Un homme d’une cinquantaine d’années, visiblement très énervé, insultant les soldats et rameutant les passants, se présente au poste français. Criant au viol de sa fille, il exige d’être reçu sur-le-champ par le représentant de la Force. Face au lieutenant qui cherche à en savoir plus sur ce qui lui semble de plus en plus ressembler à une histoire inventée de toutes pièces, le plaignant met lui-même fin aux explications en rétorquant sans ambages – ni d’ailleurs beaucoup de considération pour sa prétendue victime de fille – que l’affaire peut en rester là moyennant le versement d’une substantielle « indemnité compensatrice ». Sentant l’entourloupe, le jeune chef de section congédie brutalement l’intéressé, mais son commandant d’unité, plus expérimenté, a fort heureusement la présence d’esprit d’en mesurer la portée potentiellement dommageable. Les mesures prises par le chef de corps sont alors immédiates : elles consistent alors à démonter la mécanique de manipulation en prouvant au plus près, dans le temps comme dans l’espace, le caractère matériellement impossible de l’agression. Faute de le faire, il est vraisemblable que la rumeur s’en serait emparée et que, de fictif, le crime serait devenu d’autant plus réel dans le champ des perceptions que les possibilités d’en prouver l’(in)existence se seraient amenuisées.
Si l’enjeu était donc tout autant de faire jaillir la vérité que de s’assurer que cette dernière soit localement partagée, « geler » la prétendue scène de crime pour établir les faits n’était pas sans générer d’importantes contraintes sur les opérations. Ces frictions tactiques immédiates étaient pourtant le prix à payer pour se prémunir de l’exploitation stratégique que l’adversaire aurait pu faire d’un prétendu manquement de la Force1.
Engagé dans un combat où l’affrontement direct via le recours aux armes classiques lui est par nature défavorable, l’irrégulier se trouve naturellement conduit à privilégier une approche indirecte qui l’expose moins. Bien entendu, ce constat n’enlève rien à l’inanité des cas avérés de viols de guerre, et il est évident que justice doit être faite. Les réflexions qui suivent ne visent par conséquent ni à dédouaner les auteurs de tels actes, bien au contraire, ni à en nier la possible réalité, mais ambitionnent simplement de lever le voile sur une dimension peu connue de l’usage qui peut être fait de ce motif dans l’art de la guerre. Dans le contexte contemporain d’hypermédiatisation des opérations militaires, le sexe offre en effet au faible une arme « stratégique » pour contraindre le fort.
- Une félonie de la force
Cet usage de l’arme sexuelle n’est pourtant pas ce à quoi l’expression « viols de guerre » fait d’abord songer. Elle désigne en effet plus communément les crimes qui s’apparentent à une stratégie du plus puissant des belligérants pour marquer sa domination, qu’il s’agisse d’humilier, d’affaiblir, d’assujettir, de chasser ou de détruire. Probablement aussi anciens que la guerre elle-même, les viols massifs procèdent soit d’un laisser-faire participant utilement et directement de la terreur provoquée par une politique de la terre brûlée – les exemples historiques sont pléthores –, soit d’une planification méthodique destinée à atteindre, à moyen ou long terme, un but politique plus indirect mais très précis. Au-delà du traumatisme individuel que double le plus souvent le stigmate social, le viol peut en effet se faire au sens propre arme de conquête via des grossesses forcées, qu’il s’agisse comme en ex-Yougoslavie de corrompre le lien communautaire ou, à l’instar de ce qui a pu être observé au Congo, de métisser une population pour s’implanter durablement dans un territoire. Dans tous les cas, l’acte du bourreau qui abaisse sa victime participe ainsi de l’inscription de la conquête dans les esprits et dans les corps, physiques comme sociaux.
