L’autorité est l’un des mécanismes clés du pouvoir, quelle que soit par ailleurs la nature de celui-ci : pouvoir statutaire, du conseiller, du prince ou de l’expert. Depuis plus de deux millénaires, elle est l’objet d’une abondante littérature : d’Aristote et Platon et l’art de gouverner jusqu’à ces écoles d’« éducation progressiste » qui, dans les années 1960, ont proclamé l’avènement d’une « éducation sans autorité »1. Les chefs militaires ne sont pas en reste. Ils édictent des principes, des vertus et des aptitudes qui fondent l’autorité : force d’âme ou détermination, charisme, clairvoyance ou sens de l’homme et, aujourd’hui, « compétence » ! D’époque en époque, les mêmes propos se répètent. Mais rien ou peu n’est dit des climats, des situations et des conditions pratiques d’exercice de l’autorité.
À Diên Biên Phu, le lieutenant-colonel Lalande, dont on dit qu’il a une « calme autorité », commande le 3e bataillon du 3e régiment étranger d’infanterie (rei). Du point d’appui « Isabelle », il écrit à son épouse : « C’est en besogneux que je fais mon devoir. Non, ma chérie, je n’ai pas la vertu naturelle ; quand il s’agit de juger, de pérorer, ça va très bien, mais quand il faut se mettre dans le bain, c’est une autre histoire. [...] Comme je voudrais avoir le courage facile, le dynamisme naturel, la décision qui s’impose. [...] Je me sens le corps, le cœur paresseux et pesants. [...] Seuls la camaraderie et le contact humain sont une joie, un réconfort2. » En d’autres termes, dans le secret de la confidence à la femme aimée, ce soldat nous dit que l’exercice de son autorité ne va pas de soi et que, dans son cas, il se nourrit de la sociabilité d’une communauté d’hommes, avec ses humeurs et ses coups de gueule.
L’autorité ne s’exerce pas dans le vide, contrairement à certaines spéculations de chefs militaires qui la subliment comme s’il en existait quelque part un idéal que nulle situation ne pourrait mettre en défaut. Un contexte politique, une situation de rareté ou d’abondance, la disposition et la signalisation des espaces sacralisant des lieux de pouvoir, un contexte affectif, la proximité du commandant et du commandé, une tradition… peuvent, selon les cas, renforcer son exercice ou, au contraire, poser problème. Les conditions politiques, sociales, culturelles et même économiques de l’autorité constituent donc un vaste domaine de connaissance que cet article ne saurait embrasser. M’appuyant sur le cas militaire, je me contenterai d’ouvrir quelques pistes de réflexion qui invitent à penser l’autorité non plus comme un principe déréalisé mais comme un exercice que la dynamique sociale rend toujours plus ou moins problématique.
Je partirai de certains facteurs qui jouent sur l’exercice de l’autorité : un contexte idéologique, socioculturel, ou encore le fonctionnement pratique d’une organisation. J’aborderai ensuite les problèmes d’autorité qu’alimente à tous les niveaux de commandement la coexistence de compétences de nature différente. Je terminerai en considérant un constat anthropologique : partout l’exercice de l’autorité ne va pas sans produire de la contestation.
- Autorité et contexte socioculturel
On ne peut guère traiter de l’autorité sans se référer à la trilogie proposée par le sociologue allemand Max Weber : celui-ci construisit un instrument d’analyse distinguant l’autorité rationnelle ou légale, l’autorité traditionnelle et l’autorité charismatique. En fait, selon l’interprétation de Raymond Aron, cette trilogie ne recouvrait pas des types d’autorité mais des types de « domination légitime » d’un régime politique (« Typen der Herrschaft ») : « Est rationnelle la domination fondée sur la croyance à la légalité des ordonnances [et] des titres de ceux qui exercent la domination. Est traditionnelle la domination fondée sur la croyance au caractère sacré des traditions anciennes et à la légitimité de ceux qui ont été appelés par la tradition à exercer l’autorité. Est charismatique la domination fondée sur un dévouement hors du quotidien et justifié par le caractère sacré ou la force héroïque d’une personne3. »
Cette typologie, par ailleurs quelque peu réductrice, était construite à partir des croyances et des motivations de ceux qui obéissent. C’est là que réside son intérêt pour notre propos. L’autorité résulte d’un rapport qui s’établit entre des individus et qui conduit les uns à se soumettre aux autres, étant entendu que ce rapport n’est pas figé et que le dominé sur tel sujet ou dans telle situation peut être investi d’une autorité dans d’autres circonstances. Or ce rapport n’est pas hors du temps. Il s’inscrit dans un contexte social et culturel. Aujourd’hui comme hier, l’air du temps, des mouvements d’idées et leur logique – c’est à dire des idéologies – peuvent conforter l’exercice d’une autorité légale ou, au contraire, la délégitimer voire mettre en question son principe.
