Un soldat est un agrégat, un mélange de compétences, d’équipements et de façons de voir les choses à l’intérieur d’un emboîtement de structures. Il doit maîtriser des savoir-faire techniques ainsi que la manière de les coordonner avec ceux des autres. Il lui faut être fort physiquement pour supporter des charges lourdes et pour agir longtemps. Il a surtout besoin d’avoir une armature morale particulière qui lui permette de surmonter deux interdits : mettre sa vie en danger et prendre celle des autres.
La création d’un soldat est donc chose complexe et surtout changeante car relative à un environnement propre et surtout à des ennemis. S’il existe des constantes, il n’y a cependant pas de combattant idéal, juste des créations plus ou moins adaptées à des contextes différents. Imaginer la possibilité d’un soldat ultime, invulnérable et invincible, est forcément une illusion.
- De l’homme transformé au point oméga du soldat
Au départ est la peur et sa gestion. La manière dont l’homme réagit à un danger dépend de l’interaction de plusieurs systèmes nerveux. Lorsque l’amygdale, placée dans le système limbique, décèle un danger, elle déclenche immédiatement une alerte vers le cerveau reptilien et ses circuits nerveux rapides. Les ressources du corps sont alors automatiquement mobilisées par une série d’ordres bioélectriques et des sécrétions chimiques. Cette mobilisation se traduit par une concentration du sang sur les parties vitales au détriment des extrémités, ainsi que par une atténuation de la sensation de douleur. Surtout, elle provoque une augmentation du rythme cardiaque afin de permettre des efforts physiques intenses.
Quelques fractions de secondes après le cerveau reptilien, l’alerte de l’amygdale atteint le néocortex. En quelques secondes, un jugement de la situation est fait, qui influe sur la mobilisation du corps de combat déjà déclenchée en la contrôlant ou, au contraire, en l’amplifiant. Or ce processus de mobilisation devient contre-productif si son intensité est trop forte. En effet, au-delà d’un premier seuil, l’habileté manuelle se dégrade et l’accomplissement de gestes jusque-là considérés comme simples peut devenir compliqué. Au stade suivant, ce sont les sensations qui se déforment puis les fonctions cognitives qui sont atteintes et il devient de plus en plus difficile, puis impossible, de prendre une décision cohérente. Au mieux, on obéira aux ordres ou on imitera son voisin. Au stade ultime du stress, le comportement de l’individu n’a plus de lien avec la survie. Il peut rester ainsi totalement prostré et souvent incontinent face à quelqu’un qui va visiblement le tuer1.
Depuis les premiers combats organisés au néolithique, le cœur de la formation du soldat réside dans la maîtrise de ces phénomènes, en particulier de cette montée aux extrêmes jusqu’à l’impuissance. En résumé, comme dit Montaigne, la peur de la mort donne des ailes ou plombe les pieds ; en d’autres termes, elle produit un être provisoirement, et naturellement, « augmenté » ou au contraire « diminué » si la mobilisation est trop forte.
Ce qui fait la grande différence entre le combattant, au sens large, et le novice n’est donc pas la force physique ou la maîtrise technique, mais bien une gestion différente de cette peur inévitable. Or cette gestion, qu’il s’agisse de la mise en alerte ou de l’analyse de la situation et des actions à mener, dépend très largement de l’expérience antérieure des individus. La gestion de la peur peut s’apprendre et c’est même le cœur de la formation du soldat : comment être du côté des « augmentés » plutôt que des « diminués ». Il ne sert à rien de disposer des meilleures armes du monde si on est tellement paralysé que l’on ne peut pas s’en servir !
Hors de tout contexte métaphysique (un paradis pour les guerriers par exemple) et après des siècles de recherches empiriques, toutes les armées du monde utilisent sensiblement les mêmes procédés pour préparer les hommes au combat, sans pouvoir évidemment reproduire exactement celui-ci. Il s’agit surtout de préparer aux « premières fois », ces premiers combats, ceux où l’émotion est la plus forte et les performances moindres, à l’origine des plus grandes pertes et des paniques.
Une première approche, héritée de l’époque moderne, est fondée sur l’analyse des gestes du combat et leur apprentissage par répétition. Cette méthode, dite du drill, induit un conditionnement utile à l’obéissance et, comme dans les disciplines sportives, la répétition incessante de gestes individuels et collectifs afin que, le moment venu, le « réflexe remplace la réflexion ».
Une seconde approche consiste à accoutumer l’esprit et les sens du soldat à l’ambiance du combat par la simulation et la stimulation de l’imaginaire. Cela passait traditionnellement par les récits des vétérans et les exercices contre des cibles humaines, vivantes ou non. Avec le développement de la technique, on s’est efforcé de rendre les choses plus réalistes. Par des films et des photos, par la visite d’abattoirs ou en accompagnant des sapeurs-pompiers, par exemple, on s’est efforcé de réduire le choc des premières visions d’horreur. Un nouveau seuil a été franchi dans les années 1970 avec l’informatique, les caméras embarquées, l’emploi du laser pour simuler les tirs. On peut désormais envisager d’aller encore plus loin avec les « réalités virtuelles ». L’ensemble des répétitions, des simulations et des informations est censé incruster dans la mémoire du combattant un ensemble de données et de situations qui lui permettront de décrypter très vite les menaces et de fournir automatiquement des réponses. Elles contribuent à la mise en confiance, élément clé de tout ce conditionnement.
Tous ces procédés ont cependant une limite indépassable qui est que le soldat n’a pas vraiment peur de la mort puisqu’il sait que, sauf accident, celle-ci est exclue de l’équation. On a donc cherché à compléter l’ensemble de ces procédés par une voie supplémentaire, celle de la pression psychologique et de la peur artificiellement créée. Son principe est de placer l’individu dans une situation de stress en jouant sur toutes les peurs et les phobies possibles, comme le vertige ou la claustrophobie, afin de l’obliger à les dépasser et à créer une adaptation par surcompensation. Cette approche s’accompagne généralement d’une intense formation physique dont le but est à la fois de former les hommes aux efforts spécifiques du combat, mais aussi de les pousser jusqu’à leurs limites. Dans un système de recrutement par volontariat, cette approche a également pour vertu d’écarter les moins motivés.
Bien plus que le sacrifice, la vraie spécificité de la condition militaire est le pouvoir de tuer dans un cadre légitime. Pour beaucoup de soldats, ce pouvoir exorbitant ajoute une dimension tragique supplémentaire qui se superpose à la pression psychologique de la peur de mourir.
Dépasser cette réticence demande là encore un conditionnement particulier hors contexte réel, qui se combine en miroir avec celui du contrôle de la peur de mourir. Ce n’est évidemment pas un hasard : survivre au combat passe le plus souvent par la mort ou, au moins, la neutralisation du combattant ennemi. On procède donc là aussi d’abord par répétition. Les cibles des tirs réels ou simulés ont des silhouettes humaines, de façon à ce que l’on tue virtuellement des centaines de fois avant d’être en position de le faire réellement. On procède aussi par le discours et l’imagination. De la même façon que l’on se protège contre les balles et les obus, on se protège du trouble du meurtre par plusieurs blindages comme l’absolution collective, le contournement de cible (« on bombarde des bâtiments », « on tire sur des chars pas sur des gens »), l’obéissance aux ordres ou, au contraire, la dérivation par l’ordre donné (qui tue vraiment entre celui qui donne l’ordre de tirer et celui qui tire ?), parfois la détestation de l’ennemi, jusqu’à lui retirer sa qualification humaine, avec de temps en temps de bonnes raisons et l’idée que son acte réduit les souffrances plus qu’il ne les crée : éliminer des snipers, c’est épargner des vies ; tuer un servant d’arme antiaérienne, c’est sauver des camarades.
