« Lorsque l’homme se meut, la géométrie le guide »
Léon Lalanne1
Les termes « réseau » et « espace » sont aujourd’hui si fréquemment rapprochés en des expressions consacrées (« espace en/des réseaux ») que leur alliance nous semble désormais naturelle et évidente. Leur conjugaison signale la valeur implicitement accordée à l’ultra-contemporain et à la place dominante qu’occupe la technique dans sa définition. En effet, la mise en réseau de l’espace est souvent considérée comme un passage obligé, une solution d’avenir, un gage de modernité pour se vouloir un mode d’organisation garantissant, de par son architecture propre, des vertus de rationalité et d’efficacité optimales aux supports (infrastructures, villes, entreprises…) qui l’adoptent et aux finalités qu’ils se donnent2. Atteste de cette primauté du tout technique l’exemple de la guerre en réseau, qui s’impose tant au plan de la numérisation du champ de bataille que des stratégies et des luttes menées dans le cyberespace3.
Certes, espace et réseau sont fortement liés pour contribuer à une représentation (carto)graphique particulière du réel. Or leur rencontre est ancienne, très antérieure à la période à laquelle on fixe habituellement ses emplois, et ne se limite pas à l’acception techniciste qui tend à réduire leur histoire croisée. C’est à cette dernière que l’on s’attachera. Une idée directrice guidera l’ensemble, notamment les quelques exemples relevant de la res militaris : l’espace, d’origine tout géométrique qu’il est stricto sensu et avant de devenir territoire in fine, est à indexer à l’univers de la conquête et de l’occupation que le réseau va activement servir au moyen de ressources innovantes, celles, principalement, de l’esprit et de l’intelligence. Leurs façons autres de combattre et de se défendre finiront par s’éclipser devant les traductions sociales dont l’espace en réseau va être l’objet, et sous le poids des investissements idéologiques et des espoirs qu’il inspire de refondre le lien social selon des idéaux pensés à l’échelle mondiale.
- Retis et mètis, ou la guerre de l’intelligence
Au ve siècle av. J.-C., Anaximandre avance une conception de l’espace qui, d’inspiration démiurgique et totalement ordonnée sur la figure du cercle et du centre, sera appelée à perdurer et à dominer dans de nombreux champs de connaissance, en se déclinant, toujours selon un même modèle, du corps du monde au corps vivant, en passant par le corps social. En effet, « on doit constater que le domaine politique apparaît aussi solidaire d’une représentation de l’espace qui met l’accent de façon délibérée sur le cercle et sur le centre en leur donnant une signification très définie »4. La cité des Magnètes, que présente Platon dans les Lois, le contre-exemple qu’offre à ses yeux, dans le Critias, la cité des Atlantes et sa disparition pour avoir privilégié des formes circulatoires à l’harmonie circulaire, tout comme l’invention urbanistique de l’Agora, les plans et réformes proposés par Clisthène l’Athénien, la Cyropédie de Xénophon, ou encore l’alternance des temps de paix et de guerre interprétée selon les phases cycliques de la Grande Année attestent, entre autres, de la projection de cet idéal de spatialité circulaire du cosmos sur la polis afin de garantir au mieux l’attachement des Grecs aux valeurs premières auxquelles il est associé : la fermeture sur un espace clos, l’autarcie et un point centre ordonnateur de l’ensemble ; la stabilité, le statu quo et l’équilibre ; l’homogène, le même et le un.
Ainsi donc, « même des idées aussi abstraites que celles de temps et d’espace sont, à chaque moment de leur histoire, en rapport étroit avec l’organisation sociale correspondante »5. Mais si le cercle se donne comme une catégorie majeure de la pensée grecque6, il reste que l’on peut trouver à cette même époque des traces d’une spatialité autre, différente sinon complètement opposée, renvoyant à un imaginaire anticipant, par la thématique des liens, des nœuds et du tissage, celle propre au réseau.
Parmi les contributions pionnières de ce « penser par figure »7 différent, on se souviendra bien sûr de la structure inédite qu’offre le labyrinthe. Appelant, tant par sa confection que par le mode de déplacement qu’il requiert, au génie ambigu du père des ingénieurs, Dédale8, il ouvre déjà, par les choix que pose chacun de ses embranchements, sur un espace acentré de la complexité, de l’incertitude, de la stratégie et de l’anticipation sous peine d’égarement, d’errance et de mort pour celui qui s’y aventure sans méthode adaptée ni vue d’ensemble de cette structure illustrant une modalité nouvelle et très raffinée d’exercice du pouvoir dans lequel son « web concepteur » l’emprisonne à son insu.
De même, d’ailleurs, d’Ouranos et Varuna, ces dieux lieurs qu’évoque Georges Dumézil9. À l’opposé des guerriers Zeus ou Indra, qui utilisent la force brutale, l’agressivité frontale et les armes, ils tiennent leur pouvoir non pas de l’affrontement physique, mais d’une technique d’immobilisation indirecte avec des lacets et de l’usage de la ruse. Car les liens exigent un savoir fait d’habileté et de prudence, puisqu’ils sont équivoques, doubles, tantôt protecteurs et défensifs, tantôt malins, dangereux et mortels, donc toujours susceptibles de se retourner contre celui qui les manie.