Les surprenantes expériences de laboratoire menées par Stanley Milgram dans les années 1950 illustrent la première assertion. Au nom de la science, des patients acceptent de participer à une expérience sur la mémoire. Ils sont les « maîtres ». L’élève qui est face à eux, assis sur une chaise, le corps couvert d’électrodes, doit mémoriser les consignes qui lui sont présentées. En cas de mauvaise réponse, le maître lui inflige une décharge électrique. L’élève est en réalité un comédien et le dispositif électrique est fictif. Sous la pression verbale de l’expérimentateur, la plupart des maîtres ont infligé des décharges intenses, jusqu’à des doses mortelles. Selon Stanley Milgram, ce type de comportement s’expliquerait par un « état agentique » dans lequel l’individu se considère comme l’agent exécutif d’une volonté étrangère, mais à ses yeux légitime, ici la « science »4.
Notons d’abord que les expériences de Milgram ont montré que plus l’expérimentateur est près du « maître », moins celui-ci échappe à son autorité. On touche là à un principe de commandement que la tradition militaire enseigne : la puissance d’imposition d’un chef est d’autant plus grande que celui-ci est proche de ses hommes et qu’il les entraîne. Il « galvanise ». L’expression épique, littéraire ou picturale, exprime le phénomène dans cette figure du chef qui, tournant la tête vers les siens, brandit drapeau ou épée pour indiquer la direction du mouvement. Plus prosaïquement, comment ne pas évoquer ces situations tragiquement incertaines de braquage mutuel que nos soldats ont naguère connues en Bosnie, dans lesquelles des chefs au contact, grands ou petits, électrisaient littéralement ceux qu’ils avaient en charge de conduire5 ?
Plus généralement, ces expériences révèlent la puissance d’une autorité dont l’imposition est légitimée par une croyance, par une idéologie, par des mythes : ici, l’argument du progrès scientifique. L’idéologie du moment ou une certaine conception de l’efficacité politique pourront donc conforter l’exercice d’une autorité légale jusqu’à conduire le subordonné à commettre des faits que la loi qualifie de crime ou de délit. À ce titre, les dispositifs qui, depuis les années 1970, autorisent la désobéissance du militaire à un ordre « contraire aux lois, aux coutumes de la guerre »6 ne sont-ils pas quelque peu théoriques ?
Jean-Hugues Matelly a soulevé la question dans un article publié en 2000. Il y montrait combien « le subordonné, victime en quelque sorte de l’ordre illégal, apparaît […] bien démuni [face aux armes du supérieur hiérarchique] si l’on tient compte des risques que comporte la situation dans laquelle il est plongé » au cas où il refuse un ordre illégal7. D’une certaine façon, l’affaire Mahé, cet Ivoirien recherché pour différents crimes lors de la crise ivoirienne, capturé en 2005 et exécuté sommairement par des soldats de l’opération Licorne, vient à l’appui de cette analyse : elle montre comment, dans un certain contexte, le refus de l’ordre illégal n’a rien d’évident.
À l’inverse, une idéologie et le contexte sociopolitique qu’elle secrète peuvent conduire à fragiliser un système d’autorité, avec les conséquences que cela implique sur son exercice pratique dans une telle conjoncture. C’est la situation dans laquelle se sont trouvées, et se trouvent encore, certaines institutions de la France contemporaine. Dans Les Origines du totalitarisme, Hannah Arendt insiste sur le climat idéologique du siècle écoulé, qui a mis en question la structure autoritaire des institutions et tout particulièrement « la seule forme d’autorité qui existe dans toutes les sociétés historiquement connues, l’autorité des parents sur les enfants, des maîtres sur les élèves, de l’aîné sur les cadets ». Elle évoque ces mouvements de pensée venus d’Outre-Atlantique qui ont travaillé nos sociétés modernes au point d’affaiblir, voire d’éliminer, « l’autorité des rapports entre jeunes et vieux, maîtres et élèves, parents et enfants »8.
Les armées n’ont pas échappé à ces mouvements d’idées qui prônaient des « solutions éducatives » facilitant « une acquisition spontanée du savoir »9. La méthode pédagogique dite « processus des missions globales » mise en place au milieu des années 1970 en témoigne. Il s’agissait d’amener les appelés à découvrir par eux-mêmes des procédés tactiques dont les règles et les principes avaient été forgés par un siècle d’expérience du combat en ordre dispersé : reconnaissance d’un point isolé, embuscade... Les méthodes « d’autoformation » alors prônées par les doctrinaires de la pédagogie militaire transformaient le rôle des jeunes officiers et des sous-officiers instructeurs : ils perdaient « le monopole de la transmission de connaissances », devenaient des « facilitateurs de l’évolution du groupe » et n’étaient plus qu’une source d’information parmi d’autres10. Cette pédagogie, que pouvaient manier sans mal des cadres chevronnés, ne fut pas sans poser problème à de jeunes lieutenants ou sergents sortant d’école, à l’autorité encore fragile et aux aptitudes d’animateur quelque peu défaillantes. Face à des appelés souvent plus âgés et plus instruits qu’eux, ils étaient pris entre le marteau d’une hiérarchie toujours aussi exigeante et l’enclume de cette pédagogie. Leurs galons étaient souvent insuffisants pour assumer une fonction d’animateur toujours délicate : afin de satisfaire les demandes de leur hiérarchie, les uns en venaient à « copiner » avec les appelés quand les autres s’en sortaient en exerçant une pression physique sous forme de brimades11.
