En février 2005, Inflexions voyait le jour. Le thème à retenir pour son premier numéro était déterminant pour la compréhension du champ couvert par cette nouvelle publication, à plus d’un titre insolite, et pour sa crédibilité. Or il s’était imposé sans qu’il ait été nécessaire d’en débattre longuement au sein du comité de rédaction : ce fut celui du « sens de l’action militaire », en réponse à une interrogation sur la finalité et sur la pratique du métier des armes, en un moment où, précisément, celui-ci devenait un « métier » à part entière.
La professionnalisation des armées était en effet devenue effective de fraîche date, après le départ des derniers « conscrits » en 2002. Cette rupture organique et historique était par ailleurs consécutive à une rupture géostratégique : l’implosion du bloc soviétique, dix ans plus tôt, avait entraîné la fin du monde bipolaire1 auquel s’était substitué durablement un univers chaotique. Nos armées y étaient engagées comme jamais, en dépit d’une doctrine restée longtemps balbutiante, le plus souvent sans adversaire désigné et alors même que, pour la première fois de son histoire contemporaine, la France ne se connaissait plus d’« ennemi conventionnel ». À l’évidence, dans une telle ambiance, en préambule à des échanges et à des débats sur la chose militaire, une investigation des fondamentaux du métier des armes s’imposait comme une exigence quasi méthodologique à usage tant interne qu’externe.
Ce choix faisait par ailleurs écho à l’objet même de la revue tel qu’il était et reste défini : « Participer au débat intellectuel autour de problématiques actuelles centrées sur le champ de son activité propre, à travers le prisme des sciences humaines et sociales. » Il avait été libellé comme suit : « L’action militaire a-t-elle un sens aujourd’hui ? » La forme interrogative orientait d’emblée la réflexion vers des approches problématiques, loin de tout dogmatisme. L’expression « action militaire » voulait couvrir l’extrême diversité des modes d’engagement en cours et potentiels. « Aujourd’hui » caractérisait nettement que la question était posée au regard des singularités de l’heure. À relire les textes publiés, notamment celui que François Lecointre, alors colonel, a signé sous le titre « L’action militaire aujourd’hui, un sens à partager », l’impression de l’un des auteurs que j’étais, évidemment subjective, est qu’ils n’ont pas pris une ride.
Pourquoi donc y revenir douze ans plus tard ? La réponse ne souffre aucune contestation : si notre monde reste plus chaotique que jamais, le territoire national lui-même est désormais affecté par ce chaos et nos populations exposées à un terrorisme qui en est le mode opératoire systématique. Ainsi, le président de la République, chef des armées, a-t-il pu dire solennellement que nous sommes « en guerre ». Dans ce droit fil, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, dans un livre intitulé Qui est l’ennemi ?2, désigne celui-ci explicitement. Quoi de plus contrasté avec le constat du début du siècle qui énonçait parmi les singularités de l’action militaire de ce temps-là qu’elle s’exerçait le plus souvent « sans ennemi désigné » ? Voilà qui dit assez que nous sommes, à nouveau, en rupture.
De là à penser que cette rupture devrait affecter les « fondamentaux » explicités à la fin des années 1990 et au début du siècle, il n’y a qu’un pas. Il est d’autant plus aisément franchi que la complexité du sujet, dans ses formulations d’alors, se prête à des interprétations sommaires si ce n’est erronées. En tout cas, cela demande une réflexion approfondie ; or l’heure est à l’action, dans l’urgence.
En effet, l’irruption brutale d’un ennemi au cœur de nos sociétés entraîne, pour les armées, l’impérieux devoir de le combattre et de l’éradiquer pour mettre un terme à ses agressions marquées par le fanatisme, par une barbarie d’un autre âge et par une violence qui ne se connaît pas de limites. Comment, dans ce contexte, nos soldats et leurs chefs ne seraient-ils pas portés à considérer les réflexions et les principes énoncés par la génération précédente comme caducs ? Ne seraient-ils pas même disqualifiés comme relevant de la spéculation intellectuelle tels voici plus d’un demi-millénaire, à l’aube des temps modernes, les débats byzantins à l’heure où l’ultime réduit de l’Empire romain d’Orient allait succomber sous les assauts des Ottomans ? Quand ressurgissent, pour nos concitoyens, des périls mortels et que l’expression, jadis générique, de « survie de la nation » retrouve une part d’actualité, le temps n’est plus, pour qui se voit enjoindre de conjurer ces périls par les armes, au débat académique.