Dès lors, le réseau nous lie-t-il ou nous relie-t-il ? Aujourd’hui comme hier, sa problématique oscille entre les tenants de ses vertus émancipatrices, libératoires et intégratrices, et ceux qui alertent sur ses fonctions de quadrillage, de traçage et de repérage, de contrôle et de surveillance. En somme, entre les images opposées du tissu et de la toile d’araignée. S’impose ainsi, pour traiter de son statut de pharmakon, à la fois remède et poison, de renvoyer ici à Homère et à son célèbre Hymne à Hermès, où il est aussi question de cette « technologie de l’intelligence »10 qui n’a besoin ni de mains ni de poings ni de force pour l’emporter. Il suffit simplement de savoir « appâter et prendre dans ses rets », dira plus tard le stratège chinois Guiguzi11.
À travers ses différents périples, Hermès, dieu de la communication et du commerce, de la circulation, des carrefours et de la connexion – dieu du réseau donc –, procède de façon cachée, imprévisible et rusée, grâce aux ressources de l’esprit : les artifices tactiques ou langagiers ainsi que la fameuse mètis12 lui offrent liens et lacets pour vaincre l’adversaire, mais toujours, sous peine de finir dans les abymes du Tartare (lieu des liens inextricables, amèchana desmà), en prenant bien garde de ne pas se prendre à ses propres pièges. Ainsi apprenons-nous, bien avant l’heure des gafa, que seul dominera et sera vraiment fort celui qui saura habilement manier et maîtriser les réseaux, soit ouvrir des transitions et des passages de n’importe quel point à un autre.
Au plan spatial, la géographie du pouvoir ne tient plus ici ni à un lieu central ou à un siège fixe ni à la force d’un seul ou à une position dominante, celui d’un démiurge omnipotent, mais à la capacité d’adaptation de chacun à des situations changeantes au gré des circonstances et des interactions, bref à une guerre de mouvement. Pour prendre en compte tous les paramètres en jeu et l’action en situation, s’amorce un « raisonnement tabulaire »13 : le traditionnel contr’un (opposant le fort au faible), l’unidimensionnel, l’étendue et la ligne droite cèdent face à la combinatoire, au volume et aux agencements polyédriques, selon une logique de la décision plus leibnizienne que cartésienne et que l’on trouve également dans le Yi Jing14. L’issue des rivalités qu’Homère fait passer par des délibérations afin d’obtenir consensus et réconciliation dépendra des relations d’attraction/répulsion, de la valence des points, c’est-à-dire de leur degré d’ouverture et de connectivité aux autres dans cette configuration multipolaire dont la géométrie variable exige de pressentir les intérêts et les alliances possibles. Dit autrement, et comme l’étymologie y invite, lien et chemin se confondent, et l’espace lieur devient espace liant.
- Tissage et métissage
Mieux encore, c’est aussi l’étymologie du terme « réseau » qui nous renseigne sur sa nature première, à savoir d’être un oxymoron. En effet, retis renvoie à deux registres sémantiques opposés : un côté négatif, le rétiaire – le filet du pêcheur et celui du gladiateur romain dans les arènes –, qui relève de l’univers de la guerre, du moins de la capture et de la chasse, du piège et de l’immobilisation, et bientôt du Big Brother is watching you ; un côté plus positif, celui du réseuil, de la résille, soit l’univers des tisserands et du tissage, qui témoigne d’une volonté de concilier les contraires, et de créer du continu et de l’unité par-delà différences et oppositions. C’est-à-dire un ensemble unifié mais souple, laissant les parties indépendantes s’adapter librement et être capables ainsi d’épouser les mouvements. Le tissu, c’est un nœud, donc la concentration, l’embrouillement (« se faire des nœuds dans la tête »), l’affrontement, l’entropie voire la mort ; mais c’est aussi des fils qui recousent les déchirures en raccommodant les pièces. S’ourlant sur de grandes figures mythologiques telles Ariane, Pénélope et Arachné15, le tissu symbolise donc la conciliation de l’unité et de la diversité, la cohabitation apaisée des altérités et des singularités, le dépassement des oppositions et des conflits dans un ensemble pacifié aussi élastique que solide.
À ce titre, le tissu social renvoie en Grèce ancienne à un travail bien réel à mener pour maintenir le lien et la cohésion. Il est une authentique opération politique, un moyen très concret de penser la vie en société, a fortiori en cas de luttes en son sein ou de guerres avec l’extérieur. Parce que l’action de tisser consiste à unifier des éléments de couleur, d’origine, de genre et de taille différents, elle était considérée comme un puissant et efficace outil diplomatique permettant de surmonter les conflits entre les cités, chacune œuvrant, par ses fonctions et ses qualités propres, à la fabrication d’un manteau dédié à Athéna afin de sceller leur réconciliation et l’unité retrouvée16.