Aujourd’hui, ces mouvements d’idées antiautoritaires se réinvestissent dans des luttes pour la désaliénation sexiste, sexuelle, religieuse, ou dans des alternatives libertaires. Mais l’antiautoritarisme strict a trouvé ses limites. Çà et là, il n’est question que de restaurer l’autorité parentale, celle de l’école, celle de l’État, celle des institutions12.
Dans les années récentes, bien des engagements ont été motivés par cette recherche d’ordre et d’autorité. Les travaux menés par Jean-François Léger, notamment, ont montré que les jeunes qui se tournent vers l’armée éprouvent le besoin d’un encadrement « qui les mettra sur les rails, qui les relancera, qui leur permettra de reprendre confiance ». Pour cette population, la discipline redevient la force principale de l’institution ! « Elle n’est pas comprise comme étant l’expression d’une subordination arbitraire, mais comme l’une des conditions nécessaires à l’efficacité13. » Aujourd’hui, en général et sauf conjonctures particulières, un jeune sous-officier sera plus à l’aise pour exercer son autorité qu’il ne l’aurait été voilà deux ou trois décennies.
Ce court aperçu montre que, même dans des structures aussi hiérarchisées que celles des armées, il n’est point d’autorité, quelles que soient sa nature et sa puissance, dont l’exercice ne soit plus ou moins déterminé par une situation ou par un cadre sociopolitique, organisationnel, culturel. Le charisme lui-même, dont on fait grand cas, n’a rien d’un phénomène magique : il est le produit d’une rencontre entre le physique, les attitudes, l’expression... d’un individu ayant le statut de chef (ou en ayant le potentiel), et les attentes d’un groupe dans une culture et dans des circonstances données. Il gouverne une relation sociale et s’inscrit dans le contexte culturel de cette relation. Le style de chef que des cavaliers ou des artilleurs attendent n’est peut-être pas celui qui convient dans une unité de marsouins ou de parachutistes !
- L’autorité battue en brèche par l’organisation
Du dehors, une organisation militaire se donne à voir comme un système très hiérarchisé dans lequel rien n’est censé contrarier l’autorité du supérieur. Il n’en est rien ! On ne soupçonne guère combien cette organisation, fondée sur l’unicité du commandement et sur la subordination, est en perpétuel décalage avec son mode réel de fonctionnement, lequel donne lieu à des négociations entre subordonné et supérieur, voire à un pouvoir discrétionnaire du premier sur le second qui peut plus ou moins inhiber l’autorité de celui-ci.
Ainsi, les travaux de Christian Mouhanna ont montré combien l’autorité des officiers de gendarmerie sur les brigades territoriales était affaiblie, brouillée par trois facteurs d’organisation : l’assujettissement des brigades à d’autres autorités que celle de leur hiérarchie (maire, magistrats du parquet ou du siège) ; une gestion centralisée des personnels au niveau du groupement, de sorte que toute influence sur la carrière de ses personnels échappe au commandant de la compagnie départementale ; une trop grande mobilité des officiers, avec pour incidence la méconnaissance des microcultures locales auxquelles participent les brigades14, cette méconnaissance les privant d’une source d’autorité.
En 1970, le lieutenant-colonel Michel Lhoste a consacré une thèse de doctorat à l’étude des mécanismes de fonctionnement réel du corps de troupe15. Observant un bataillon de chasseurs alpins, il révélait combien les principes d’« unicité du commandement et de subordination hiérarchique » étaient battus en brèche à tous les échelons de commandement. Dans la situation de rareté qui caractérisait ce début des années 1970, le chef de corps était contraint de négocier avec les représentants des hiérarchies techniques et administratives allocatrices des ressources nécessaires à la vie du corps, malgré le fait que celles-ci soient, en principe, soumises à l’autorité opérationnelle : avec l’intendant ou les directeurs des services techniques régionaux, mais aussi avec ses propres chefs de services administratifs et techniques16. Il en était de même pour le capitaine commandant de compagnie, pour lequel la pénurie des différents types de matériels était une source d’incertitude ! Cette pénurie, contrôlée par les chefs de service du régiment, dépendait aussi de l’entregent et des initiatives des magasiniers ou des sous-officiers (sergent fourrier, sous-officier auto…) qui, en pratique, étaient les garants de l’intégrité d’un stock de matériel dont le commandant de compagnie était responsable. De façon non avouée, celui-ci était fréquemment en situation de devoir négocier – une permission, une sanction, une notation… – s’il voulait que ses subordonnés adoptent des comportements autres que passifs devant les problèmes rencontrés17.
Enfin, des procédés variés d’entraide et de fraude étaient développés par les appelés, leur permettant de se désengager vis-à-vis des normes de l’organisation ou de détenir, implicitement ou non, un pouvoir discrétionnaire sur leurs supérieurs. En l’absence du chef comptable, le secrétaire qui le remplaçait pouvait retarder la signature d’une permission pour un sous-officier ; le magasinier, plus au fait du fonctionnement du magasin que son sergent fourrier, négociait directement avec le capitaine, court-circuitant son supérieur direct. De même, la mobilité de l’encadrement de contact comme les compétences spécifiques que certains appelés détenaient autorisaient ceux-ci à établir des relations « transhiérarchiques » en sautant plusieurs échelons de commandement.
