« En 1897, un opérateur des usines Lumière puis Méliès mettent en image la toile réputée du peintre militaire Alfred de Neuville, Les Dernières Cartouches, donnant au film de guerre l’un de ses thèmes favoris : la résistance désespérée. Très largement répandu par la gravure, ce tableau assez médiocre illustre, en effet, un épisode célèbre de la guerre de 1870 : retranchés dans une maison de Bazeilles, des soldats français tirent leurs ultimes coups de feu contre les Prussiens, mettant fin à une défense longue et héroïque face à un ennemi supérieur en nombre et en armes1. »
Le long xxe siècle qui suit ne manque pas de moments lors desquels les soldats français, victorieux ou défaits, ont mené une action propre à alimenter une longue tradition de récit d’une action militaire. Pourtant, malgré cette première rencontre en 1897, il est convenu de considérer plus d’un siècle plus tard que les relations entre ces deux mondes sont difficiles et que la fiction filmée française, contrairement à celle des Américains, est peu fructueuse en histoires réussies et récits convaincants. Il est vrai que les productions françaises pour le cinéma, pour la télévision et depuis peu pour les plateformes de séries, sont numériquement moins nombreuses. Dans ce même numéro d’Inflexions, Yves Trotignon parvient en quelques pages seulement à dresser un panorama presque exhaustif des films français racontant la guerre ou les gens de guerre. Cependant, ces films existent et certains ne déméritent pas. Rares sont les chefs-d’œuvre, mais le prolixe cinéma américain compte lui aussi son lot d’opus ratés, de nanars cocasses ou tristes, de plaidoyers aux grilles idéologiques de tout bord trop manifestes. Ils sont cependant d’une diversité bien plus grande et leur nombre permet statistiquement qu’émergent à intervalles plus réguliers des productions de bonne qualité et des œuvres capables de passer à la postérité.
Comment comprendre alors cette impression de rendez-vous trop souvent ratés entre la fiction française et l’histoire des guerres et de ceux qui les font ? Les raisons sont complexes et liées à cette matière difficile qu’est la fabrique des représentations, dans ses allers et retours continuels entre le contexte politique et social d’une société donnée, sa vie culturelle et les influences étrangères qui y infusent, les désirs individuels de création et les contraintes économiques de cette industrie particulière de la fiction audiovisuelle. Il faudrait pouvoir examiner une multitude de facteurs à chaque fois que sort sur les écrans, petits ou grands, une histoire qui raconte une guerre française contemporaine et le sort de ceux qui la font. Quelques grandes lignes structurantes de cette histoire tumultueuse émergent pourtant du long xxe siècle et du début du xxie siècle.
- La scène inaugurale de la Grande Guerre
Une bonne histoire a besoin de bons personnages. Or le personnage militaire sort bien malmené de l’histoire des guerres françaises du xxe siècle. Yves Trotignon a montré comment la défaite et les drames humains structurent la production hexagonale de récits de guerre loin des grandes fresques patriotiques américaines. Ces piliers des représentations françaises de la guerre ne viennent pas d’une incompétence ou d’un parti pris des réalisateurs, mais bien des réalités culturelles produites par l’histoire militaire française.
Le cinéma européen devient média de masse en même temps que le continent se déchire entre 1914 et 1918. Là comme en tant d’autres matières, ce conflit constitue une scène inaugurale particulière. Dans l’ensemble de la vie sociale et culturelle européenne, le poilu devient peu à peu une figure victimaire. Comme l’historien Nicolas Beaupré le rappelle, la nature même de la guerre est d’abord en cause avant que le contexte idéologique de l’entre-deux-guerres ne vienne marquer de son empreinte la manière de raconter ce conflit armé : « Si l’on en croit Jay M. Winter, à la suite de Paul Fussell2, c’est elle qui, en Europe occidentale, en raison de ses formes mêmes, aurait été à l’origine d’une mutation profonde sapant les grandes idées de gloire militaire, d’héroïsme combattant, d’honneur, de courage guerrier, de sacrifice. […] Toutes ces visions du soldat comme pure victime, comme martyr ou comme héros, ne suffisent pas à rendre compte de la complexité de ce que furent les expériences du front dans la Grande Guerre3. » Elles ne suffisent pas à rendre compte de la complexité de la Grande Guerre, mais c’est sur cette base que s’articulent la plupart des représentations du militaire français pendant le long siècle qui suit, la figure du héros puis du martyr s’effaçant peu à peu au profit de la seule figure de la victime. Au-delà du nombre de morts et du retour douloureux des blessés, le sol même de la patrie victorieuse est meurtri pour des décennies. Si le soldat peut encore être héros, il ne sera plus celui d’une victoire aux élans patriotiques, mais celui d’une tragédie.
