Peut-on vraiment aborder à nouveaux frais la notion de patrimoine ? Depuis l’enthousiasme des années 19801, nombreuses sinon exponentielles sont en effet les recherches académiques à s’être employées à son étude pour mieux la circonscrire. La plupart d’entre elles se sont attachées à suivre l’évolution de son sens depuis sa première apparition officielle lors de la décennie révolutionnaire et son expression administrative stabilisée sous la monarchie de Juillet, mais aussi à retracer les étapes récentes de l’extension, qui semble sans limites, de ses emplois et objets d’application2. Le « tout-patrimoine » s’illustre aussi, pour répondre à la demande sociale, par sa prise en charge institutionnelle croissante, qui s’est traduite par de grandes politiques culturelles3, de nouveaux dispositifs législatifs et réglementaires, des instances ministérielles et de formation dédiées (Inventaire et Monument, Conseil et Mission, création d’une École nationale et d’un corps par voie de concours, Fondation…) ainsi que par des manifestations (année puis journée, entretiens, et récemment « loto » et jeux de grattage), des réalisations architecturales (mémoriaux) et de grands événements à visée commémorative.
Nécessaire face à la « spirale inflationniste » constatée en la matière4, le travail de clarification s’est doublé d’une analyse de la signification à donner à cette nouvelle orientation des intérêts et des pratiques. Dans ce cadre, différentes ruptures paradigmatiques importantes, repérables dès la fin des années 1960, n’ont pas manqué d’être soulignées : « de la cathédrale à la petite cuillère », selon la formule célèbre d’André Chastel, c’est, bien sûr, l’objet du quotidien qu’on a privilégié au monument, le passé et la mémoire à l’histoire, le récit et l’expérience à la chronologie et à la méthode érudite, le temps vécu et subjectif à la quête de l’origine première et au savoir antiquaire, le vivant à l’inerte, mais aussi les initiatives locales aux plans nationaux, le monde associatif et la société civile à la fonction régalienne, l’autochtone à l’expert et, finalement, l’ethnologue à l’historien.
Contre la peur d’une perte irréversible, de l’oubli et du vandalisme, l’engouement toujours affectif et l’attachement qui a pu parfois aller jusqu’à l’injonctif sans réelle critique possible de la légitimité ou non de conserver ou de restaurer ont alors guidé et animé ce processus à la fois de décentrement et d’élargissement de l’attribution de la valeur culturelle selon des voies plus directes et plus ouvertes que les circuits hiérarchiques officiels de la « démocratie de la délégation » qui prévalaient jusqu’alors. « L’émoi patrimonial »5 a ainsi ordonné ce nouveau régime d’historicité fondé sur un « présentisme »6, sur un ressenti présent du passé, qui a inversé le sens temporel habituel de recherche des filiations et de la continuité7 : seul le véhicule empathique et égalitaire des émotions créées et des sentiments éprouvés est censé être à même de produire a posteriori ces « épiphanies du passé »8 qui s’y dévoilent selon de « nouvelles présences sensibles »9, issues non plus de l’objectivation et de la distanciation savante, mais de l’identification et de l’appropriation subjective par tous, selon des critères de classement et des ordres de grandeur que l’on peut retrouver10. Le patrimoine s’assimile alors à un parcours expérientiel orienté vers la prise de conscience au moyen d’une vaste palette de sentiments et d’ambiances possibles, du recueillement solitaire à la festivité partagée, et indexant l’information historique à une mise en scène technique voire spectaculaire d’extraits choisis, ainsi qu’en témoignent les « sons et lumières ».
Enfin, le projet patrimonial se distingue par la nature et la visée des mobiles particuliers qui le créent et l’animent, à savoir les « passions identitaires »11. D’une manière générale, en impulsant leur mise en avant et leur médiatisation, le devoir de mémoire a fait office de réponse aux revendications identitaires des différents groupes qui craignaient de disparaître avec l’entrée dans une société urbaine, tertiarisée et mondialisée, donc moins rurale, moins industrielle et agricole, moins locale. En effet, cette nouvelle forme de culte du passé, qui se donne dans la démultiplication de ses lieux et de ses objets, témoigne d’un droit à l’histoire que l’on revendique au titre d’une identité qui n’est plus officiellement donnée et actée comme telle. Construite, elle est conçue sur le mode des investissements librement consentis et des affiliations volontairement partagées, et est ressentie selon les proximités affectives et les sentiments personnels à l’égard de ce qui est considéré comme legs.
À ce titre, elle ouvre sur une histoire de soi et sa réappropriation par (re)découverte voire invention d’un héritage, et convie au local et aux particularismes oubliés qu’on y trouve à recycler pour créer et représenter sa différence. Vernaculaire, ce « petit patrimoine » en appelle donc à l’identité, qu’il sollicite par deux fois, à sa source et en son terme : en amont l’assurance d’une authenticité le justifie, en aval, la volonté de le faire reconnaître à ce titre le motive. Autrement dit, les éléments identitaires tirent ici leur sens moins de leur valeur, qualité ou force signifiante intrinsèque qu’en tant qu’indicateurs d’une singularité collective fragilisée qui suppose d’être entretenue et exhibée. C’est seulement une fois identifiés et reconnus pour leur contenu à forte teneur patrimoniale qu’ils deviennent des pièces garanties d’une authenticité et d’une particularité que le groupe pourra alors légitimement revendiquées à l’extérieur comme siennes. « Toute la “machinerie patrimoniale” qui s’est mise en place ne suit qu’une seule voie : celle de la reconnaissance institutionnelle que le patrimoine confère à toute forme de revendication identitaire12. »
- Le patrimoine militaire : à la fois spécifique et ordinaire
Bien que très sommaire, cet état des lieux général suffit sans doute à mieux définir le patrimoine et ses problématiques propres. Quelles en sont les déclinaisons militaires ? Cinq risques au moins permettent, nous semble-t-il, d’en cerner les contours, en soulevant des interrogations qui invitent à terme à une définition plus précise, peut-être aussi plus restrictive que d’ordinaire, du patrimoine militaire.
- Un risque sémantique
En vertu de son ancienneté sociale et des nombreux legs hérités du passé, le groupe militaire ne saurait bien sûr échapper à la patrimonialisation de certains aspects de son identité, qui la singularisent ou l’authentifient aujourd’hui comme telle dans l’espace public. « Valeur historique » et « valeur d’ancienneté »13 peuvent donc ici jouer à plein leur partition, tant est longue la liste de légitimes prétendants à l’élection : y candidatent naturellement batailles, faits d’armes et guerres, casernes et enceintes fortifiées, objets et insignes, traditions et symboles, rites et protocoles... Pour autant, la militarité évidente de cette richesse empirique matérielle et immatérielle ne saurait jouer comme une condition d’entrée à elle seule suffisante.
Qu’est-ce qui justifie la convocation de tous ces éléments à l’entreprise militaro-patrimoniale par rapport aux habituels matériaux d’investigation de la démarche historique que sont les traces, documents et témoignages ? Le risque sémantique tient ici au flou des définitions, voire à l’emploi souvent quasi synonymique des termes histoire et patrimoine. La résolution de ce problème de territoire, observable certes ailleurs, passera par le partage nécessaire des formes de militarité retenues et/ou traitées par chacun selon des modalités de contenu et des objectifs (cognitifs et sociaux) à définir.
- Un risque statocentrique
L’enjeu est d’autant plus crucial que s’ajoute le risque statocentrique : en raison de l’histoire croisée des armées avec la naissance de l’État et de la nation, de la source toute politique d’où elles tirent leur légitimité d’existence et d’action, de leur participation à la fabrique de la citoyenneté avec l’instauration de la conscription, de leur rôle et leur place dans cet état social particulier mais régulier qu’est la guerre, le patrimoine militaire est fortement sujet à répondre d’une conception dite « patrimoniale-nationale ». Dédiée au récit mémoriel des héritages officiels de la souveraineté, cette conception a de fait longtemps prévalu avec la création du Monument historique.
Rappelons que la question patrimoniale est historiquement liée à l’affirmation identitaire. Si le rapport que l’armée entretient avec la nation et avec l’État constitue une force de patrimonialisation, ce rapport la soumet aussi aux aléas de la géométrie sociale très variable que prend le sentiment d’appartenance à la nation dans la construction des identités collectives, de leur dissolution dans la mondialisation à leur durcissement sous des formes nationalistes.
De même, l’appui de poids que l’armée, comme institution, trouve incontestablement en bénéficiant d’un avantage par rapport à d’autres groupes sociaux pour certifier comme marqueurs patrimoniaux les divers éléments qu’elle entend faire valoir, pose d’autres questions.