Cette thèse ne fut jamais diffusée ! Elle montrait que, dans des situations de rareté, le pouvoir que le subordonné peut exercer sur le supérieur fragilise l’autorité de celui-ci. Pour l’auteur, ce phénomène constituait « un élément essentiel à la compréhension du fonctionnement réel de l’organisation »18.
On souhaiterait que cette analyse puisse être actualisée. Comment, à la lecture de cette thèse, ne pas s’interroger sur les effets à terme de la création de bases de défense interarmées qui, là aussi dans un contexte de rareté, a mutualisé localement les soutiens des formations militaires et a dégagé leurs responsables de toute subordination au commandement opérationnel local. Cette nouvelle organisation a normalisé et radicalisé ce dysfonctionnement de l’organisation militaire ainsi que ces négociations implicites que les travaux de Michel Lhoste avaient mis au jour.
Alors qu’hier, le chef pouvait jouer de son autorité comme de son pouvoir statutaire de « chef de corps » – l’expression prenant ici tout son sens – pour contenir ces pratiques dans une certaine limite, voire trancher et prendre le risque de contraindre les chefs administratifs et techniques à procurer au « corps » les moyens nécessaires à son métabolisme – quitte à « bidouiller » –, il est aujourd’hui privé de puissance. Il est nu ! Il doit désormais négocier les moyens de son action avec des interlocuteurs sur lesquels il n’a ni pouvoir ni autorité, sauf à jouer de complicités qu’il lui faudra nouer. Le « chef de corps » n’étant plus maître de son « corps », on peut s’interroger sur le devenir de son autorité : il est responsable d’une action sans légitimité pour s’en donner les moyens. Ubu est devenu roi !
- Compétences et conflit d’autorité
Pas de discours moderne sur l’autorité qui ne mette en avant la compétence. Celle-ci fonderait désormais la seule autorité capable de s’imposer19. Sociologues et psychosociologues avancent doctement que la transformation de l’autorité depuis quelques décennies se traduit par le passage d’un modèle d’autorité fondé sur la position statutaire, l’ordre et l’inculcation, à un nouveau modèle dont le fondement reposerait sur les compétences, les performances et l’évaluation.
Illusion d’optique, absence de perspective anthropologique, idéologie moderniste de l’autorité ? Même s’il a pu donner lieu à des formes plus ou moins prononcées d’autoritarisme, le modèle d’autorité statutaire, magistral, patriarcal ou hiérarchique, qui caractérisait naguère une société française à peine sortie de la paysannerie, n’excluait nullement la compétence ou la performance. Celles-ci étaient d’une autre nature : traditionnelles, enracinées dans des systèmes coutumiers. En effet, si l’on veut bien considérer que la tradition d’une collectivité (clanique, paysanne, ouvrière, artisanale, militaire...) n’est jamais que le produit plus ou moins retravaillé et manipulé de la sédimentation des expériences qu’elle a accumulées au cours de son histoire, force est de considérer que la détention de savoirs traditionnels – ce que naguère Michel Serres nommait justement des « technologies traditionnelles »20 – confère à certains individus de cette collectivité (anciens, chamans, maîtres ouvriers, maîtres compagnons, maîtres d’armes, maîtres d’équipage...) des compétences qui les placent en situation d’autorité.
Hier comme aujourd’hui, la compétence est source d’autorité. Encore faut-il distinguer ses différentes natures. Michel Crozier en repère quatre capables de conforter ou de mettre en question les autorités légales : « Celle découlant de la maîtrise d’une compétence particulière et de la spécialité fonctionnelle » ou expertise technique ; celle qui est liée aux relations entre une organisation et son ou ses milieux environnants – le pouvoir du « marginal sécant » – ; celles qui naissent de la maîtrise de la communication et des informations ; celles, enfin, qui découlent de « l’existence de règles organisationnelles générales », bien souvent implicites, coutumières, non formalisées comme ces règles tacites précédemment évoquées à propos du fonctionnement réel du corps de troupe21. Or ces compétences renvoient à des connaissances et à des savoirs pratiques acquis par l’expérience d’une technique, d’un milieu, d’un environnement, qui ne se contentent pas de connaissances inculquées par les systèmes modernes de transmission (école, stage...).
Toute organisation moderne est donc travaillée par deux filières d’acquisition de compétences non exclusives l’une de l’autre : celle qui recourt à des apprentissages scolaires ou académiques sanctionnés par des brevets et des diplômes et donne accès aux statuts conférant une autorité légale ; celle qui passe par l’expérience et, en conséquence, par l’ancienneté dans une fonction ou dans une situation donnée, expérience qui ne donne qu’exceptionnellement accès à une autorité légale dans le système militaire actuel. Selon les cas, ces deux filières de compétence peuvent ou non se combiner : soit elles donnent lieu à des enrichissements mutuels et confortent l’exercice d’une autorité, soit elles entrent en concurrence, provoquent des tensions, voire des conflits d’autorités. Dans les organisations militaires modernes où elles coexistent, il n’y a pas d’organisme où ne se nouent de telles tensions entre pairs ou entre strates hiérarchiques.