Le tissu témoigne d’une anthropologie politique fondée sur la recréation du lien et sur sa réparation à l’aide des contributions hétérogènes des participants et convergeant vers le retour à une formation sociale pacifiée. C’est d’ailleurs ce qu’illustre la pièce d’Aristophane Lysistrata : en pleine guerre du Péloponnèse, après l’échec de l’usage de la force et des moyens coercitifs habituels – procédés jugés agressifs et masculins –, une femme, Lysistrata donc, propose un plan de redressement pour l’ensemble des cités grecques, fondé sur un art de la composition tel qu’il est pratiqué pour le tissage. Les nœuds et les déchirures dans les affaires de la cité comme entre les provinces sont les uns démêlés, les autres recousus par délégation du pouvoir naguère central et monopolisé, et multiplication et dispersion de ses instances « en envoyant des ambassades par-ci par-là » exactement comme on procède avec le fil embrouillé « en le portant avec les fuseaux tantôt à droite tantôt à gauche ». À ce moment de déconcentration succède un moment d’association qui consistera non plus à exclure, comme autrefois, hors de l’espace clôturé, mais, davantage sur le modèle d’une fédération, à intégrer « dans un seul gros peloton » les éléments différents et à créer une identité commune dans un ensemble rendu harmonieux et pacifié par les « navettes » du dialogue et du respect des singularités. Mètis, tissage, métissage social et culturel donc…
Tout opposé était l’objectif de Platon en définissant, dans le Politique, le rôle du roi comme sumploke, c’est-à-dire comme une technique, un art de l’entrelacement des caractères contraires (le fort/le courageux, le faible/le peureux par exemple) et des partis opposés. Car, pour le promoteur de l’espace circulaire et centré qu’il était, il ne s’agissait là que d’une tactique de neutralisation utilisée pour mieux homogénéiser chacun à la norme commune, asseoir le pouvoir central et garantir la justice dans la polis, autrement dit le statu quo…
- La carte, l’espace et le réseau
Du cercle aux premières manifestations du réseau, c’est en somme passer de l’Être, du un, de l’immuable et du clos à une représentation polymorphique du réel fondée sur le devenir, le multiple et l’ouvert. C’est aussi entrer dans un espace de l’indéterminé, de l’inconnu et de l’incertain avec, à chaque carrefour, des choix et des risques, des surprises et des pièges, de l’aventure et de la désorientation jusqu’à s’égarer. L’idée de réseau renvoie par ailleurs, a fortiori avec l’Internet désormais, au fait que tout est lié et accessible, ou du moins que tous les points sont potentiellement reliables et joignables.
Or « tout conspire » pensaient déjà les stoïciens qu’il nous faut donc convoquer parmi les sources anciennes de cette généalogie de l’espace en réseau. En effet, selon eux, l’univers était un espace dynamique, mouvant et fait de lieux interconnectés par une sorte de tissu, une « texture invisible » grâce à laquelle chacun (ré)agissait et contribuait, tout en gardant sa particularité et son identité propre. Pour rendre compte de cette interconnexion et de l’interdépendance qui en résultait pour l’ensemble, ils recouraient aux idées de sympathie (universelle) et d’affinités17. Ainsi de Marc-Aurèle pour qui « toutes choses sont liées entre elles et d’un nœud sacré. […] Tous les êtres sont coordonnés ensemble, tous concourent à l’harmonie du même monde »18. Plus explicite encore Plotin, qui détaille la nature et les effets des interactions existant entre tous les points de l’espace : « Cet univers est donc un tout sympathique à lui-même : les parties les plus éloignées y sont proches. […] Malgré l’intervalle, elles subissent l’influence des parties qui ne sont pas dans leur voisinage. […] Sans être en contact, les choses agissent et elles ont nécessairement une action à distance19. » La sympathie ne rend donc pas seulement connexe, mais fait du proche avec du lointain, crée de l’influence par-delà les distances. Elle ouvre ainsi sur une infrastructure de l’instantanéité, sur un espace multicentré, ouvert d’échanges et d’informations à l’échelle du monde… qui augure avant l’heure des possibilités de connexions infinies et immédiates qu’offre aujourd’hui le réseau Internet.
Une organisation dont Hippocrate avait déjà vu le modèle réduit dans le corps humain. La diffusion de la maladie en ses différents « lieux » l’obligeait à renoncer à l’idée de foyer unique, de centre, puisque « les parties se la communiquent aussitôt l’une à l’autre ». Soutenue par une circulation continue selon des circuits inextricables, cette interdépendance où « tout est également commencement et fin »20 assure d’une réciprocité partagée dans les transmissions en faisant de chacun de ces lieux un émetteur/récepteur au même niveau des autres.
La science moderne prendra le relais de ces intuitions anciennes et de ces origines métaphysiques d’émergence du réseau. De Nicolas de Cues à Galilée, l’univers se dévoile espace infini et pluricentrique, sans hiérarchie, ni haut ni bas, fait de directions et de circulations entre des points davantage définis par des coordonnées que comme des lieux chargés de valeurs et de qualités propres21. Le réseau procède d’une nouvelle « mesure du monde »22 qui, tout abstrait et géométrique qu’il devient alors, exige d’inventer des outils adaptés. En 1751, La Caille abandonnera le système dit circulaire de Bradley que l’on apposait dans les lunettes astronomiques et proposera ce qu’il appelle le « réticule » ou réseau qui, avec deux fils entrecroisés et quatre autres obliques, permet de suivre à intervalles égaux la trajectoire de chaque astre. Étudiés dans leur mouvement, les espaces astral et boréal sont ainsi schématisés et cartographiés au moyen des mailles du réticule qui en est la représentation idéale. De fait, La Caille a travaillé avec Cassini et s’inspire de sa méthode de triangulation de l’espace au moyen de la trigonométrie dont Frisius avait posé les bases en 1530. C’est alors toute « cette géométrie qui se déploie par la suite en un réseau »23.