En outre, cette situation est-elle, d’une part, de nature à produire un droit à transmettre en toute indépendance, à construire une mémoire qui lui est vraiment propre, et, d’autre part, à même de porter l’objectif de tout projet patrimonial, à savoir exprimer, par une démarche choisie et volontaire, des identités dans lesquelles se reconnaître et être reconnu tant individuellement que collectivement ? Comment le patrimoine militaire articule-t-il les produits de niveau étatico-institutionnel et national avec les histoires vécues des individus et des différents groupes qui forment les armées ?
Reste que quelles que soient les réponses apportées, l’intérêt réside dans cette entrée qu’offre l’objet « patrimoine militaire » en dévoilant l’armée à l’interface de la modernité nationale et de la modernité individuelle, et en illustrant les tensions entre institution et identité.
- Un risque muséographique
Le risque muséographique renvoie, pour sa part, à la tendance presque réflexe de vouloir conserver ou restaurer cette richesse patrimoniale des armées en créant des musées dédiés. L’armée de terre en compte aujourd’hui seize. Mais réduire ainsi l’entreprise patrimoniale, comme les écomusées le firent à leurs heures avec le bilan décevant que l’on sait, ne revient-il pas souvent à une opération d’embaumement de pratiques et d’objets, à l’opposé de son intention initiale, qui est de les montrer vivants, sources d’enseignements pour le futur et supports d’appropriations identitaires actuellement ou potentiellement actifs ? La crainte d’une disparition prochaine de tel ou tel objet saurait-elle justifier à elle seule sa patrimonialisation ? Comment éviter par ailleurs que la muséification ne contribue à reléguer l’armée à un temps reculé et à donner de sa culture une image surannée ?
- Un risque lié à l’exposition et à la visibilité
D’ailleurs, le patrimoine militaire est aussi en proie au risque lié à l’exposition et à la visibilité. À maintes occasions, les armées sont fortement présentes et reconnaissables dans l’espace public, précisément en raison des divers éléments élus ou éligibles à la patrimonialisation qu’elles arborent. Mais une telle présence garantit-elle la bonne lecture des signes qu’elle véhicule ? Est-elle suffisante pour produire les effets sociaux escomptés ? Et n’est-ce pas aussi sans effets pervers ou contreproductifs possibles ? La visibilité ne garantit pas une réception et une compréhension par le plus grand nombre d’un contenu patrimonial à hauteur de sa valeur singulière et de ses significations fondamentales. En tant que medium sans message décodable par un récepteur averti, le patrimoine se dégrade alors en folklore exotique, représentation publique et spectacle ordinaire. Pratiques, manifestations et autres dispositifs y sont potentiellement réduits à leurs expressions immédiates les plus pauvres, voire à des versions caricaturales qui les déportent de leur destination initiale.
- Un risque de déficit de sens
Enfin, la muséification et la visibilité représentent d’autant plus des menaces que pèse, comme le dit avec justesse Henri-Pierre Jeudi14, le risque de « déficit de sens induit ». Pourquoi patrimonialiser ? De même qu’une sociologie de la culture militaire ne peut se contenter d’une analyse descriptive de ses diverses manifestations empiriques, collectionner, monographier, décrire…, les signes de la militarité ne constituent que des étapes du travail patrimonial orienté vers des objectifs « démonstratifs » et des effets d’intelligibilité plus ambitieux, à l’exemple de ceux que poursuit, mais sans doute encore trop timidement, François Dallemagne pour les casernes15. En leur absence, est-ce à dire que le sens et les finalités de la militarité se dissolvent dans les formes extérieures et visibles qu’elle prend ? Comme François Dallemagne le dit ailleurs avec Jean Mouly16, ce type de patrimoine est certes « occulté » car souvent invisible, interdit d’accès et donc méconnu du public, mais aussi, et surtout, faute de faire de ses éléments et objets de véritables « sémiophores »17, c’est-à-dire des porteurs de significations capables d’être expliquées par rapport à la présence des armées dans la société et à leur rôle en son sein...
Face à tous ces risques et interrogations, qu’en conclure ? Dès lors que l’on accorde au patrimoine une fonction de continuité et de transmission nécessaire à la fabrique et à l’entretien du lien social, a fortiori dans un contexte plutôt disruptif d’absence de repères et de valorisation des discontinuités, le patrimoine militaire est à entendre, certes comme un ensemble matériel, mais aussi comme « savoir, valeur et régime de sens »18. Il invite à un retour sur ce qui constitue les fondamentaux de l’armée et de sa culture propre, mais en lien étroit avec la société qui l’accueille. Autrement dit, il renvoie au noyau dur de la culture militaire, celle qui l’identifie en tant que telle et fait du groupe qui l’incarne un collectif à la fois particulier et appartenant à la société. Il conduit ainsi à retenir dans son périmètre des éléments moins au titre de leur ancienneté que de leur représentativité de la spécificité de l’armée et des missions qui lui sont assignées. C’est donc seulement dans la guerre, qui oblige à un statut particulier et à la mise en œuvre de valeurs animant les comportements en vue de sa préparation et de sa conduite, bref dans une « culture armée », que se trouvent les conditions d’inscription au patrimoine militaire au titre des contributions respectives apportées à la compréhension du sens de l’action militaire. La reconnaissance sociale à laquelle l’armée aspire à travers l’entreprise patrimoniale suppose que cette dernière retienne des éléments vraiment susceptibles de faire connaître la spécificité des missions que la société lui confie et des dispositions particulières indispensables pour les mener à bien.
Vecteur pédagogique de la finalité militaire, le patrimoine engage donc fortement la question du lien armée/nation, certes souvent évoquée (par exemple sur la page patrimoine du site de l’armée de terre), mais rarement selon les termes explicites et développés d’une culture armée – que l’on trouve en filigrane dans la Directive sur les traditions et le cérémonial de l’état-major de l’armée de terre de 2001. Par ailleurs, le patrimoine militaire intéresse également ce lien et ses transformations sous l’angle d’un dernier risque qu’il fait peser sur la production des identités.
Conséquence directe du « réveil » que les armées ont connu sous des formes variables et en différents lieux depuis les années 197019, ce risque « identitaire » se laisse illustrer par les deux formulations opposées qu’en proposent les célèbres théories dites respectivement de la convergence et de la divergence20. Dans quelle mesure le patrimoine participe-t-il, selon la façon dont il est conçu, soit à la banalisation des identités militaires et à leur disparition dans le milieu social ambiant, soit à leur singularisation jusqu’à totalement les séparer de ce dernier ? C’est au moyen de deux objets patrimoniaux bien connus, mais néanmoins exemplaires de cette problématique, que nous tenterons de saisir les enjeux que soulève ce dernier risque et que pose plus généralement tout processus de patrimonialisation militaire.
- Contre le patrimoine farce et attrape : la culture armée
Dans nos sociétés (hyper) modernes et souvent dites du spectacle, n’existe désormais que celui qui se montre et qui est vu, a fortiori avec les nouvelles technologies de communication dont il dispose21. L’identité pour soi ne semble valoir qu’une fois exposée aux autres qui, en la reconnaissant, la valident en tant que singulière. Or le patrimoine tel qu’il est conçu de manière dominante aujourd’hui obéit à cette même logique. Être vu et identifié peut alors signifier transparence, non seulement par intrusion dans l’intime, mais aussi par absence de sens donné et/ou bien compris de ces éléments identitaires, au-delà de leur qualité patrimoniale stricte. Popularité ne signifie pas (re)connaissance, particulièrement pour les armées22. Les défilés militaires, et surtout le plus célèbre d’entre eux le 14 juillet de chaque année, illustrent bien ce paradoxe en étant des sémiophores fortement exposés au risque de leur propre négation alors même que la richesse symbolique dont ils sont porteurs les range comme des manifestations vivantes et évidentes d’un patrimoine dont l’institution est dépositaire au titre de la nation française qu’elle représente. En effet, leur vocation à se dérouler en public les destine naturellement, et dangereusement, à une spectacularisation en raison même de leurs caractéristiques identitaires très distinctives.
- De la force militaire de la société…
S’inscrivant en ouverture du dispositif festif d’une journée particulière – nationale, républicaine – qui se clôturera par un bal et un feu d’artifice, le défilé du 14 juillet est, d’après les propos entendus ou rapportés par médias interposés, avant tout apprécié et regardé comme un spectacle de qualité, voire un divertissement de masse. Haut en couleur, à l’instar des fastes passés de la Grande Armée, il offre en représentation un corps d’État dont on admirera les tenues et les accessoires par leur nombre et leur richesse, mais aussi le répertoire musical et ses chants colorés, ainsi que les différents modes de locomotion, l’originalité et la synchronisation parfaite de leur déplacement en ordre serré et au pas cadencé. L’étendue des ressources patrimoniales qu’offre la longue histoire des armées assure d’un renouvellement régulier de la curiosité et des intérêts, tandis que le caractère événementiel est renforcé chaque année par la présence d’une armée invitée et/ou la mise à l’honneur d’une arme/d’un corps qui font de l’ensemble un moment unique. Avec la forte présence de la technique, les héritages culturels du passé se conjuguent aux temps présent et futur des innovations. L’exhibition des matériels de haute technologie, des véhicules, des moyens et des équipements dernier cri souligne les savoir-faire industriels et les compétences pointues en même temps qu’elles certifie de l’excellence, de la virtuosité et de la performance de ceux qui les manipulent… dont on ne manquera pas de relever les moments de bravoure, mais aussi, certaines années, les erreurs de prestation malgré les répétitions !