L’effacement cependant n’est pas immédiat. L’entre-deux-guerres constitue le moment de la coexistence de ces divers types de représentations quand bien même, au cinéma, la figure du héros est déjà affaiblie. Il est vrai que dans les années 1920 et 1930, les fabricants de films font le pari que leur public n’a guère envie de voir sur grand écran les horreurs de la guerre tout juste achevée4. Quelques grands films créent la polémique. C’est le cas du pacifiste J’accuse d’Abel Gance en 19195. Mais très rapidement, les figures de militaires français qui continuent d’apparaître sur les écrans sont celles qui se battent au loin, dans des conflits qui échappent au poids de cette mémoire douloureuse et que l’on peut continuer de représenter comme de belles guerres, des épopées débarrassées de la laideur du chaos européen, du déferlement de plomb et de feu. Le soldat est alors un héros romantique, un voyageur qui trouve sa place aux côtés des personnages de la littérature coloniale6. Il quitte une terre française collectivement meurtrie, mais c’est bien davantage son destin individuel, ses drames personnels, et notamment ses déboires sentimentaux, qui expliquent son départ7. L’exotisme et le romantisme l’emportent sur la monstration de l’acte combattant et de sa dimension politique.
Par ailleurs, le lien doit être fait avec la résurgence de l’antimilitarisme dans l’entre-deux-guerres, marqué par le pacifisme et le contexte idéologique européen polarisé par l’avènement à l’est de la dictature du prolétariat8. Ces trois faits historiques, qui ne sont ni équivalents ni absolument dépendants les uns des autres, instaurent un climat culturel particulier, propice à ce que s’impose une figure du soldat comme victime dans une transposition progressive de la lutte des classes sous l’uniforme. Dans le même article, Nicolas Beaupré montre que le militaire français apparaît progressivement moins comme victime de son ennemi que comme celle de la logique même de la guerre enclenchée et entretenue par une classe où se mêlent chefs militaires, responsables politiques et capitalistes. La Seconde Guerre mondiale survient donc dans un paysage de représentations culturelles, et en particulier cinématographiques, qui offre une place non négligeable aux militaires français, mais sous des formes contrastées. La figure du soldat comme victime y devient de plus en plus prégnante, tandis que le chef militaire est déjà suspect de bien des maux.
- Le soldat français, victime ou bourreau
L’héroïsme militaire sort très abîmé de la défaite de 1940 et de l’Occupation. Le « héros de Verdun » est désormais un maréchal déchu, porteur de toutes les hontes nationales. Le cinéma français d’après la Libération se choisit d’autres héros qui ne portent pas l’uniforme. L’emblématique Bataille du rail de René Clément sort en 1946. Lors des décennies qui suivent, jamais le combattant français sous uniforme de 1940 ou de 1944-1945 n’est mis en scène dans un film qui passe à la postérité. Yves Trotignon raconte ce grand vide et le surgissement emblématique des personnages de La Septième Compagnie. Le succès du premier volet, Mais où est donc passée la septième compagnie ?, classé troisième au box-office français en 1973, pousse à la réalisation des deux épisodes suivants : On a retrouvé la septième compagnie en 1975 et La Septième Compagnie au clair de lune en 1977. Les rediffusions à répétition de ces films ancrent dans les représentations françaises une image sympathique mais aussi un peu méprisable du soldat défait de 1940, très éloignée des réalités combattantes. La défaite, pourtant si inspirante en d’autres occasions, ouvre la porte à une période trop collectivement traumatisante pour qu’elle puisse alors être racontée sous un angle épique.
