Il n’est guère de métier qui fasse plus appel à l’imagination que celui de soldat, parce que son objet premier, faire la guerre, n’intervient que par intermittence et parce que c’est un objet difficile à représenter. Qu’il s’agisse au niveau le plus élevé de la stratégie d’anticiper la complexité des interactions avec l’ennemi comme au niveau le plus bas de se préparer à la réalité concrète du combat et de la proximité de la mort, rien de tout cela ne peut être appréhendé complètement en temps de paix.
Ce n’est pas nouveau. Cela a même toujours été ainsi depuis les premières campagnes guerrières du néolithique. Même si régnait toujours l’incertitude des événements, on a su pendant très longtemps quelle serait la forme des combats. Tout a changé avec la révolution industrielle, qui a bouleversé la manière de faire la guerre : non seulement on ignorait désormais comment les forces seraient utilisées dans les conflits de demain, mais on ne savait même plus très bien à quoi ceux-ci ressembleraient. En quelques dizaines d’années, le brouillard s’est épaissi et il a fallu redoubler d’efforts pour essayer d’y voir assez clair pour aborder la guerre future sans trop de surprises, pour imaginer beaucoup plus les choses avant de les faire, et cela n’a pas été sans difficulté.
- Le choc du futur de 1830
Pendant longtemps, les choses de la guerre paraissaient dures mais relativement simples puisque la forme de la bataille à venir ressemblait beaucoup à celle qui venait de se passer. À Waterloo, en 1815, l’armée de Wellington n’était pas très différente de celle de Marlborough qui avait combattu à Malplaquet, à soixante-dix kilomètres de là, cent six ans plus tôt. Dans une confrontation entre les deux, la première aurait sans doute eu un léger avantage, mais l’issue de la bataille aurait quand même été incertaine. Revenant dans son siècle, un officier de l’armée de Marlborough n’aurait pas forcément vu l’intérêt d’essayer d’imaginer les évolutions à venir de l’art de la guerre.
Du haut en bas de la hiérarchie, l’effort demandé aux esprits était alors plutôt l’apprentissage du passé, de la lecture des textes d’une Antiquité gréco-latine considérée comme un âge d’or pour les officiers jusqu’à l’apprentissage mécanique de schémas de gestes pour les soldats, en passant par la connaissance parfaite de batailles modèles. Une innovation apparaissait de temps en temps, qui modifiait sensiblement la pratique d’une armée, comme la mécanisation des fantassins dans l’armée prussienne de Frédéric II ou l’emploi des tireurs d’élite dans l’armée américaine de la guerre d’Indépendance, mais l’effort d’absorption nécessaire en interne comme pour les ennemis imitateurs était limité. La principale incertitude résidait dans l’emploi opérationnel des moyens : on pouvait être surpris par une charge de cavalerie venant d’un endroit inattendu, mais pas de l’existence de cette cavalerie et assez peu de son organisation.
Et puis le « choc du futur » est arrivé, pour reprendre l’expression d’Alvin Toffler désignant l’apparition du changement permanent et troublant autour de soi1. À partir du dernier tiers du xviiie siècle, avec une accélération forte après les années 1830, les nations européennes industrielles se transforment à grande vitesse. On commence alors à comprendre que les enfants auront forcément une vie différente de celle de leurs parents, et on écrit les premiers ouvrages d’« anticipation »2. Désormais, l’âge d’or n’est plus dans le passé mais dans l’avenir.
Mais si le « progrès » peut être enthousiasmant, il peut être aussi très perturbant, car il impose des adaptations permanentes. Le monde militaire est ainsi très troublé. Il ne suffit plus d’apprendre, il faut oublier et réapprendre régulièrement sous peine d’être dépassé. Marlborough aurait pu vaincre Wellington, mais Wellington n’aurait pas eu la moindre chance face à la 1re armée britannique du général Horne pénétrant en Belgique en 1918, qui elle-même n’aurait pas fait le poids, toujours au même endroit, face à la 2e armée du général Dempsey en 1944, à peine vingt-six ans plus tard.
Cette révolution intellectuelle suscite beaucoup de réticences. L’armée française de la première moitié du xixe siècle en particulier résiste. On persiste longtemps à croire dans ses rangs que la guerre ne s’apprend que par la guerre, et on y apprend effectivement beaucoup. L’armée du Second Empire est la plus expérimentée du monde ; quel besoin aurait-elle donc de réfléchir ? Le maréchal de Mac Mahon se vante même de sacquer la carrière des officiers qui oseraient écrire des livres. De fait, jusqu’au début des années 1860, on y sort peu de la pure pratique pour aborder le monde des idées.