Cependant, ce qui aide le plus à tuer reste la distance avec la victime. Car la réticence à tuer ne provient pas de l’ampleur de l’acte mais de sa proximité. La chose devient délicate dès lors que l’on commence à voir la chair que l’on coupe ou, pire encore, qu’on la touche. Dans la fameuse expérience de Stanley Milgram sur l’obéissance, le malaise des cobayes était au plus haut lorsqu’ils recevaient l’ordre de remettre en place les fils électriques directement sur le corps de la (fausse) victime. C’est à ce moment-là que les refus de continuer l’expérience ont été les plus importants. Dans On killing, Dave Grossman décrit le cas d’un fantassin américain qui avait tué plusieurs ennemis au Vietnam et dont le plus grand trouble était lorsqu’il évoquait celui qu’il avait poignardé2.
Contrairement à une légende, les membres des équipages des bombardiers B-29 qui ont largué des bombes atomiques sur le Japon n’ont pas particulièrement souffert de troubles psychologiques. D’une manière générale, le caractère horrible de la plupart des missions de bombardement a laissé infiniment moins de traces dans les témoignages des équipages que les drames qu’ils ont vécus dans leurs propres zones de mort, vingt mille pieds au-dessus des villes qu’ils détruisaient. Gwynne Dyer, qui a étudié leur cas dans War, a décrit des hommes qui savaient intellectuellement ce qu’ils faisaient, mais qui ne pouvaient se le représenter réellement3. C’est aussi le cas des marins ou des artilleurs qui, eux aussi, tirent à distance sans voir concrètement le résultat de leur tir.
Le nombre de soldats que l’on effraie est toujours plus important que celui de ceux que l’on tue. Et on effraie plus en utilisant des armes contre lesquelles on ne peut rien ou qui prennent par surprise, mais aussi par la recherche du contact physique. C’est le secret du maintien des baïonnettes pour les combats rapprochés, comme à Vrbanja, alors que celles-ci ne sont de fait jamais utilisées (le taux de pertes par armes blanches est inférieur à 1 % depuis la fin du xixe siècle). L’arme blanche fait peur tant chez celui qui craint de la subir que chez celui qui craint de s’en servir. Si, à grande distance, les adversaires cherchent à se rencontrer pour obtenir des effets tactiques, à très courte distance, au contraire, les polarités s’inversent. La peur de mourir et la réticence à tuer deviennent exponentielles. C’est la raison pour laquelle le combat rapproché, le plus rare, est toujours culturellement et socialement valorisé, car il représente le summum du courage.
Une fois cette base assurée, le reste de l’agrégation se poursuit. Le soldat ne combat pas nu. Il étend ses capacités en s’associant avec des animaux, le cheval en particulier, et surtout en utilisant toutes sortes d’objets pour sa protection, depuis les premiers vêtements de cuir jusqu’au gilet pare-balles moderne, en passant par les armures de toutes sortes ou les casques. Le char de bataille lui-même était au départ conçu pour protéger une équipe. Ces objets servent aussi à tuer, selon deux axes contradictoires : les armes de combat rapproché, de la masse à la baïonnette, et les armes longues ou de jet, selon un réflexe de mise à distance de la menace. Mais aussi à vivre sur le terrain, à dormir un peu plus confortablement, à se nourrir, à boire… Plus récemment, ce sont des moyens de communication à distance, de vision augmentée (jumelles) ou nocturne... Jusqu’à des hybridations maximales où l’homme et la machine qui l’entoure peuvent se déplacer à Mach 2 et porter des tonnes de munitions, ou encore des monstres associant un équipage de plusieurs milliers d’individus dans un seul engin.
Le soldat augmenté par des équipements est également un être social, le service collectif l’emportant d’évidence sur la somme d’individualités en permettant la spécialisation ou l’action de masse. Ce service collectif contribue par ailleurs à affronter plus facilement la peur en introduisant des liens, des obligations morales et un esprit de corps. Le soldat qui porte l’uniforme d’une unité prestigieuse devient lui-même prestigieux. C’est une autre forme de transformation, voire d’augmentation, sociale cette fois. À l’apprentissage individuel technique s’ajoute aussi un apprentissage collectif puisqu’il faut apprendre à coopérer. L’agrégat individuel devient un agrégat collectif, plein de potentialités nouvelles, mais aussi source de tensions internes, entre valeurs différentes par exemple : la bravoure individuelle contre la discipline, l’héroïsme du combat rapproché contre la lâcheté, l’efficacité du tireur à distance…
Le point ultime du soldat est celui d’un homme ou d’un groupe d’hommes parfaitement adapté à son environnement extrême. Dans La Guerre mondiale racontée par un Allemand, Werner Beumelburg, ancien combattant lui-même, décrit ainsi le soldat allemand de 1918 : « Le soldat, c’est maintenant une somme d’expériences et d’instincts, un spécialiste du champ de bataille ; il connaît tout : son oreille contrôle instinctivement tous les bruits, son nez toutes les odeurs, celle du chlore, des gaz, de la poudre, des cadavres et toutes les nuances qui les séparent. Il sait tirer avec les mitrailleuses lourdes et légères, avec le minen, le lance-grenades, sans parler de la grenade à main et du fusil, qui sont son pain quotidien. Il connaît la guerre des mines, toute la gamme des obus, du 75 au 420, le tir tendu et le tir courbe, et saura bientôt comment il faut se tirer d’affaire avec les chars4. »
Statistiquement, l’homme décrit par Beumelburg a quatre fois plus de chances de survivre qu’un novice pourtant équipé de la même façon. Certains sont même devenus des as, des super-combattants, tel le Français Albert Roche, blessé neuf fois pendant la Grande Guerre et qui, entre autres exploits, est parvenu à capturer seul mille cent quatre-vingts ennemis. Durant le même conflit, parmi les officiers, le capitaine Maurice Genay, chef de corps franc, a été quatorze fois cité pour son courage. Dans un domaine très particulier du combat d’infanterie, les quarante-quatre meilleurs tireurs d’élite soviétiques, dont Zaïtsev, ont officiellement abattu plus de douze mille hommes pendant la grande guerre patriotique. Les combats de chars ont eux aussi leurs as. Avec son équipage de Sherman, baptisé In the Mood, le sergent Lafayette G. Pool de la 3e division blindée américaine a obtenu plus de deux cent cinquante-huit victoires sur des véhicules de combat ennemis dans les combats en Europe de 1944 à 1945. Du côté soviétique, deux cent trente-neuf chefs d’engin et leurs équipages sont crédités de la destruction d’un total de deux mille cinq cents chars allemands. On trouve aussi des « monstres », de la dimension de super-héros de comics américains, comme le pilote allemand Hans-Ulrich Rudel et ses deux mille cinq cent trente missions de guerre aboutissant à la destruction de deux milles cibles au sol (ou même en mer avec un cuirassé coulé), ou le tireur d’élite finlandais Simo Hayha qui aurait abattu au moins cinq cent cinq soldats soviétiques durant les cent jours de la guerre russo-finlandaise de 1939-1940 (on lui attribue aussi officieusement deux cents autres victimes au pistolet-mitrailleur)5.
Ces super-combattants sont des soldats augmentés initialement par leurs capacités naturelles, puis par leur expérience et les victoires elles-mêmes. À long terme, l’accumulation des succès ou des échecs finit même par provoquer de profondes transformations physiques. Le succès répété, par exemple, diminue la pression sanguine, accroît le taux de testostérone, ce qui augmente considérablement la confiance en soi. Les vainqueurs sont de plus en plus forts et donc aussi souvent de plus en plus vainqueurs. Un cercle d’accroissement se met alors en place. Quelqu’un comme Guynemer, qui avait été déclaré inapte au service au début de la guerre, est métamorphosé physiquement par le combat. Il est devenu un « super-soldat », un « as ». Il est connu de tous, reconnu par son milieu social et aimé des femmes. À la séduction de l’émotion extrême du combat s’ajoute la séduction du succès. Nous sommes là au point ultime.