Se mêle aussi à cette mémoire douloureuse l’actualité de la guerre d’Algérie, venant après le trou de mémoire national de l’Indochine9 et l’antimilitarisme militant qui l’accompagne10, articulant la mémoire de l’antimilitarisme révolutionnaire de la fin du xixe siècle, et celui de l’entre-deux-guerres avec le contexte propre aux années 1960 et 1970 de lutte contre l’ordre moral auquel la hiérarchie militaire est identifiée. La dualité entre les victimes et les bourreaux se met en place durablement au cours de ces années. Du côté des victimes, se trouvent les appelés, héritiers des poilus de la Grande Guerre, non pas victimes d’un ennemi, mais de ceux qui décident de la guerre et la conduisent. Du côté des bourreaux, se trouvent les professionnels de cette guerre, gradés sans grande distinction, sous-officiers inévitablement brutaux et officiers forcément cyniques. Les films caricaturaux des années 1970 destinés à dénoncer l’action de l’armée en Algérie ne trouvent guère d’héritiers, mais cette dualité continue d’articuler bien des tentatives de récit des guerres françaises du xxe siècle. Dans ce paysage, l’œuvre de Pierre Schoendoerffer apparaît comme singulièrement isolée. Ses personnages échappent en effet à la dualité entre victime et bourreau ainsi qu’aux distinctions arbitraires entre appelés et professionnels parce qu’il renoue avec des traditions européennes successives de représentations de l’héroïsme, sans verser dans l’exaltation patriotico-épique caricaturale du xixe siècle11.
Lorsque Florent-Emilio Siri réalise L’Ennemi intime, sorti sur les écrans en 2007, pour raconter à son tour la guerre d’Algérie, il revendique très explicitement l’héritage schoendoerfferien et il y a effectivement dans le binôme constitué par le jeune officier interprété par Benoît Magimel et le sous-officier expérimenté incarné par Albert Dupontel quelque chose qui rappelle la rencontre, dans l’Indochine de La 317e Section, entre le lieutenant Torrens (Jacques Perrin) et Willsdorff (Bruno Cremer). Pour autant, Siri n’échappe pas aux archétypes de la victime et du bourreau. Il s’inscrit seulement dans une évolution très notable qui se manifeste dans la fiction française à partir des années 1990 marquées par l’effacement de l’antimilitarisme politiquement structuré et militant : le bourreau n’est pas tel par choix politique ou par son inscription dans une logique collective, mais parce qu’il est lui-même victime. Victime des chaos de la guerre qui l’ont rendu perméable à toutes les tentations immorales. Le bourreau est un traumatisé qui ne s’accepte pas comme tel.
Ces réalisateurs français installent donc collectivement le militaire dans cette fonction victimaire, emblématique d’un regard porté sur la guerre par une société qui ne la voit qu’à distance et n’en saisit donc plus ni les ressorts d’engagement collectif ni la dimension politique. Cet archétype victimaire envahit tout le champ des représentations jusqu’au moindre téléfilm où surgit subrepticement un personnage de soldat ou d’ancien militaire. La série Plus belle la vie, diffusée chaque jour à 20 heures sur France 3 depuis 2004, a fait entrer depuis qu’elle existe dans sa galerie de personnages trois figures d’anciens militaires. Tous sont des traumatisés, engagés parce qu’instables ou instables parce qu’ayant été engagés, devenus marginaux ou tombés dans la délinquance. Tous victimes, tous privés de la part rationnelle, collective et consciente de leur engagement au service de leur pays.
La dépolitisation du traitement du sujet et la victimisation absolue du combattant privent dès lors la fiction française de sa capacité à faire réfléchir sur l’engagement des gens de guerre. Les responsables, voire les coupables, des maux de cette victime perpétuelle sous uniforme français sont dilués, de moins en moins identifiables grâce à des grilles politiques communément connues dans l’ensemble de la société. Comment faire une histoire critique si celui qui porte l’uniforme n’est qu’un inéluctable traumatisé en série dont l’engagement est dénué de tout sens collectif ? La pauvreté française des films pacifistes contemporains trouve aussi sa source dans cette réduction à la psychologie individuelle la plus caricaturale du choix même de devenir l’un de ces gens de guerre.
- Rapprocher deux mondes
Du côté des armées, le constat de cette difficulté à voir des destins militaires racontés par la fiction française est récurrent. Elles-mêmes ont souvent été très craintives, redoutant de voir s’approcher trop près de leurs rangs des réalisateurs venus de milieux suspectés à tort ou à raison d’antimilitarisme et d’intentions idéologiques. La guerre d’Algérie a laissé des traces durables au point que Pierre Schoendoerffer lui-même, quand il a voulu la raconter dans L’Honneur d’un capitaine, sorti sur les écrans en 1982, s’est vu opposer bien des réticences venues d’abord du monde militaire.