Il demeure néanmoins que l’élaboration raisonnée d’une telle stratégie, totale aux sens extensif de globale comme intensif de totalitaire, se fonde sur le recours à une racine passionnelle qui fait la part belle aux instincts les plus primaires. Cette félonie de la force, qui, parce qu’elle est puissance, s’autorise à transgresser lois comme règles, ne pourrait en effet in fine exister sans la potentialité d’un passage à l’acte, personnel et collectif, que semble structurellement favoriser l’espace-temps de la guerre. Certes, l’église puis le droit international se sont efforcés de délimiter le champ clos de cette « zone de mort » (jus ad bellum), puis d’y limiter les expressions de violence (jus in bello), mais le fait même de violer le premier des commandements – « Tu ne tueras point » – n’entraîne-t-il pas mécaniquement, ou pour le moins potentiellement, l’effondrement de ce qui fait l’humain en sa capacité à vivre en société ?
« La bouffissure de la décomposition s’était déjà par avance installée, avait commencé son travail le jour où nous avions revêtu nos anonymes tenues de soldats »2, écrit en 1940 le jeune Georges, constatant que les effets délétères de la débâcle ne sont que le développement accéléré d’un mal en germe chez ceux dont la destination devient de donner la mort par les armes. Car la débâcle, comme le souligne Emmanuel Levinas dans ses Carnets de captivité en décrivant la « scène d’Alençon »b joue en l’espèce le rôle de révélateur des excès possibles d’un conflit dont les dernières digues régulatrices se sont effondrées ; sont alors, dans ce cas extrême, libérés les instincts de jouissance comme enrôlement de soi sur soi-même, l’Autre, homme comme femme, n’étant plus alors qu’objet de consommation. « Ici tout est comme à manger dans son indistinction massive »3, écrit-il par ailleurs. Le corps humain est à posséder ; il est déshabillé de sa forme fonctionnelle, qui lui assure en temps normal une prise efficace sur l’environnement via la mise en scène d’un système relationnel, pour n’être plus qu’un pur produit de consommation.
Pour Levinas, « sous la débâcle » se fait jour la vérité crue de la guerre, celle d’un effondrement des êtres humains, lesquels renoncent par leur comportement à ce qui fait leur humanité pour retourner dans l’indétermination de ce qu’il nomme « l’il y a », cette forme qui préexiste à l’être social. « La guerre se produit comme l’expérience pure de l’être pur, à l’instant même de sa fulgurance où brûlent les draperies de l’illusion. […] La violence ne consiste pas tant à blesser et à anéantir qu’à interrompre la continuité des personnes, à leur faire jouer des rôles où elles ne se retrouvent plus, à leur faire trahir, non seulement des engagements, mais leur propre substance, à leur faire accomplir des actes qui vont détruire toute possibilité d’acte4. »
L’existence d’un tel opérateur philosophique ne signifie pas pour autant qu’en toute guerre s’actualisent de tels excès, mais informe sur leur potentialité, donc sur la nécessaire vigilance à conserver et à ne jamais relâcher. En la matière, les règles de droit ne font que progresser – le viol de guerre a ainsi été qualifié de crime par la résolution 1 820 de l’onu du 19 juin 2008 – et les codes de conduite développés dans les armées régulières, notamment occidentales, expriment assez naturellement la sensibilité des opinions publiques qui les soutiennent. Ces dernières, à l’instar de ce qui peut s’observer en France, sont extrêmement réceptives, attentives et réactives à tout ce qui pourrait laisser supposer que le droit de la guerre a été transgressé.
Les armées elles-mêmes, fortement encadrées, ont intériorisé les normes qui régissent leurs conditions d’engagement, comme en témoignent la variété et parfois la complexité des « règles d’engagement » qu’il leur faut suivre avec une extrême précaution. Les comportements déviants, quand ils sont avérés, relèvent en conséquence d’inexcusables écarts commis par des individus isolés, qui échappent autant aux ordres de leurs chefs qu’à la pression sociale du groupe auquel ils appartiennent. S’ils n’ont de ce fait rien à voir avec une « stratégie » d’ensemble de recours au viol de masse, comme cela a pu être observé en d’autres lieux ou d’autres temps, ces crimes individuels ne sont pas moins à éradiquer. Ils doivent d’évidence l’être d’abord et surtout pour le préjudice qu’ils portent à celles et ceux qui en sont les victimes ; ils doivent également l’être pour la faute qu’ils constituent à l’égard de l’éthique que s’est choisie la communauté nationale qui les missionne. Ce dernier argument, qui pèse sans doute peu au regard de la charge émotionnelle que suscite le sort des victimes, a cependant deux dimensions non négligeables : la première, d’ordre politique, qui dépasse le cas particulier du viol, est celle d’éviter à une société démocratique et libérale de renier ses valeurs sinon au risque d’un mimétisme qui tend progressivement à la faire ressembler à son adversaire ; la seconde, qui relève davantage de la stratégie militaire, consiste à ne pas donner à celui que l’on combat un « bâton pour se faire battre », un levier si puissant qu’il peut, sinon remettre en question les opérations, au moins les ralentir de façon conséquente.