Pourtant, constituée ici d’armes et d’engins de guerre, la technique, qui sera également le centre d’attraction majeur des animations de l’après-midi, ne suffit pas de toute évidence à délivrer le véritable sens militaire du défilé. Finalement, au lieu de réactiver et d’illustrer sa raison première d’être, le patrimoine culturel et matériel grandement mobilisé à cette occasion contribue plutôt à en brouiller le message initial en réduisant la signification de ses différents objets aux besoins ornementaux de la scénographie ordinaire d’un jour de fête. On comprend alors mieux pourquoi le général François Lecointre rappelle que « le 14 juillet est une démonstration de force. Défiler, c’est clairement montrer sa force et honorer ceux qui acceptent de la mettre en œuvre »23. De fait, un tel dispositif manifeste la puissance armée de la nation, dont la force de frappe potentielle qui s’étale sous les yeux de tous joue comme un argument autant de protection que de dissuasion. Il s’agit ici d’affirmer l’unité de tous face à l’adversité et la solidarité de chacun face à l’emploi légitime de la force si nécessaire. Le passage en revue des troupes, qui assure au chef des armées leur capacité d’action et de mobilisation à tout moment sur son ordre, confirme cet objectif opérationnel. Or la place accordée au festif et au spectacle l’emporte, banalisant les signes patrimoniaux des forces armées pour, au mieux, ne laisser qu’une ambiance militaire ou, au pire, produire une perception démilitarisée et essentiellement esthétique.
Un défilé militaire n’est pas une simple parade. Dans cette version incomplète, le patrimoine convoqué dessert par omission ou par déformation la mission des armées, favorise peu l’hommage à leur rendre à ce titre, et participe mal à la défense de leur rôle et de leur lien avec la nation. Plus généralement, l’utilisation qui est faite du patrimoine militaire lors du défilé montre d’abord qu’il n’a de sens que dans son indépendance totale à l’égard des logiques d’intérêts extérieurs qui viennent le solliciter pour des raisons qui peuvent être d’ordre festif, ludique, économique, touristique, social, politique...
À cette condition d’autonomie s’ajoute l’obligation de prendre la pleine mesure de la finalité des armées par un retour aux fondements de leur culture propre et à l’origine des éléments (pratiques, traditions et symboles) que l’on retient et que l’on montre comme patrimoniaux. Autrement dit, un projet patrimonial authentique et fidèle à la res militaris suppose une prise en compte des exigences et des obligations particulières qu’imposent la guerre et le combat, ainsi que des valeurs et des dispositions individuelles et collectives que leur conduite réclame. Le devoir de mémoire au cœur de toute intention patrimoniale signifie ici de lutter contre l’oubli de la mission que la nation a confiée au militaire et de la spécificité identitaire qui en découle, au moyen de dispositifs de médiation dédiés.
- … à la force sociale des armées
Défilé de la force armée avant tout, mais aussi force sociale du défilé qui réunit harmonieusement, malgré leur extrême diversité, tous les éléments qui le composent. D’aucuns diront que le 14 juillet est aussi fête de la Fédération, donc de la réconciliation nationale par-delà différends et différences. De fait, chaque carré se distingue des autres par les armées représentées, les armes et les corps présents, et les grades arborés sur des tenues reflétant elles-mêmes, en tout et par l’accessoire, la multiplicité des positions, des affiliations et des situations possibles. Les divers modes de recrutement et les différenciations de parcours par spécialités et par filières accentuent l’impression de profusion, que renforce la présence des armées étrangères invitées et du personnel civil de la défense parfois autorisé à participer – et qui va avoir bientôt son insigne propre. Force est alors d’admettre que le monde militaire, en apparence si homogène de l’extérieur, se décline en maintes divisions et subdivisions qui sont fatalement le terreau de développement de nombreuses micro cultures et d’identités particulières, et donc susceptibles de menacer l’unité d’ensemble.
Or, loin de se réduire au simple spectacle qu’offre cet assortiment bigarré, le défilé est surtout la manifestation symbolique de la solution sociale trouvée au défi que pose l’inévitable altérité présente dans tout collectif, même uni et organisé. En effet, l’organisation générale des places et des déplacements des carrés, la planification enchaînée des différentes séquences et le rôle de chacun en leur sein au rythme du pas cadencé constituent les éléments d’une toile de fond commune à l’expression de cette culture militaire empiriquement plurielle. Dit autrement, le défilé illustre in situ et in vivo l’alliance réussie entre unité et diversité, singularité et collectivité, en dévoilant une articulation possible entre participation de chacun au tout et respect des identités de ses composantes.
Avec le défilé, l’armée offre sui generis un modèle réduit des conditions de production du lien social selon les termes imposés par ce nouvel horizon collectif que fixe l’idée de nation. Soit un projet de créer de l’unité par-delà les différences individuelles en tous genres, sans toutefois les renier mais au contraire en les intégrant, en les transcendant dans cet ensemble collectif où chacun, tout individu singulier qu’il est, se définit aussi comme un citoyen, comme un membre appartenant et attaché à son groupe. L’armée n’aura-t-elle pas activement participé à accueillir et à intégrer des populations très hétérogènes ? Ne réussit-elle pas à remplir ses missions en travaillant de conserve avec des personnels civils de la fonction publique et du privé ? En ce sens, elle s’avère être un produit typique de la modernité puisque, comme institution, elle décline et applique en son sein la dialectique propre de cette dernière, en cherchant à conjuguer altérité et unité, autonomie et dépendance, création de soi et affiliations à l’ensemble.
La qualité patrimoniale du défilé et des différents éléments qu’il met en œuvre tient donc aussi à l’intérêt que représente un tel héritage : proposer pour mémoire et aux yeux d’une société qui l’a voulu, qui l’a produit, et de laquelle il tient uniquement sa légitimité, un modèle social bien réel de fonctionnement cherchant à combiner les exigences de la donne individualiste avec les impératifs de la cohésion sociale afin d’éviter cette montée aux extrêmes que serait la solution facile de céder à la tentation communautariste d’un côté, nationaliste de l’autre...
- Contre le patrimoine des caricatures et du folklore :
la politique de l’uniforme
Si, on l’a vu, la banalisation menace les véritables significations à donner à certains éléments du patrimoine militaire, le postulat de la singularité tel qu’il est porté par les théories de la divergence condamne à en omettre ou à en déformer d’autres. Ainsi de l’uniforme qui constitue aussi à lui seul un élément important du patrimoine des armées. Il cristallise des prénotions qui, partagées par le sens tant commun que savant, se répercutent sous forme de représentations caricaturales sur le groupe tout entier et sur les individus qui le composent.
- Pas prêt à être bien porté mais toujours prêt à être mal pensé
Sur un plan collectif d’abord, il sert, comme marqueur le plus visible de l’identité particulière de ce groupe social, d’exemple favori pour illustrer les traits culturels plus généraux qu’on aime prêter à ce dernier. Son aspect évoque un milieu qui, conservatoire de règles et de principes, est fortement régi par le rigorisme moral, la rusticité des modes de vie, la raideur des positions et le formalisme hiérarchique des relations. On lui attribue aussi volontiers un caractère folklorique, à l’image des us et coutumes auxquels l’attachent des traditions, perçues comme exotiques puisqu’héritées d’une époque ancienne et désormais révolue. Mieux, il serait l’indice du décalage et même de l’anachronisme de cette « société » ou plutôt d’une communauté depuis longtemps considérée à part car vivant retranchée sur elle-même, fermée à toute sociabilité extérieure, endogamique par son recrutement. Supposée étrangère aux évolutions que connaît, notamment au plan des mœurs, le monde civil sous la montée de l’individualisme, elle serait donc le contre-exemple même de la modernité. L’horizon violent et sanglant qu’elle ouvre et fait peser sur les joies du doux commerce et les raffinements de la civilisation lui ont régulièrement valu critiques et procès, notamment de sociologues, tel Émile Durkheim lui-même. Selon lui, l’armée témoignerait d’un type d’organisation sociale résiduelle « rappelant le mieux la structure des sociétés inférieures », et se présenterait comme une « survivance de la morale primitive »24 et donc inévitablement vouée à disparaître…
Stigmatisée, cette forte identité collective serait au prix d’une négation des identités individuelles du personnel en uniforme. Là encore, l’uniforme sert d’indicateur prétendument évident d’une volonté de dépersonnalisation au moyen d’un travail de dressage des corps et des esprits. Il entre alors parmi les pièces à conviction pour instruire un autre procès, celui de l’institution militaire tout entière, et établir la preuve de son caractère coercitif et autoritaire, anti-individualiste et total. Là encore, maints sociologues, dans le sillage ouvert par Michel Foucault, Erving Goffman et Pierre Bourdieu, se sont attachés à l’analyse des différents instruments et mécanismes de la disciplinarisation mis en œuvre au moyen d’une culture de l’ordre, de l’obéissance et de la discipline, d’une pédagogie de la répression et de la surveillance constante. L’uniforme serait en somme le concentré symbolique de cette entreprise de dépersonnalisation, l’expression visible d’un projet visant à produire des hommes-machines interchangeables, et prêts au combat et au sacrifice de leur vie.