Le temps passant, chefs militaires, responsables civils du ministère de la Défense et acteurs de la création audiovisuelle se reconfigurent. Comme leurs concitoyens, tous demeurent marqués par le temps long de l’histoire et de la mémoire, mais l’actualité vient ajouter ses strates de représentations aux faits plus anciens12. Le traitement médiatique des opérations extérieures en particulier a considérablement évolué depuis 2008 et la seconde partie de l’engagement français en Afghanistan. Les relations des armées avec le monde du cinéma s’inscrivent aussi dans les évolutions plus larges de la communication militaire. La professionnalisation déjà ancienne de cette dernière, capable de s’adapter aux grandes évolutions médiatiques de la seconde moitié du xxe siècle puis du début de ce siècle, a accordé peu à peu une place plus grande à cette question de la création de fictions audiovisuelles.
Le 31 janvier 2007, Jean-François Bureau, alors directeur de la Délégation à l’information et à la communication de la Défense (dicod), réunissait quatre cents professionnels du monde du cinéma dans l’amphithéâtre Foch de l’École militaire. Il y annonçait la mise en œuvre d’une nouvelle politique d’accueil des tournages par le ministère, regrettant : « Nous avons été plus des bricoleurs que des professionnels13. » Depuis 2008, le ministère de la Défense, désormais ministère des Armées, est présent chaque année sur le marché du film qui se tient lors du Festival de Cannes. Le Bureau de la politique d’accueil des tournages (bapt), qui avait déjà succédé au Bureau de la politique audiovisuelle (bpav), ne voit alors pas ses moyens considérablement renforcés, mais ses deux membres gagnent une relative mais nouvelle visibilité. Leur travail consiste toujours à répondre aux réalisateurs qui veulent bénéficier de lieux détenus par le ministère comme décors, mais l’échange en amont, sur des scénarios et des projets, gagne peu à peu une place nouvelle.
C’est bien ce pan de la tâche du bapt que Jean-Yves Le Drian a voulu renforcer en annonçant en mai 2016, à grand renfort de communication, le lancement de la Mission cinéma, en la confiant à Olivier-René Veillon, ancien directeur de la Commission du film d’Île-de-France, et en faisant passer ses effectifs de deux à quatre personnes (directeur inclus). L’ambition d’influence est alors assumée par le ministre et le poids qu’il donne à ses annonces induit de fait une légitimité considérablement renforcée de la mission au sein du ministère. Les initiatives se sont alors multipliées vers les milieux de la création audiovisuelle. En témoignent, la signature d’une convention entre le ministère des Armées et la Guilde des scénaristes en septembre 2017 ou les échanges qui ont eu lieu en février 2017 à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (sacd) avec des auteurs et scénaristes14.
Le soutien apporté par le ministère et les armées à certains projets est dès lors largement médiatisé. Si le jugement porté sur chacun des films soutenus peut légitimement varier, la manière dont ils sont reçus par la critique montre que les relations entre le cinéma et les armées ne sont plus perçues de la même manière. La suspicion de propagande ne surgit que rarement, les films étant, la plupart du temps, analysés pour eux-mêmes. Le soutien apporté par la Marine nationale a même constitué un argument promotionnel largement affiché des deux premiers films les plus ouvertement aidés par la Mission cinéma : Volontaire d’Hélène Fillières (2018) et Le Chant du loup d’Antonin Badry (2019).
Le temps de ce qui a pu être parfois une opposition de principe entre deux mondes étant dépassé, d’autres questions peuvent dès lors être posées : pourquoi la fiction française ne fait-elle pas plus et mieux ? Outre qu’il faut laisser du temps à la rencontre de se faire dans un contexte nouveau, d’autres hypothèses de fond peuvent être évoquées. Le milieu militaire constitue un univers d’initiés, aux codes visuels très affirmés, propres à susciter l’intérêt des acteurs de la création audiovisuelle. Pour autant, les ressorts narratifs qui attirent structurellement le public le plus large, à la télévision notamment, sont ceux qui reposent sur le suspense de type policier15. Ainsi voit-on surgir des films d’enquête en milieu militaire, mais dont l’objectif principal n’est pas tant de raconter les destins militaires que de mettre en scène un suspense. Le téléfilm Peur sur la base, diffusé sur France 3 le 3 mars 2018, a ainsi réuni une large audience (4,27 millions de téléspectateurs, 19 % de part de marché), plaçant la chaîne à la deuxième place de cette soirée de samedi derrière The Voice (5,33 millions de téléspectateurs, 26 % de part de marché) et devant Le Plus Grand Cabaret du monde de Patrick Sébastien (2,47 millions de téléspectateurs, 11,9 % de part de marché). Ce succès repose cependant très largement sur la mise en scène d’une intrigue de type policier, lors de laquelle Audrey Fleurot incarne Odessa Berken, adjudant-chef de la gendarmerie maritime chargée d’une enquête pour meurtre sur une base de la Marine nationale.