- Les années 1996-2002 : genèse d’une « refondation »
C’est bien pourquoi mon propos, écrit à la première personne car c’est un témoignage, ne sera pas académique. Mais en quoi le témoignage d’un officier général en deuxième section, retiré des affaires depuis treize ans, pourrait-il éclairer la problématique du sens de l’action militaire à l’heure de Daesh et des missions Sentinelle ? En ceci qu’il n’est jamais indifférent, avant de définir la direction à suivre, de savoir d’où l’on vient. Or il m’est revenu, à l’aube de l’armée professionnelle, plus de cinq années durant et dans plusieurs commandements sous l’autorité de deux chefs d’état-major de l’armée de terre (cemat) successifs, de conduire la réflexion en ce domaine, d’en assurer la formalisation et d’en orchestrer la pédagogie. Il s’agissait, précisément, de donner sens à une action militaire que la période postguerre froide marquait d’une grande confusion et, pour cela, d’en dégager les fondamentaux. Retracer la genèse de cette quête, livrer les dessous de l’explicitation des ressorts de l’action militaire qui en est résulté, pointer les embûches qu’il a fallu affronter, voilà par quoi il faut commencer avant de se poser la question, essentielle, du caduc et du pérenne en la matière.
Souvenons-nous de l’automne 1996. Le moment est marqué, dans les armées, par une grande effervescence. Le défi de la professionnalisation et de la suspension concomitante de la conscription, décisions historiques annoncées en début d’année par le président Chirac, chef des armées, est en effet considérable. L’armée de terre, profondément structurée autour du service militaire depuis plus d’un siècle, est principalement affectée. Elle était jusque-là, historiquement, « l’armée », investie d’un rôle organique au profit de l’ensemble du ministère, allant bien au-delà de ses fonctions opérationnelles. Celles-ci incluaient par ailleurs une « défense du territoire » s’appuyant sur un tissu militaire territorial, considéré par beaucoup, en ce moment de l’histoire, comme anachronique3.
Le contrat opérationnel qui lui est assigné fait désormais de cette armée de terre, pour l’essentiel, une armée « de projection » (« un corps expéditionnaire », « l’armée du quai d’Orsay », disent les sceptiques). Pour cela, dans les six ans, la moitié de ses régiments devra avoir disparu dans le même temps où le système de commandement va connaître une révolution marquée notamment par l’abandon du plus que bi-séculaire « système divisionnaire ». Plus profondément, à un système où la richesse qualitative de la conscription jointe à la modicité de son coût permettait d’honorer une extrême variété de fonctions autres que strictement opérationnelles, doit désormais se substituer, autour du noyau dur de professionnels « projetables », un tissu organique redistribué au sein du ministère4 et faisant largement appel aux personnels civils, voire au déport de fonctions hors de l’appareil d’État. Il en résulte des bouleversements considérables sur fond d’incertitude : rien ne garantit qu’à l’issue du tuilage prévu sur six ans, le recrutement soit au rendez-vous quantitativement et qualitativement. Plus encore, dans le même temps, l’intensité des engagements extérieurs ne se dément pas. C’est dire si le mot de « refondation », qui a alors été choisi pour désigner l’ampleur de la transformation, ne l’a pas été par abus de langage5.
Pour mener à bien ce travail titanesque, l’état-major de l’armée de terre (emat) ne s’aventure pourtant pas sur un terrain vierge. En 1994, la Défense avait été dotée, par décision du Premier ministre Balladur, d’un nouveau Livre blanc censé prendre acte de la fin du monde bipolaire. De fait, il aura le grand mérite de définir les « contrats opérationnels » des armées vouées désormais à la « projection », vocables et concepts qui datent de ce moment-là.
Pour autant, chacun sent bien alors que « la messe n’est pas dite ». En effet, le contexte de cohabitation qui prévaut au cours des deux dernières années de la présidence Mitterrand, celui-ci étant par ailleurs affaibli par la maladie, ne se prête pas à des choix hardis. Ainsi le principe d’une « armée mixte » est-il reconduit ne varietur. La « doctrine » susceptible d’orienter l’action de nos troupes vouées à ce que l’on appelle alors des « opérations en faveur de la paix » reste par ailleurs floue. Il est clair que l’ouvrage sera remis sur le métier dès l’élection présidentielle à venir, au printemps 1995. Il faut se préparer pour cette échéance.
Le cemat de l’époque, le général Monchal, approuve pour cela le lancement de travaux d’une ampleur sans précédent. Baptisés « Armée de terre XXI », ils visent non pas à définir un modèle d’armée optimal, mais à se doter des moyens d’analyse, en tous domaines, de l’éventail des modèles envisageables6. Ainsi, à l’heure des choix, à l’automne 1995, le « comité stratégique » mis en place par Jacques Chirac, élu au printemps, allait-il disposer des outils nécessaires à l’immense chantier de la professionnalisation. Voilà comment, dès l’automne 1996, sous l’autorité du général Mercier, qui avait succédé au général Monchal, un véritable plan d’opérations pluriannuel avait pu être élaboré par l’état-major.
Ce plan d’opérations, avec les ordres qui en découlent, est exposé à tous les officiers généraux et à tous les chefs de corps de l’armée de terre réunis pour l’occasion en octobre, en région parisienne, à Montvillargène. J’en fais partie en tant que commandant la 7e division blindée/circonscription militaire de Besançon, l’un des deux derniers « commandements fusionnés » associant sous une même autorité une grande unité opérationnelle et un commandement territorial7, et disposant donc de l’intégralité des prérogatives de commandement, en tous domaines. C’était là l’ultime trace du concept mis en place en 1976 par le général Lagarde8. Avec cette double casquette, et dans une région où la densité militaire est encore importante, je suis évidemment concerné au premier chef par l’« ordre d’opérations » qui nous est présenté.