Si, dès le bas Moyen Âge, la carte n’était plus une simple retranscription topographique des lieux, mais enregistrait déjà, pour aider aux déplacements et aux circulations, intervalles et distances entre des points, elle se transforme, après calculs et mesures, en une surface abstraite quadrillée de lignes que l’on nommera très vite réseau. Rompant avec la géographie du merveilleux et de la fiction religieuse des cartes dites en to (terrarum orbis), qui témoignaient de la conception circulaire, centrée et hiérarchique que l’on se faisait encore de l’univers, les portulans marquent une première étape vers une physique nouvelle de l’espace, qui sous-tend l’émergence du réseau. Axés non sur un centre ordonnateur mais sur une multitude de points modulateurs desquels partent des lignes, ils ne sont pas encore les produits d’un véritable système de coordonnées graduées. Mais leur marteloire et les différentes aires qu’ils dessinent en toile de fond offrent le canevas des possibilités infinies de (re)construire le réel selon l’entrelacement des roses des vents : quarts, boussole, sablier et échelles de distance et d’unités de mesures normées serviront à tracer rivages, ports et côtes, et à fixer positions et directions, lieux à marquer et routes à prendre24. C’est donc des confins de la France que se réalisera le vœu des physiocrates d’accroître la circulation des hommes et des marchandises : les fameux chemins de traverse qu’ils défendent contre la spatialité rayonnante autour de la capitale ont désormais leur science, avec le réseau comme opérateur d’une connectivité maximale et même, à suivre Turgot, d’une topologie plus fluide de la souveraineté.
Cette entreprise de connaissance gagne tout au long des xviie et xviiie siècles à mesure des progrès des sciences de la géodésie et de l’arpentage, de l’utilisation des astrolabes, odomètres et autres lunettes à micromètres, et bien sûr du recours systématique à la méthode des sinus et cosinus à partir du méridien. En résulteront des levers cartographiques toujours plus fins, des cartes d’ensemble et de détail, des atlas et autres « indicateurs fidèles », tous finalement issus d’un châssis, d’une « chaîne de triangles », « qui doivent être enchaînés les uns aux autres et former, autant que possible, un réseau continu dans tous les sens »25.
- Poliorcétique réticulaire et génie militaire
Le territoire se dévoile donc dans la singularité de ses terroirs en s’objectivant en un espace conçu sous la forme d’un réseau. Illustrant ce passage de « l’espace-substrat à l’espace-fonction »26, le réseau sert ainsi la connaissance de ce territoire, et pourvoit bientôt à son équipement au moyen des multiples ouvrages que le génie civil y appose en construisant des infrastructures de communication en tous genres (routiers, ferrés, électriques, télégraphiques, gaziers…)27. Mais, entre-temps, passager clandestin né aux frontières du royaume, il s’indexe au projet de sa défense en ajoutant au catalogue des ressources qu’utilise la poliorcétique une nouvelle géométrie stratégique des confins.
Une fois terminée en 1744 son entreprise trigonométrique et achevé son châssis, Cassini III se réjouit d’avoir représenté « dans une seule campagne ce que le militaire qui a le plus vieilli dans son métier n’a jamais été porté de voir : camps, marches, contremarches, sièges, batailles, petite guerre, fourrage général »28. De fait, les ingénieurs militaires recevront l’ordre de recourir désormais à la triangulation le long des frontières, du sud vers le nord. Or un tel succès ne saurait faire oublier la contribution de celui que l’on nommait alors le « Newton de l’art militaire ».
En 1732, Louis de Cormontaigne échafaude en effet un vaste système réticulaire et intégré de défense, là où son prédécesseur, Vauban, se limitait à fortifier des places frontalières sans les relier entre elles. Dans son Mémorial pour la fortification permanente et passagère, il remplace le pré carré par une table rase qui, pur produit de la géométrie euclidienne, présente un État imaginaire ; y sont distribuées, du centre vers la périphérie, les différentes places, articulées de manière interdépendante les unes des autres en fonction du rôle dominant attribué à chacune, donc selon un principe alliant hiérarchie et coopération. Il s’agit là d’une véritable arachnoïde à la fois défensive et offensive, qui rationnalise le positionnement et la fonction stratégiques, la taille et le degré de fortification des places, à partir d’une conception réaliste du déroulement d’une attaque, c’est-à-dire fondée sur des contraintes spatio-temporelles (temps de marche nécessaire, espace entre les places, type de relais adapté, force de la fortification mesurée selon le temps de défense attendu) mais aussi matérielles et techniques (fourniture en munitions et taille de la place en fonction de son degré d’exposition). L’espace y est pensé comme une addition de lieux et comme un ensemble global, selon une structuration visant à soumettre l’ennemi en devançant ses ressources stratégiques mobilisables et en anticipant son comportement.
Rationnel, tiré au cordeau, l’État guerrier de Cormontaigne repose sur une organisation réticulaire, qui concilie géométrie des (co)sinus et géographie des sinuosités, tant données spatio-temporelles et réalités physiques (routes, cours d’eau et canaux) sont prises en compte. Tabula rasa au départ, il s’enrichit par la suite, pour être au plus proche de l’empirique, de recherches scientifiques qui entrent aussi dans la généalogie ancienne du concept de réseau par une autre voie : celle de la théorie mathématique des graphes. Ainsi des travaux de Leibniz et de Bernoulli sur l’arc de cycloïde (ou brachistochrome) pour ce qui a trait au temps (vitesse et coûts des déplacements, attente des renforts et des secours), et de ceux d’Euler sur les isopérimètres et le bornage entre des maximis et des minimis, ou encore de Monge et sa théorie des déblais et des remblais pour ce qui concerne l’espace (direction des routes, prix des transports, manœuvres des troupes). Ces connaissances rendront obligatoire l’apprentissage des mathématiques aux futurs officiers de l’École du génie, ainsi contraints, d’après les Mémoires sur la fortification perpendiculaire par plusieurs officiers du corps royal du génie (1786), à se livrer à « la représentation de figures bizarres, hexagonales, dodécagonales ».