Or beaucoup d’arguments que nous avons exposés ailleurs et que nous ne rappellerons donc pas ici viennent contredire un tel tableau. Par ailleurs, la démonstration ne peut s’ordonner sur l’exemple de l’uniforme qui, comme élément du patrimoine militaire, invite à une analyse totalement différente des armées25. L’histoire de son introduction progressive pour des raisons à la fois tactiques, pratiques et économiques signale en effet des résistances fortes à son endroit, d’une part, et une individualisation des formes et des pratiques en la matière, d’autre part. Dit autrement, l’indifférenciation et la standardisation qu’il apporte répugnent en même temps que son adoption est conditionnée par la possibilité donnée, et tolérée, de le personnaliser. Une fois son caractère homogénéisant et contraignant détourné, il devient alors le faire-valoir revendiqué d’une identité régimentaire, un élément décisif d’affirmation et de distinction par rapport aux autres.
- Je(u) militaire et enjeux sociaux
À ce titre, l’uniforme, comme objet d’investissements importants, convie donc au récit des conditions auxquelles le sentiment d’appartenance à l’institution se construit, se vit et se négocie. Mais cet attachement à la différence procède d’une logique autre que celle que l’on observe dans le monde civil. Si, dans ce dernier, la motivation tourne autour du droit d’être différent, ici elle réside dans un devoir d’être différent. Une véritable entreprise de patrimonialisation de l’uniforme ne saurait alors se satisfaire d’une description muséographique auto suffisante de ses différents éléments constitutifs et typiques, et de leur variété empirique. Le travail de mémoire qu’elle ambitionne doit consister à rapporter leur raison d’être aux spécificités de l’identité militaire, redonner le sens de leurs tenants symboliques aux missions particulières assignées aux armées.
Sur un plan plus individuel, loin de symboliser la négation des formes d’expression et d’existence de la singularité, l’uniforme se donne dans un système extrêmement fin de différenciations qui fait de lui, une fois décodés les signes arborés (armée, arme, grade, opérations extérieures effectuées, décorations reçues…), une carte d’identité aux informations autrement plus précises que celles présentes dans son équivalent civil. Customisé, accessoirisé et approprié comme une seconde peau, jusqu’au patronyme qui y sera apposé, il est incontestablement le support d’un bricolage identitaire, le reflet d’une biographie personnelle et professionnelle unique.
Le sentiment d’appartenance se joue donc sur une « culture des apparences »26 qui a parfois pris des formes extrêmes. L’uniforme se pare en effet d’un prestige qui stimule l’esprit d’inventivité, force, jusqu’à l’excentrique, à toujours plus d’originalité. On se souvient bien sûr de la Grande Armée : dentelles, soieries et accessoires venaient le disputer avec les piercings et les tatouages en passant par la poudre, les plumes et le parfum. Vanité sociale, excès de moyens et préciosité déplacée penseront certains de cette surenchère, mais qui ne doit pourtant pas faire oublier la leçon plus générale à en tirer : l’intérêt d’une entreprise patrimoniale consiste aussi à montrer l’influence de l’armée sur la société, sa présence et son rôle actif, ici culturellement, comme industrie du prêt-à-porter, et prescriptrice de modes et de tendances, là socialement, comme laboratoire expérimental de première administration publique qui offre des droits et des protections à ses agents.
Par là, loin d’être cette institution anachronique, l’armée s’avère un excellent lieu d’observation de la modernité, situé même à ses avant-postes : mobilité et disponibilité, statutaires chez les militaires pour les raisons que l’on doit aux contraintes de la guerre, ne sont-elles pas des qualités désormais attendues par les entreprises ? L’armée n’a-t-elle pas été avant l’heure une organisation mondialisée sui generis ? L’adaptation, la flexibilité, la polyvalence et la reconversion professionnelle que l’on exige dans le monde du travail ne sont-elles pas depuis toujours des données ordinaires de la vie militaire ? Par ailleurs, l’adoption des plans vivien ne montre-t-elle pas que l’institution ne s’est pas arcboutée sur le sacro-saint principe collectiviste de la caserne ? Elle a ainsi su répondre et s’adapter aux évolutions individualistes de la société, tout comme le montrent encore le taopm, supposant un calcul des heures pourtant statutairement inconcevable, et les mesures prises par le tout récent « plan famille » pour remédier aux déséquilibres entre les temps familiaux et professionnels dont souffre aussi le monde civil…
Enfin, le pli individuel que chacun donne à l’uniforme, mais dans le cadre de règles collectives visant le maintien de l’unité de l’ensemble, donne à cet élément du patrimoine militaire une signification plus politique. À travers l’exemple paradigmatique qu’il fournit, c’est en fait toute la conception que la modernité retient du lien social et de la citoyenneté et de ses enjeux qui se reflète à la plus petite échelle de l’armée. En effet, illustrant « le jeu de la contestation et de la conformité »27 comme le montre dans ce même numéro la galette saint-cyrienne, l’uniforme allie le même et le différent, identité et altérité. Il articule, d’un seul mouvement, la standardisation, la nationalisation et la centralisation d’un État via son armée de masse naissante, avec l’émancipation, voire la transgression individuelle, l’autonomie et le besoin d’être fidèle à soi. Il renvoie donc à cette tension, qui sera désormais permanente car constitutive du lien social moderne, entre les devoirs qui nous incombent comme citoyens et les droits auxquels chacun tient comme individu.
De plus, sa patrimonialité tient à la force sociale de sa symbolique selon des termes à rechercher dans un héritage qui, républicain, dépasse en sens et en portée le périmètre strictement militaire : ici comme ailleurs, seule la fraternité (d’armes) surmontera les contradictions inhérentes existant entre le principe d’égalité, que réalise formellement l’uniforme, et le principe de liberté, dont témoignent les conduites créatives de chacun pour le personnaliser. En somme, ce sont les habits du citoyen que revêt l’uniforme pour mieux en endosser la condition nouvelle, contrariée à double titre : d’une part, entre le goût, ancien et aristocratique, pour la distinction, et l’attachement, récent et démocratique, à l’égalité ; d’autre part, entre l’universel, mais abstrait, du bien public qui élève, et le particulier, mais illimité, des intérêts privés qui abaissent28.
- Pour conclure
Le tableau rapidement brossé ici a permis de repérer quelques-uns des problèmes et des questions que soulève le patrimoine militaire, et de délimiter son périmètre à partir de deux de ses représentants les plus évidents. Au-delà de ceux qui peuvent faire l’objet d’un traitement comparable, d’autres, en revanche, voient différer les conditions de leur patrimonialisation militaire telles que nous les avons ici fixées, à un horizon plus lointain et incertain. Trois raisons au moins peuvent expliquer le retard et les difficultés d’une telle entreprise à leur endroit.
D’abord, pendants de l’histoire encore à faire, la méconnaissance, l’invisibilité de certains objets ou l’incompréhension de leur signification militaire constituent des freins à leur entrée dans le domaine patrimonial que seul un gros et lent travail de médiation pourrait à terme surmonter. Ensuite, corollaire des « heures sombres » de l’histoire, le processus de patrimonialisation se heurte à son caractère sensible pour renvoyer à certaines périodes qui, telle celle de la colonisation, replacent sa mise en œuvre dans des enjeux plus vastes : reconnaissance politique, lois mémorielles et réparations, repentance... Enfin, de même qu’il existe une histoire savante, une partie du patrimoine est aussi sûrement vouée à être considérée comme telle seulement par un petit nombre d’érudits et de spécialistes.