Pensons à cette situation fréquente, si pleine d’humanité, du jeune lieutenant ou du jeune sergent sortis « frais émoulus » de leurs écoles de formation face à un sous-officier adjoint de section ou de peloton ou à un caporal-chef forts de leur douze ou quinze ans de service : seuls le temps, l’épreuve partagée, la connaissance et l’estime mutuelle normaliseront cette situation jusqu’à la construction d’une complicité. Mais pas toujours !
Dans une recherche sur le métier de sous-officier dans l’armée de terre menée au début des années 2000, nous avons montré combien, dans ce milieu, l’ancienneté en service constitue un principe classificatoire et une valeur prégnante. Elle y est réputée permettre l’acquisition de l’expérience nécessaire à une troupe « professionnelle ». Avoir commencé « tout petit » comme engagé constitue le nec plus ultra d’une pleine possession du métier et de l’aptitude à commander, au point que des jeunes sous-officiers issus de l’École nationale des sous-officiers d’active (ensoa) en arrivent à prétendre que « si c’était à refaire », eux aussi commenceraient leur carrière « tout petits »22 ! Que l’autorité d’un officier ou d’un sous-officier encore frais et maladroit pose problème, alors l’ancienneté en service de ses subordonnés et les compétences qui sont censées en découler pourront nourrir une mise en question de cette autorité.
Il est donc vrai de prétendre que la compétence est partout et en tout temps l’un des fondements de l’autorité. Mais il faut aussi, dans le même mouvement, reconnaître qu’au sein d’une organisation donnée, des compétences de sources différentes peuvent créer des tensions. Si la compétence fonde l’autorité, elle peut aussi la mettre en question.
- L’autorité contestée
Se référant à Roger Bastide, Georges Balandier rappelait voilà un quart de siècle « l’existence générale et permanente du couple autorité-contestation ». « Les termes ne peuvent être séparés. La présence du premier impose celle du second », en raison du rapport d’inégalité qui découle de l’autorité. Dans le même mouvement, il observait combien « les expressions de la contestation restent mal connues »23. Le constat s’applique aux armées. Celles-ci produisent en effet une variété de conduites, de manifestations ou d’expressions qui mettent à mal des personnages détenteurs d’une autorité légale, leurs décisions, ou encore le « système » auquel ces autorités participent. Or, à ce jour, ce champ de connaissances n’est pas ou peu exploré. On peut le regretter, tant la prise en compte de tels phénomènes ouvrirait des éclairages surprenants sur la condition militaire et sur le rapport à l’autorité. Je me contenterai ici d’indiquer quelques repères24.
Les armées produisent deux natures de contestation : l’une peut être qualifiée d’externe, l’autre d’interne. Les manifestations de contestation externe des militaires sont les plus visibles : épisodiquement, elles s’expriment sur la place publique. Pour emprunter encore à Georges Balandier, notons qu’il peut s’agir d’une « contestation interne » qui, se découvrant sans issue, « peut donner naissance à une protestation radicale » jusqu’à se transformer en dissidence. Ce fut le cas fameux du putsch des généraux en avril 1961. Peut-être a-t-on oublié ce que fut la crise militaire du début des années 1970. En 1973, à Karlsruhe, à Verdun, à Draguignan, des appelés du contingent descendaient dans la rue pour protester contre leur condition. À la même époque, alors que les armées étaient dans une situation de grande paupérisation et que des officiers subalternes grondaient d’une colère qu’ils cantonnaient dans des adresses à leur hiérarchie25, le capitaine Delas publia dans Combat puis dans Le Monde un pamphlet qui mettait directement en cause Roger Galley, ministre de la Défense : « Un pavé dans cette Galleyre ! » Les écrits de cet officier laissaient entendre qu’à force de subir, les officiers pourraient à leur tour descendre dans la rue pour y dresser des barricades26. Les manifestations de gendarmes en 1998 et 2001 offrent les exemples les plus récents de ce type de contestation.
La contestation interne de l’autorité politique ou militaire, ou des situations que celles-ci cautionnent, est quant à elle contenue à l’intérieur des armées. Ses très nombreuses expressions jouent pour la plupart d’un registre ludique. Le constat anthropologique permet d’en appréhender la normalité. Toutes les sociétés sont « engagées dans un combat permanent contre le désordre qu’elles engendrent » ou « contre l’usure des mécanismes qui les maintiennent » : elles sont menacées d’entropie par des forces du dedans ou du dehors27. Les forces du dedans résultent de multiples différences productrices de tensions et de conflits, parmi lesquelles celles qui touchent aux rapports entre gouvernants et gouvernés, entre supérieurs et subordonnés. Le désordre est donc irréductible, sauf à tuer le mouvement. « Puisqu’il est irréductible et […] nécessaire [au mouvement], la seule issue est de le […] convertir en facteur d’ordre28. » Saturnales romaines, fêtes des fous ou de l’âne au Moyen Âge, bouffon moquant le roi, rituels d’inversion ou de rébellion chez les Ashantis du Ghana, débordements carnavalesques tournant en dérision l’autorité, chansonniers, imitateurs et guignols de Canal Plus : en tout temps et partout sont à l’œuvre de multiples procédés de « régénérescence de l’ordre » qui « tendent à purifier le système social […] et à revitaliser périodiquement le pouvoir » 29.