Il n’en est pas de même de l’autre côté du Rhin. Après 1815, la petite Prusse est la seule puissance européenne à conserver un système de forte mobilisation des réserves. Le Grand État-Major, la première technostructure moderne, est chargé du suivi, de l’entraînement, de l’équipement, de l’alimentation éventuelle de ces centaines de milliers d’hommes et de chevaux. Or, comme ils sont bien connectés au reste de la nation afin d’en mobiliser les ressources, les officiers qui y sont en poste constatent combien ces ressources changent en volume et en qualité au cours du temps. Il leur faut comprendre comment gérer l’expansion démographique, comment intégrer les chemins de fer et les télégraphes dans les mouvements des forces, comment employer ces ressources changeantes sur le champ de bataille avec ces nouveaux fusils à canon rayé qui s’arment par la culasse et qui font passer d’un coup la portée pratique des fantassins de cent à quatre cents mètres. Tout cela, considèrent-ils, ne peut être laissé à l’improvisation comme le font les Français, mais doit être conduit et organisé de manière centralisée : c’est au haut commandement de remplacer les habitudes obsolètes de la pratique par des nouvelles.
Pour ce faire, il faut analyser, c’est-à-dire passer de l’implicite des habitudes à l’explicite des paroles et surtout des écrits. À la manière des sciences expérimentales en développement, on s’efforce de trouver des faits utiles, d’en faire des théories qui sont ensuite confrontées au débat et à l’expérimentation dans un espace dédié, celui des idées, avant d’être transformées en doctrines. On débat alors beaucoup pour savoir si l’art de la guerre est bien un art ou s’il s’agit d’une science. En réalité, c’est une discipline, à l’instar de la médecine, qui nécessite certes un savoir solide, mais un savoir à réactualiser. La doctrine désigne alors le corpus de documents qui fixe l’état de l’art et un guide obligatoire, avec cette conscience qu’il faudra en changer régulièrement. La doctrine posée, elle gagne la formation, dans les camps, les centres, les écoles de régiments, où le pur explicite et intellectuel des manuels est transformé en de nouvelles habitudes. Ainsi se boucle le cycle d’évolution des grandes organisations modernes, habitudes/idées/doctrine/éducation/habitudes, tel qu’il a été décrit par les sociologues des organisations Ikujirô Nonaka et Hirotaka Takeuchi3.
Le problème est que ce mécanisme complexe tourne le plus souvent « à vide ». Les grandes compagnies de chemins de fer sont dans l’action en permanence, mais pas les armées de l’époque. L’armée prussienne ne combat pas de 1815 à 1864. Il lui faudra donc évoluer à partir d’expériences imaginées, et c’est là la seconde grande innovation de l’état-major prussien après le management des ressources à grande échelle : la guerre virtuelle. Si on ne peut disposer des faits d’expérience de ses propres troupes au combat, il faut en trouver ailleurs, chez les autres d’abord. Les guerres industrielles sont donc les premières observées par les journalistes et par les officiers de liaison. C’est une source primordiale, mais ce n’est pas la seule. Les Prussiens observent de la même façon les campagnes et les batailles des conflits passés. Ils innovent surtout par la systématisation de la simulation. Par les grandes manœuvres d’abord, des exercices de mécanisation à grande échelle qui deviennent des batailles virtuelles avec règles et arbitres. Par les jeux de guerre sur cartes ensuite, qui connaissent alors une grande extension.
L’ensemble forme un front virtuel à plusieurs champs de bataille imaginaires dont les observations nourrissent ensuite toute une littérature grise de comptes rendus, de rapports, de propositions, mais aussi une littérature « ouverte » (articles de revues militaires, essais et même romans), les deux étant favorisées par les nouvelles technologies d’imprimerie, les stylos à plume, à bille, puis les machines à écrire. La guerre virtuelle est avant tout une guerre sur papier ! De ces dizaines de milliers de pages de réflexion naissent des centaines de pages de doctrines qui redescendent vers la pratique où elles sont testées. Comme en sciences, l’observation des anomalies doit normalement susciter un nouveau cycle d’amélioration ou, si les anomalies sont trop importantes, de changement complet de paradigme, de doctrine en termes militaires.
La supériorité de l’apprentissage rationnel par le virtuel des Prussiens éclate au grand jour en 1866 contre l’armée autrichienne et plus encore en 1870 contre les Français lorsque leur armée, l’une des moins expérimentées d’Europe, écrase en un mois l’armée impériale chargée de campagnes. Devant l’évidence, toutes les armées modernes s’empressent d’adopter plus ou moins le modèle prussien. Par un curieux balancier, l’armée française est celle qui pousse alors l’intellectualisation le plus loin.
- La guerre comme exercice de pensée
La défaite française de 1871 est la première à être qualifiée d’« intellectuelle ». La réaction est forte. L’armée française ne sera pas surprise une nouvelle fois et se préparera à la guerre à la manière prussienne. Mais cela ne va pas cependant sans quelques problèmes.
Il y a d’abord le problème de la tête, là où s’élabore la doctrine. En Allemagne, c’est le Grand État-Major qui décide de tout, avec l’Amirauté, son alter ego naval. En France, la République naissante se méfie politiquement d’un tel organisme. Le chef des armées est le ministre de la Guerre et le pouvoir militaire est partagé entre un chef d’état-major de l’armée, qui gère les affaires courantes, et un généralissime désigné, qui n’a aucun pouvoir réel. Le problème est que le ministre change en moyenne tous les ans. C’est finalement le Parlement qui fait ce que l’on n’appelle pas encore la politique de défense. C’est parfois houleux, mais il y parvient de manière assez remarquable.