Parallèlement, après lecture de Bossut ou de Riche de Prony, l’ingénieur militaire devient hydraulicien. L’eau sert de schéma naturel aux premiers concepteurs de la fortification réticulaire tant pour renforcer l’assise terrestre des ouvrages que pour défendre autrement le territoire : à la lumière des savoirs acquis sur son comportement et des leçons tirées des retours d’expérience (dès la prise laborieuse d’Amsterdam en 1672 par exemple), s’élaborent de véritables stratégies des lignes d’eau, fortifiées par des redoutes et des miradors pour les lieux à risque (vannes, écluses).
Mais c’est surtout l’officier du génie d’Allent qui, conceptualisant frontalement le réseau, renouvellera fortement la conception de l’espace. Très admirateur de la technique de triangulation des ingénieurs qui « calculent des lignes imaginaires par lesquelles ils unissent les points principaux du pays […] dans ce réseau de triangles, inscrivent des triangles plus petits et guidés par les points nombreux que ceux-ci déterminent, projettent sur un plan les contours du terrain et de tous les objets qu’il offre à sa surface »29, il importe ce mode de représentation graphique par l’étude d’un bassin hydrographique qu’il va décrire en 1808 comme un réseau. Soit un agencement interconnecté non hiérarchisé de lignes hétérogènes dans leur provenance (naturelle ou construite), dans leur dimension (fleuves, rivières ou canaux) et indifférentes, dans leur débit, à la configuration du sol.
Or, dès 1802, son Essai de reconnaissance militaire généralisait déjà le réseau à tout type d’espaces à partir des métaphores croisées de la circulation sanguine du corps, des veines de la terre, du tronc et des branches de l’arbre. Ainsi « des besoins de l’homme [qui] l’ont forcé d’étendre, sur la surface du globe, un réseau de communications qui coupe, dans tous les sens, les chaînes de hauteurs, les plaines, les vallées et les eaux »30. Suit un descriptif des villes qui, chacune centre, sont des points de croisement de routes, elles-mêmes se divisant et se subdivisant pour desservir à l’infini d’autres points… Au total, c’est une conception « fractale » du territoire à laquelle le réseau invite pour offrir une lecture à plusieurs échelles, en superposant sur un seul plan des objets de dimensions différentes et au degré de connexité variable. Le réseau n’est donc plus simple enchevêtrement ou produit de la triangulation, mais producteur d’une forme quadratique de l’espace.
Par ailleurs, à mesure du nombre croissant des variables retenues (nature du terrain, type de fortification, force défensive, coût de défense…) et de leur interdépendance de plus en plus forte, s’impose aussi l’idée de la guerre de mouvement qu’encourage l’épisode de la stratégie dite des trois lignes que déploie sur le Rhin le général Léry en 1803. La ligne fait désormais référence, le point n’est plus qu’un nœud de lignes, comme le montre une Instruction de 1821 qui exposera « le plan du réseau permanent de fortification ». Visant à lutter contre la fragilité des frontières et la progression aisée dans le territoire qu’avait révélées la guerre des Cent-Jours, ce plan consiste en un dispositif de communication générale, par interconnexion de l’ancien cordon des places avec l’ensemble des routes et des canaux. La sécurité du pays repose donc sur la fonction de veille et de surveillance de ce réseau qui quadrille le territoire, afin d’informer et d’alerter l’ensemble, ainsi mis sous tension constante, aux moindres signes de menace ou de tentative d’intrusion advenant localement aux carrefours, lignes ou embouchures.
Enfin, l’espace a également fait l’objet d’une fortification souterraine, qui sera aussi un autre lieu d’émergence militaire du réseau et de ses problématiques propres : l’articulation autonomie/intégration des composantes à l’ensemble, l’(a)centralité de la structure et les modalités de l’interconnexion. Il revient à Mouze d’avoir donné un lexique et une classification des différentes galeries selon leur finalité, et d’avoir proposé une architecture d’ensemble garantissant aux principales voies de communication une indépendance qui empêchait l’ennemi de passer de l’une à l’autre pour remonter jusqu’à la contrescarpe.
C’est surtout la question stratégique de la centralité qui anime pour sa part le général Marescot en 1805 : son projet consiste en une sorte de construction triangulaire au sein de laquelle le réseau des voies est formé d’écoutes peu distantes les unes des autres et de courtes galeries permettant un quadrillage fin et complet de l’espace. Mais l’ouvrage gagne encore en réticularité avec les dispositifs qu’y ajoute le polytechnicien Sea. Transversales et écoutes y sont conçues comme des stases de forme orthogonale, sortes d’alvéoles desquelles partent des rameaux destinés à piéger l’ennemi et à l’immobiliser. Proche du labyrinthe dans son organisation interne et de l’ancienne mètis dans son esprit, l’ouvrage démultiplie les liaisons et maximise l’interconnexion au détriment de la centralité. Ultérieurement sera imaginé un système de pression consistant en « des points décisifs », « des chambres d’équilibre » que Jomini et Clausewitz avaient pensées pour mieux rabattre l’ennemi. De son côté, le directeur des fortifications Lambert s’emploiera en 1824 à relier les galeries afin d’améliorer l’accessibilité et les possibilités de déplacement en son sein.