Peut-être parce que plus que toute autre institution une armée ne peut tolérer le désordre, celle-ci est un lieu privilégié de production de ces procédés qui visent à jouer de désordres pour revitaliser et régénérer son ordre. Pas de régiments ni de chambrées, pas de couloirs d’état-major, pas d’écoles militaires, pas de promotions d’élèves ou de stagiaires où ne se créent et se diffusent plus ou moins clandestinement le jeu de mot, la sentence à double sens, le détournement de devise, une parodie de note de service, la caricature souvent talentueuse... Ici, on met en question les défaillances, les suffisances, les travers de certains chefs. Ailleurs, ce sont un système d’enseignement, un mode d’organisation, une dégradation du commandement en management qui sont critiqués.
Ces contestations internes peuvent revêtir deux formes distinctes mais non exclusives l’une de l’autre. La plus courante est explicite, prolifique et diffuse. Ses producteurs sont anonymes. Elle recourt à des graphismes humoristiques, à des textes parodiques, à des canulars. La production est particulièrement vivace là où des militaires sont rassemblés durablement entre pairs (promotions d’élèves officiers, de stagiaires de l’École de guerre...), mais pas seulement. Des situations tendues, des attitudes de l’autorité contraires à certains principes communément admis, éthiques ou tactiques, en suscitent la création dans les couloirs des états-majors ou dans les rangs des corps de troupe.
Ainsi les situations ubuesques que connurent les unités de l’armée de terre en Bosnie au début des années 1990, interposées entre Serbes et Bosniaques, ou encore la création récente des bases de défense donnèrent lieu à une profusion d’expressions contestataires. Notons, par exemple, l’existence au musée du souvenir du 2e rei d’un document dans lequel ont été recueillis des témoignages de l’action du régiment lorsqu’il opéra en Bosnie dans le cadre de la force d’action rapide au cours de l’été 1995 (lettres et cartons de remerciements de personnalités, coupures de journaux...) ; y figurent de nombreuses caricatures et dessins réalisés par des légionnaires, qui mettent en lumière quelques situations scabreuses ou l’attitude de certains de leurs supérieurs.
Une forme plus rare de contestation réside en des manifestations à caractère ludique organisées ouvertement dans l’espace militaire. Il s’agit d’une contestation ritualisée. Ses producteurs se réclament d’une tradition pour légitimer et reproduire périodiquement des expressions critiques, caricaturales de l’autorité ou de telle de ses décisions. Ces expressions sont le plus souvent symboliques : elles énoncent implicitement ce qui ne peut ouvertement s’exprimer. Néanmoins, cette forme de contestation tend à disparaître sous le coup des interdits dont elle a fait l’objet. Ainsi la mort du Père Cent célébrée naguère par les appelés cent jours avant la quille ! Cette manifestation pouvait prendre des formes différentes en fonction de la créativité de ses producteurs dans chaque régiment, mais dans tous les cas, le Père Cent y était figuré par un personnage laid et grossier représentant l’autorité militaire. Elle fut interdite dans les années 1970. Ces manifestations collectives bouffonnes, parfois théâtralisées, qui conspuent, parodient ou moquent ouvertement une autorité, ou un certain type d’autorité, demeurent pourtant encore très vivaces dans les écoles de formation.
Le cas saint-cyrien est exemplaire. Ouverte au milieu du xixe siècle dernier et culminant en mutinerie, voire en dissidence dans les périodes de grand trouble comme lors de la révolution de 1848, la contestation saint-cyrienne s’est aujourd’hui ritualisée. Mais il est remarquable de constater à quel point ces rituels se sont radicalisés dans les années 1970 et 1980, alors que l’autorité militaire prônait un modèle d’officier « policé », « managérial », tout en banalisant « l’ordre militaire dans le rejet d’un passé combattant et des traditions qui le portaient ». La contestation saint-cyrienne de cette époque peut être considérée comme un « traditionalisme de résistance », jouant d’une tradition épique qui procurait aux élèves les armes d’une « bataille du sens »30.
Plus généralement, par sa continuité, son effervescence et sa créativité, la contestation rituelle des saint-cyriens constitue un phénomène particulièrement surprenant pour un civil qui ne perçoit le militaire que sous l’angle d’un ordre hiératique et figé. Ses producteurs, élus par leurs pairs, constituent un « contrepouvoir coutumier » qui se réclame de la tradition pour déborder les interdits de l’autorité. Ils se soumettent à ces interdits. Mais ils réinvestissent le sens du rite interdit dans un rite existant qui se métamorphose. Ou encore, ils créent une manifestation nouvelle dont le sens sera identique à celui du rite interdit. C’est le cas des avatars récents d’une manifestation organisée annuellement depuis plus d’un siècle et demi, le « demi-tour », dénommée aussi l’« inversion ».