Il est difficile en revanche de définir une doctrine d’emploi. Les différentes directions du ministère s’efforcent de réaliser très vite les manuels d’organisation de leurs armes. Les différentes commissions mises en place au milieu des années 1870 s’appuient logiquement sur le retour d’expérience du conflit qui vient de s’achever. Or le souvenir de cette guerre désastreuse va bientôt constituer un biais qui va influencer toute la pensée militaire française, comme un traumatisme collectif qui polarise toutes les idées, même quand on n’en parle pas. Sous des couverts d’analyse rationnelle, on dira souvent simplement qu’il faut faire l’inverse de 1870, pour le meilleur et pour le pire. Dans l’immédiat, les directions d’armes tirent de ce retour d’expérience un premier corpus de doctrines de spécialités plutôt bon même s’il peine à être mis en œuvre. Il n’y a personne en revanche pour effectuer une synthèse cohérente et pour décrire comment employer les armées et les corps d’armée.
Et ce n’est pas par l’observation des grandes manœuvres que l’on va avoir des idées. Celles-ci ont été mises en place en 1874 sur le modèle prussien, mais fonctionnent mal. Sans véritable autorité militaire supérieure, elles sont organisées par les généraux de corps d’armée, une autre innovation imitée des Prussiens, qui font ce qu’ils veulent. Souvent issus de l’anti-intellectualisme de l’armée du Second Empire, ils transforment ce qui devrait être un laboratoire scientifique et objectif en un instrument de confirmation de leurs idées et en un spectacle avantageux pour les autorités visiteuses. Tout au mieux, les grandes manœuvres françaises sont-elles de bons entraînements pour les états-majors et des lieux d’expérimentation d’équipements nouveaux, mais pour la troupe, c’est en réalité désastreux dans la mesure où, par l’irréalisme complet des situations, les soldats y prennent de très mauvaises habitudes. La simulation tactique mal faite est dangereuse.
Il faut donc s’appuyer sur une autre méthode. Ce sera la simulation historique. En 1885, le commandant Maillard, directeur du cours d’histoire et de tactique générale à l’École supérieure de guerre (esg) créée depuis peu, utilise deux méthodes complémentaires : la méthode « historique », qui étudie en détail un fait historique exemplaire pour en tirer des principes permanents4, et la méthode « positive », qui consiste à épurer un fait de guerre de son cadre historique pour l’étudier, parfois sur les lieux mêmes des combats (le « voyage » d’état-major), avec les données matérielles et techniques du temps présent. Le colonel Bonnal, son successeur à partir de 1892, étend la méthode à l’analyse d’opérations de corps d’armée et d’armées, et y ajoute la pratique du jeu de guerre. On joue donc aussi les batailles en se mettant à la place des deux camps.
Le succès est considérable. Mais en plus de l’enseignement, Bonnal fait aussi de la recherche. Dans l’esprit positiviste de l’époque, il s’efforce de découvrir les « secrets » de Napoléon en étudiant les batailles d’Iéna, de Landshut et de Vilna. Il en tire des hypothèses qu’il met ensuite à l’épreuve dans trois batailles prussiennes contemporaines (Sadowa, Froeschwiller, Saint-Privat) qui, sans surprise, confirment ses théories. Ces idées servent de fondement au nouveau Règlement de service en campagne (rsc) du 28 mai 1895. C’est la doctrine de « campagne » que l’armée française attendait depuis 1871, et qui ne sera remplacée qu’à la fin de l’année 1913.
Fonder la guerre future uniquement sur le passé se heurte cependant rapidement à deux écueils : le premier est que la mode napoléonienne touche aussi les règlements d’infanterie – au fur et à mesure que l’on oublie les réalités du combat et que l’on cherche à se modeler sur les principes décrits par Bonnal, on revient à des dispositifs très serrés évoluant même un temps au son des fifres et des tambours –, le second est bien sûr que les temps changent.
Au tout début du xxe siècle, l’acteur dominant est plus large. Il y a alors suffisamment d’« intellectuels militaires », notamment, par principe, tous les brevetés de l’esg, pour constituer un forum autonome qui se déploie dans les réunions d’officiers des deux cents bibliothèques de garnison, les nombreuses revues militaires, comme la Revue militaire générale (rmg), ou les librairies spécialisées comme Chapelot ou Berger-Levrault. Or ce forum se fait très critique devant le spectacle de la guerre des Boers (1899-1902) et de la rigidité des fronts au Transvaal, qui contredit complètement les théories de manœuvre (liberté d’action par la protection d’une puissante avant-garde, recherche du point faible ennemi, concentration des efforts sur ce point faible, exploitation) élaborées d’après les campagnes napoléoniennes.
Devant cette quasi-anomalie épistémologique, une nouvelle théorie dite de l’« inviolabilité des fronts » est développée par plusieurs officiers influents (Négrier, Kessler, Mayer, Verraux et Maud’Huy) et des civils tel le banquier polonais Jean de Bloch, qui se prennent à douter de la possibilité de trouver un point faible chez l’ennemi et de le percer. Au mieux, on parviendra à le contourner, au pire, on se retrouvera dans un affrontement avec l’Allemagne dans une longue et immense guerre de siège, sans voir d’autre issue que l’épuisement mutuel5.