Il a le mérite d’une quasi-exhaustivité et de la clarté, assorti d’objectifs concrets selon un échéancier rigoureux. Je reconnais bien là le savoir-faire de l’état-major, pour y avoir servi longuement. Mais, pour les mêmes raisons, je ne suis pas surpris par une lacune qui, in fine, m’apparaît d’évidence… À l’heure du dialogue avec la salle, ayant demandé la parole, je tiens en substance le propos qui suit :
« Les instructions qui nous sont données couvrent très largement l’ampleur de la tâche colossale qui nous incombe. Rien n’y manque… ou presque. En effet, je n’ai pas noté que l’on ait traité du “sens” de notre métier. Or la question se pose, pour au moins deux raisons. La première est qu’avec la conscription, tout citoyen avait vocation à être soldat. En conséquence, les valeurs du soldat étaient nécessairement celles du citoyen. Cette identité n’étant plus assurée, ne serait-il pas nécessaire de s’interroger sur le sens du métier de ce soldat désormais professionnel ainsi que sur les valeurs susceptibles de l’inspirer ? Ne faudrait-il pas formuler des réponses ? La deuxième raison est tout aussi prégnante : jusque-là, depuis des générations, l’enjeu de “survie de la nation” investissait les armées d’une mission sans égale dans l’appareil d’État, en tant qu’acteur principal d’une fonction Défense dont la légitimité n’échappait à personne. Pour autant, dans le contexte de la doctrine de “dissuasion nucléaire”, l’action militaire était devenue virtuelle depuis des décennies : la question du “sens” de cette action s’en est trouvée éludée de fait. Mais voici qu’aujourd’hui nos missions sur les théâtres les plus divers, de “maintien de la paix”, de “rétablissement de la paix”, d’assistances diverses, outre qu’elles semblent bien éloignées de cette mission fondatrice, se traduisent par un engagement effectif. Or, dans bien des cas, dans les dernières années, tout s’est passé comme si nous avions oublié les “fondamentaux” du métier des armes9. Une réflexion s’impose donc en ce domaine aussi, devant déboucher sur l’énoncé de principes clairement affirmés. Là encore, il s’agit de “sens”. Qui va traiter du “sens” ? »
Je ne suis pas sûr que mon intervention ait recueilli une approbation massive ni auprès des officiers généraux – mes camarades et mes anciens –, ni auprès des chefs de corps. En tout cas le général Mercier, avec l’humour qui lui était coutumier, sans me désavouer, s’en tire par une pirouette. Exit « le sens ».
De retour à Besançon, je lance mon état-major dans les travaux pratiques de ce que nous dénommons alors la « refondation », en exécution des ordres reçus. Cohérent avec moi-même, j’y ajoute, à mon initiative, une réflexion sur les « fondamentaux » du métier des armes. Cette réflexion, traduite sous forme de « lettres aux chefs de corps », ne passe pas inaperçue du cemat, qui me demande, à la mi-1998, de venir la porter au niveau de l’armée de terre. Elle se traduira, à l’automne, par un texte socle intitulé « L’exercice du métier des armes dans l’armée de terre. Fondements et principes ». Celui-ci, élaboré à l’issue de très larges consultations, est soumis aux « commandeurs », autrement dit, alors, à la vingtaine de généraux de premier rang exerçant des commandements sous l’autorité directe du cemat. Hormis des observations de détail, purement formelles, leur appréciation est unanimement favorable. Il est vrai que lorsque le texte est remis en séance à ses grands subordonnés, le général Mercier en assortit la présentation de ce commentaire : « Ce texte est bon. » Pour qui aurait mauvais esprit, on en déduira que ce n’était pas encourager des voix discordantes !
Toujours est-il que lorsque le cemat signe et diffuse ce document10 à la fin janvier 1999, dans son dernier acte de commandement avant son départ du service, c’est bien fort de l’assentiment de l’ensemble des commandeurs de l’armée de terre. Cela l’est même exclusivement : fin connaisseur du ministère – il avait été chef du cabinet militaire du ministre –, il n’avait pas hésité à suivre ma recommandation de publier ce document sans visa préalable du cabinet d’Alain Richard, alors ministre. Et ce, en dépit de pressions de ce cabinet qui avait entendu dire qu’il se préparait quelque chose d’ambitieux en matière de réflexions et d’orientations pour l’exercice du métier des armes. D’un commun accord, nous pensions que ce texte, outre que le risque était grand qu’il puisse être au minimum affadi sinon dénaturé par une telle mise au visa, était vraiment de la responsabilité du cemat, lui seul capable de lui donner, en interne, crédibilité et légitimité pleines et entières11.
