Management of Savagery, published 2006).