- Une ruse de la faiblesse
Car l’instrumentalisation du viol, que l’acte soit réel ou simplement supposé, peut se retourner contre l’hegemon et se faire stratégie efficace du faible contre le fort. Dans un monde toujours plus interconnecté où le volume des informations transmises en temps réel ne cesse de croître, le recours aux technologies de tout type pour proférer une accusation ou déployer une rumeur est à la portée de tout belligérant ; le stratagème est tentant pour celui que la dissymétrie des moyens de combat condamne à trouver des voies détournées pour affaiblir son adversaire. Pourquoi, en effet, accepter un affrontement direct sur le terrain, avec des armes qui ne feront jamais le poids, quand des moyens de communication permettent, en nivelant le différentiel de puissance, d’obtenir un gain sans commune mesure avec le coût estimé et le risque consenti ? Un demi-siècle avant le développement exponentiel des outils qui permettent désormais à tout individu « connecté » de s’affranchir de l’espace comme du temps, le général Beaufre identifiait déjà la dimension psychologique comme étant la zone d’action en devenir : « Il est évident qu’aujourd’hui, avec le développement de l’information par la presse, la radio et la télévision, le domaine psychologique devient une zone d’action essentielle et décisive5. »
Certes, la réalité observable sur le terrain est moins tranchée car les parties en présence ne peuvent totalement échapper aux frictions d’un contact physique, en particulier lorsque sont en jeu des lieux et des relations de pouvoir très localement concentrés. Pour autant, une analyse rapide du « système des systèmes » de notre armée française permet aisément de comprendre ce qui en constitue à la fois la matrice culturelle et le talon d’Achille. Bras armé d’une nation qui se veut la patrie des Lumières et qui fait de la défense de son mode de vie un combat contre l’obscurantisme, elle ne peut transgresser les valeurs qu’elle est censée incarner sans se renier elle-même ; ce qui est indubitablement une vertu politique présente, et c’est heureux, l’inconvénient de limiter l’efficacité tactique à court terme faute de pouvoir adopter les modus operandi d’un adversaire qui, lui, ne se sent nullement lié par de tels engagements. Sans dire qu’il faille en arriver à des procédés extrêmes, la simple définition des conditions dans lesquelles le soldat peut faire usage de son arme pose question et ces « règles d’engagement » s’avèrent parfois à ce point contraignantes qu’elles se limitent à la légitime défense la plus stricte. Bien entendu, il ne s’agit pas de faire entrer ici le viol ou tout autre crime dans la catégorie des moyens dont la force regretterait de ne pas disposer, mais la sensibilité toute particulière de l’opinion apparaît comme une vulnérabilité critique qui rend particulièrement tentante l’idée d’en exploiter les réactions.
Si la transgression d’une règle par un seul peut fragiliser l’ensemble du corps (expéditionnaire), il ne paraît pas en conséquence aberrant pour l’adversaire d’utiliser tous les procédés possibles pour chercher à discréditer les uns et à pousser les autres à la faute. Accusations publiques sans fondement mais provoquant l’ire de la foule, pseudo « victimes » payées pour leur faux témoignage, images trafiquées et films censés être accablants, chantage via la prostitution qui enclenche la spirale vicieuse de la manipulation… l’imagination est sans limites tant ce commerce peut être financièrement intéressant et les effets politiques particulièrement rentables. Là où l’action de combat « au coin du bois » se solde par un résultat qui, à supposer qu’il soit favorable, dépasse rarement les niveaux tactique et opératif, la manœuvre de manipulation peut aisément cumuler les effets de chaque échelle, d’une paralysie locale de l’unité incriminée à la remise en cause du déroulement voire du bien-fondé de la mission à Paris, en passant par une position pour le moins embarrassante du poste de commandement du théâtre. « L’irrégulier stratégique » – pour détourner au profit de l’adversaire l’expression forgée par le général Krulak6 – est celui qui déploie une stratégie indirecte (à opposer à l’usage direct de la force) pour frapper par une manœuvre extérieure (en France, donc hors du théâtre où se déroule l’affrontement) le centre de gravité politique (la volonté de conduire ou de poursuivre la mission) via sa vulnérabilité critique (l’opinion publique versatile, réactive et influençable7).