Or ce ressort policier est propice à l’entretien de la mise en scène du militaire dans la dualité de la victime et du bourreau. Le militaire criminel offre en effet, dans un imaginaire français qui demeure marqué par la mémoire des décennies précédentes, une figure aux traits archétypaux très efficaces, qui rencontre aussi un écho dans le traitement ordinaire de l’actualité des faits divers, jalonné de ces figures rares, mais toujours qualifiées comme telles, d’anciens militaires tombés dans la délinquance ou le crime. Dans une société qui a relégué à ses marges la violence, ceux qui demeurent les détenteurs de ce savoir-faire très particulier qui consiste à tuer ne peuvent que susciter une curiosité narrative, dans le récit de l’actualité comme dans la fiction policière. Ces trames sont d’autant plus tenaces qu’elles s’ancrent dans des représentations anciennes de la figure de l’ancien soldat devenu marginal et délinquant, particulièrement présente dans le cinéma après la guerre d’Algérie16.
Par ailleurs, l’hégémonie de la production américaine et son poids dans nos représentations collectives laissent entendre que la mise en scène des destins militaires dans leur vocation ultime de la confrontation avec l’ennemi nécessite une industrie puissante dotée de moyens colossaux. Peut aussi surgir chez certains17, jaloux de l’exubérance des manifestations du patriotisme américain, l’envie de voir émerger des grandes fresques semblables à celles que produit le grand allié. L’influence américaine pèse ainsi d’un poids démultiplié par la frustration. Ainsi s’explique en partie le risque évoqué par Yves Trotignon de fabriquer des films hors sol, pâles copies des grandes fictions américaines, sans filiation réelle avec l’histoire française et européenne du rapport entre la guerre et la fiction filmée. Or il existe bien des voies françaises de représentation des destins militaires qui ont permis de faire éclore quelques œuvres sensibles d’une immense qualité dont La 317e section est l’exemple le plus emblématique.
La question de la distance entre deux mondes à rapprocher demeure donc cruciale non pas pour que la Mission cinéma occupe une situation monopolistique d’influence du cinéma français sur ces sujets ou qu’émerge un cinéma patriotique artificiellement construit, mais pour qu’une palette la plus large possible de fictions filmées puisse exister, qu’elles soient ou non soutenues par les armées et leur ministère. Il faut une masse critique minimale pour qu’en émergent des œuvres capables de passer à la postérité. Les Français vivent depuis longtemps loin des terrains de guerre où se trouvent engagés leurs soldats, et c’est heureux. L’expérience du combat est intransmissible ; il est en revanche possible de faire sentir aux spectateurs ce que vivent ceux qui s’y trouvent confrontés et dont les destins ne sont pas réductibles à des archétypes. Quitte à développer le regard critique de Français bien insuffisamment incités, en temps ordinaire, à réfléchir aux guerres qui sont menées en leur nom.
1 J. Daniel, Guerre et Cinéma, Paris, Armand Colin, 1972, p. 26.
2 P. Fussell, The Great War and Modern Memory, Oxford, Oxford University Press, 1975.
3 N. Beaupré, « La victimisation des combattants de la Grande Guerre », in S. Schirmann (dir.), Guerre et Paix. Une destinée européenne ?, Bruxelles, Peter Lang, 2016, pp. 99-112.
4 J. Daniel, op. cit..
5 A. Gance, J’accuse, 1919, consultable à la bnf.
6 Sur cette littérature « coloniale », voir notamment J. Frémeaux, « Joseph Peyré, documentaire et légende », in J.-R. Henry et L. Martini (dir.), Littératures et temps colonial. Métamorphoses du regard sur la Méditerranée et l’Afrique, actes du colloque d’Aix-en-Provence des 7 et 8 avril 1997/Centre des archives d’outre-mer, juin 1999, Aix-en-Provence, Édisud, pp. 281-297 ; « Expédition de guerre et imaginaire colonial : autour de L’Escadron blanc », Configurations. D’un Orient l’autre, vol. 1, Paris, Éditions du cnrs, 1991, pp. 147-154.