- La chute d’Icare
Cette avancée vers le soleil a un coût. Le premier prix à payer est évidemment la mort. Sur les quarante premiers as de la chasse française évoqués précédemment, dix sont tués au combat et trois grièvement blessés. Les êtres transformés peuvent aussi être piégés dans leur dépendance. Sur la petite trentaine de survivants, dix meurent dans un avion au cours des neuf années qui suivent la fin de la guerre, dans des exhibitions, des essais aériens ou des exploits impossibles6.
À côté de ces grandes figures, il y a de nombreux invisibles qui s’effondrent. Car pour qu’il y ait des vainqueurs, il faut qu’il y ait des vaincus. Les perdants répétés accumulent du cortisol qui agit sur le cerveau au niveau de l’hippocampe (lieu où sont stockés les souvenirs et donc les compétences) et perdent confiance jusqu’à développer un syndrome de Cushing, une détérioration générale du fonctionnement du corps.
La tentation d’être un surhomme, d’être et d’exister plus fortement dans une vie héroïque et dangereuse, est un jeu qui fabrique bien plus de déçus et de brisés que de gagnants. Ces derniers eux-mêmes, s’ils ne peuvent continuer leur vie héroïque, sont destinés comme Achille à terminer leur vie dans un enfer d’ennui, ou comme le Capitaine Conan de Roger Vercel (1934) à reprendre leur petite mercerie et à sombrer dans l’alcoolisme. Il ne s’agit là bien sûr que des survivants indemnes, qui s’ajoutent à ceux qui ont perdu la vie ou portent des blessures physiques et morales. Les as tués au combat ne représentent qu’une toute petite pointe des un million quatre cent mille Français transformés en soldats et tombés dans les combats de la Grande Guerre, et des millions d’autres blessés dans leur chair et dans leur âme.
Mais en amont du combat, toutes les méthodes de création des combattants ne sont pas sans limites et sans risques. Première limite : le stress et l’épuisement sont peu compatibles avec l’acquisition de connaissances, ce qui implique de séparer nettement la mise sous pression et l’apprentissage technique. Deuxième limite, plus importante : le principe général de cette création est celui de la surcompensation – diminuer d’abord l’individu, l’écraser sous la pression, le couper de sa vie précédente pour le forcer à s’adapter et, au bout d’une série de séquences, à devenir « plus » – ; que les dosages soient trop forts et il se trouve plus affaibli que renforcé. L’expérience de transformation préalable peut ainsi devenir quelque chose de plus traumatisant encore que le combat. Ajouté au risque physique de l’entraînement, on peut, par excès, briser les hommes. Le problème est rendu plus complexe encore par le fait que les réactions au stress sont très variables d’une personne à l’autre et qu’il est difficile de découvrir de manière certaine comment cela va se passer au moment de l’engagement réel. Les tentatives scientifiques de détection préalable des profils humains naturellement les plus adaptés au combat ont été peu opératoires ; on reste dans le domaine de probabilités.
Troisième limite : le conditionnement crée une vulnérabilité. Il prépare les individus pour certaines situations, mais si ces dernières évoluent ou ne sont pas celles anticipées, le trouble peut être très fort, aboutissant à un résultat inverse à celui recherché. Lors des premiers engagements en Normandie en 1944, on s’est aperçu que la plupart des fantassins américains, nouvellement formés, tiraient très peu. Une première analyse conclut qu’ils avaient une grande réticence morale à tuer. Une autre détermina plus tard qu’en réalité la plupart d’entre eux se trouvaient en situation de dissonance cognitive, l’entraînement au tir sur de grands espaces ouverts et face à des cibles visibles et immobiles n’ayant que peu de rapport avec ce qui se passait réellement dans le bocage normand. Les conséquences seront qu’après la Seconde Guerre mondiale, on incitera les gi’s à être à la fois plus agressifs (par exemple en les entraînant à frapper à la baïonnette des silhouettes de bois en hurlant « tuer ») et plus désinhibés dans l’emploi des armes (en leur apprenant à tirer sur des « zones » plutôt que sur des cibles précises)7. Le résultat fut une meilleure adaptation au contexte du combat contre les armées allemandes puis nord-coréennes ou chinoises, mais aussi une catastrophe lorsqu’il s’agira d’évoluer au milieu des populations comme au Vietnam ou dans les conflits asymétriques récents en Afghanistan et en Irak. De la même façon, les magnifiques exercices de Fort Irwin, où les brigades américaines apprenaient à combattre de manière très réaliste des unités blindées soviétiques, ont fini par être contre-productifs pour la préparation aux combats en Irak après 2003 : l’introduction d’armes nouvelles, donc imprévues, comme les gaz mortels ou les avions d’attaque en piqué, a suscité l’effroi y compris au sein des troupes apparemment les plus solides.
Fruit d’une alchimie complexe, le soldat est donc une création rendue en réalité très éphémère par les évolutions de son environnement et surtout celles de ses ennemis. Le chevalier lourd français du début du xve siècle était le résultat de l’association de progrès dans l’élevage animal (le cheval était « augmenté » en Perse dès le début de l’ère chrétienne), dans l’art équestre (étriers, sellerie) et dans la métallurgie (épée, lance, cotte de mailles, armure), d’une alimentation protéinée supérieure à la moyenne, d’un long entraînement pour maîtriser cet ensemble et de l’intégration de certaines valeurs et de certaines relations sociales. Cet agrégat, outre qu’il était devenu très coûteux, était déjà largement inadapté à cette époque. Les tournois n’étaient plus des simulations de bataille, mais des spectacles déconnectés de la réalité. Le chevalier était désormais inefficace face à une troupe un peu organisée qui ne fuyait pas devant lui. Qu’il chute de cheval et le voilà capturé, protégé par une convention sociale qui voulait qu’il ne soit pas tué mais verse une rançon. Les massacres des chevaliers à Courtrai (1302) puis à Crécy (1346) firent scandale alors qu’ils auraient dû apparaître comme les révélateurs de leur obsolescence. La réponse aux archers gallois – le renforcement de l’équipement avec l’apparition des armures à plates, mais aussi l’aide d’autres combattants au sein d’une « lance » – ne fut qu’une adaptation technique pour que rien ne change socialement et culturellement. On a alors atteint un point de sophistication extrême, qui ne résistera pas à l’apparition d’autres innovations comme l’infanterie offensive suisse et, surtout, à la généralisation des armes à feu portatives.
Jusqu’à la fin du xviiie siècle, ces changements étaient lents : le soldat pouvait faire la guerre de la même manière et avec les mêmes équipements toute sa vie ; la formation initiale et l’expérience des combats suffisaient souvent pour toute une carrière. Tant qu’il n’était pas épuisé physiquement et psychologiquement, le combattant s’augmentait seul au fur et à mesure de l’expérience des campagnes. Depuis cette époque, et avec une accélération depuis la Première Guerre mondiale, il est soumis au réapprentissage constant. Nouveaux équipements, nouveaux théâtres d’opérations, nouveaux ennemis, le soldat français moderne est un nomade et un élève permanent. Les efforts pour augmenter les capacités individuelles et collectives sont des éternels recommencements.