Ainsi étaient donc lancées l’élaboration et la mise en place de tout un corpus susceptible de répondre à la « question du sens ». Le texte socle devait être complété par des textes plus normatifs, dont le plus emblématique, le Code du soldat, relatif aux comportements, dès l’été sous la signature du général Crène, qui avait succédé au général Mercier. Le nouveau cemat en prescrivait l’attribution à tous, tous grades confondus, et la remise solennelle à chaque recrue, sous forme d’une carte personnalisée au format carte de crédit. Le dernier de ces textes normatifs, relatif à l’exercice du commandement, devait être publié en 2003 sous la signature du général Thorette, successeur du général Crène. Il vient de faire l’objet d’une refonte sous l’autorité du général Bosser, actuel cemat.
Dans le même temps, un dispositif pédagogique était élaboré pour l’orchestration de ces textes, sous l’égide du Commandement de la formation de l’armée de terre (cofat), grand commandement d’alors, directement subordonné au cemat, et investi de très larges délégations en matière de formation, qui m’a été confié entre 1999 et 2002.
Telle est la genèse du corpus auquel le premier numéro de la revue Inflexions, évoqué ab initio, faisait plus ou moins implicitement référence pour traiter du « sens de l’action militaire ». Il était nécessaire de la donner à connaître de façon que l’approche critique du fond, à laquelle il faut se livrer maintenant, ne soit pas polluée d’emblée par des interprétations hasardeuses des conditions de son élaboration.
- Trancher un nœud gordien
Aujourd’hui où les armées connaissent une faveur qui laisse rêveurs les hommes de ma génération, il faut rappeler que, des décennies durant au cours du siècle passé, elles avaient été en butte à un « antimilitarisme » massif, voire haineux, qui avait culminé au milieu des années 1970. C’était là l’effet cumulé d’un siècle d’événements tragiques. La répression de la Commune, l’affaire Dreyfus, les terribles hécatombes de la Grande Guerre générant un pacifisme profond avaient entretenu un climat qui a pu trouver un regain d’intensité avec le désastre de 1940 et les funestes errements de l’État français sous l’autorité d’un maréchal de France, quel qu’ait été par ailleurs, à la Libération, l’effet correcteur de l’aura du général de Gaulle ou des Leclerc, Juin et de Lattre. Dans les décennies d’après-guerre concourent à nouveau à un antimilitarisme chronique et récurrent les épreuves des conflits de décolonisation sur fond de guerre froide à la faveur de laquelle l’Union soviétique entretient un désarmement moral de l’Occident pernicieux et efficace.
Qui se souvient que, dans les années 1960, dans les bureaux parisiens de l’administration centrale du ministère de la Défense et dans les états-majors, on travaillait en civil tant le port de l’uniforme dans le métro et dans la rue pouvait être inconfortable ? L’esprit post-68 aidant, un paroxysme est atteint avec les comités de soldats qui se développent dans les armées en 1975 et 1976. Qui se souvient qu’en ce milieu des années 1970, depuis près de deux décennies, les engagés étaient des « rampouilles » et les cadres des « crevures » ? Qui se souvient des graffitis « l’armée, ça tue, ça pue, ça pollue » ? Qui se souvient des autocollants à compléter, apposés dans les enceintes des casernes « xxx est une crevure, on aura sa peau » ?
En tout cas, l’institution militaire est, des décennies durant, au mieux tenue en marge. Dans les médias, lorsqu’on ne l’ignore pas, ce qui est le cas le plus général, il est de bon ton de la brocarder. Quand on s’y intéresse, c’est parfois pour lui récuser toute spécificité dans l’appareil d’État.
Les militaires, quant à eux, arguent de leur rôle régalien au service de la France ; ils mettent le plus souvent en avant leur disponibilité jusqu’au sacrifice de leur vie si nécessaire. Mais, dans l’étrange période de la guerre froide, il leur est objecté que l’occurrence en est rare. Moindre que pour les pompiers ou les policiers ! Mais jamais, tant est grande l’inhibition, ces mêmes militaires ne mettent en évidence leur seule véritable spécificité : la capacité et le pouvoir de détruire et de tuer. Il est vrai que, dissuasion oblige, l’engagement devait rester virtuel.
Et puis survient, au début des années 1990, l’événement improbable de l’implosion de l’Union soviétique. C’en est fini de l’entreprise de désarmement moral de l’Occident. Dans le même temps, là où des esprits généreux avaient cru voir poindre un avenir apaisé pour le monde, c’est le chaos qui s’installe, relayé dans ses manifestations les plus barbares par des médias désormais omniprésents, suscitant l’émotion de l’opinion qui enjoint à ses gouvernants de « faire quelque chose ». L’armée est commode pour cela et voilà nos soldats « projetés » dans des conflits inextricables. Le regard sur ces « Casques bleus », baptisés « soldats de la paix », change alors du tout au tout. La faveur médiatique leur sourit désormais et cela ne se démentira plus jusqu’à nos jours.