Dans l’absolu, on l’a vu, un paradigme manifestement faux devrait être immédiatement abandonné ; dans les faits, il est souvent défendu contre toute évidence par ceux qui l’ont conçu. Bonnal soutient ainsi avec acharnement sa doctrine fondée selon lui sur les principes éternels de la guerre napoléonienne. Il finit par l’emporter, appuyé par la répugnance générale dans l’armée française devant toute stratégie défensive, accusée de nous avoir conduits au désastre en 1870, et l’idée dominante que la France ne peut soutenir une guerre longue contre la puissante Allemagne et qu’elle doit donc emporter la victoire rapidement par une grande offensive énergique6. Si les doctrines des différentes armes, en particulier celles de l’infanterie en 1904, sont modifiées au regard des nouveaux conflits, celle d’emploi des grandes unités, ce que l’on baptiserait doctrine opérative aujourd’hui, reste quant à elle inchangée.
Après quelques années d’une crise politique qui paralyse aussi la pensée militaire, la montée des périls, à partir de 1909, relance les débats. En 1911, le chef d’état-major de l’armée reçoit le titre de généralissime et de nombreux pouvoirs : il y a enfin un organe centralisateur de la doctrine opérative. C’est le général Joffre qui est désigné pour le poste, avec pour mission de préparer l’armée à la guerre que l’on sent prochaine. Lui-même n’a guère d’idée sur la forme que celle-ci prendra, aussi fait-il confiance à ses officiers d’état-major où dominent les « Jeunes Turcs »7, très critiques sur la doctrine de 1895 qu’ils estiment trop rigide. Ils prônent une plus grande agressivité et s’appuient sur l’exemple des Japonais, qui l’ont emporté sur les Russes en 1905. Fervent adepte des jeux de guerre, Joffre ordonne aux états-majors des différentes armées de tester des idées par de nombreux exercices sur cartes ayant pour thèmes des opérations dans le nord et l’est de la France. Ces exercices de simulation constitueront un travail de préparation essentiel pour la suite des événements.
De ces réflexions naîtra un nouveau corpus doctrinal complet, mais qui, publié quelques mois seulement avant le début de la Grande Guerre, n’aura pas eu le temps d’être transformé en habitudes. Lorsque la guerre est déclarée en août 1914, il n’y a toujours pas de vision commune de ce qu’il va se passer et de la manière de combattre, seulement des théories juxtaposées issues de sources d’inspiration différentes.
- La guerre est un révélateur
La guerre agit alors comme un révélateur. Le virtuel devient réel et il faut payer comptant les efforts de préparation, pour reprendre l’expression de Clausewitz. La majorité des officiers français imagine une réédition des mouvements de 1870, mais à une beaucoup plus grande échelle, avec une fin rapide grâce au succès du grand enveloppement allemand par la Belgique ou de la percée française en Lorraine. Dans la forme, la campagne commence effectivement par ressembler à cela, et puis le processus s’enraye, en grande partie parce que l’on n’a pas été capable de simuler correctement ce qui allait se passer à l’échelon le plus bas.
Le tournant du siècle a été fertile en changements, notamment techniques : sous-marins, avions, dirigeables, télégraphie sans fil (tsf), véhicules à moteur à explosion. Des innovations trop nombreuses pour qu’elles puissent être assimilées correctement et à temps. Ainsi, dans deux fameuses conférences prononcées au Centre des hautes études militaires (chem) en 1911, le colonel de Grandmaison, figure des Jeunes Turcs, a livré sa vision des combats futurs sans les évoquer une seule fois ! Pour autant, des efforts ont été faits et beaucoup de ces évaluations sont déjà en place dans les armées en 1914, même si certaines suscitent des déceptions. Les gigantesques dirigeables, fierté des nations, s’avèrent bien trop vulnérables au-dessus du champ de bataille. Le Grand État-Major allemand, persuadé de pouvoir commander depuis Luxembourg grâce à des lignes de télégraphe suivant ses armées, devient rapidement myope. En revanche, les aéroplanes s’avèrent très efficaces et capables d’assurer plus de missions que prévu, les voitures et les camions sont très vite utilisés, surtout par les Français…
La plus grande surprise, un véritable choc, est la révélation de la puissance de feu moderne, qui fait des ravages, en particulier sur les soldats français à la fois victimes d’une formation inférieure à celle des Allemands et d’une forme de psychose collective qui pousse à l’hyper agressivité. On retrouve là le problème majeur de la simulation de combat. Il a fallu la guerre des Boers pour voir la puissance nouvelle des fusils modernes comme le Mauser 98, la guerre russo-japonaise puis celles des Balkans en 1912-1913 pour avoir une idée de celle des mitrailleuses, et encore de manière sous-estimée. En 1914, on ne perçoit pas encore ce que l’accumulation de toutes ces armes, avec une densité supérieure à celle des conflits précédents, avec des canons à tir rapide comme le dévastateur 75 ou les obusiers de campagne allemands, peut donner. La surprise est alors d’autant plus grande et douloureuse que l’on s’est mal préparé dans les exercices de temps de paix. La puissance de feu est telle qu’elle impose à l’automne de sortir des grands mouvements prévus par la doctrine pour un retranchement généralisé, seul moyen de se protéger. La théorie de l’inviolabilité des fronts se trouve donc confirmée. Parmi toutes celles disponibles au début du siècle, on n’a pas choisi la bonne !