Les tendances actuelles, au moins dans un certain nombre de laboratoires, évoquent une ligne de fuite dans le « toujours plus ». Pour aider le soldat à être plus fort, plus endurant, plus vigilant, on ne s’interdit plus de prospecter du côté de la chimie voire même de la nanotechnologie. D’importants investissements sont faits pour le combat d’infanterie. Si le fantassin est trop lourdement chargé, on va le doter d’un exosquelette ou le doper ; si cela ne suffit pas, il sera aidé par un robot mulet et il pourra utiliser des robots. Le système felin (fantassin à équipements et liaisons intégrés), dont est désormais équipé le soldat français, associe des moyens de protection à tout ce que l’électronique peut apporter en termes de vision, de communication, de visée, de localisation... Dans un contexte de changement permanent, cette fuite en avant dans une direction unique, si elle peut apporter des innovations utiles, est forcément au bout du compte une illusion.
- Les agrégats instables
La performance de l’hybridation technique dépend de nombreux facteurs souvent contradictoires. Il faut tout d’abord greffer des machines ou des produits sur des hommes stressés. En 1986, le British Operational Analysis Establishment a fait rejouer virtuellement une centaine de batailles des xixe et xxe siècles avec des armes à tir laser. Toutes ces simulations, réalisées par des hommes qui ne risquaient rien, ont été très largement plus meurtrières que les affrontements réels. Sur un champ de tir, le fusil antichar de 13 mm conçu par les Allemands en 1918 était très efficace. Dans la réalité, seulement deux chars légers français ont été détruits par cette arme très délicate et dangereuse à utiliser, surtout à cent mètres face à des engins ennemis. Actuellement, le système felin offre de nouvelles capacités en termes de précision de tir, de liaisons et de vision, mais au prix d’un poids encore supérieur de l’équipement, d’une dépendance aux batteries électriques et d’une complexité accrue et parfois superflue. La tablette qui est censée équiper chaque chef de groupe de combat n’est, par exemple, jamais utilisée par celui-ci car incompatible avec le cadre espace-temps dans lequel il évolue. Il n’a pas besoin, par exemple, de connaître la position de ses hommes sur un écran car ils sont à côté de lui et, en outre, les délais de « rafraîchissement » de l’écran sont trop lents. Au bilan, certains considèrent que le système réduit plutôt les capacités et donc augmente les risques.
Les effets secondaires des psychostimulants et autres produits chimiques sont souvent mal maîtrisés. L’emploi de la méthamphétamine par la Wehrmacht a sans doute été fatal à plus de soldats allemands qu’elle n’a permis de tuer d’ennemis. Les pilules utilisées pour combattre les effets possibles des armes chimiques sont vraisemblablement à l’origine du « syndrome de la guerre du Golfe » qui a frappé de nombreux soldats alliés après 1991. L’emploi d’amphétamines pour maintenir la vigilance est, par exemple, directement à l’origine d’au moins un tir fratricide en Afghanistan, en avril 2002, lorsqu’un pilote américain de F-16 a largué une bombe de deux cent vingt-sept kilos sur des militaires canadiens, tuant quatre combattants et faisant un certain nombre de blessés, ce qui, dans les conditions actuelles d’emploi d’une armée occidentale, constitue un échec majeur.
Il faut aussi tenir compte des facteurs sociologiques. Avec son armement, une section d’infanterie française de 1918 aurait vaincu en quelques minutes une section française de 1914 qui serait apparue en face d’elle sur le front de Champagne, mais elle aurait eu plus de difficultés en terrain large et ouvert, car elle avait perdu l’habitude du tir au fusil à grande distance et de la marche. Cette section de 1918 était aussi une nouvelle structure socio-tactique où des individus spécialisés avaient remplacé des hommes tous équipés du même fusil Lebel, une organisation plus complexe à commander que celle de 1914. En outre, après la guerre, avec la disparition des vétérans et la réduction du service militaire, les sergents, chefs d’orchestre du système, ont eu de plus en plus de mal à conserver le niveau de compétence nécessaire. Toute chose égale par ailleurs, la section française du début des années 1930 était donc finalement plus rigide et moins efficace que celle de 1918.
Beaucoup des promesses technologiques s’avèrent aussi être simplement des leurres. En 1956, dans un article de la revue Army8, le lieutenant-colonel Rigg fait la synthèse des idées de l’époque sur le soldat futur (situé en 1970). Celui-ci sera équipé d’un casque intégral intégrant une radio et des moyens de vision infrarouge. Il sera protégé par une armure en plastique ultralégère et résistante aux balles. Il disposera d’un radar de poche qui l’avertira de toute approche ennemie. Il sera armé d’un mini bazooka et d’un fusil d’assaut, voire d’une arme collective lançant des projectiles auto-télé et préguidés. L’auteur imagine surtout une multitude d’engins de transport aériens depuis les « tonneaux volants » jusqu’aux hélicoptères géants à propulsion nucléaire. En réalité, lorsque survient 1970, on s’aperçoit que le soldat américain qui combat au Vietnam est finalement assez peu différent de celui de 1956 hormis l’adoption, avec beaucoup de réticence de la part de la hiérarchie militaire, du fusil d’assaut M-16 et des premiers gilets de protection.
On ne voit d’ailleurs pas très bien ce que les hélicoptères nucléaires géants auraient apporté de plus aux Américains au Vietnam ! Si les deux adversaires deviennent très différents et que l’un d’entre eux peut éviter la rencontre, il le fera sans aucun doute. Ainsi il n’y a plus de combat aérien depuis le début de ce siècle, et même plusieurs années auparavant, car la supériorité aérienne des pays occidentaux, en particulier des États-Unis, est, pour l’instant, totale. C’est évidemment un avantage, mais qui peut être contré par des procédés de dissimulation terrestre largement répandus. On en vient ainsi à des guerres, comme celles menées par Israël contre le Hezbollah au début du mois de juillet 2006 ou contre le Hamas en 2008 et 2012, où les deux armées ennemies s’évitent (les Israéliens ont peur des pertes militaires s’ils s’engagent au sol dans des zones denses, leurs adversaires refusent de les affronter en rase campagne) et où on se contente de frapper les populations par les airs.
Pour combattre, il faut accepter de se rencontrer, ce qui suppose un minimum de ressemblance. En 1956, au moment des prédictions du lieutenant-colonel Rigg, l’armée française est engagée en Algérie où elle s’aperçoit qu’elle est trop moderne pour combattre l’ennemi qui lui fait face. Après plusieurs échecs, elle procède donc à une large rétro-évolution : les pilotes abandonnent les jets les plus sophistiqués pour prendre le manche d’avions à pistons de la Seconde Guerre mondiale, plus lents et donc permettant de mieux voir ou tirer des cibles terrestres fugitives ; l’infanterie abandonne ses véhicules pour réapprendre à marcher et à traquer l’ennemi sur son terrain ; certaines unités de cavalerie retrouvent le cheval. Les moyens modernes, comme un nouvel armement individuel ou les hélicoptères, ne sont désormais utilisés que lorsqu’ils s’avèrent adaptés au contexte.
L’augmentation de puissance est une chose relative. La recherche du toujours plus loin dans le même sens est fatalement une impasse, comme lorsque les armées des diadoques allongeaient sans cesse les sarisses de leurs phalanges jusqu’à la paralysie. Le coût de l’électronique individuelle et surtout de la protection a fait monter le prix de l’équipement du fantassin américain de moins de mille euros pendant la guerre du Vietnam à quinze mille aujourd’hui. Le système felin français, lui, coûte quarante-deux mille euros pièce. On tend ainsi à rejoindre pour les fantassins les principes de la loi d’Augustine, du nom de l’ancien directeur de Lockheed Martin qui estimait qu’au rythme d’évolution des coûts des avions de combat, le budget américain de la défense de 2054 servirait tout entier à payer un seul appareil.