Mais, dans ces années 1990, cette révolution copernicienne se produit au prix d’un contresens radical : l’expression « soldats de la paix » est interprétée au pied de la lettre. De fait, nos soldats, revêtus et armés de candeur du fait d’un certain angélisme onusien, sont tragiquement impuissants. En France, la démonstration la plus probante de l’absurdité de ces situations sera administrée en Bosnie au long de trois longues années, de 1992 à 1995. Le sursaut vient après l’ultime humiliation à diffusion planétaire d’un détachement de Casques bleus français à Sarajevo en mai 1995, qui provoque la réaction salutaire du président Chirac nouvellement élu. Avec lui, comme j’aurai l’occasion de l’entendre de sa bouche, il n’y aura plus de « soldats de la paix », mais des « soldats de la guerre »…
Il se trouve que j’ai eu à vivre in situ les événements qui ont suivi, au commandement du secteur de Sarajevo, jusqu’à la levée du siège dont il m’est revenu de conduire les opérations au sol12. C’est dire si, lorsque je m’attelle à une réflexion sur les fondamentaux du métier des armes dans les mois qui suivent mon retour, ma sensibilité est grande au caractère à proprement parler insensé d’une conception et de modes opératoires de l’action militaire qui avaient pu prévaloir si longtemps. C’est dire encore si, alors, tout part d’une évidence pourtant comme oubliée jusque-là.
Le militaire est, par destination, détenteur, au nom de la nation, des moyens de la force armée ; il est investi de la responsabilité d’en faire usage, ce qui se traduit, si nécessaire, par le pouvoir hors normes d’infliger la destruction et la mort. Là est la véritable spécificité du métier militaire : elle réside certes dans un rapport singulier à la mort, mais bien davantage celle que l’on est à même de donner que celle que l’on peut recevoir. Ce constat est générique. De lui allaient découler les « fondements et principes » formalisés en janvier 1999.
L’étonnant est qu’aujourd’hui, comme on le rapporte, il puisse se dire chez nos jeunes camarades que ces textes seraient marqués au sceau de l’angélisme, donc disqualifiés à l’heure de la « guerre au terrorisme », qui serait impitoyable et sans merci. Face à cette lecture, si lecture il y a, véritablement à contresens, une analyse rigoureuse de la démarche qui a abouti à la formulation des « fondements et principes de l’exercice du métier des armes » s’impose. Alors seulement on pourra juger de la pérennité de leur pertinence.
Remarquons d’abord que le point de départ du raisonnement s’impose plus que jamais.
Voici deux décennies, il s’agissait de réagir au caractère à proprement parler insensé des postures quasi désarmées imposées à nos troupes placées en interposition au cœur de violences déchaînées. Pour cela, il fallait réaffirmer, ab initio, que la présence du soldat sur le terrain n’a de sens qu’au regard d’un seul objectif : la neutralisation, voire l’élimination des fauteurs de violence ; qu’un tel objectif ne peut être atteint que pour autant que ce soldat dispose des moyens matériels, juridiques, conceptuels et moraux d’imposer sa volonté, autrement dit qu’il ait la capacité de faire usage de la force que lui confère son état de façon efficiente, fût-ce au prix, si nécessaire, il faut le rappeler, de la destruction et de la mort.
On ne mesure sans doute pas aujourd’hui l’ampleur des inhibitions qu’il fallait alors surmonter pour affirmer cela. Souvenons-nous du climat culturel, idéologique et médiatique des décennies 1960-1990 rappelé précédemment : le mot « guerre » était proscrit13 ; seule la « défense » était légitime, et encore pas à n’importe quel prix. Or, en Bosnie par exemple, s’agissait-il de « défense » ? Non, il s’agissait de mettre un terme à des « violences » jugées inacceptables. Pour cela, tout autre moyen pacifique s’étant révélé inopérant, l’usage de la force s’imposait, nécessaire et légitime.
À l’évidence, aujourd’hui, dès lors qu’a ressurgi l’« ennemi », les inhibitions rappelées ci-dessus ne sont plus de saison. Les « violences » n’ont pas disparu, tant s’en faut, mais la nouveauté est qu’elles peuvent se déchaîner au cœur même de notre territoire, à l’encontre de nos concitoyens. Que l’usage de la force lorsqu’il s’impose doive être efficient, nul ne le récusera.
Avec la deuxième étape du raisonnement, nous sommes au cœur du sujet, donc au nœud d’une complexité intrinsèque, et c’est sans doute là une pierre d’achoppement que l’on ne peut esquiver. Rappelons que nous ne sommes pas dans un exercice de pure spéculation intellectuelle, mais dans une démarche qui vise, sur la base de fondements bien établis, à dégager des principes susceptibles de constituer des guides pour l’action.
Le premier de ces fondements, nous venons de le rappeler, c’est que l’action militaire se caractérise avant tout par sa capacité à user de la force pour s’imposer à un adversaire. Il en découle, comme l’indique le texte « L’exercice du métier des armes dans l’armée de terre. Fondements et principes », que « l’usage de la force, opposé à une violence qui peut être sans limites, obéit à un principe d’efficacité au nom duquel tous les moyens mis en œuvre, tous les savoir-faire, toutes les énergies doivent concourir au succès »14.
Mais il est un second fondement « où l’institution militaire puise à la fois son sens et sa légitimité »15, c’est que « l’armée est une émanation de la communauté nationale ; […] dépositaire des armes de la France, elle est délégataire de la force que l’autorité politique, représentant la volonté nationale, estime devoir opposer aux violences qui pourraient menacer son intégrité, ses intérêts et ses engagements dans le monde »16. Rien de tout cela n’a changé aujourd’hui, ni le « principe d’efficacité » qui accompagne nécessairement l’usage de la force, ni le fait que ce soit au nom de la France.