Jamais dans la période précédant la Première Guerre mondiale on n’a autant spéculé sur la guerre future, produisant un effort intellectuel inégalé encore à ce jour en France, avec ses centaines de livres, ses milliers d’articles, de conférences, de simulations sur cartes, de « voyages », d’exercices sur le terrain à petite ou grande échelle. On a exploré l’histoire militaire, étudié tous les conflits contemporains, écrit des romans d’anticipation afin d’essayer de rester adapté à un temps où les changements sociaux, sociétaux, économiques et peut-être surtout techniques ont été considérables, sans aucun doute plus rapides encore qu’au tournant des xxe et xxie siècles.
De cette virtualité n’est pas née une vision unique mais un monde des idées en mosaïque avec des théories différentes du futur dont une seule s’imposait un peu par la force des convictions, mais sans détruire complètement les autres. Aucune de ces théories n’a été totalement exacte, mais toutes l’ont été en partie, et c’est à partir de cet ensemble de réflexions, d’expérimentations, de prototypes d’idées comme d’équipement, qu’il a été possible de s’adapter dans la vraie guerre. Peut-être plus encore que ses créations, c’est l’habitude prise de l’effort intellectuel et du débat qui importera le plus. Jamais une grande organisation française ne se transformera aussi profondément et aussi vite que l’armée française pendant les quatre années de la Grande Guerre, jusqu’à devenir la plus moderne du monde et prendre la plus grande part dans la victoire. Cette réalité n’aurait jamais été possible sans la pratique de dizaines d’années de guerre virtuelle.
1 A. Toffler, Future Shock, Random House, 1970.
2 Le Roman de l’avenir, écrit en 1834 par Félix Bodin, constitue sans doute le premier exemple.
3 I. Nonaka et H. Takeuchi, The Knowledge-Creating Company. How Japanese Companies create the Dynamics of Innovation, Oxford University Press, 1995.
4 P. Rocolle, L’Hécatombe des généraux, Paris, Lavauzelle, 1980, pp. 268-269.
5 Voir notamment J. de Bloch, La Guerre, traduit du russe Paris, Paul Dupont, Paris, 1898. Général Révol, « Souvenirs de l’École supérieure de guerre », Revue historique des armées, 1979/3.
6 On notera que pour des données stratégiques assez proches, on aboutira aux idées inverses dans les années 1930.
7 Ainsi baptisés en référence au mouvement nationaliste et réformateur ottoman dit « Jeune Turc », qui aboutit à la prise du pouvoir à Istanbul en 1908 par de jeunes officiers.
Hardly any profession demands as much imagination as that of a soldier. This is because its primary purpose of going to war only arises intermittently, and because this purpose is difficult to imagine. Be it anticipating the complexity of interactions with the enemy at the highest level in strategy, or preparing for the hard reality of combat and the closeness of death at the lowest, none of this can be completely apprehended in times of peace.
This is not something new. In fact, it has been true ever since prehistoric warfare. However, while uncertainty reigned as to the course of events, there were no doubts about the form the fighting would take. Everything then changed with the Industrial Revolution, and warfare was no longer the same. Not only was it impossible to know how forces would be used in future conflicts, it was not clear at all what form the conflicts would take. In just a few decades, the fog thickened and great efforts were necessary to get a clearer picture to approach future warfare with some certainty, and to consider many more aspects before actually putting them into practice. And this was no mean feat.
- The future shock of 1830
For a long time, war appeared hard but relatively simple, because future battles greatly resembled those fought in the past. In Waterloo, in 1815, Wellington’s army was very similar to Marlborough’s that had fought in Malplaquet, seventy kilometres away, a hundred and six years earlier. In a battle between the two, the former would no doubt have had the upper hand, but the outcome would have been uncertain even so. Back in his own century, an officer in Marlborough’s army would not necessarily have seen the point of imaging how the art of war would evolve.
Throughout the ranks, efforts focused on learning from the past: officers would read texts from Greco-Latin Antiquity, regarded as a golden age, soldiers learned patterns of moves off by heart, and famous battles were studied in great depth. Occasionally an innovation would emerge and substantially alter an army’s practice, like the infantry mechanisation in the Prussian Army of Frederick the Great, or the US army’s use of snipers during the War of Independence. But the necessary uptake effort, internally and among enemy copycats, was limited. The main uncertainty concerned the operational use of resources: troops could be surprised by a cavalry charging from an unexpected place, but not by the cavalry’s actual existence and very little by the way it was organised.