Le soldat augmenté est mécaniquement un soldat rare. Pour le prix d’un seul d’entre eux, l’ennemi local peut payer plusieurs dizaines de miliciens dont la mort éventuelle aura par ailleurs moins d’effet stratégique que celle du soldat occidental. Une section d’infanterie française a été détruite en 2008 dans la vallée afghane d’Uzbeen par des rebelles sans gilets pare-balles et équipés d’armes des années 1960, mais plus nombreux. Même si sept d’entre eux sont tombés pour un Français, le combat a été considéré par tous comme une défaite française. La supériorité supposée rend en effet plus insupportable l’échec, même relatif. L’emploi de soldats équipés du système felin aurait-il permis d’éviter ce sentiment ? Rien n’est moins sûr. Au lieu d’un « homme toujours plus », d’un chevalier à armures à plates, il serait peut-être plus utile d’avoir deux hommes. Ils tireront plus ou pourront se relayer pour maintenir la vigilance sans usage de drogues. Une section un peu plus nombreuse à Uzbeen et avec un peu plus de munitions aurait sans doute été plus efficace que la même équipée de felin.
En réalité, loin de ces projets futuristes encore très aléatoires, l’élément le plus novateur des dernières années réside plutôt dans l’élargissement de la capacité à produire des soldats. Dans le cycle de science-fiction des Princes d’ambre, Roger Zelazny décrit l’affrontement entre des êtres surhumains dotés de la capacité à se déplacer n’importe où et d’autres qui ont la possibilité inverse, faire venir à eux ce qu’ils veulent. Les opérations en cours ressemblent d’une certaine façon à cet affrontement entre des soldats professionnels, nomades internationaux de plus en plus rares et sophistiqués, et des combattants locaux amateurs qui bénéficient des flux de la mondialisation pour faire venir à eux des objets et des connaissances9. Comme l’explique Chris Anderson dans La Longue Traîne10, on remarque les efforts de plus en plus importants des institutionnels pour rester au sommet de la puissance, mais on néglige les nombreux petits groupes armés dont l’apparition a été permise par les nouvelles technologies (ou leur association avec des anciennes) et l’ouverture des frontières de toutes sortes. C’est ainsi que certains ont pu se multiplier et, associés à une acceptation plus forte du sacrifice, être capables de tenir tête aux armées les plus modernes. Depuis le début des années 2000, les armées occidentales et israélienne ont été incapables de vaincre une seule de ces nouvelles organisations armées dans le grand Moyen-Orient.
Comme l’ont montré les attentats de janvier et novembre 2015, il est aussi possible de former des groupes encore plus petits au sein même des sociétés occidentales. Un amateur peut s’entraîner physiquement aussi durement qu’un soldat, acquérir via Internet les mêmes connaissances techniques que lui et même se préparer psychologiquement très sérieusement. Avec des gilets pare-balles en vente libre et des smartphones, un groupe d’amateurs sera mieux protégé et se coordonnera bien mieux qu’un groupe de soldats des années 1980. L’acquisition de l’armement et des munitions est plus problématique, quoique facilitée par les flux issus de l’ouverture des arsenaux après la guerre froide. Sinon, avec des imprimantes 3D, il est déjà possible de fabriquer des armes rudimentaires chez soi. Le tout peut être financé par un simple crédit à la consommation. Ainsi, en novembre 2013, avec Abdelhakim Dekhar, et surtout en janvier 2014, quelques hommes, apparemment venus de nulle part, ont pu défier des agents de police et il a été nécessaire de faire appel à des unités d’intervention d’élite pour en venir à bout. Plus que les soldats augmentés, rares et chers, c’est l’augmentation du nombre de « soldats amateurs » qu’il faut sans doute anticiper et craindre.
1 Christophe Jacquemart, Neurocombat. T. I Psychologie de la violence de rue et du combat rapproché, Paris, Fusion froide, 2012.
2 Dave Grossman, On killing, New York, Back Bay Books, 1995.
3 Gwynne Dyer, War, Crown Publishing Group Inc., 1985.
4 Werner Beumelburg, La Guerre mondiale racontée par un Allemand, Paris, Payot, 1933.
5 Michel Goya, Sous le feu. La mort comme hypothèse de travail, Paris, Tallandier, 2014.
6 Michel Goya, « Le complexe d’Achille. Les as français pendant la Grande Guerre », Inflexions n° 16, 2011.
7 Michael Doubler, Closing with the Enemy, University Press of Kansas, 1994, et Samuel Lyman Atwood Marshall, Men Against Fire, University of Oklahoma Press, 2000.
8 Robert B. Rigg, « Future Army Soldier », Army, novembre 1956.
9 Le Cycle des princes d’ambre est une série de romans écrite à partir de 1970 par l’écrivain britannique Roger Zelazny.
10 Chris Anderson, La Longue Traîne, Pearson, 2e éd. 2009.
A soldier is an aggregate, a mix of skills, equipment and perspectives inside a number of superimposed structures. He has to master technical skills, and be able to coordinate them with those of others. He must be physically strong to cope with heavy loads and long periods of activity. Above all, he must have a particular moral framework that allows him to overcome two taboos: putting his life in danger, and taking the lives of others.
Creating a soldier is therefore a complex and ever-changing task, as it relates to a specific environment, and above all to enemies. Although some constants exist, there is no such thing as an ideal combatant: just creations that are more or less well-suited to different contexts. It is inevitably an illusion to imagine that an ultimate soldier, invulnerable and invincible, could exist.
- On man transformed into the supreme soldier
Fear, and the management of fear, come first. A man’s reaction to danger is determined by the interaction of a number of nervous systems. When the amygdala in the limbic system detects a danger, it immediately triggers an alert to the reptilian brain and its rapid neural circuits. The body’s resources are then automatically mobilised through a series of bioelectrical signals and chemical secretions. This mobilisation results in a concentration of blood in the vital areas, to the detriment of the extremities, and to a reduced sensation of pain. Most importantly, it causes an increase in heart rate to allow intense physical effort.
Fractions of a second after reaching the reptilian brain, the amygdala’s signal reaches the neocortex. The situation is assessed and a decision reached within a few seconds, which impacts on the mobilisation of the fighting force previously triggered by either containing or magnifying it. However, this mobilisation process becomes counter-productive at excessive intensity. In fact, above an initial threshold, manual dexterity deteriorates and it can become difficult to perform actions that were previously easy. In the following stage, feelings become distorted, then cognitive functions are affected, and it becomes increasingly difficult or impossible to make a coherent decision. At best, the individual concerned will obey orders or imitate his neighbour. In the final stage of stress, the individual’s behaviour is no longer related to survival. Therefore, he may find himself completely and often incontinent when faced with someone who is obviously about to kill him1.
Since the first organised combats in neolithic times, the making of a soldier has been rooted in mastering these phenomena, in particular the rising escalation of fear that can lead to helplessness. In short, as Montaigne puts it, the fear of death either adds wings to the heels or nails them to the ground; in other words, it produces either a temporarily, naturally “enhanced” being or, if the mobilisation is too strong, a “diminished” one.
What sets the combatant, in the widest sense, apart from the novice, is therefore not physical force or technical prowess, but a different way of managing this unavoidable fear. And this management, whether it be acute awareness or the analysis of the situation and the actions to be taken, is heavily dependent on the individuals’ previous experience. Management of fear can be learned, indeed it is central to training a soldier: it is how to be one of the “enhanced” rather than one of the “diminished”. It is no use having the best weapons in the world if you are too paralysed to use them!
Barring any metaphysical context (such as a paradise for warriors) and after centuries of empirical research, all the armies in the world use roughly the same procedures to prepare men for combat, although they are of course unable to reproduce it exactly. It is primarily a case of preparing them for the “first times”, those first combats, where emotion is strongest and performance inferior, which result in the greatest losses and panics.
An initial approach, the legacy of the modern era, is founded on analysing the actions involved in combat, and learning them through repetition. This method, known as drilling, encourages a capacity for obedience and, as in sports disciplines, the constant repetition of individual and collective actions means that when the time comes “reflex replaces thought”.