Les différentes erreurs d’interprétation par excès ou par défaut que nous avons repérées invitent également à s’interroger sur les conditions d’éligibilité au patrimoine militaire d’éléments plus immatériels et de dispositifs plus globaux. Nous pensons ici au service national, particulièrement exposé aux représentations fausses et aux caricatures. Peut-il être patrimonialisé ? La valeur d’ancienneté ainsi que l’urgence de la restauration et de la conservation, toujours retenues pour justifier l’entreprise patrimoniale, s’avèrent ici des critères contradictoires : les infrastructures matérielles de la conscription sont en effet démantelées, vendues, recyclées voire détruites, tandis que sa réactivation, sous une forme ou une autre, dans un futur proche, se présente comme une option sérieuse, envisagée par maints politiques. En revanche, le critère « identitaire » avance davantage d’arguments en sa faveur : toujours fortement présent dans les mémoires individuelles et l’inconscient collectif, le service national a été pensé, d’une part, dans son « rôle social » comme un facteur d’intégration et de transmission, créateur de sentiment d’appartenance à la nation et d’un esprit de défense, et élément producteur d’une citoyenneté, et, d’autre part, comme le point d’entrée dans la carrière militaire et la première étape de socialisation au milieu. Sémiophore à double titre, il est donc de nature à diffuser dans l’espace public la spécificité de l’identité militaire et des missions des armées. Sa patrimonialisation future surmonterait donc les carences liées à sa suspension actuelle en offrant au lien armée/nation un moyen de perdurer autrement.
1 M. Segalen, « Le patrimoine de l’Europe », Journal du cnrs, mai 2005.
2 A. Chastel, « La notion de patrimoine », in P. Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, [1986], rééd. Paris, Gallimard, « Quarto », 1997, t. I, pp. 1433-1469.
3 Sous l’impulsion du rapport Querrien Pour une nouvelle politique de patrimoine (1982) par exemple.
4 D. Poulot, « Le patrimoine en France : une génération d’histoire. 1980-2000 », Culture et Musées, hors-série, 2013, p. 191.
5 J.-P. Rioux, « L’émoi patrimonial », Le Temps de la réflexion n° 6, pp. 39-48.
6 F. Hartog, Régimes d’historicité, Paris, Le Seuil, 2003.
7 J. Davallon, « Le patrimoine : une “filiation inversée” ? », Espaces Temps n° 74-75, 2000, pp. 6-16.
8 D. Fabre, « Ancienneté, altérité, autochtonie », in D. Fabre (dir.), Domestiquer l’histoire. Ethnologie des monuments historiques, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2000, pp. 1-29.
9 D. Fabre, « Le patrimoine porté par l’émotion », in D. Fabre, Émotions patrimoniales, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2013, pp. 13-98.
10 N. Heinich, “Les émotions patrimoniales ”, Social Anthropology/Anthropologie sociale n° 20, vol. 1, 2012, pp. 19-33.
11 J. Le Goff (dir.), Patrimoine et Passions identitaires, Paris, Fayard, 1997.
12 H.-P. Jeudi, La Machinerie patrimoniale, Belval, Circé, 2008, p. 30.
13 A. Riegl, Le Culte moderne des monuments, [1903], rééd. Paris, Allia, 2016.
14 H.-P. Jeudi, op.cit., p. 27.
15 F. Dallemagne, Les Casernes françaises, Paris, Picard, 1990.
16 F. Dallemagne et J. Mouly, Patrimoine militaire, Paris, Scala, 2002, p. 10.
17 K. Pomian, Sur l’histoire, chap. II, Paris, Gallimard, 1999.
18 D. Poulot, « De la tradition patrimoniale aux mondes du patrimoine », Socio-anthropologie n° 19, 2006, p. 2, mise en ligne le 31 octobre 2007, http://journals.openedition.org.frodon.univ-paris5.fr/socio-anthropologie/753.
19 A. Thiéblemont, « Réveils identitaires dans l’armée de terre », Inflexions n° 11, « Cultures militaires, culture du militaire », 2009, pp. 73-85.
20 É. Letonturier, « Lien armée/nation et modernité », in G. Rouet (dir.), Citoyennetés et nationalités en Europe, Paris, L’Harmattan, 2011, pp. 203-213.
21 N. Aubert et Cl. Haroche (dir.), Les Tyrannies de la visibilité, Toulouse, Érès, 2011.
22 É. Letonturier, « Reconnaissance, institution et identités militaires », L’Année sociologique n° 2, vol. 61, 2011, pp. 323-350.
23 S. Pruvot, « Général François Lecointre : “Le défilé du 14 juillet est une démonstration de force” », Famille chrétienne, 12 juillet 2018.
24 É. Durkheim, Le Suicide. Étude de sociologie, [1897], rééd. Paris, puf, « Quadrige », 1986, pp. 260 et 254.
25 É. Letonturier, « Modernité, individualisation et culture militaire. L’exemple de l’uniforme », in É. Letonturier et P.-Y. Gaudard (dir.), Normes, discours et pathologies du corps politique, Paris, L’Harmattan, 2010, pp. 13-33.
26 D. Roche, La Culture des apparences. Une histoire du vêtement (xviie-xviiie siècle), Paris, Fayard, 1989.
27 A. Thiéblemont, « Les traditions dans les armées : le jeu de la contestation et de la conformité », Pouvoirs n° 38, 1986, pp. 99-111.
28 M. Castillo, Faire renaissance. Une éthique publique pour demain, Paris, Vrin, 2016.
Can we really redefine the entire notion of heritage all over again from scratch? Since the enthusiasm of the 1980s1, a considerable—and exponentially expanding—number of academic studies has been undertaken to determine what the term “heritage” actually means. Most of these studies have been devoted to recording how the French word for heritage (“patrimoine”) has evolved in meaning, from its first appearance during the decade of the French Revolution followed by its stabilized administrative expression during the July Monarchy. However, research has also focused on retracing the recent phases of the seemingly unlimited extension in the uses and objects2 laying claim to the word. The idea that “everything is heritage” is a response to social demand. It is also reflected in the expanding assumption of this broader interpretation by French institutions, seen in major cultural policies3, new legislative and regulatory measures, ministerial bodies and specialized training courses (“Inventory and Monument”, “Advice and Mission”, the creation of an “École Nationale” and of an official qualification obtained by examination, a Foundation for national heritage etc.) and also in public events (heritage year, heritage day, interviews and, more recently, the \national lottery and scratch card games), architectural works (memorials) and large-scale commemorative events.
The work of clarification necessary to tackle this “inflationary spiral” in heritage claims4 has been accompanied by an analysis of the possible implications and meaning of this new tendency of interests and practises. In this context, various major paradigm shifts, identifiable since the late sixties, have inevitably been highlighted: the overall trend “from cathedral to teaspoon”, in the famous words of André Chastel, has been to prioritize the daily artefact over the monument, the past and personal memory over history, the narrative and experience over chronology and scholarly method, lived and subjective time over research into primal origins and antiquarian knowledge, the living over the inert, local initiatives over national plans, the world of ngo and civil society over the sovereignty of officialdom, the indigenous inhabitant over the outside expert and, finally, the ethnologist over the historian..
This simultaneous process of decentralization and expansion in the attribution of cultural value by more direct and open channels than are provided by the official hierarchical circuits of the “democracy of delegation” which prevailed in the past has been driven by popular passion and emotional attachment, rooted in the fear of irreversible loss, vandalism and of being forgotten. Sometimes this movement seems to be purely proscriptive, with no real possibility of questioning or criticizing the legitimacy of preserving or restoring what is now considered heritage. So, “heritage panic” 5 has been the driving force behind this new regime of historicity founded on “presentism”6, or a subjective present feeling about the past, which has inverted the normal direction of historic research into filiation and continuity. 7Now, only the empathetic and egalitarian vehicle of aroused emotions and experienced feelings is deemed able, a posteriori, to provide these “epiphanies of the past”8, revealed by “new tangible presences”9 that are no longer derived from scholarly detachment and objectification but from the personal identification and subjective appropriation of everyone, based on criteria of classification and ranking that everyone can recognize10. In this context, heritage becomes a process of experience directed towards awakened awareness, based on a vast palette of possible feelings and moods, ranging from solitary contemplation to collectively shared festivities, where historic information is indexed to a technical or spectacular stage production, as witnessed, for example in the proliferation of “son et lumière” (sound and light) shows.
Finally, heritage projects are characterized by the nature and aims of the specific motives that create and sustain them, namely “the identity-based passions”11. Generally, the duty to memory, by promoting public attention and media coverage, has performed the role of meeting the identity-based demands of the various groups that fear oncoming extinction with the arrival of the urban, service-economy-based and globalized society, which is therefore less rural, less industrial and less local. In fact, this new form of cult for the past, which is reflected in its superabundance of locations and artefacts, testifies to a right to history that is claimed in the name of an identity that is no longer officially recognized as “a given”. This identity is a constructed attribute and is conceived along the same lines as freely consented investments and voluntarily shared affiliations. Its depth of feeling depends on the affective proximities and personal emotions with regard to whatever is considered to constitute legacy.