- Le réseau ou l’idéologie démocratique de l’espace pacifié
Au fil de ces considérations sommaires et non exhaustives se précisent les relations qu’espace et réseau entretiennent en s’ordonnant finalement sur six grandes idées forces : circuler, interconnecter, représenter, mesurer, participer et communiquer31. Le réseau procède d’abord d’une « raison graphique »32 pour renvoyer à un mode de représentation et de mesure (carto)graphique de l’espace (physique, social…) et de ses objets (astres, organes, lieux, hommes, sociétés, idées…), tous points dont les relations seront signifiées par des lignes. Quels que soient ses lieux d’émergence et d’implantation, ce sont toujours les mêmes caractéristiques qui le définissent, essentiellement celles que Deleuze et Guattari ont retenues pour le rhizome33. En effet, il est associé à un type d’organisation spatiale particulier, c’est-à-dire ahiérarchique (ou coarchique), acentré ou multicentré, ouvert, transversal aux appareils et organigrammes institués, sans limite fixe ni régulation préétablie. De plus, fidèle témoin et soutien actif des mouvements et circulations dans cet espace, il désigne une organisation dynamique, changeante, évolutive et modulable : son ordre est émergent et non pas imposé ou fixe, et son équilibre sans cesse reformulé et co-établi par les liens, variables en qualité et quantité, entre les éléments. Des éléments qui, multiplexes, contribuent au titre de leurs qualités propres, de leurs différences et au gré des proximités et des coopérations, des affinités, des besoins et des opportunités, dans le jeu de la réciprocité des influences émises et reçues, des positions interchangeables, des complémentarités volontaires et des suppléances spontanées.
Rompant avec la géométrie propre au cercle, le réseau est ainsi à la fois porteur et producteur d’une spatialité nouvelle, qui conduira à concevoir autrement le monde, le réel en général, selon un mode d’organisation cherchant à concilier le tout et les parties. En tant que tel, il intègre, relie chacun au tout, ainsi du coup unifié, mais en laissant intègres, indépendants, les éléments qui composent cet ensemble. Soit un agencement relationnel exigeant, pour comprendre sa topologie, une méthode que Pascal avait déjà décrite avec précision : « Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties34. »
Dit autrement, le réseau est un « moyen collectif de vivre une vie séparée »35. Or c’est au moment même où le lien social se réinvente que le concept de réseau émerge dans la plupart des sciences du xviiie siècle. Providentielle est alors sa naissance officielle, et fatale sa rencontre avec le contexte sociopolitique et idéologique d’alors, particulièrement propice aux solutions et aux projets de refondation : il est, comme oxymore, formellement prêt à penser et à satisfaire les idéaux de la modernité, et à surmonter, synthétiser ses contradictions – entre égalité et liberté, et ses aspirations : (se)relier et délier à la fois, s’associer et se détacher selon des modalités permettant de répondre, d’un seul clic dirions-nous aujourd’hui, à ce que Kant appelait « l’insociable sociabilité » des hommes. Le réseau est considéré comme une réponse organisationnelle à cette dialectique entre autonomie et participation, construction de soi et coopération, liberté et dépendance, que la modernité démocratique installe.
Avec ce lien fort qui s’établit entre réseau et démocratie, le concept, une fois devenu objet construit et opérateur sociotechnique des infrastructures de la modernité et des projets d’aménagement du territoire, sert de support métaphorique aux rêves et aux espoirs de changement et de transformation de la société. Au fil de ces passages, ce sont les origines militaires du réseau qui s’effacent au profit de nouvelles destinations et missions : la paix, la fraternité et le mondialisme – de la même façon que l’on oublie trop souvent aujourd’hui que l’Internet a pour ancêtre Arpanet et qu’il se range désormais parmi les armes ordinaires des combats contemporains.
De cette longue histoire que l’on ne pourra ici restituer se dégagent deux moments de bascule. Le premier s’ordonne sur le rôle social majeur que se donne l’ingénieur : en dépit des inégalités bien réelles que le réseau installe (géographiques, régionales, économiques, sociales…), ce nouvel acteur entend participer au bonheur collectif en substituant à la mécanique des points isolés et des zones étanches un espace de distribution qui, plus organique, concilie confluences et différences, et assure la fluidité et la continuité des milieux physiques et sociaux. Si Ledoux mériterait d’être cité pour avoir appliqué les principes de cette nouvelle spatialité dans son projet pour la ville de Chaux, Saint-Simon en est à coup sûr la figure emblématique. Les réseaux techniques, bancaires et intellectuels dont il tapisse l’espace forment la matrice première de la « société de la communication » et, plus encore, de la communion sociale qu’il cherche à créer. Le Nouveau Christianisme (1825) synthétise en effet la doctrine de cette religion laïque dont le réseau est devenu l’objet fétiche, l’instrument liturgique dédié à la mission de salut que Saint-Simon lui assigne : faire advenir un nouvel âge d’or terrestre, une communauté pacifiée de travailleurs fraternisant autour des vertus revivifiantes de l’action productive.