Then came the “future shock” to use the term coined by Alvin Toffler to describe a permanent and troubling change1. In the last third of the 18th century, with a strong acceleration after the 1830s, European industrial nations changed at great speed. It became clear that children would necessarily lead different lives to their parents, and the first “futuristic” books began to appear2. The golden age was no longer in the past but in the future.
But while “progress” can be exciting, it can also be highly unsettling, because it demands constant adaptation. The military world was thus very unsettled. Learning was no longer sufficient; knowledge had to be regularly forgotten and learnt again to avoid being left behind. Marlborough could have beaten Wellington, but Wellington would not have stood a chance against the first army of British General Horne crossing into Belgium in 1918, which in turn and in the same place, would have been no match for General Dempsey’s second army in 1944, just a quarter of a century later.
This intellectual revolution triggered great hesitation. The French army in the first half of the 19th century put up strong resistance, long believing that war could only be learned through war. And indeed much was learned. The Army of the Second Empire was the most experienced in the world; so why would it need to think? Marshal de Mac Mahon even boasted about dismissing officers who dared to write books. Hence, until the early 1860s, the focus was almost entirely on pure practice, not ideas.
Things were different, however, on the other side of the Rhine. After 1815, little Prussia was the only European power to maintain a strong reserve mobilisation system. The High Command, the first modern technostructure, was responsible for monitoring, training, equipping and possibly feeding these hundreds of thousands of men and horses. Being well connected to the rest of the nation in order to mobilise resources, the officers stationed there saw just how much these resources changed in volume and quality over time. They had to learn how to manage this population growth, how to integrate railways and telegraphs into the movements of forces, and how to use these changing resources on the battlefield, with the new breech-loading rifled guns that suddenly increased the infantry’s effective range from one hundred to four hundred metres. And all this, they believed, could not be played by ear as the French did, but had to be conducted and organised centrally: it was for the High Command to replace obsolete practices with new ones.
And this required analysis, i.e. a shift from the implicit of habits to the explicit of words and especially writings. Like the developing experimental sciences, efforts were made to find useful facts, turn them into theories, debate and test them in a dedicated forum, that of ideas, and transform them into doctrine. There was much debate over whether the art of war was an art or a science. In reality, it is a discipline, like medicine, and although it requires sound knowledge, that knowledge must be updated. Doctrine then meant the body of documents setting out the state of the art and mandatory guidelines, with the awareness that it would have to be regularly changed. Once the doctrine was established, it spread to training, in camps, centres and regimental schools, where the purely explicit and intellectual nature of the manuals was turned into new habits. This is how the evolutionary cycle of large modern organisations, habits/ideas/doctrine/education/habits, as described by the organisational sociologists Ikujirô Nonaka and Hirotaka Takeuchi3, becomes complete.
The problem was that this complex mechanism often ran “idle”. While the major railway companies were in action all the time, this was not true of the armies. The Prussian army did not fight from 1815 to 1864. It therefore had to evolve on the basis of imagined experiences; and there lies the second major innovation of the Prussian high command, after large-scale resource management, i.e. virtual war. Without any practical experience of the troops in combat, the experience had to be found elsewhere. Initially, journalists and liaison officers turned their attention to industrial wars. This was a key source but it was not the only one. The Prussians also studied campaigns and battles of past conflicts. They above all innovated by systematising simulation. Firstly, through large manoeuvres, with large-scale mechanisation exercises becoming virtual battles with rules and referees. Then, through war games on maps, which were subsequently greatly developed.
A virtual front was thus formed, with several imaginary battle fields. The observations then fuelled a whole set of grey literature, comprising records, reports and proposals, as well as “open” literature (articles in military reviews, essays and even novels), both of which were fostered by new printing technologies, fountain and ballpoint pens, and then typewriters. Virtual war was above all war on paper! These thousands of pages of reflection led to hundreds of pages of doctrine that was then processed back down into practice where it was tested. As in science, the detection of anomalies should normally lead to a new improvement cycle or, if the anomalies are too significant, to a complete change of paradigm, i.e. of doctrine in military terms.
The superiority of the Prussians’ rational virtual learning came to light in 1866 against the Austrian army, and even more so in 1870 against the French when the Prussian army, one of the least experienced in Europe, defeated the campaigning imperial army in just a month. Presented with the evidence, all modern armies hastened to adopt a similar model to the Prussians. By a curious swing of the pendulum, the French army was the one to push intellectualisation the furthest.
- War as an Exercise in Thinking
The 1871 French defeat was the first to be described as “intellectual”, triggering a fierce response. The French army would not be taken by surprise twice, and prepared for war like the Prussians. However, the task was not all plain sailing.
First, there was the issue of leadership and the development of doctrine. In Germany, the High Command made all the decisions, along with the Admiralty, its naval counterpart. In France, the nascent Republic was politically wary of such an organisation. The Minister of War was the Army Chief and military power was shared between an Army Chief of Staff, who handled routine matters, and a designated generalissimo, who had no real power. The problem was that the minister tended to change each year. In the end, it was Parliament that defined what was yet to be called Defence policy. And despite the sometimes bitter debates, it managed to do it remarkably well.