Une fois encore, la mise à jour d’une stratégie qui fait de l’accusation de viol une arme du faible contre le fort n’enlève rien à la condamnation totale que doit susciter tout crime avéré et, quand le moindre doute subsiste, aux efforts que la justice doit impérativement déployer pour en établir la réalité. Là où il n’y a en effet que « ruse » de guerre pour celui qui fait simplement usage d’une information, qu’elle soit vraie ou totalement fausse, il y a toujours une « félonie » au passage à l’acte, au sens où, outre le respect le plus élémentaire dû à la personne humaine, sont alors transgressés les lois et règlements qui conduisent normalement le comportement d’une armée en campagne. Aussi, si l’interconnexion mondiale qui est désormais notre écosystème relationnel permet de dénoncer instantanément un crime comme de manipuler l’opinion publique, le viol demeure un motif stratégique doublement asymétrique. Arme de terreur du fort, qu’il le soit structurellement ou conjoncturellement, pour imposer sa domination, le viol est à ranger dans la catégorie des « crimes de guerre » et devrait, on peut l’espérer, tendanciellement disparaître à mesure que progresse le droit international. A contrario, ruse du plus faible pour frapper la source de puissance du plus fort – en l’espèce, la volonté nationale dans nos démocraties –, son instrumentalisation se développe de façon exponentielle pour autant que, via les médias, elle offre une arme de destruction massive bon marché.
1 Dans cet article, sont distingués de façon très classique les niveaux tactique, opératif et stratégique. Si la tactique est « l’art d’employer les armes dans le combat pour en obtenir le meilleur rendement », la stratégie est, à l’autre bout du spectre, « l’art de faire concourir la force pour atteindre des objectifs politiques » (Beaufre, 1963). Échelon intermédiaire, le niveau opératif se trouve en position d’interface pour décliner sur un théâtre particulier les directives stratégiques et donner sens à la combinaison des effets tactiques produits sur le terrain.
2 Cl. Simon, La Route des Flandres, Paris, Les éditions de Minuit, 1960, p. 41.
3 E. Levinas, Eros ou triste opulence. Œuvres complètes, pp. 51-53.
4 E. Levinas, Totalité et Infini. Essai sur l’extériorité, Paris, Le Livre de poche, 2010 [1971], pp. 5-6.
5 A. Beaufre, La Stratégie de l’action, Paris, Presses de l’Aube, 1997 [1965], p. 74.
6 Ch. Krulak, “The Strategic Corporal: Leadership in the Three Block War”, Marines Magazine, January 1999.
7 J. Strange, “Centers of gravity and critical vulnerabilities”, Perspectives on Warfighting, Quantico, Marine Corps Association, 1996. Si le centre de gravité est défini comme la source de puissance de l’adversaire, une analyse logique permet d’en décliner les capacités critiques correspondantes (cc pour “Critical capacities”), puis les exigences critiques (cr pour « Critical Requirements ») et in fine les vulnérabilités critiques (cv pour “Critical Vulnerabilities”). Ces dernières, produits finaux de l’équation cg-cc-cr-cv, sont pour les stratèges américains des années 1990 ce sur quoi l’effort doit porter.