La seconde bascule consiste à hisser au niveau du monde entier les promesses et les vertus associées au réseau. Ses origines seraient sans doute à chercher tant du côté du cosmopolitisme pacifique de Kant ou de l’abbé de Saint-Pierre, que de celui d’œuvres plus littéraires, par exemple L’An 2440 de Mercier ou La République universelle de Cloots. Mais, là encore, ce sont les saint-simoniens, et tout particulièrement Michel Chevalier, qui esquissent, à partir du culte mystique du réseau, les contours d’une utopie mondialiste à laquelle l’invention d’Internet ne donnera plus tard qu’une nouvelle impulsion36.
Car si « améliorer les communications, c’est travailler à l’amélioration de la liberté réelle, […] c’est faire de l’égalité et de la démocratie » et c’est « réduire les distances non seulement d’un point à un autre, mais également d’une classe à une autre »37, les infrastructures réticulaires que Chevalier prévoit dans le Système de la Méditerranée (1838) sont surtout destinées à créer une « association universelle », « un vaste forum duquel communieront les peuples »38, d’abord ceux du pourtour méditerranéen, puis les pays plus lointains devenus proches par les liaisons intérieures et frontalières des autres, comme l’Angleterre, la Russie, et même les continents asiatique et africain. Le réseau est ainsi le relais concret d’une imagination politique, l’opérateur d’une diplomatie nouvelle pour promouvoir un régime de relations internationales et de sociabilités interétatiques qui, au lieu de se gaspiller et s’épuiser « dans la dépense guerrière, abandonnerait le système d’observation armée pour s’associer en confédération »39.
Le numérique fournira une nouvelle opportunité de corréler les propriétés structurelles et les supposées multiples vertus sociales de la mise en réseau de l’espace. Le réseau y sera moins une arme de guerre que l’instrument de luttes sociales, un moyen, comme l’imaginaient déjà Marx et Proudhon, de mobiliser le plus grand nombre autour de revendications et d’objectifs qui varient selon les auteurs. Selon Negroponte ou Rheingold, la flexibilité et la connectivité du réseau assureraient la pleine réalisation d’un programme (cyber)démocratique et d’un modèle politique réellement participatif grâce aux sociabilités virtuelles, à l’échelle du monde qui deviendrait l’espace de déploiement d’une « intelligence collective »40.
Si, pour beaucoup d’auteurs, les ressources interactives du web 2.0 se transforment en forces de mobilisation et de coordination de vastes mouvements sociaux, et constituent les ressorts d’une force militante revivifiée par les initiatives numérico-alternatives de la société civile, le réseau relance certains anciens espoirs révolutionnaires : son organisation en plateformes de collaboration et de partage, ainsi que la liberté et la gratuité de ses points d’accès mettent à la portée d’un clic la création inespérée d’une union, d’un rassemblement de tous, de « multitudes connectées » par-delà et contre les frontières, les institutions et les hiérarchies41.
Oublieuses de la réalité des usages individuels des réseaux socio-numériques et des difficultés que leur mode de gouvernance pose à tout projet politique durable42, ces analyses passent aussi sous silence le champ des nouvelles menaces qu’ils ouvrent, liées tant à la transformation de la donne géopolitique et des rapports de force qu’aux formes inédites d’emprise des consciences (contrôle des données personnelles, surveillance et traçabilité des populations, désinformation médiatico-politique, embrigadement idéologique, radicalisation religieuse). Plus encore : c’est l’espace lui-même que le réseau met au défi43, voire liquéfie44, par le nouveau régime de temporalité qu’il instaure. Si, dès son émergence, il a toujours privilégié l’accessibilité à la distance physique, il précipite désormais, depuis le déplacement des sociétés vers un centre de gravité dématérialisé, l’accélération, la dérégulation temporelle et la désynchronisation des activités45, avec tous les effets délétères de déréalisation voire d’hallucination qu’imposent ses possibilités d’un mode de vie sans rythme ni coupure, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre…
1 L. Lalanne, Essai d’une théorie des réseaux du chemin de fer, fondée sur l’observation des faits et sur des lois primordiales qui président au regroupement des populations, Paris, 1863, p. 90.
2 É. Letonturier, « “Tout est réseau !”. Splendeurs et misères d’une notion très courtisée », Hermès n° 71, 2015, pp. 78-86.
3 J.-P. Maulny, La Guerre en réseau au xxie siècle. Internet sur le champ de bataille, Paris, Éditions du Félin, 2006.
4 J.-P. Vernant, Mythe et Pensée, Paris, Maspéro, 1969, p. 153.
5 É. Durkheim, M. Mauss, « De quelques formes primitives de classification. Contribution à l’étude des représentations collectives » [1903], in M. Mauss, Œuvres, t. II, Paris, Éditions de Minuit, 1969, p. 88.
6 Notons que l’on retrouve le cercle et le centre comme formes archétypales de représentation du monde dans d’autres civilisations, d’autres aires géographiques et d’autres périodes historiques, comme le rapportent les travaux de Mircea Eliade sur le sacré et l’éternel retour.
7 J.-Cl. Schmitt, Penser par figure, Paris, Arkhé, 2019.
8 F. Frontisi-Ducroux, Dédale. Mythologie de l’artisan en Grèce ancienne, Paris, Maspéro, 1975.
9 G. Dumézil, Ouranos-Varuna. Essai de mythologie indo-européenne, Paris, Maisonneuve, 1934.
10 L. Sfez, Critique de la communication, Paris, Le Seuil, 1988.
11 Guiguzi, L’Art de la persuasion, Paris, Rivages, 2019, p. 76.
12 M. Détienne, J.-P. Vernant, Les Ruses de l’intelligence. La mètis des Grecs, Paris, Flammarion, 1974. Plus largement, voir J.-V. Holeindre, La Ruse et la Force. Une autre histoire de la stratégie, Paris, Perrin, 2017.