A second approach is to accustom the soldier’s mind and senses to the atmosphere of combat through simulation, and by stimulating the imagination. This used to be done through veterans’ accounts and exercises against human targets, alive or otherwise. As the technique developed, efforts were made to make things more realistic. Films and photos, visits to abattoirs or working with firefighters were among the methods used to try to lessen the shock of the first visions of horror. A new level was reached in the 1970s with information technology, onboard cameras, and the use of lasers to simulate firing. And we can now expect “virtual realities” to take us even further. The aim of all this repetition, simulation and information is to embed a set of data and situations in the combatant’s memory that will enable him to analyse threats very quickly, and respond automatically. They help to build confidence, a key element in this conditioning.
Yet all these processes have one insurmountable limitation, in that the soldier does not really fear death as he knows that barring any accident it does not come into the equation. Therefore we are now trying to supplement this set of methods with an extra dimension: psychological pressure and artificially created fear. It works on the principle of placing the individual in a stressful situation by playing on all possible fears and phobia such as vertigo or claustrophobia, to force him to overcome them and to achieve adaptation by overcompensation. This approach generally goes hand in hand with intense physical training that aims to train men in the specific physical effort of combat while pushing them to their limits. In a system of voluntary recruitment, this approach also has the advantge of eliminating the less motivated.
What truly distinguishes the military condition, far more than sacrifice, is the ability to kill within a legitimate framework. For many soldiers, this extreme lethal power adds another tragic dimension, on top of the psychological pressure from the fear of dying.
Overcoming this reluctance requires further specific conditioning outside the real context, which combines with and mirrors the conditioning used to overcome the fear of dying. Of course this is no coincidence: survival in combat most often results from the death, or at least the neutralisation, of the enemy combatant. Here too, repetition is the initial approach. The targets for real or simulated fire are human-shaped, so that a soldier makes virtual kills hundreds of times before he is in a position to do so for real. Language and the imagination are also part of the process. Just as a soldier protects himself against bullets and shells, he also uses a variety of psychological shields to protect himself against the trauma of murder, such as collective absolution, deflecting the target (“we’re bombing buildings”, “we’re firing at tanks, not people”), obeying orders or, conversely, shifting responsibility by giving the order (who really kills: the order-giver or the shooter?), sometimes hatred for the enemy, to the point of mentally obliterating his human qualities, sometimes with good reasons and in the belief that his action reduces suffering more than creating it: eliminating snipers saves lives; killing an anti-aircraft gunner saves comrades.
Nevertheless, more than anything else it is distance from the victim that helps a man to kill. For reluctance to kill does not stem from the magnitude of the act, but its proximity. It becomes difficult once the combatant is able to see the flesh he is cutting or, even worse, to touch it. In Stanley Milgram’s famous experiment on obedience, the subjects’ unease reached its peak when they were ordered to place the electrical wires directly onto the (fake) victim’s body. This was when most of the refusals to continue with the experiment occurred. In On killing, Dave Grossman describes the case of an American infantryman who had killed several enemy soldiers in Vietnam, and who became most distressed when he spoke about the one he had stabbed2.
Contrary to legend, the crews of the B-29 bombers that dropped the atomic bombs on Japan were did not suffer greatly from psychological trauma. In general, the crews’ reports were far less marked by the horrific nature of most of the bombing missions than by the dramas they had experienced in their own death zone, 20,000 feet above the cities they were destroying. Gwynne Dyer, who studied their case in War, describes men who understood intellectually what they were doing, but could not visualise it as a reality3. The same applies to marines or artillerymen, who also fire from a distance without actually seeing the results of their fire.
The number of frightened soldiers is always more significant than the number of killed. And most frightening of all is the use of weapons against which the enemy is helpless, or that take him by surprise, and the pursuit of physical contact. This is the reason why bayonets have been retained for close combat, as in Vrbanja, although they are actually never used (losses by bayonet have stood at less than 1% since the late 19th century). Combatants fear using the bayonet as much as falling victim to it. Although from a distance adversaries may seek a confrontation to achieve tactical results, when the distance between them is very short, the polarities are reversed. Fear of death and reluctance to kill become exponential. This is why hand-to-hand combat, the rarest type, is always culturally and socially glamorised, because it represents the pinnacle of courage.
Once this foundation is in place, the rest of the aggregation continues. The soldier does not fight naked. He widens his capabilities by joining forces with animals, particularly the horse, and above all by using a variety of objects to protect himself, from the earliest leather garments to the modern bulletproof vest, by way of all types of armour, and helmets. The battle tank itself was originally designed to protect a group of men. These objects also enable him to kill, in two opposing dimensions: close combat weapons, from the mace to the bayonet, and long or projectile weapons, which derive from the instinct to remain at a distance from the threat. They also enable men to live in the field, sleep a little more comfortably, and eat and drink. More recently, they have provided remote communication, enhanced or night vision, and more, going as far as the ultimate hybrids, where man and the machine around him can travel at Mach 2 and carry tonnes of ammunition, or monsters that carry a crew of several thousands of people in one single vehicle.
The soldier enhanced by equipment is also a social being, as collective service clearly outweighs the sum of its individual components since it allows for specialisation or mass action. This collective service also helps soldiers fight fear, by introducing connections, moral obligations and esprit de corps. When a soldier wears the uniform of a prestigious unit, he too becomes prestigious. This is another form of transformation or enhancement, but a social one. Individual technical training is supplemented by collective training, as soldiers must learn to cooperate. The individual aggregate becomes a collective aggregate, full of new possibilities but at the same time a source of internal tensions, for example, between values: individual bravery set against discipline, heroism in close combat against cowardice, a sniper’s effectiveness at a distance, and so on.
The ultimate level in a soldier is that of a man or a group of men perfectly adapted to their extreme environment. In Das deutsche Buch vom Weltkrieg 1914/1918, an account of the 1914/1918 World War as seen by a German, Werner Beumelberg, himself a former combatant, describes the German soldier of 1918 thus: “The soldier is now a sum of experience and instincts, a specialist of the battlefield; he knows everything: his ear instinctively monitors every sound, his nose every smell, of chlorine, gases, gunpowder, corpses, and all the fine distinctions between them. He can fire both heavy and light machine guns, mortars and grenade launchers, not forgetting the hand grenade and the rifle that are his daily bread. He knows about mine warfare, the whole range of shells, from the 75 to the 420, direct and high-angle fire, and he will soon know how to cope with tanks4.”
Statistically, the man Beumelberg describes is four times more likely to survive than a novice equipped in exactly the same way. Some even became ace fighters, or super soldiers, such as the Frenchman Albert Roche who was wounded nine times during the Great War and who, among other exploits, succeeded in capturing 1,180 enemy soldiers single-handed. One of the officers in charge of irregular forces, a Captain Maurice Genay, was recognised for his courage 14 times during the same conflict. In a very specific field of infantry combat, the 44 best Soviet snipers, including Zaïtsev, officially shot dead more than 12,000 men during the Great Patriotic War. Tank warfare has its own aces too. With his Sherman crew, known as In the Mood, Sergeant Lafayette G. Pool of the American 3rd Armoured Division won more than 258 victories over enemy combat vehicles during the fighting in Europe between 1944 and 1945. On the Soviet side, 239 vehicle commanders and their crews are credited with destroying a total of 2,500 German tanks. There are “monsters” too, as huge as the superheros in American comics, like the pilot Hans-Ulrich Rudel with his 2,530 combat missions that resulted in the destruction of 2,000 ground targets (and one at sea, with the sinking of a battleship), or the Finnish sniper Simo Hayha who is credited with killing at least 505 Soviet soldiers during the 100-day Russo-Finnish war in 1939—1940 (200 further submachine gun victims are also unofficially attributed to him)5.