A man of about fifty years old, visibly very angry, insulting the soldiers and stirring up the passers-by, presented himself to the French military post. Shrieking that his daughter had been raped, he demanded to be received immediately by the representative of the Army. To the lieutenant attempting to find out more about what was increasingly looking like a total fabrication, the accuser himself called a halt to the explanations by replying, without beating about the bush—and also without much consideration for his daughter as supposed victim—that the affair could be dropped there and then in return for payment of a substantial sum of money in “compensation”. Sensing a con, the young section leader abruptly dismissed the man, but his unit commander, being more experienced, fortunately had the presence of mind to measure the potentially damaging impact of the situation. The measures taken by this commander were immediate: they consisted in dismantling the mechanism of manipulation, by proving in minute detail, both in time and space, the material impossibility of the reported aggression, If he had not done so, the rumour would probably have spread and, from a fiction, the crime would have become all the more real in public perception because the possibilities of proving its (non)existence would have been diminished.
Although the task was both to uncover the truth and to make sure that it was shared in the local community, “freezing” the claimed scene of the crime to establish the facts generated considerable constraints on operations. However, these immediate tactical frictions were the price to pay to prevent the strategic exploitation that the adversary could have gained from this claimed misconduct by the Force1.
When engaged in a combat where direct confrontation using classic weaponry is by nature unfavourable to the irregular combatant, he will naturally be led to prioritize an indirect approach that leaves him less exposed. Of course, this observation does not lessen the inanity of proven cases of wartime rape, and it is clear that justice must be done. Consequently, the reflections that follow do not aim to legitimize the authors of these acts—quite the contrary—nor to deny their possible reality, but simply aim to lift the veil on a little-known utilization that can be made of this subject in the art of war. In a contemporary context of hyper-mediatization of military operations, sex provides the weaker force with a “strategic” weapon with which to constrain the strong.
- A felony of the armed forces
However, this particular use of sex as weapon is not the first thing that comes to mind when considering the expression “wartime rape”. In fact, the expression more commonly designates the crimes associated with a strategy of the stronger of the belligerents to mark its domination, whether to humiliate, weaken, subject, expel or destroy. Probably as ancient as war itself, mass rapes proceed either from indifference by the authorities, a form of “laisser-faire” that usefully and directly participates in the terror provoked by a scorched earth policy—history has given us a plethora of examples—or else from methodical planning designed to attain a more indirect but very precise political goal in the medium or long term. Beyond the individual trauma, which is more often than not compounded by social stigma, rape can be transformed into a weapon of conquest by means of forced pregnancies, whether, as in the former Yugoslavia, to corrupt a community’s cohesion, or, as has been observed in Congo, to dilute the ethnicity of a population in order to settle in a territory for the long term. In all these cases, the act of the torturer in humiliating his victim is a part of the process of implanting the conquest in the minds and physical and social bodies of the conquered.
Nevertheless, the reasoned elaboration of this type of total strategy—“total” both in the extensive sense of global and in the intensive sense of totalitarian—is based on passion and is rooted in the most primal of instances. This felony of the armed force, which, being the power in place, grants itself the right to transgress laws and rules, could not exist, in the final analysis, unless the potential for individually and collectively following through on these primal instincts was already there, and this potential would seem to be structurally favoured by the space-time of war. Although the Church, followed by international law, have endeavoured to delimit the arena of this “death zone” (jus ad bellum) and then to limit the expressions of violence in this arena (jus in bello), surely the mere fact of breaking the fundamental commandment “thou shalt not kill” leads mechanically or at least potentially to the collapse of what makes man human, in his capacity to live in society.
“The bloated puffiness of decomposition was already there in advance and had started its work on the day we put on our anonymous soldiers’ uniforms”2, wrote the young Georges in 1940, noting that the deleterious effects of the debacle are only the accelerated development of an evil that was already incubating in the men whose purpose had become to kill with weapons. The debacle, as Levinas emphasizes in his Carnets de captivité (Captivity Notebooks), describing the “scene of Alençon”, acts in this case like developer fluid, revealing the possible excesses of a conflict after its last regulatory flood-barriers have collapsed; in this extreme case, the instincts of sexual pleasure are released as an enlistment of the self in the service of itself, while the Other, whether man or woman, has become nothing more than an object to be consumed. “Here, it’s as if everything is to be eaten in its massive indistinction”3 he writes. The human body is there to be possessed: it is stripped of its functional form, which normally gives it an effective grip on its environment via the enactment of a relational system, to become no more than a pure consumer product.