Sans remonter aux origines, le « demi-tour » était dans les années 1950 une manifestation bouffonne organisée en milieu d’année scolaire31. Il donnait lieu à des retournements de sens : retournements d’objets, de meubles, de statues, de la signalétique de l’école, des uniformes, mais aussi de la hiérarchie, le dernier devenant le premier ! Dans les années 1960, la « turne vorace », une pièce de théâtre jouée annuellement par les élèves et qui caricaturait les officiers de leur encadrement, valorisant les uns et brocardant les autres, fut interdite. Le « demi-tour » s’est alors métamorphosé : sa date était désormais gardée secrète et son organisation était devenue gigantesque. L’un des volets de la manifestation réclamait en particulier une préparation clandestine et une forte mobilisation des élèves. Durant la nuit, les bureaux des cadres étaient investis ; des décors y étaient installés : peaux de bananes recouvrant le plancher, reconstitution d’un studio de télévision pour un officier haut en couleur surnommé « Métro Goldwyn Mayer », installation d’un bateau à voile pour un instructeur estimé des élèves et féru de voile... Dans le bureau de l’officier le plus honni par la promotion était déposé le buste du maréchal Baraguey, un commandant de l’école sévissant au xixe siècle et détesté au point d’être molesté par les élèves. Quant à celui de l’officier le plus respecté, il était orné du buste de l’abbé Lanusse, un personnage du panthéon saint-cyrien à la bonté légendaire. Tout s’était donc passé comme si le « demi-tour » avait été investi par l’expression critique que portait naguère la « turne vorace ». L’effet de ces décors était dévastateur. Au matin, la rumeur courait dans l’école : « C’est le demi-tour ! » Les officiers faisaient bonne ou grise mine. Tous parcouraient les bureaux de l’école, leurs épouses se joignant parfois au mouvement. Et de s’esclaffer devant le décor qui mettait en difficulté tel ou tel d’entre eux !
Au début des années 1980, le « demi-tour » fut interdit. L’un des volets du rituel fut alors développé de manière autonome. La remise des bustes du maréchal Baraguey et de l’abbé Lanusse devint une parodie de remise d’oscars ou des prix citron et orange ! Dans le courant des années 1990, cette remise faisait l’objet de procédures de sélection et de désignation annuelles. Une liste des « nominés » pour chaque trophée était proclamée publiquement par le Conseil des Fines (les représentants de la promotion d’anciens) en fin d’année. Au cours des mois suivants, des affiches et des autocollants étaient placardés dans l’école invitant à dénoncer les comportements des « nominés ». À la fin de l’année scolaire, les deux trophées étaient remis solennellement aux deux officiers élus par la promotion d’anciens.
Dans ses excès, la tradition des saint-cyriens n’est pas sans sagesse : elle énonce que l’ordre sera d’autant plus supportable qu’il pourra y être ménagés des espaces de désordre. Il en est de l’exercice de l’autorité comme de la mise en ordre : il ne va pas de soi. Même dans le corps militaire. Il revient au chef, à quelque échelon qu’il soit, de ne pas se contenter de vaines incantations sur ce que doit être ou ne pas être l’autorité, mais d’avoir l’humilité et la lucidité de se préoccuper constamment des conditions pratiques de son exercice. Certains interdits de la coutume militaire le lui signifient : ne pas « remonter les bretelles » d’un subordonné en présence de ses hommes, ne pas passer par-dessus sa personne, le couvrir…
Dans nos sociétés que la modernité rend de plus en plus complexes, la force du corps militaire est peut-être de produire des procédés qui mettent en question l’autorité d’un supérieur hiérarchique, non pas pour en nier le principe, mais au contraire pour en réguler un exercice qui ne va pas de soi et permettre ainsi d’en maintenir les exigences et la nécessité.
1 Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme, Paris, Gallimard, « Quarto », 2002, p. 880.
2 D’après Roger Bruge, Les Hommes de Diên Biên Phu, Paris, Perrin, 1999, p. 196.
3 Raymond Aron, Les Étapes de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, rééd. 1991, p. 556.
4 Stanley Milgram, Soumission à l’autorité, 1974, rééd. Calmann-Lévy, 2002.
5 Voir André Thiéblemont, Unités de combat de l’armée de terre en Bosnie (1992-1995), tome 2, Les Documents du c2sd, 2001, pp. 224-230, dont notamment ce récit d’un caporal : « On était une quinzaine. On est arrivé devant eux [les Bosniaques]. Il y avait deux cents mecs. Le colonel m’a dit “Avance”. Je m’étais arrêté. J’ai eu peur. Ils étaient tous dehors. On s’est retrouvé au milieu. “T’arrête pas, bouge !” Il s’est passé quelque chose d’électrique entre lui et moi. Je suis vraiment fier d’avoir fait ça. C’est la personne qui m’a poussé et que je devais protéger. On était une quinzaine de misérables au milieu. C’est une expérience fantastique. »
6 Loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 et décret n° 75-675 du 28 juillet 1975.
7 Jean-Hugues Matelly, « “Je refuse !” : le subordonné face à l’ordre illégal », Les Champs de Mars II/2000, pp. 127-145.