These super soldiers were first enhanced by their natural abilities, then by their experience and by the victories themselves. In the long term, the accumulation of successes or failures can eventually cause profound physical transformations. Repeated success, for example, reduces blood pressure and increases testosterone levels, which significantly boosts self-confidence. The victors grow ever stronger, therefore often winning ever more victories. A cycle of intensification then becomes established. A man such as Guynemer, who had been declared unfit for service at the start of the war, is physically transformed by combat. He becomes a “super soldier”, an “ace”: known far and wide, fêted in his social circle, and loved by women. The attraction of the extreme emotion of combat is enhanced by the attraction of success. We have now reached the ultimate point.
- The fall of Icarus
But coming this close to the sun has a cost, and the first price to pay is of course death. Of the first 40 French ace fighter pilots mentioned previously, ten were killed in combat and three seriously wounded. Enhanced beings can also be trapped in their addiction: of the thirty or so survivors, ten were to die in planes in the nine years following the war, in exhibitions, aerial trials or impossible feats6.
Beside these great figures, there are many who collapse unseen. Because if there are to be victors, someone must be defeated. Those who repeatedly lose accumulate excess cortisol, which acts on the hippocampus in the brain (where memories and therefore skills are stored), and lose confidence to the extent that they develop Cushing’s syndrome, a general deterioration in the body’s functions.
The temptation to be a superman, to be and to exist more intensely in a heroic, dangerous life, is a game that creates more disappointed and broken men than winners. And the winners themselves, if they cannot continue their heroic life, are destined like Achilles to end their life in a hell of boredom, or like Roger Vercel’s Capitaine Conan (1934) to return to their little haberdashery shop and sink into alcoholism. Of course, this only relates to uninjured survivors, on top of those who have lost their lives or who bear physical and moral wounds. The aces killed in combat only represent the tiniest minority of the 1.4 million Frenchmen who were transformed into soldiers and then fell in battle in the Great War, and the millions of others wounded in their flesh and their souls.
But none of the methods used prior to combat to create fighters come without limitations or risks. The first limitation: stress and exhaustion are incompatible with the acquisition of knowledge, which suggests that subjecting men to pressure must be clearly separated from technical training. The second, more significant limitation: the general principle behind this transformation is overcompensation—first diminishing the individual, crushing him under pressure, cutting him off from his former life to force him to adapt and, after a series of processes, to become “greater”; but if the mix is too strong, he will be more weakened than strengthened. The experience of transformation before combat can therefore be even more traumatic than combat itself. When this is added to the physical risk of training, any excess can break men. The issue is made even more complex by the fact that reactions to stress vary greatly from one person to the next, and it is difficult to ascertain with confidence what will happen in a genuine engagement situation. Scientific attempts to identify in advance the human profiles naturally best suited to combat have not proved workable; we are stuck in the realm of probabilities.
The third limitation: conditioning creates vulnerability. It prepares individuals for certain situations, but if these change or are not as anticipated, intense trauma can ensue, producing the opposite of the desired result. In the first engagements in Normandy in 1944, it was found that most of the recently trained American infantrymen hardly fired at all. Initial analysis concluded that they had a great moral reluctance to kill. Later analysis established that in reality most of them were in a state of cognitive dissonance, as training to fire in wide open spaces, facing visible and immobile targets, bore little relation to what was really happening in the wooded Normandy countryside. In consequence, after the second World War GIs were encouraged to be both more aggressive (for example, by training them to bayonet wooden figures while yelling “kill”) and more uninhibited in their use of weapons (by teaching them to fire at “zones” rather than specific targets)7. This resulted in better adaptation to the context of combat against the German armies, and then the North Korean and Chinese, but also in disaster when it came to living among the populations as in Vietnam or in the recent asymmetric conflicts in Afghanistan and Iraq. Similarly, the magnificent Fort Irwin exercises, where American brigades learned to fight Soviet armoured units in a very realistic way, proved to be counter-productive as preparation for the conflicts in Iraq after 2003: the introduction of new and therefore unexpected weapons such as lethal gas or dive bombers evoked terror even within the seemingly most robust troops.
Because he is the product of a complex alchemy, in reality the soldier is a creation rendered very impermanent by changes in his environment, and particularly that of his enemies. The French heavy cavalryman of the early 15th century resulted from the combination of progress in animal husbandry (the horse was “enhanced” in Persia from the start of the Christian era), and in equestrianism (stirrups, saddlery) and metalworking (swords, laces, chain mail, armour), together with a superior, protein-based diet, long training to master all of this, and the integration of certain values and certain social relationships. This aggregate had not only become very expensive, but was broadly speaking already poorly suited to its time. Tournaments were no longer battle simulations, but spectacles that bore no relation to reality. The knight was now ineffective when faced with a poorly organised troop that did not run away from him. He had only to fall from his horse and he would be captured, protected by a social convention that dictated that he would not be killed, but would have to pay a ransom. The massacre of the knights at Courtrai (1302), and then Crécy (1346), caused outrage, whereas is should have been recognised as a sign of their obsolescence. The response to the Welsh archers—reinforcing equipment with the advent of plate armour, and enlisting the support of other combatants within a six-man “lance”—was only a technical adjustment to ensure that nothing changed socially and culturally. A point of extreme sophistication had now been reached, that was unable to withstand the introduction of other innovations such as the Swiss attack infantry and, above all, the spread of portable firearms.
These changes happened slowly up until the late 18th century: the soldier could go to war in the same way and with the same equipment all his life; initial training and combat experience were often sufficient for a whole career. As long as he was not physically and psychologically exhausted, the combatant became enhanced as he gained campaign experience. Since this time, and more rapidly since the First World War, he has been constantly required to learn new skills. New equipment, new theatres of operations, new enemies: the modern French soldier is a nomad and a permanent student. Attempts to enhance individual and collective capabilities are a never-ending cycle.
Current trends, at least in a certain number of laboratories, are like a vanishing line disappearing into the “ever greater”. To enable the soldier to be stronger, tougher, more vigilant, we no longer stop at exploring options in chemistry or even nanotechnology. Significant investments are being made in infantry combat. If the infantryman is too heavily loaded, he will be provided with an exoskeleton or drugs; if that is not enough, he will be supported by a backup robot and he will be able to use robots. The felin system (fantassin à équipements et liaisons intégrés) that French soldiers are now equipped with combines protective measures with everything electronics have to offer in terms of vision, communication, aim, location, and more. Against the background of constant change, this headlong rush in a single direction may bring helpful innovations, but it must ultimately be an illusion.
- Unstable aggregates
The performance of technical hybridisation depends on a number of often contradictory factors. Machines or products must first of all grafted onto stressed men. In 1986, the British Operational Analysis Establishment had around a hundred 19th and 20th century battles replayed with laser firearms. All of these simulations, carried out by men who were risking nothing, resulted in many more deaths than the real confrontations. On a firing range, the 13 mm anti-tank rifle designed by the Germans in 1918 was very effective. In reality, only two light French tanks were destroyed by this weapon that was very difficult and dangerous to use, particularly only a hundred metres away from enemy vehicles. The felin system currently offers new capabilities in terms of precision in firing, contact and vision, but at the expense of even heavier equipment, reliance on electric batteries, and increased, sometimes unnecessary complexity. For example, each group commander is supposed to be equipped with a tablet, which he never uses because it is incompatible with the space-time context he is working in. He does not need to see the position of his men on a screen, for example, because they are by his side, and in any case it takes too long to refresh the screen. On balance, some believe that the system actually reduces capabilities, therefore increasing risks.