Or nous sommes dans un État de droit et ce droit s’exprime par des textes. Pour les militaires, le droit les concernant fait l’objet du Règlement de discipline générale (rdg), prescrit par un décret, et du Statut général des militaires, établi par une loi. Dans sa dernière édition, promulguée en 2005, ce dernier énonce dans son article 8 : « Les militaires doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs et sont responsables de l’exécution des missions qui leur sont confiées. Toutefois, il ne peut leur être ordonné et ils ne peuvent accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales. La responsabilité propre des subordonnés ne dégage leurs supérieurs d’aucune de leurs responsabilités17. » Quant au Règlement de discipline générale, réécrit au cours de la même période, il fait écho à ces dispositions dans ses articles 6 et 8 et, dans son article 9, énumère longuement les limitations dans l’usage de la force qui découlent du « respect des règles du droit international applicable aux conflits armés »18.
L’ensemble de ces dispositions figurait déjà peu ou prou dans les documents antérieurs disponibles lors de la publication, en 1999, de « L’exercice du métier des armes dans l’armée de terre. Fondements et principes ». Voilà qui fonde en droit que l’on ait pu écrire dans ce texte, après avoir rappelé le « principe d’efficacité » qui découle de l’usage de la force, que « dès lors que cet usage se traduit de fait par la destruction et la mort, il s’oppose à une exigence véritablement fondatrice qui est celle de nos sociétés dont le soldat n’est que le délégataire : le respect absolu de la personne humaine, notamment de sa vie. Cette contradiction, véritable paradoxe de l’état de militaire, qui fait écho à sa spécificité, ne peut être esquivée »19.
De fait, on ne l’esquivera pas et cela conduira à distinguer « force », et même « force maîtrisée », et « violence », à se poser la question d’une éventuelle contradiction entre le « principe d’efficience » et le « principe de maîtrise », à renvoyer, face à ces « exigences antagonistes », à l’immense responsabilité du chef, pour sa décision, en conscience.
Voilà qui n’allait pas manquer de troubler. La nécessaire détermination du soldat et de ses chefs à l’heure de vérité n’en est-elle pas ébranlée ? Les limitations dans l’usage de la force face à une violence qui ne se connaît pas de bornes ne condamnent-elles pas à l’impuissance ? La clause de conscience ne bat-elle pas en brèche une discipline qui reste « la force principale des armées » ?
Le trouble prendra même la forme, en 2002, d’un pamphlet de plusieurs dizaines de pages, anonyme et circulant sous le manteau, intitulé « La dénaturation de l’armée de terre ». Il sera relayé jusqu’au sommet de l’État : le programme « Défense » du rpr20 de l’époque pour la campagne présidentielle comportera une mesure intitulée « retrait du Livre vert de l’armée de terre » et Jacques Chirac une fois réélu, son chef d’état-major particulier a pu m’écrire : « J’ai dû démonter ce pamphlet scandaleux auprès du président. » Il est vrai qu’au-delà d’une analyse apparemment rigoureuse, la sélection de passages tronqués jointe à une théorie du complot quant à l’élaboration du « Livre vert »21 se conjuguaient pour disqualifier ce qui était effectivement un pamphlet.
Il n’en reste pas moins que la difficulté présentée par la problématique d’un usage de la force qui ne soit pas violence déchaînée demeure. À l’heure du retour de « l’ennemi » dans sa nébuleuse terroriste, elle revêt même une acuité particulière : la tentation est puissante de voir là un affadissement de cet usage de la force armée à la mesure des violences à combattre et un ébranlement des déterminations à la mettre en œuvre.
Nous sommes là au cœur d’une problématique qu’il nous faut affronter résolument, avec rigueur et sans tabous. En préalable, remarquons que le « Livre vert » ne l’a pas inventée. De très longue date, avant leurs formulations contemporaines à partir de la fin du xixe siècle et, surtout, de l’après Seconde Guerre mondiale, la reconnaissance « d’us et coutumes de la guerre » était un fait de civilisation qui portait en elle cette problématique. Le fait est qu’elle était rarement exprimée. Les Saint-Cyriens des années 1960 se voyaient enseigner des dispositions véritablement antagonistes, sans que nul ne s’avise d’en aborder la problématique : d’abord, le Règlement de discipline générale – celui de 1933 encore en vigueur – dont l’article 1er, alinéa 1er, à apprendre par cœur, disposait que « la discipline faisant la force principale des armées, il importe que tout supérieur obtienne de ses subordonnés une obéissance entière et une soumission de tous les instants, que les ordres soient exécutés sans hésitation ni murmure ». Pourtant figuraient aussi au programme les conventions de Genève, notamment la quatrième, du 12 août 1949, dont les cent cinquante-neuf articles et les trois annexes énumèrent abondance d’« infractions graves » proscrites comme autant de « crimes de guerre ». Pour ma part, je n’ai alors jamais entendu nul rapprochement fait entre l’un et l’autre de ces textes. C’était en quelque sorte « débrouillez-vous avec ça ».