In this respect, “identity” opens out into a narrative of the self’s origins and results in a reappropriation of this narrative through the (re) discovery—or even invention—of a heritage. It advocates the local scale and the forgotten particularities that can be found there and recycled to create and express the self’s sense of unique personal identity. This vernacular “little heritage” therefore solicits its claimed identity twice, as both its origin and its end. Upstream, identity provides the justification and assurance of authenticity. Downstream, the desire to ensure its recognition provides motivation. In other words, the identity-based aspects of heritage derive their sense less from their value, quality or intrinsic significance than from their power as indicators of a collective singularity that has been undermined and now needs to be preserved and exhibited. Not until they are identified and recognized for their high heritage content do these aspects become guarantees of an authenticity and uniqueness that the group can then legitimately claim as its own in the face of the outside world. “The entire ‘heritage machine’ that has been put in place runs on a single track—that of the institutional recognition that heritage confers on any form of identity-based claim”12.
- Military heritage: both specific and ordinary
This overall picture, despite its very summary nature, is without doubt sufficient to better define heritage and its specific problems. And what are its implications for the military? In our view, there are at least five risks that can help to delimit the contours of military heritage, by raising questions that in the long term will demand a more precise, and possibly more restrictive definition of heritage than has been customary so far.
- Semantic risk
Due to its historic anchorage in society and the many legacies inherited from the past, the military, as a group, cannot, of course, escape the “heritageization” of certain aspects of its identity that distinguish or authenticate it as an identifiable entity in the public space. “Historic value” and the “Value of age” 13 can therefore play their full part here, since the list of legitimate pretenders to eligibility for heritage is long. The candidates naturally include battles, military exploits and wars, barracks and fortified enclosures, artefacts and insignia, traditions and symbols, rites and protocols etc. However, the evident military character of this empirical wealth of material and non-material elements cannot constitute sufficient grounds for qualification as heritage.
What justifies the appropriation of all these elements into the military heritage “industry”, by comparison to the habitual investigative materials of the historic approach, such as traces, documents and testimonies? The semantic risk consists here in the vagueness of the definitions and even the quasi-synonymic use of the terms “history” and “heritage”. The resolution of this problem of territory, which is also of course observable elsewhere, will involve a necessary sharing of the forms of military expression chosen and/or processed by each individual according to the (cognitive and social) content and aims to be defined.
- State-centric risk
This challenge is all the more crucial when we consider that it is compounded by the risk of state-centred thinking: due to the intertwined history of the armed forces and the birth of the State and of the nation, as the entirely political source that confers legitimacy on the existence and action of the armed forces, on their participation in the creation of citizenship, with the introduction of conscription, and on their role and place in the specific but regular state of affairs known as war, military heritage is heavily subject to co-option in a concept of “national heritage”. In fact, this concept of military heritage, dedicated to the commemorative recital of the official legacies of national sovereignty, has long prevailed, with the creation of the Historic Monument.
We should remember that the question of heritage has historically been tied to the assertion of national identity. Although the relationship between the military and the nation and the State constitutes a force for heritage creation, it also subjects the military to unpredictable future changes in the highly variable social geometry that comprises the sense of belonging to the nation, the construction of collective identities, their dissolution in globalization and their hardening in nationalistic moulds.
Similarly, other questions are raised by the powerful boost that the armed forces, as an institution, indisputably receive through having an advantage over other social groups when it comes to certifying the various elements that they wish to promote as major milestones of heritage.
Moreover, we can legitimately ask whether the nature of this situation will result in the creation of a right to fully independent communication by the military and to the construction of an entirely specific military memory, while also, at the same time, preserving the ability to advance the aims of every heritage project, namely to express, through a deliberate, proactive approach, identities in which people can individually and collectively recognize themselves and be recognized? How does military heritage connect the products at national and State-institution level to the real, lived stories of the various individuals and groups that constitute the armed forces?
Whatever the proposed answers, one key interest of “military heritage” will remain its initiatory role in unveiling the armed forces as interface between national and individual modernity and in illustrating the tensions between institution and identity.
- Museographic risk
Museographic risk, for its part, refers to the almost reflex tendency to desire the preservation of this rich heritage of the armed forces by creating specialized museums. The French army now has about fifteen of them. However, reducing the task of preserving heritage to the creation of museums, as eco-museums once did, with the disappointing results that all have seen, often seems to boil down to an operation of embalming selected practises and objects, in direct opposition to its original intention, which is to show these practises and objects as living sources of lessons for the future and as currently or potentially active foundations for identity-based initiatives. Is the fear that a particular object might soon vanish sufficient justification for claiming it as heritage? Also, how can this trend of museification be prevented from contributing to the cultural relegation of the military to a distant past and to the portrayal of military culture as antiquated?
- Risks of exposure and visibility
Moreover, military heritage is also prey to risk relating to its own exposure and visibility. On many occasions, the armed forces are strongly present and recognizable in the public arena, precisely because of the various elements within the military selected or eligible for consecration as heritage. However, is this presence a guarantee of correct interpretation of the symbols it conveys? Is this presence sufficient to produce the desired social effects? Are there not also some perverse or counter-productive side-effects? Visibility is not a guarantee of broad majority acceptance and comprehension of a commemorative content that matches the unique value and fundamental significance of military heritage. As a medium without a message that can be easily decoded by the non-initiated recipient, heritage can degrade into exotic folklore, public representation and banal spectacle. Practises, events and other content are potentially reduced to their poorest immediate expressions or, worse, to caricatured versions of themselves that distract from their initial intent.
- Risk of deficiency in meaning
Finally, museification and visibility are all the more threatening when compounded by the risk of a “deficit of substantive induced meaning”, as Henri-Pierre Jeudi14 cogently put it. Why confer something to heritage? Just as a sociology of military culture cannot content itself with a descriptive analysis of the military’s empirical manifestations, through collecting, describing, writing monographs etc., the signs and symbols of the military are only stages in the overall work of heritage, which is oriented towards “demonstrative” objectives and to more ambitious intelligibility effects, such as the aims pursued, albeit still too timidly, by François Dallemagne in the case of military barracks15. In the absence of these objectives and effects, the inner meaning and ends of the military risk being dissolved in the external and visible forms that it adopts. As François Dallemagne puts it with Jean Mouly16, this type of heritage often remains “hidden”, because it is kept invisible, prohibited from access and therefore little known to the public, but—even more often—it also remains hidden because no effort is made to transform its elements and objects into genuine “semiophores”17, or carriers of meaning that can be explained in relation to the continued presence and role of the armed forces in society.
Given all these risks and questions, what conclusions can be drawn? Given that military heritage is assigned a role of continuity and transmission necessary for the establishment and sustaining of social interconnection, especially in a generally disruptive environment marked by the absence of guiding certainties and the prizing of discontinuities, it should be understood not only as a set of material elements but also as “knowledge, value and a system of meaning”18. Military heritage invites us to return to what constitutes the fundamentals of the armed forces and their specific culture, while remaining in close connection with their host society. In other words, military heritage evokes the hard core of military culture, which identifies the military for what it is and makes it both unique and an intrinsic part of society. Military heritage therefore involves preserving elements less for reasons of their age than for their power to represent the specific nature of the armed forces and of the missions they are assigned. This means that, ultimately, the conditions for ascribing elements to military heritage on the basis of their respective contributions to a deeper understanding of the meaning of military action can only be found in wartime. War enforces a specific status and the implementation of values that drive behaviour with a view to the preparation and conduct of war. In other words war brings out a culture of armed force, and this culture remains the fundamental condition for military heritage. The social recognition to which the armed forces aspire via the promotion of military heritage presupposes that the military has preserved elements that are genuinely able to convey a sense of both the specificity of the missions that society has entrusted to its armed forces and the unique measures indispensable for their successful implementation.
Consequently, heritage, as an educational vector highlighting the end-purpose of the armed forces, strongly implicates the connection between the armed forces and the nation. However, although this connection is often evoked (for example on the heritage page of the French army’s website), it is rarely stated in the explicit and developed terms of a culture of armed force—which can be found implicitly in the Directive sur les traditions et le cérémonial (Directive concerning ceremonial traditions) issued in 2001 by French Army High Command. Military heritage is also concerned with this connection and its transformations in view of one last risk that it poses in relation to the creation of identities.