8 Hannah Arendt, op. cit., pp. 880-881.
9 Ivan Illitch, La Convivialité, Paris, Le Seuil, « Points », 1975, p. 94.
10 Voir notamment Fauchois (col.), « L’adaptation des militaires professionnels aux nouvelles méthodes de formation », Les Militaires et leur formation dans un monde en évolution, Paris, Spei, 1972, pp. 143-151.
11 Au cours des années 1970 et au début des années 1980, bien des raisons de dénonciation de contrat chez les engagés provenaient des brimades exercées par les cadres de contact. Voir Étude des causes de dénonciation des contrats d’engagement chez les engagés volontaires sous-officiers (evso) et les engagés volontaires du rang (evdr), emat/Centre de relations humaines, n° 207/def/emat/mg/crh/dr, du 27 mars 1984.
12 Dans Le Monde daté du 16 novembre 2000, commentant les résultats d’une enquête périodique sur les valeurs des Français, Étienne Schweisguth et Pierre Bréchon écrivaient : « L’augmentation de ceux qui estiment qu’il faudrait “respecter davantage l’autorité” (69 % en 1999 contre 60 % en 1981) est d’autant plus éloquente qu’elle est particulièrement marquée chez les jeunes : chez les 18/26 ans, l’approbation du principe d’autorité a grimpé de 41 % en 1981 à 61 % aujourd’hui. Cette évolution, déjà perceptible en France lors de l’enquête de 1990, concerne également les attitudes à l’égard de la police et de l’armée. [...] Un des grands changements qui semblent en cours en France actuellement est que l’appel à la responsabilité et au respect des règles de vie en commun n’est plus systématiquement disqualifié pour autoritarisme. »
13 Jean-François Léger, « Pourquoi des jeunes s’engagent-ils aujourd’hui dans les armées ? », Revue française de sociologie, octobre-décembre 2003, 44-4, p. 718.
14 Christian Mouhanna, « Contrôle hiérarchique et autonomie du terrain : l’exemple de la gendarmerie départementale », Les Champs de Mars II/1999, pp. 61-79.
15 Michel Lhoste, L’Institution militaire, une organisation en crise, thèse de doctorat de troisième cycle, Paris V, 1973. Cette thèse est consultable au Centre de documentation de l’École militaire (cdem).
16 Ibid., p. 58 et suiv. et p. 143.
17 Ibid., p. 99 et suiv.
18 Ibid., p. 138.
19 C’est notamment la thèse soutenue par Michel Serres dans Petite Poucette, Le Pommier, 2012.
20 « On oppose avec raison sciences exactes et humaines, sans se douter jamais qu’il existe des technologies qui sont aux sciences humaines ce que les techniques proprement dites sont aux sciences exactes : actions sans connaissances sans doute, technologies traditionnelles privées de la science humaine qui les fonderait » (Michel Serres, Paris, Françoise Bourin, 1987, p. 20).
21 Michel Crozier et Erhard Friedberg, L’Acteur et le Système, Paris, Le Seuil, « Points », 1977, pp. 72-77.
22 André Thiéblemont et C. Pajon, Le Métier de sous-officier dans l’armée de terre aujourd’hui, Les documents du Centre d’études en sciences sociales de la défense (c2sd), p. 287.
23 Georges Balandier, Anthropo-logiques, édition revue et corrigée, Paris, Le livre de poche, 1985, p. 276, et pour une approche anthropologique de la contestation, p. 249 et suiv.
24 Pour ce qui suit, on pourra consulter mes analyses dans « Contribution à l’étude de la tradition militaire : les traditions de contestation à Saint-Cyr », Ethnologie française, Paris, 1979, « Les traditions dans les armées : le jeu de la contestation et de la conformité », Pouvoir, pp. 99-112, Paris, puf, 1986, ou encore dans (dir.) Cultures et logiques militaires, puf, 1999, pp. 40-44 et 117-121.
25 Voir, Un groupe d’officiers (1958-1960), « A propos du temps de commandement », Le Casoar n° 56, décembre 1974, pp. 31-35.
26 Delas (cne), « Un pavé dans cette Galleyre ! », Le Monde, 1er décembre 1973.
27 Georges Balandier, Anthropologie politique, Paris, puf, 1974, p. 129.
28 Georges Balandier, Le Désordre. Éloge du mouvement, Paris, Fayard, 1988, p. 117.
29 Georges Balandier, 1974, p. 135.
30 André Thiéblemont (dir.), Cultures et Logiques militaires, Paris, puf, 1999, p. 44.
31 Sur ce qui suit, on pourra également consulter A. Dirou et André Thiéblemont, « Saint-Cyr, des traditions turbulentes », Identité(s), Paris, Éditions sciences humaines, 2004, pp. 235-241.