13 M. Serres, Hermès ou la communication, Paris, Éditions de Minuit, 1968.
14 C. Javary, Les Rouages du Yi Jing, Paris, Picquier, 2001.
15 F. Frontisi-Ducroux, Ouvrages de dames. Ariane, Hélène, Pénélope…, Paris, Le Seuil, 2009.
16 J. Scheid, J. Svendro, Le Métier de Zeus. Mythe du tissage et du tissu dans le monde gréco-romain, Paris, La Découverte, 1994.
17 On remarquera que ces notions croiseront et nourriront sans cesse l’histoire moderne et scientifique du réseau. En effet, il émergera plus tard de l’observation de ces affinités aussi bien en cristallographie (R.-J. Haüy), en biologie (I.-G. Saint-Hilaire), en botanique (A.-P. de Candolle), dans les classifications (J. Hermann), en psycho-sociologie (J. Moreno, J. Maisonneuve), puis finalement en anthropologie (J.-A. Barnes, E. Bott…) et en sociologie (Network Analysis) avec l’étude des sociabilités amicales et de voisinage…
18 Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, vii, 9.
19 Plotin, Ennéades, iv, 4, 32.
20 Hippocrate, Des lieux dans l’homme, i, 2.
21 Sur tous ces points que nous ne pouvons ici développer : A. Koyré, Du monde clos à l’univers infini, Paris, Gallimard, 1988, et E. Cassirer, Individu et cosmos dans la philosophie de la Renaissance, Paris, Éditions de Minuit, 1983.
22 P. Zumthor, La Mesure du monde, Paris, Le Seuil, 1993.
23 A. Picon, Architectes et Ingénieurs au siècle des Lumières, Paris, Parenthèses, 1988, p. 204.
24 On notera que des principes similaires président à la confection de cartes de navigation chez certains peuples, telles celles dites « cartes à bâtonnets » aux îles Marshall en Micronésie. Les courants marins, la direction des vents et la position relative des îles qu’elles représentent témoignent de la volonté de penser les relations dans un tout interconnecté et l’océan comme un milieu. Pour des détails et des représentations, voir le catalogue de l’exposition J.-M. Besse, G. Monsaingeon (dir.), Le Temps de l’île, Marseille, mucem/Parenthèses, 2019.
25 Ch.-M. Rigobert Bonne, « Des opérations géodésiques », Mémorial topographique et militaire, 3, an XI, p. 51.
26 E. Cassirer, Substance et Fonction. Éléments pour une théorie du concept, Paris, Éditions de Minuit, 1977.
27 Sur les réseaux techniques civils, voir, entre autres, A. Guillerme, « Genèse du concept de réseau. Territoire et génie en Europe de l’Ouest. 1760-1815 », Rapport pour le ministère de l’Équipement et du Logement, université Paris-VIII/Institut français d’urbanisme, 1988.
28 C.-F. Cassini de Thury, cité par M. Pelletier, La Carte de Cassini, Paris, Presses de l’enpc, 1990, p. 74.
29 P.-A. d’Allent, Essai de reconnaissance militaire. Mémorial topographique et militaire, an xi, p. 22. Reproduit partiellement dans Flux, juin 1989, p. 15.
30 Ibid., pp. 16-17.
31 É. Letonturier, « Réseau : concept indiscipliné », in É. Letonturier (dir.), Les Réseaux, Paris, cnrs Éditions, 2012, pp. 9-32.
32 J. Goody, La Raison graphique, Paris, Éditions de Minuit, 1979 ; T. Ingold, Une brève histoire des lignes, Bruxelles, Zones sensibles, 2013.
33 G. Deleuze, F. Guattari, Rhizomes, Paris, Éditions de Minuit, 1976.
34 Pascal, Pensées, art. ii, 72. Et plus loin, en complément du célèbre « le centre est partout, la circonférence nulle part » : « Les extrémités se touchent et se réunissent à force de s’être éloignées. »
35 G. Canguilhem, Études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1979, p. 330.
36 Pour la suite historique, voir A. Mattelart, Histoire de l’utopie planétaire. De la cité prophétique à la société globale, Paris, La Découverte, 1999.
37 M. Chevalier, « Exposition du Système de la Méditerranée », Revue philosophique n° 4, 1963, p. 423.
38 M. Chevalier, Lettres sur l’Amérique du Nord, t. ii, Paris, Gosselin, 1836, p. 3.
39 M. Chevalier, art. cit., p. 437.
40 P. Lévy, Cyberdémocratie. Essai de philosophie politique, Paris, Odile Jacob, 2002.
41 M. Hardt, A. Negri, Multitude. Guerre et démocratie à l’âge de l’Empire, Paris, La Découverte, 2004.
42 D. Cardon, La Démocratie Internet. Promesses et limites, Paris, Le Seuil, 2010.
43 P. Virilio, Esthétique de la disparition, Paris, Balland, 1980.
44 Z. Bauman, La Vie liquide, Arles, Éditions du Rouergue, 2006.
45 H. Rosa, Accélération. Une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, 2010 ; J. Crary, 24/7. Le capitalisme à l’assaut du sommeil, Paris, Zones, 2014.