For Levinas, the “debacle”, reveals the crude truth of war, the collapse of human beings, who, by their conduct, give up what makes them human, reverting to the indeterminate state of what he calls the “there is”, the form that pre-exists the social being. “War occurs as the pure experience of the pure being, at the very instant of its blazing brilliance, when the drapes of illusion are burning. […] Violence consists less in wounding and annihilating than in interrupting the continuity of persons, in making them play roles in which they no longer recognize themselves, in making them betray not only their commitments but also their own substance, in making them carry out actions that will destroy any possibility of action4.”
The existence of this type of philosophical operator does not mean that these excesses occur in every war, but it informs us of their possibility and therefore of the need to remain vigilant and to never relent. In the subject under consideration here, the rules of law are constantly advancing: for example, wartime rape was classified as a crime by resolution 1820 of the UN on June 19th, 2008—and the codes of conduct developed by regular armies, in particular in the west, quite naturally express the sensitivity of the public opinions that support them. In fact, as can be observed in France, public opinion is extremely receptive, attentive and reactive to anything that could imply that the law of war has been transgressed.
Armies themselves, with strict chains of command, have internalized the standards that govern their conditions of engagement, as can be seen in the variety—and sometimes the complexity—of the “rules of engagement” that they must obey with extreme precaution. Consequently, deviant conduct, when proved, is due to inexcusable violations committed by isolated individuals flouting both the orders of their commanders and the social pressures of the group to which they belong. Although they therefore have nothing to do with an overall “strategy” of recourse to mass rape, of the kind that has been observed in other places or at other times, these individual crimes must nevertheless be eradicated. Obviously, they must first and foremost be eradicated, due to the harm they cause to their victims, female or male; they must also be eradicated due to fact that they constitute a gross breach of the ethics chosen by the national community that has assigned the military its mission. This last argument, which without doubt weighs little compared to the emotional charge generated by the fate of the victims, nevertheless has two dimensions that should not be ignored: the first is political, going beyond the individual case of rape, and consists in preventing a democratic and liberal society from renouncing its values, at the risk otherwise of engaging in emulation that would tend progressively to make this society resemble its adversary; the second is more a question of military strategy and consists of not giving the adversary a “stick to beat you with”, a lever that is so powerful that—while perhaps not putting a stop to the operations—could at least significantly slow them down.
- A ruse of the weak
In other words, the instrumentalization of rape, whether the act of rape is real or simply supposed, can turn against the hegemon and become an effective strategy of the weak against the strong. In today’s increasingly interconnected world, where the amount of information transmitted in real time is constantly increasing, the use of technologies of every type to proffer an accusation or to deploy a rumour is available to every belligerent; this stratagem is tempting for fighters who are forced by the asymmetry of military power to find indirect methods of weakening their adversary. In other words, why accept a direct confrontation on the ground, with weapons that will never be equal to the task, when means of communication, by levelling the differences in power, enable you to obtain an advantage that is out of all proportion to the estimated cost and accepted risk? Half a century before the exponential development of the tools that now enable every “connected” individual to escape the constraints of space and time, General Beaufre had already identified the psychological aspect as the future zone of action: “It is evident today, with the development of information by the press, radio and television, that the psychological domain is becoming an essential and decisive zone of action5.”
Admittedly, the reality observable on the ground is less cut and dried, because the parties in conflict cannot totally escape the frictions of physical contact, in particular when the places and power relationships at stake are very locally concentrated. At the same time, a rapid analysis of the “system of systems” of our French army clearly reveals its cultural matrix and its Achilles heel. As the armed branch of a nation that prides itself on being the country of the enlightenment and that makes the defence of its lifestyle a combat against obscurantism, the French army cannot transgress the values that it is supposed to represent without turning its back on its own identity; while this is undeniably a political virtue, it quite rightly also has the inconvenience of limiting the army’s short-term tactical efficiency, since it cannot adopt the modus operandi of an adversary who is not at bound by the same commitments. Without saying that we need to adopt more extreme measures, the simple definition of the conditions under which the soldier can use his weapon raises questions, and the “rules of engagement” can sometimes be so restrictive that they limit the right to straightforward self-defence. Of course, the issue here is not to include rape or any other crime in the category of methods that the armed forces might regret not being able to use, but the highly sensitive nature of public opinion now appears to be a critical vulnerability that makes the idea of exploiting its reactions particularly tempting.