7 Par exemple dans Le Grand Jeu de Jacques Feyder en 1934, Les Réprouvés de Jacques Séverac en 1937 ou La Bandera de Julien Duvivier en 1935.
8 J.-Ph. Lecomte, « L’antimilitarisme. Proposition de définition », Les Champs de Mars, vol. 9, n° 1, 2001, pp. 111-133.
9 La place manque ici pour évoquer le trou de mémoire national que constitue la guerre d’Indochine. Dans sa thèse consacrée au sujet (La Guerre d’Indochine dans le cinéma français, 1945-2010, Paris, Les Indes savantes, 2015), Delphine Robic-Diaz s’appuie sur un corpus de quarante-cinq films qui s’échelonnent de 1945 à 2006. Mais parmi eux, huit seulement abordent directement le sujet de la guerre. Pour tous les autres, elle n’est qu’une toile de fond, qu’une allusion ou qu’un point de départ à un scénario qui, ensuite, se détourne de cet événement. Ceux de Claude Bernard-Aubert, qui a lui aussi connu l’Indochine en guerre, avec Patrouille de choc (1957), Le Facteur s’en va-t-en guerre (1966) et Charlie Bravo (1980), sont aujourd’hui largement oubliés tout comme Les Parias de la gloire (1964) d’Henri Decoin. La 317e Section (1965) de Pierre Schoendoerffer est en revanche passé à la postérité : sans être connu très largement des jeunes générations, il continue de bénéficier du très large éloge critique qui a caractérisé sa sortie et demeure connu d’un public important de cinéphiles, au-delà des seuls cercles d’amateurs d’histoires militaires et de cinéma de guerre.
10 J.-Ph. Lecomte, op. cit..
11 B. Chéron, Pierre Schoendoerffer, Paris, cnrs Éditions, 2012.
12 B. Chéron, Le Soldat méconnu. Les Français et leurs armées : état des lieux, Paris, Armand Colin, 2018.
13 « Nous avons été plus des bricoleurs que des professionnels, mais notre volonté d’adaptation est réelle et sincère, et nous souhaitons travailler dans la durée avec les professionnels du cinéma » (« Nouvelle politique d’accueil des tournages du ministère de la Défense », Finance et cinéma, http://www.finance-cinema.com/Nouvelle-politique-d-accueil-des-tournages-du-ministere-de-la-defense_a154.html).
14 « La Mission cinéma du ministère de la Défense, présentation aux auteurs », sacd.fr, 26 avril 2017.
15 B. Chéron, « L’expérience militaire dans les médias (2008-2018). Une diversification des formes de récits », Étude de l’irsem n° 66, 2019. Le palmarès de la fiction télévisée en France en 2017 montre que les séries ou téléfilms dont la trame narrative principale est une enquête de type policier sont largement majoritaires dans le classement des dix premières fictions les plus vues. Performance de la fiction en Europe en 2017 (France, Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni), csa, septembre 2018.
16 L’Insoumis d’Alain Cavalier (1964), Objectif 500 millions de Pierre Schoendoerffer (1966) ou Adieu l’ami de Jean Vautrin (1968) sont autant de films qui racontent le destin d’anciens militaires tombés dans le grand banditisme et la marginalité.
17 Cette hypothèse s’appuie sur le surgissement régulier de cette comparaison dans des entretiens menés au long cours avec les communicants du ministère de la Défense devenu ministère des Armées.
“In 1897, an operator at the Lumière factory, followed by Georges Méliès turned a painting by the famous military painter Alfred de Neuville, Les Dernières Cartouches (‘The Last Cartridges’) into a short film, thereby giving the war film what was to be one of its favourite subjects—the desperate last stand. Although the painting itself is fairly mediocre, it was widely reproduced on engravings. It depicted a famous episode of the Franco-Prussian War of 1870: cornered in a house in Bazeilles, French soldiers fire their last rounds of ammunition against the Prussians, marking the end of a long and heroic defence against an enemy superior in both numbers and weaponry1.”