The secondary effects of psychostimulants and other chemical products are often poorly managed. The use of methamphetamine by the Wehrmacht undoubtedly proved fatal to more German soldiers than it killed enemy fighters. The pills used to counter the possible effects of chemical weapons are most probably responsible for the “Gulf War syndrome” that struck many allied soldiers after 1991. And the use of amphetamines to maintain vigilance is directly responsible for at least one friendly fire incident in Afghanistan, in April 2002, when an American F-16 pilot dropped a 227 kg bomb on Canadian soldiers, killing four and wounding combatants. Under the current terms of service of a Western army, this constitutes a major failure.
Sociological factors must also be taken into account. With its weaponry, a French infantry section in 1918 would have defeated within a few minutes any French section from 1914 that appeared before it on the front in Champagne, but it would have had more difficulty on wide, open terrain, because it had become unused to firing rifles from a great distance, and to marching. This 1918 section was also a new socio-tactical structure in which specialised individuals had replaced men who were all equipped with the same Lebel rifle, and was a more complex organisation to command than that of 1914. Furthermore, after the war, as veterans died and military service was reduced, the sergeants, who directed the whole system, found it increasingly hard to maintain the necessary level of skill. All other things being equal, the French section of the early 1930s was ultimately more inflexible and less effective than that of 1918.
Many promising technologies also proved to be red herrings. In 1956, in an article in the Army Review, Lieutenant Colonel Rigg summarises the prevailing ideas on the soldier of the future (located in 1970). He would be equipped with an integral helmet incorporating a radio and infrared vision capabilities. He would be protected by ultra lightweight, bullet-proof plastic armour. He would have a pocket radar to alert him to any approaching enemy. He would be armed with a mini bazooka and an assault rifle or even with a collective weapon launching automatically guided and pre-guided missiles. Above all, the author envisaged a host of aerial transport equipment, from so-called “flying barrels” to giant nuclear-propelled helicopters8. In reality, by the time 1970 came around, it was clear that the American soldier fighting in Vietnam was actually little different from his 1956 counterpart, apart from his use, with great reluctance on the part of the military hierarchy, of the M-16 assault rifle and the first protective vests.
And it is hard to see how giant nuclear helicopters could have helped the Americans in Vietnam! If the two adversaries become very distinct and one of them can avoid a confrontation, it will undoubtedly do so. Therefore there has been no air combat since the start of this century, and for several years before that, due to the West’s, and in particular the United States’, current total aerial superiority. This is clearly an advantage, but it can be countered by widespread concealment measures on the ground. And so we come to the wars, like those carried out by Israel against Hezbollah in early July 2006 or against Hamas in 2008 and 2012, in which the two enemy armies avoid each other (the Israelis fear military losses if they engage on the ground in dense areas, and their adversaries refuse to confront them in open country) and they make do with air strikes on the populations.
In order to fight, you must be prepared to meet, which pre-supposes a minimum of resemblance. In 1956, when Lieutenant Colonel Rigg made his predictions, the French army was engaged in Algeria, where it found that it was too modern to fight the enemy it was facing. After several failures, it therefore decided on large-scale retro-evolution: the pilots abandoned the most sophisticated jets in favour of Second World War piston engine aircraft, which were slower, therefore their crews were better able to see and fire on fugitive ground targets; the infantry abandoned its vehicles and learned again how to march, and to track the enemy on its own terrain; some cavalry units rediscovered the horse. Modern methods, such as new individual weaponry or helicopters, were only used when they proved to be appropriate to the context.
Increased power is relative. The desire to go ever further in the same direction leads inevitably to a dead end, as when the diadochi continually lengthened their phalanxes’ sarissas until they were unable to move. The cost of individual electronics, and especially of protection, has increased the cost of equipping an American infantryman from under €1,000 during the Vietnam War to €15,000 today. The French felin systems cost €42,000 each. We would therefore be inclined to apply to the infantry the principles of “Augustine’s laws”, named after the former director of Lockheed Martin, who estimated that at the current rate of increase in the cost of combat aircraft, by 2054 the entire American defence budget would purchase just one aircraft.
In mechanical terms, the enhanced soldier is rare. For the cost of just one, the local enemy can pay tens of militiamen, whose deaths will have less strategic impact than the death of one western soldier. In 2008, a French infantry section was wiped out in the Uzbin Valley in Afghanistan by rebels who had no bulletproof vests, and were armed with 1960s weapons, but were superior in number. Although seven rebels were killed for every Frenchman who died, the combat was universally viewed as a French defeat. Presumed superiority actually makes the failure more unbearable, even if it is relative. Would the use of soldiers equipped with the felin system have helped to avoid this view? Nothing could be less certain. Rather than one “ever-greater man”, like a knight in plate armour, it might be better to have two men. They will fire more, or work in shifts to maintain vigilance without the use of drugs. A slightly larger section at Uzbin, with a little more ammunition, would undoubtedly have been more effective than the same section equipped with felin.
In reality, far from these still very uncertain futuristic plans, the most innovative element of the past few years lies in increasing the capacity to produce soldiers. In the science-fiction series The Chronicles of Amber, Roger Zelazny depicts the confrontation between superhuman beings with the ability to move anywhere at all, and others with the opposite ability, to make whatever they want come to them. Current operations in some ways resemble this confrontation, between professional soldiers, increasingly rare and sophisticated international nomads, and amateur local fighters who use globalisation to make objects and knowledge come to them9. As Chris Anderson explains in The Long Tail10, we are seeing institutions making ever greater efforts to remain at the peak of their power, but we underestimate the many small armed groups that new technologies (or the combination of these with older technologies) have enabled to emerge, and the opening of all kinds of borders. This is how some groups have been able to multiply and, combined with a greater acceptance of sacrifice, able to stand up to the most modern armies. Since the early 2000s, western and Israeli armed forces have been unable to defeat a single one of these new armed organisations in the Middle East.
As the January 2015 attacks showed, even smaller groups can also be formed right in the heart of western societies. An amateur can put himself through physical training as tough as any soldier, assimilate the same technical knowledge on the Internet, and even prepare himself very carefully psychologically. Due to the ready availability of bullet-proof vests, and to smartphones, a group of amateurs will be better protected and better coordinated than a group of 1980s soldiers. Obtaining weapons and ammunition is more difficult, but has been helped by the flood that resulted when military stockpiles were opened up after the Cold War. And 3D printers now make it possible to manufacture rudimentary weapons at home. This can all be easily financed by consumer credit. In this way, with Abdelhakim Dekhar in November 2013 and especially in January 2014, a few men who seemingly came out of nowhere were able to defy the police, and elite intervention units had to be brought in to overcome them. More than the rare, expensive, enhanced soldiers, it is the rise in the numbers of “amateur soldiers” that we must expect and fear.
1 Christophe Jacquemart, Neurocombat. T. I Psychologie de la violence de rue et du combat rapproché (“Neurocombat. The psychology of street violence and close combat’), Paris, Fusion froide, 2012.
2 Dave Grossman, On killing, New York, Back Bay Books, 1995.
3 Gwynne Dyer, War, Crown Publishing Group Inc, 1985.
4 Translated from Werner Beumelberg, Das deutsche Buch vom Weltkrieg 1914/1918 (“The 1914—1918 World War told by a German”).
5 Michel Goya, Sous le feu. La mort comme hypothèse de travail (“Under fire. Death as a working hypothesis’), Paris, Tallandier, 2014.
6 Michel Goya, “Le complexe d’Achille. Les as français pendant la Grande guerre” (“The Achilles complex. French aces in the Great War’), Inflexions no. 16, 2011.
7 Michael Doubler, Closing with the Enemy, University Press of Kansas, 1994 and Samuel Lyman Atwood Marshall, Men Against Fire, University of Oklahoma Press, 2000.
8 Robert B. Rigg, “Future Army Soldier”, Army, Nov. 1956.
9 The Chronicles of Amber is a series of novels written from 1970 onwards by British author Roger Zelazny.
10 Chris Anderson, The Long Tail, Hyperion 2006.