As a direct consequence of the “awakening” that the armed forces have experienced in variable forms and in different places since the seventies19, this “identity-related” risk can be illustrated by the two opposing formulations proposed by the famous theories of “convergence” and “divergence”20. To what extent does heritage, through the way it is conceived, contribute to the trivialization of military identities and their disappearance in the general social environment or, on the contrary, to their isolation, culminating in their total separation from society as a whole? We will attempt to define the challenges raised by this last risk, which is generally raised by every process of military heritage, by examining two well-known objects of heritage that provide exemplary illustrations of this dual problem.
- The culture of armed force
versus the heritage of the novelty store
In our (hyper) modern societies, which are often termed “societies of the spectacle”, the only people whose existence is recognized are those who exhibit themselves and are seen, especially through the use of the new communication technologies that are now available. 21. Identity only seems to be valid once exhibited to others, who, by recognizing it, validate it as unique. Heritage, as predominantly conceived today, follows the same logic. To be seen and identified can therefore signify a state of transparency, not only due to intrusion into the intimate realm but also due to the absence of any meaning conferred and/or understood via these identity-based elements beyond their strict qualification as heritage. Popularity is not the same thing as genuine recognition and knowledge, especially when it comes to the armed forces22. Military parades, especially the most famous of them in France on the 14th of July every year, provide a good illustration of this paradox: they are semiophores that are highly exposed to the risk of their own negation, even though the symbolic richness that they convey qualifies them as living and evident manifestations of a heritage of which the institution is the depositary, in the name of the French nation which it represents. The risk of self-negation lies in their vocation as public events, which inevitably and dangerously draws them into “spectacularization”, due again to their highly distinctive relation to national identity.
- From society’s military force…
As the opening event in the celebrations of a special day for France—the national day of the French Republic—which will end with a ball and fireworks display, the July 14th military parade, according to comments overheard or relayed via the media, is especially appreciated and viewed as a high-quality spectacle, or even as mass entertainment. Highly colourful, like the historic festivities of Napoleon’s Grande Armée, the parade provides a representation of a State institution, evoking admiration for the quantity and rich variety of its uniforms and accessories, its musical repertory and vivid songs, its various means of locomotion and the originality and perfect synchronization of movement in tight ranks and military step. The wealth of resources offered by the long heritage of the armed forces ensures a regular renewal of curiosity and interest, while the spectacular nature of the event is reinforced every year by the presence of a guest army and/or a specially honoured arm/corps, so that each parade is a unique moment. With the massive presence of technology, the cultural heritage of the past blends with the present and future epochs of innovation. The exhibition of high-tech equipment, vehicles and the latest devices and systems emphasize industrial expertise and cutting-edge competencies, while at the same time certifying the excellence, virtuosity and performance of the men and women operating them, and of course the spotlight of the media will also be shone on the moments of valour of these men and women, as well as, in some years, the errors in their performance despite their many rehearsals.
However, technical prowess, seen here in arms and weapons of war, which will also provide a major source of attraction in the events of the afternoon, is obviously not enough to deliver the true military significance of the parade. Finally, the cultural and material heritage that is so vastly mobilized on this occasion, instead of reactivating and illustrating the parade’s primordial reason for being, contributes more to blurring the initial message by reducing the significance of its various objects to the ornamental requirements of mere décor for a public holiday. So it is easy to understand why General François Lecointre reminds us that “the 14th of July is a demonstration of force. Parading means giving a clear show of your force and honouring those who have accepted to put it into use”23. In fact, this type of event manifests the military power of the nation, and the potential strike-force on show before the eyes of all serves as an argument of both protection and dissuasion. The objective here is to affirm the unity of all in the face of adversity and the solidarity of all in the legitimate use of force if necessary. The review of the troops, which assures the Chief of Defence of their capability for action and mobilization at any moment at his command, confirms this operational objective. However, in practice, pride of place is given to the festive and the spectacular, resulting in a trivialization of the signs of heritage of the armed forces, leaving, at best, a “military atmosphere”, or, at worst, a demilitarized and essentially aesthetic impression.
A military parade is not just any old carnival parade. In this incomplete version, the summoned heritage renders a disservice to the mission of the armed forces by omission or distortion, does little to render the forces their due homage or to contribute to defending their role and their connection to the nation. More generally, the use made of military heritage and assets during the 14th of July parade firstly demonstrates that this heritage only has any meaning if it is totally independent of external interests, which solicit it for reasons that may be festive, entertainment-oriented, economic, touristic, social, political etc. etc.
In addition to this condition of autonomy, we must recall the obligation to take the full measure of the purpose of the armed forces, by returning to the fundamentals of their specific culture and to the origin of the elements (practises, traditions and symbols) that are selected and put on display as heritage. In other words, an authentic heritage project that is faithful to the res militaris presupposes due respect to the particular requirements and obligations imposed by war and combat and to the values and individual and collective preparations that war and combat demand. The duty to memory at the heart of every intended celebration of heritage in this case means ensuring dedicated media coverage to counter the tendency to forget the mission that the nation has entrusted to the members of the armed forces and the specific sense of identity that derives from this mission.
- … to the social force of the military
So, the 14th of July is first and foremost a parade of the armed forces, but it is also the social force of the parade, which harmoniously combines all its constituent elements, despite their extreme diversity. Some people would say that the 14th of July is also the day celebrating the Federation, in other words the day of national reconciliation over disputes and differences. In fact, each square in the parade is distinguished from the others by the forces represented, the arms and corps present and the ranks displayed on the uniforms, which, in themselves and complete with their accessories, reflect the diversity of possible positions, affiliations and situations. The different methods of recruitment and the distinctions between different career paths according to specialization and sector accentuate this impression of profusion, which is reinforced by the presence of foreign guest armies and French civilian defence personnel authorized to participate. The latter will soon have their own insignia. So, we are forced to admit that the military world, which seems so homogeneous from the outside, is in fact composed of many different divisions and subdivisions, which inevitably nurture a multiplicity of microcultures and specific identities, which therefore risk threatening the unity of the whole.
In fact, far from being reduced to the simple spectacle offered by this multi-coloured assortment, the parade is above all the symbolic manifestation of the social solution that has been found to meet the challenge posed by the inevitable “otherness” present in any collective entity, no matter how unified and well organized. The general organization of the placements and movements of the squares, the cohesive planning of the different sequences and the role of each person marching in military step constitute the elements of a shared backdrop for the expression of this empirically plural military culture. In other words, the parade illustrates, in situ and in vivo the successful alliance between unity and diversity, singularity and the collective, by showing one possible example of interaction between the participation of each in the whole and respect for the individual identities of the component parts of the whole.
With the parade, the armed forces offer a reduced-scale sui generis model of the conditions for producing social cohesion under the terms imposed by the new collective horizon seen in the idea of the nation. So, the parade is a project involving the creation of unity over and above individual differences of all kinds, without denying these differences but integrating and transcending them into this collective whole, where each person, each unique individual, defines himself or herself as a citizen and as a member who belongs to and is deeply attached to his or her group. After all, is it not true that the armed forces have played an active part in welcoming and integrating extremely heterogeneous populations? And is it not also true that the armed forces successfully complete their missions by working in coordination with civilian personnel from both public service and the private sector? In this sense, the military is a typical product of modernity, since, as an institution, it both embodies and implements the specific dialectic of the modern world, in seeking to combine otherness and unity, autonomy and dependence and the creation of personal identity with affiliations to the whole.
The heritage aspect of the parade and of the various elements that it integrates is also derived from the potential benefits of this legacy: for the memory and eyes of a society that wished it and produced it and from which it exclusively draws its legitimacy. The parade proposes a very real social working model that seeks to reconcile the demands of the given fact of individualism with the imperatives of social cohesion, in order to avoid the pull to the extremes, which would result in the easy solution of yielding either to the opposing but twinned temptations of communitarianism and nationalism.
- The policy of military uniforms
versus the heritage of caricatures and folklore
While, as we have seen, trivialization threatens to drown the true significance of certain elements of military heritage, the postulate of uniqueness, as championed by the theories of divergence, implies the forcible omission or distortion of other elements. Take, for example, the uniform, which on its own represents a key element of the heritage of the armed forces. The uniform crystallizes the preconceptions, shared by both the popular and the academic mind, and directed at both the entire group and the individuals that compose it, in the form of caricatured representations.