On aurait pu penser qu’une exigence de clarification allait s’imposer en 1966. Alors survient en effet un événement considérable : un nouveau Règlement de discipline générale, édicté par décret du 1er octobre, stipule bien toujours que « la discipline fait la force principale des armées » (préambule, I, alinéa 2), mais on peut lire au paragraphe 5 que « l’obéissance […] procède de la soumission à la loi. […] Le devoir d’obéissance ne dégage jamais le subordonné des responsabilités qui lui incombent au regard de la loi ». Quant à l’article 21, paragraphe 3, il énumère « les actes qu’il est interdit au chef d’ordonner et dont l’exécution engagerait la responsabilité pénale des subordonnés ».
Le pouvoir aurait-il alors, en France, été pris par quelque organisation pacifiste et subversive ? Le général de Gaulle était président de la République, chef des armées. Le ministre des Armées était Pierre Messmer, capitaine de la Légion étrangère à Bir-Hakeim. La commission chargée de la refonte du règlement était présidée par une figure de légende du débarquement en Provence, le général Gambiez, qui déclare : « Il fallait doter notre armée d’une éthique à la mesure du siècle et de la mission qui lui a été impartie. »
Pour autant, la problématique dans l’usage de la force devient-elle un sujet pris à bras-le-corps ? Le lieutenant de vingt-deux ans que j’étais alors n’en a pas gardé le souvenir. Je servais au 27e bca et j’occupais, pour l’hiver, un poste de montagne isolé sur les hauts de La Clusaz. Un jour, avec le ravitaillement, m’arrive le nouveau rdg, assorti d’un mot, sans doute de mon capitaine : « À commenter à vos gars. » Autrement dit, encore, « débrouille-toi avec ça ». Il est vrai que, jusqu’à la grande rupture géostratégique des années 1990, l’engagement en opérations, dissuasion aidant, allait être, pour l’essentiel, virtuel…
Comme on le sait, les dispositions du Règlement de 1966 allaient être reprises dans le Statut général des militaires en 1972, puis, dans l’esprit sinon dans certaines reformulations, jusqu’aux documents de 2005 rappelés précédemment. Entretemps, lorsqu’à l’automne 1998, comme on l’a vu, il s’agit de répondre à la question du « sens » et de réaffirmer les « fondamentaux » de l’action militaire, il est clair que le caractère problématique de l’usage de la force armée, sauf à faillir, ne peut plus être esquivé. Pas plus qu’il ne peut l’être aujourd’hui. Mais comment trancher le nœud gordien ?
Le choix qui a été fait, et qui reste sur la table, est qu’il fallait rompre avec la pratique antérieure de prescriptions antagonistes, pour ne pas dire contradictoires, laissant à chacun le soin de s’y retrouver face à des dilemmes qui pouvaient être insolubles… et face à ses responsabilités. Pour cela, la problématique devait être exposée, sans fard, et, pour l’affronter, il fallait que tout un chacun, à tous les niveaux de la hiérarchie, ait une conscience claire des valeurs qui sont en cause et qu’il se les approprie.
Étant réaffirmé que c’est bien la référence à la France qui donne sens et légitimité à l’action militaire, il faut préciser de quelle France nous parlons. En l’occurrence, c’est cette nation millénaire qui s’est, progressivement et avec plus de continuité qu’on ne croit entre le millénaire capétien et la république, constituée autour d’une certaine idée de l’homme, de son universalité, de sa liberté, de sa dignité, du prix de la personne humaine.
C’est fort de ces convictions, fortement intériorisées, que le soldat, derrière ses chefs, peut affronter les redoutables paradoxes de son étrange métier. Il revient bien sûr aux chefs, notamment de contact, de faire que leurs subordonnés ne soient pas confrontés à des dilemmes insolubles. À eux de porter la redoutable responsabilité de choix difficiles dans ce qui s’apparente parfois à des paris pascaliens. Les règlements, les ordres donnés, les règles d’engagement, les conduites à tenir, aussi nécessaires soient-ils, ne dictent pas de solution formatée. En situation paroxystique, seul le chef, en conscience, décide des modalités d’usage de la force qu’il choisit face aux exigences contradictoires qui s’imposent à lui. C’est l’extrême difficulté de son rôle au combat ; c’est sa grandeur, son honneur et sa noblesse.
- Pour conclure…
Non, le « retour de l’ennemi » n’invalide pas les principes énoncés en 1999, celui notamment d’une définition de la « force » qui se distingue résolument de la « violence » sans limites. Qui ne voit qu’au contraire l’actualité de cette question n’a jamais été aussi grande ? L’ennemi que nous avons aujourd’hui à affronter, à l’image de ce que nos pères ont connu face à la régression barbare nazie, se caractérise par la négation même de nos valeurs de civilisation. Il y aurait une singulière incohérence à les trahir au motif de les défendre.