However, defining doctrine of use proved tricky. The various Ministerial departments did their best to swiftly produce organisation manuals for their arms. The different commissions set up in the mid-1,870s logically drew on feedback from the recently ended conflict. However, the memories of this disastrous war soon formed a bias that influenced all French military thinking, like a collective trauma which became the focus of all ideas, even when there was no mention of it. Under the guise of rational analysis, the main idea was simply that the opposite of 1870 should be done, for better or for worse. Initially, the arms directorates drew up a first, rather good, body of speciality doctrine from this feedback, even though they struggled to put it into practice. But there was no one to produce a coherent synthesis and describe how the armies and corps should be deployed.
And it was not by observing large manoeuvres that ideas would abound. Although they were put in place in 1874 based on the Prussian model, they were unsuccessful. Without any real superior military authority, they were organised by the army corps generals, another innovation pinched from the Prussians, who simply did as they pleased. Often anti-intellectuals from the Second Empire army, they turned what should have been a scientific and objective laboratory into a tool for confirming their ideas and showing off to visiting authorities. At the very most, large French military manoeuvres were good exercises for the staffs and an opportunity to test new equipment, but they were actually disastrous for the troops: given the total lack of realism, the soldiers adopted very bad habits. Poor tactical simulation is dangerous.
A different method was therefore needed. And historical simulation was chosen. In 1885, Commander Maillard, the History and General Tactics course director at the newly founded École supérieure de guerre (war college), used two complementary methods: the “historical” method that studied an exemplary historical event in detail to develop permanent principles4, and the “positive” method, which consisted in taking an act of war out of its historical context to study it with present day physical and technical data, sometimes at the very site of the combat (known as a staff “trip”). Colonel Bonnal, who succeeded him in 1892, extended the method to analysis of corps and army operations, and added the practice of war games. Battles were therefore also played out, with soldiers putting themselves in the shoes of both sides.
It was a tremendous success. But in addition to teaching, Bonnal also did research. In the positivist spirit of the time, he endeavoured to discover Napoleon’s “secrets” by studying the battles of Jena, Landshut and Vilna. The hypotheses he derived from them were then put to the test in three contemporary Prussian battles (Königgrätz, Wörth, Gravelotte), and unsurprisingly, they confirmed his theories. These ideas served as the basis for the new campaign service regulations of 28 May 1895. This was the “campaign” doctrine that the French army had been awaiting since 1871, and which remained unchanged until the end of 1913.
Nonetheless, basing future war solely on the past soon came up against two stumbling blocks: first, the Napoleonic method also affected infantry regulations—the realities of combat were gradually forgotten and models were developed according to Bonnal’s principles, entailing a reversion to very tight layouts which even advanced to the sound of fifes and drums for a while; the second, of course, was that times change.
At the turn of the 20th century, the dominant player was bigger. By that time, there were enough “military intellectuals”, especially, as a matter of principle, all the certificated officers of the École supérieure de guerre, to constitute an independent forum which developed through officers’ meetings in the two hundred garrison libraries, the many military reviews, including the Revue militaire générale (rmg), and specialist bookshops such as Chapelot or Berger-Levrault. This forum was highly critical of the Second Boer War (1899—1902) and the rigidity of the fronts in Transvaal, which totally contradicted the manoeuvre theories developed based on Napoleonic campaigns (freedom of action by the protection of a powerful advance guard, finding the enemy’s weak spot, focusing efforts on that spot, exploitation).
In response to this near epistemological anomaly, a new theory known as “inviolability of fronts” was developed by several influential officers (Négrier, Kessler, Mayer, Verraux and Maud’Huy) and civilians such as the Polish banker Jean de Bloch, who began to doubt the possibility of finding and breaking through a weak spot in the enemy. At best, it would be circumvented; at worst, there would be a confrontation with Germany in a long and immense siege war, with no other outcome than mutual exhaustion5.
In the absolute, as we have seen, an obviously false paradigm should be abandoned immediately; in reality, it is often defended against all the evidence by those who designed it. Bonnal therefore fiercely upheld his doctrine, which he said was based on the eternal principles of Napoleonic warfare. He eventually prevailed, aided by the French army’s general reluctance to adopt a defensive strategy which it regarded as the reason for the disaster in 1870, and the dominant idea that France could not sustain a long war against the powerful Germany and must therefore win fast by means of a great, energetic offensive6. While the doctrines of the different arms, in particular those of the infantry in 1904, were modified in the light of the new conflicts, the doctrine of use of large units, equivalent to our operational doctrine today, remain unchanged.
After several years of political crisis which also paralysed military thinking, growing dangers from 1909 onwards revived the debates. In 1911, when the army chief of staff was given the title of generalissimo along with numerous powers, there was at last a centralising body for operational doctrine. General Joffre was appointed to the position, with the mission of preparing the army for the war believed imminent. He himself had no idea what form it would take, so he trusted his staff officers, dominated by “Young Turks”7, who greatly criticised the 1895 doctrine for being too inflexible. They advocated greater aggressiveness and drew on the example of the Japanese, who had defeated the Russians in 1905. Being a great fan of war games, Joffre ordered the different army staffs to test ideas by means of numerous exercises on maps on the theme of operations in the north and east of France. These simulation exercises were essential preparatory work for future events.