- Not ready to be worn well but always ready to be wrongly thought of
On the collective plane, first, the uniform serves as the most visible mark of the specific identity of this social group and the favourite example cited to illustrate the most general cultural traits that people like to pin on it. Its appearance evokes an environment that conserves rules and principles and is strictly governed by moral rigour, rustic modes of life, inflexible positions and a hierarchical formalism of relations. The uniform is also often attributed a folkloric character, reflecting the customs that have been imposed on it by traditions, which in turn are perceived as exotic, since they are inherited from an ancient epoch that is now past. More precisely, the uniform is an indicator of the cultural isolation, even anachronism, of this “society”, or rather this community that has long been considered as separate, because it lives cut off from others, closed to external sociability and endogramic by its recruitment. This community is assumed to be removed from the developments of the civilian world and the rise of individualism, especially in the field of morals and common practice, and is therefore even seen as the counterpoint of modernity. The violent and bloody vista that it opens up and causes to hang over the joys of genteel business and the refinements of civilization have regularly attracted criticism and accusations, especially from sociologists, including Émile Durkheim himself. According to Durkheim, the military reflects a residual form of social organization “most reminiscent of the structure of lower societies”, appearing as a “survival of primitive morality” 24 and therefore inevitably destined to disappear…
Thus stigmatized, this strong collective identity is seen as being obtained at the price of the individual identities of the people in uniform. Here, again, the uniform serves as a supposedly obvious indicator of a desire to depersonalize through a systematic conditioning of minds and bodies. So, the uniform has become one of the items of evidence in another prosecution, where the entire military institution is in the dock, with the uniform serving as proof of the military’s coercive, authoritarian, anti-individualistic and absolutist character. Here too, many sociologists, following in the wake of Michel Foucault, Erving Goffman and Pierre Bourdieu, have focused on analyzing the various instruments and mechanisms for imposing discipline via a culture of order, obedience and discipline and a teaching method consisting of repression and constant surveillance. The uniform is seen as the symbolic and concentrated essence of this enterprise of depersonalization, the visible expression of a project that aims to produce interchangeable human machines, ready to fight and to sacrifice their lives.
However, this picture is contradicted by many arguments that we have explained elsewhere and will therefore not reiterate here. Moreover, any such proof of “guilt” cannot be based on the example of the uniform, which, as an element of military tradition, calls for a totally different analysis of the armed forces25. The history of the progressive introduction of the uniform, for reasons that were simultaneously tactical, practical and economic, shows firstly a strong resistance against it and secondly an individualization in its forms and practises. In other words, the non-differentiation and standardization that it brings are found repellent, and its adoption has only been accepted because of the possibility granted, and tolerated, of personalizing it. Once its homogenizing and constrictive character is subverted, it becomes a bold assertion of regimental identity, a decisive element of self-affirmation and of distinction in relation to others.
- Military identity and social challenges
In this respect, the uniform, as an object of major investment, provides a historic reflection of the conditions under which the sense of belonging to the institution has been constructed, lived and negotiated. However, this attachment to difference does not proceed from the same logic as is observed in the civilian world. Whereas, for civilians, the motivation derives from the right to be different, for the military, it is rooted in the duty to be different. So, any genuine effort to classify military uniform as heritage cannot content itself with a mere self-satisfied museographic description of its various typical constituent elements and their empirical variety. The work of memory targeted by heritage must consist in describing how the existence of individual uniforms relates to the specificities of military identity and in remaking the connection between symbolic details and the special missions assigned to the armed forces.
On a more individual plane, far from symbolizing the negation of personal expression and of the existence of unique individuality, the uniform has come into being in an extremely subtle system of differentiations that, once the displayed signs are decoded (service, arm, rank, foreign operations completed, decorations received etc.), transform it into an identity card with much more precise, individualized information than its equivalent in the civilian world. Customized, accessorized and appropriated as a second skin, including even the nickname that it will be given, the uniform is without doubt a medium for ad hoc identity construction and for the reflection of a unique personal and professional biography.
The sense of belonging is therefore played out via a “culture of appearances” 26 that has sometimes adopted extreme forms. The uniform takes on a prestige that stimulates the inventive spirit, which is impelled to constantly greater originality, to the point of eccentricity Here, we can of course recall the “Grande Armée” of Napoleon, where lacework, silks and accessories vied with piercings and tattoos, and even powder, feathers and perfume. Social vanity, excess of resources and misplaced over-refinement will be the verdict of some people contemplating this constant outdoing of others, but this judgement should not overlook the more general lesson that can be learned: the interest of any heritage project also consists in showing the influence of the military world on society, its presence and its active role, whether culturally, such as in the ready-to-wear fashion industry, its role in defining fashions and trends, or socially, as an experimental laboratory of the first public administration to offer rights and protections to its agents.
So, far from being the anachronistic institution of popular myth, the military is an excellent place to observe modernity and is even on the front lines of this modernity: after all, mobility and flexibility, which have long been mandatory for military personnel, due to familiar reasons impelled by warfare, are now also qualities expected by modern business corporations. Was the military not already a sui generis globalized organization before its time? And what about the adaptation, flexibility, multi-skilling and professional reconversion demanded in the world of employment? Have they not always been standard facets of military life? Also, the adoption of the vivien plans indicates that the military is not stuck on the sacrosanct collectivist principle of the barracks. So, the military has been able to adapt to the individualistic developments of society, as is seen again in the taopm, which involves the calculation of working hours, even though the rules would hold this to be inconceivable, and the measures taken in the very recent “Family Plan” to remedy the imbalances between family time and professional time. are also found in the civilian world…
Finally, the individual touch that each person gives to the uniform, within the framework of the collective rules for maintaining the unity of the group, gives this element of military heritage a more political significance. Through the paradigmatic example provided by the uniform, the entire modern conception of social cohesion, citizenship and its challenges is reflected on the microcosmic scale in the armed forces. In fact, as an illustration of the “interplay of protest and conformity”27 as is shown in this issue by the case of the Saint-Cyr “galette”, the uniform unites the same and the different, identity and alterity. The uniform, in one fell swoop, interconnects the standardization, nationalization and centralization of the State via its nascent mass army, with individual emancipation, and even with individual emancipation transgression, autonomy and the need to remain true to yourself. The uniform therefore reflects the tension between the duties we have as citizens and the rights that each person has as an individual, and this tension will from now on be a permanent factor, since it is a constituent part of modern social cohesion.
In addition, its nature as heritage is founded on the social force of its symbolism, in terms that have to be viewed in the context of the French Republic, going beyond the uniform’s strictly military significance and impact. Here, as elsewhere, only Fraternity (the brotherhood of arms) will be able to overcome the inherent contradictions between the principle of Equality, which is formally represented by the uniform, and the principle of Liberty, seen in the creative efforts of each wearer to personalize it. In summary, the uniform takes on the apparel of the citizen to illustrate a new duality, firstly between the historic, aristocratic taste for distinction and the more recent, democratic attachment to equality, and secondly between the universal but abstract notion of the common good, which uplifts, and the particular but unlimited private interests that degrade28.
- Conclusion
The picture rapidly painted in this article is intended to identify some of the problems and questions raised by military heritage and to delimit its scope with the aid of two of its most visible and representative examples. Beyond the elements that can be treated in a similar way, other aspects may have to be postponed to a more distant and uncertain horizon before they can meet the conditions that we have defined here for recognition as military heritage. Three reasons, at least, can explain the delay and difficulties of this type of heritage recognition project.
Firstly, as pendants of a history that is yet to be made, the invisibility and public ignorance of certain objects, or the misunderstanding of their military significance, constitute brakes on their acceptance as heritage, and only a large-scale, long-term work of media communication will be able to set this process in motion. Secondly, as a corollary of the “dark hours” of history, the process of admission into heritage will forcibly encounter the sensitive nature of history, which can sometimes reframe the question of the legacy of certain periods, such as the period of colonization, in broader terms—political recognition, memorial laws, reparations, repentance etc. Finally, just as a scholarly history exists, a part of military heritage will also without doubt be destined to be recognized as heritage only by a small number of scholars and specialists.
The various errors of interpretation, through excess or default, that we have identified should also prompt us to question the conditions for considering certain more abstract elements or more global measures as eligible for admission as military heritage. We are thinking here of national service, which is particularly exposed to false representations and caricatures. Can it be considered a part of heritage? In this context, the value of historic age and the urgency of restoration and preservation, which are always cited to justify heritage projects, are found to be contradictory criteria: the material infrastructure of conscription is being dismantled, sold, recycled and even destroyed, while its reactivation in the relatively near future, in one form or another, is being presented as a serious option envisaged by several politicians. By contrast, the “identity” criterion continues to advance arguments in favour of considering conscription as heritage: still strongly present in individual memories and in the collective subconscious, national service was designed partly for its “social role”, as a factor of integration and transmission, creating a feeling of belonging to the nation and a spirit of defence, as a factor in the production of citizenship, and partly as an entry point into a military career and the first step in socialization in the military environment. As a dual semiophore, the history of national service can therefore help to convey the specific nature of the military identity and of the missions of the armed forces to the public arena. Its admission into military heritage, by offering a different method of perpetuating the bond between army and nation, would therefore help to fill the gaps left by its current suspension.
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