Since the transgression of a rule by one individual can put the entire (expeditionary) force at risk, the adversary consequently does not feel any compunction about using every possible method to attempt to discredit some members of the force while pushing others to perpetrate misconduct. Public accusations that are groundless but that provoke the anger of the crowd, pseudo “victims” paid to give false testimony, altered photos and videos that are claimed to provide overwhelming evidence of wrongdoing, blackmail via prostitution, triggering the vicious spiral of manipulation … the imagination is without limits, given that this trade can be financially rewarding and have particularly profitable political impact. Even when a minor combat action yields a result that is considered favourable, the effects rarely surpass the tactical and operational level, whereas the manoeuvre of manipulation can easily cumulate the impact at each scale, from localized paralysis of the incriminated unit to a questioning of the practical implementation or even of the entire merit of the mission in Paris, by way of a position that is at the very least embarrassing for the theatre command post. “The strategic irregular”—to twist the expression forged by General Krulak6 in favour of the adversary—is the combatant who deploys an indirect strategy (instead of the direct use of force), using an external manoeuvre (i.e. in France, and therefore external to the theatre of the actual conflict) to strike the political centre of gravity (the will to conduct or continue the mission) in its critical vulnerability (public opinion, which is versatile, reactive and easily influenced)7.
Once again, the revelation of a strategy that transforms the accusation of rape into a weapon of the weak against the strong does not diminish in any way the total condemnation due for every proven crime, nor the efforts that justice must imperatively deploy to establish the facts whenever the slightest doubt subsists, This is because even if an adversary who is simply exploiting information, whether true or false, only sees this tactic as a “ruse” of war, we must remember that it is always a “felony” to cross the line to wrongful action, in that, besides the elementary respect owed to the human person, these acts transgress the laws and rules that normally govern the conduct of an army in campaign. So, while global interconnection, which now constitutes our relational ecosystem, permits both the instant denunciation of a crime and the manipulation of public opinion, rape remains a doubly asymmetrical strategic factor. As a weapon of terror for the strong, whether used structurally or more generally as a means of imposing domination, rape must be placed in the category of “war crimes” and should—we can legitimately hope—progressively disappear with the advance of international law. By contrast, as a ruse of the weak to strike at the source of the power of the strong—in this case the national will of our democracies—, the instrumentalization of rape is spreading exponentially, especially since it provides a cheap weapon of mass destruction via the media.
1 This article draws a very classic distinction between the tactical, operative and strategic levels. While tactics are the “art of employing arms in combat to obtain the best effect” (Beaufre, 1963), strategy, at the other end of the spectrum, is the “art of using force to achieve political aims,” (Beaufre). At the intermediate stage, the operational level is in the position of interface on a particular theatre, implementing the strategic directives and giving meaning to the combination of tactical effects produced on the ground.
2 Cl. Simon, La Route des Flandres, Paris, Les éditions de Minuit, 1960, p. 41.
3 E. Levinas, Eros or Sad Opulence, Complete Works, (French edition: pp. 51-53P.
4 E. Levinas, Totality and Infinity. Essay on Exteriority, (French edition: Paris, Le livre de Poche, 2010 [1971], pp. 5-6.
5 A. Beaufre, La Stratégie de l’action (Strategy of Action), French edition : Paris, Presses de l’Aube, 1997 [1965], p. 74.
6 Ch. Krulak, “The Strategic Corporal: Leadership in the Three Block War”, Marines Magazine, January 1999.
7 J. Strange, “Centers of gravity and critical vulnerabilities”, Perspectives on Warfighting, Quantico, Marine Corps Association, 1996. If the centre of gravity (cg) is defined as the source of the power of the adversary, a logical analysis will identify its corresponding Critical Capacities” (cc), and “Critical Requirements” (cr) and, finally, its “Critical Vulnerabilities” (cv). The latter, as the final product of the equation cg-cc-cr-cv, are, for the American strategists of the 1990s, where the effort should be concentrated.