This thinking gave rise to a whole new body of doctrine. However, as it was published only a few months before the start of the Great War, there was no time to turn it into habits. When war was declared in August 1914, France still had no common vision of what would happen and how to fight, only a juxtaposition of theories from different sources.
- Eye-Opening War
The war then acted as an eye-opener. The virtual became real and the efforts to prepare had to be paid cash, to use Clausewitz’s expression. Most French officers imagined a repeat of the 1870 movements, but on a much larger scale, with a rapid end thanks to the successful encirclement of the Germans by Belgium or the French breakthrough in Lorraine. Indeed, the campaign started out looking like that in form, and then the process gradually came to a halt, largely because they were unable to truly simulate what was going to happen at the lowest level.
The turn of the century came with a wealth of changes, particularly technical ones, with submarines, aeroplanes, airships, wireless telegraphy and combustion engine vehicles. But there were too many innovations for them all to be taken on board correctly and in time. Thus, in two famous lectures delivered at the Centre des Hautes Etudes Militaires (chem) in 1911, Colonel de Grandmaison, one of the Young Turks, gave his vision of future fighting without mentioning them at all. However, efforts were made and many were already in place in the armed forces in 1914, even though some turned out to be a disappointment. Giant airships, a symbol of national pride, proved far too vulnerable over the battlefield. The German High Command, convinced that it could command its armies from Luxembourg thanks to telegraph lines, quickly lost sight of them. On the other hand, aeroplanes proved to be very efficient and capable of carrying out more missions than expected, and cars and trucks were soon used, especially by the French…
The biggest surprise, or rather the real shock, was the revelation of modern firepower. It wreaked havoc, particularly on French soldiers who were both victims of inferior training to the Germans and of a form of collective psychosis leading to hyper-aggression. Here lies the main problem of combat simulation. It took the Boer War to see the new power of modern rifles such as the Mauser 98, the Russo-Japanese War and then the 1912—1913 Balkan War to get a still under-estimated idea of the power of machine guns. In 1914, it was still unclear what effect the accumulation of all these weapons, with a greater density than in previous conflicts and rapid-firing guns such as the devastating 75 or the German field howitzers, could have. Due to the poor preparation done in peacetime, the surprise was even bigger and more painful. The firepower was so great that in the autumn, the large movements envisaged by the doctrine had to be abandoned in favour of widespread entrenchment, the only means of securing protection. The theory of inviolability of fronts was thus confirmed. Of all the theories available at the turn of the century, they hadn’t chosen the right one!
Never in the period preceding the First World War was there so much speculation about future warfare, producing an intellectual effort unequalled to this day in France, with hundreds of books, thousands of articles, conferences, simulations on maps, “trips”, and small—and large-scale field exercises. Military history was explored; all contemporary conflicts were studied; and futuristic novels were written in an effort to keep up with the times: social, societal, economic and perhaps especially technical changes were considerable, an undoubtedly even more rapid than at the turn of the 20th and 21st centuries.
This virtual reality did not lead to a single vision, but to a mosaic of ideas with different theories of the future, only one of which gained widespread recognition, somewhat by force of conviction, but without completely destroying the others. None of these theories was totally right, but they all were in part, and it was from this body of thought, experimentation, and prototype ideas and equipment, that it was possible to adapt in real war. Maybe more so than what it created, it was the new habit of intellectual effort and debate that mattered most. Never before had a major French organisation changed so profoundly and so quickly as the French army did during the four years of the Great War, to the point of becoming the most modern in the world and playing the biggest part in the victory. This reality would not have been possible without decades of practising virtual warfare.
- Summary
A war that an army is preparing to fight is always a virtual war; it is an anticipation reproduced on the training ground without ever being able to replicate it to perfection. The difficulty was even greater when, from the middle of the 19th century onwards, due to the rapid and major changes occurring in societies at the time, it became clear that any future war would be very different to the last one. In France, after 1871, following the example of the Prussian army, a whole structure of experimental war simulation was therefore set up, which it was hoped would enable the best possible preparation for the great future conflict. Although the result in practice fell short of expectations, at least this effort trained a generation of officers in analysis and debate, which proved essential in achieving victory.
1 A. Toffler, Future Shock, Random House, 1970.
2 The Novel of the Future, written by Félix Bodin in 1834, is no doubt the first example.
3 I. Nonaka and H. Takeuchi, The knowledge-creating Company. How Japanese Companies create the dynamics of Innovation, Oxford University Press, 1995.
4 P. Rocolle, L’Hécatombe des généraux, Paris, Lavauzelle, 1980, pp. 268-269.
5 See, in particular, J. de Bloch, La Guerre, translated from the Russian, Paul Dupont, Paris, 1898. General Révol, “Souvenirs de l’École supérieure de guerre”, Revue historique des armées, 1979/3.
6 It should be noted that with relatively similar strategic data, the opposite ideas were reached in the 1930s.
7 Thus named with reference to the Ottoman nationalist reform movement known as “Young Turk”, which led to young officers taking power in Istanbul in 1908.