Rappelons par ailleurs que la conception de l’usage de la force dont nous sommes porteurs, dans un héritage millénaire, est la seule alternative qui vaille à la conception américaine d’une force exercée par le déchaînement démesuré des capacités modernes de destruction. De cette conception, systématiquement mise en œuvre depuis la fin de la guerre froide, on connaît non seulement l’échec, mais aussi les résultats violemment contre-productifs qui sont largement à l’origine, précisément, du « retour de l’ennemi ».
Les tentations régressives sont pourtant à l’œuvre, souvent sans intention en ce sens. Un exemple de ce à quoi peuvent exposer de bonnes intentions exprimées dans des formulations sommaires est donné par l’ouvrage signé du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, précédemment cité. Il répond à la question « qui est l’ennemi ? », et c’est un grand mérite. Il invite à affronter cet ennemi résolument. Mais on précise bien que tout cela est « dans le respect de l’État de droit ». Je ne doute pas un seul instant de la bonne foi du rédacteur ni de ses convictions. Mais il lui a sans doute échappé que se borner à ce rappel, c’est revenir aux situations schizophréniques que j’ai rappelées plus haut : « Débrouillez-vous avec ça. »
Nos anciens ont bien connu cela à l’époque tragique du conflit algérien. À cet égard, je veux citer la réaction du général de Boissieu, ancien cemat, à la réception du document « L’exercice du métier des armes dans l’armée de terre. Fondements et principes » qui lui avait été adressé par le général Mercier : « Excellent document, qui aurait dû être écrit avant les épreuves algériennes, cela aurait évité bien des drames. » Nous devons à nos soldats, à nos sous-officiers, à nos lieutenants, à nos capitaines, de leur éviter des drames analogues.
1 Le mur de Berlin est tombé le 9 novembre 1989 ; l’Union soviétique s’est disloquée le 21 décembre 1991.
2 J.-Y. Le Drian, Qui est l’ennemi ?, Paris, Le Cerf, 2016.
3 La question fut alors écartée sans débat. Voilà qui laisse songeur à l’heure de Sentinelle.
4 C’est alors que la gendarmerie, jusque-là largement soutenue par l’armée de terre, devient une « armée » à part entière, dans le même temps où le Secrétaire général pour l’administration (sga) se trouve de facto placé à la tête d’une sorte de « 5e armée », en charge de fonctions administratives et de soutien interarmées.
5 On comprendra que ceux qui étaient alors à la manœuvre n’aient que modérément apprécié que, douze ans plus tard, le nouveau chef de l’État, chef des armées, ait pu déclarer, à l’appui de sa volonté de lancer un nouveau train de restructurations, qu’il était temps de tirer les conséquences de la fin de la guerre froide.
6 Le processus, associant pour la première fois un très grand nombre d’officiers bien au-delà de l’emat, a été souvent mal compris, dans la conviction de beaucoup que ce n’était qu’un rideau de fumée pour un objectif masqué.
7 En l’occurrence, les cmd s’étaient substituées, avec sensiblement les mêmes attributions, aux régions militaires lors de la restructuration « armées 2000 » lancée par Jean-Pierre Chevènement.
8 Une telle organisation, d’une exceptionnelle réactivité, peut, aujourd’hui, alimenter la nostalgie à l’heure de la séparation de l’« organique » et de l’« opérationnel » jusqu’au niveau du corps de troupe inclus…
9 J’avais évidemment en tête les funestes errements des années 1992-1995 en Bosnie. Je renvoie pour cela à l’ouvrage que j’ai publié en novembre 2016 aux éditions Riveneuve sous le titre Sarajevo 1995. Mission impossible.
10 En écho à un document sur « L’exercice du commandement » sous la signature du général Lagarde et diffusé en 1980, qui a longtemps fait référence dans l’armée de terre, il est assorti d’une couverture verte, ce qui lui vaudra, de la part d’esprits simplificateurs l’appellation de « Livre vert ». Des esprits quant à eux sans doute exagérément emphatiques le désigneront sous l’appellation de « texte fondateur ».
11 À cet égard, trois ans plus tard, quand se développera une cabale anonyme visant ce texte et son chef d’orchestre nommément désigné (l’auteur de ces lignes), la dénonciation d’une démarche de « dénaturation » de l’armée de terre sous influence politique et idéologique ne manque pas de sel…
12 Cf. Sarajevo 1995. Mission impossible, op. cit.
13 Cf. par exemple l’École de guerre rebaptisée Collège interarmées de défense (cid). Celui-ci est aujourd’hui redevenu École de guerre. Voilà qui signe les évolutions d’un contexte quasi idéologique.
14 « L’exercice du métier des armes dans l’armée de terre, Fondements et principes », 1999.
15 Ibid.
16 Ibid.
17 Loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires.
18 Décret n° 2005-796 du 15 juillet 2005 relatif à la discipline générale militaire.
19 « L’exercice du métier des armes dans l’armée de terre. Fondements et principes ».
20 Le Rassemblement pour la République était alors le parti du président Chirac, qui se représentait pour un second mandat.
21 D’où l’intérêt de sa genèse rappelée plus haut.