The long 20th century that ensued had no lack of moments when French soldiers, in victory or defeat, conducted an operation that was destined to feed the long tradition of narratives of military exploits. However, despite this first encounter in 1897, there is general agreement, more than a century later, that relations between these two worlds are difficult, and that French cinematographic fiction, unlike its American counterpart, does not abound in well-told stories and convincing narratives. It is true that French productions for the cinema, television and, more recently for serial platforms, have been fewer in number. In this same issue of Inflexions, Yves Trotignon manages, in only a few pages, to present an almost exhaustive panorama of the French films that recount war or the people involved in war. However, these films do exist, and some of them are well worth attention. Masterpieces in this genre are rare, but even the very prolix American cinema has its fair share of failures, “turkeys” and films that are “so bad they’re good”, hilarious or underwhelming flops, and predictable moral fables with over-obvious ideological messaging from one side of the aisle or another. However, the diversity of American war films is much greater, and their sheer numbers mean that, by force of statistics, productions of high quality and works that can be passed down to posterity appear at more regular intervals.
So, how are we to understand this impression that the encounters between French fiction and the history of wars and their warriors are too often missed opportunities? The reasons are complex and are linked to the complexities of this profession of manufacturing images, in its continual to and fro between the political and social context of a given society, the cultural life of the society and the foreign influences infusing it, the creative desires of the individual artist and the economic constraints of this unique industry with its output of audio-visual fiction. Ideally, we should be able to examine a multitude of factors whenever a story recounting a contemporary French war and the fate of the people fighting in it appears on the big or small screen. However, various broad outlines emerge through this tumultuous history that emerges from the long 20th century into the early part of the 21st century.
- The inaugural scene of the Great War
A good story needs good characters. However, the figure of the French soldier has emerged bruised and battered from the history of the French wars of the 20th century. Yves Trotignon has shown how defeat and human tragedies have structured French war story production, far from the great patriotic frescoes of the Americans. These stock features of French portrayals of war are not due to incompetence or personal bias on the part of the directors but stem from the cultural realities engendered by French military history.
European cinema became a mass medium at the same time as the continent was tearing itself apart between 1914 and 1918. In the cinema, as in so many other fields, that conflict constitutes a very specific inaugural scene. Overall, throughout European social and cultural life, the figure of the “poilu”, the conscripted infantryman, gradually became seen as a victim. As the historian Nicolas Beaupré reminds us, this vision called into question the very nature of war, even before the manner of narrating this particular armed conflict could be coloured by the ideological context of the interwar years: “If we are to believe Jay M. Winter, following in the footsteps of Paul Fussell2, this was the image that, in Western Europe, by its nature, was the root cause of a profound change, undermining the grand ideas of military glory, of the heroism of the warrior, of honour, courage in battle and self-sacrifice. […] All these visions of the soldier as pure victim, or as martyr or hero, are insufficient to give a full picture of the complexity of the actual experience of the Front during the Great War3.” They may be insufficient to give a full picture of the complexity of the Great War, but they provide the foundation for most of the representations of the French soldier during the long century that followed - the figure of the hero, then the martyr, gradually eroding to reveal only the figure of the victim. Beyond the numbers of the dead and the painful return of the wounded, the land itself, the soil of the victorious nation, was bruised for decades to come. Even if the soldier can still be a hero, he will no longer be the hero of a victory that stirs patriotic fervour, but the hero of a tragedy.
However, this eroding process was not immediate. The interwar period was also a time of coexistence between the various types of representation, even if, in the cinema, the figure of the hero was already weakened. It is true that during the twenties and thirties, film-makers had judged that their audiences would have little stomach to see the horrors of the war that had just ended displayed on the big screen4. A few major films caused controversy. This was the case of the anti-war film J’accuse by Abel Gance in 19195. However, very soon, the figures of French soldiers that continued to appear on the screens were those fighting far away, in conflicts that escaped the burden of this painful memory and that the films could still portray as noble wars, epic adventures, free of the ugliness of Europe’s chaos and the hail of lead and fire. Here, the soldier remained a romantic hero, a voyager who could take his place next to the great characters of colonial literature6. True, he was leaving French soil, with its deep collective wounds, but his departure was explained mainly by his own individual destiny, his personal dramas and, in particular, his own sentimental disappointments7. Exoticism and romanticism won the day over the portrayal of the act of battle and its political dimension.
Also, the link should be made with the resurgence of anti-militarism during the interwar years: this movement was marked by pacifism and the European ideological context, which was polarized by the appearance, in the East, of the dictatorship of the proletariat8. These three historic facts, which are neither equivalent nor entirely dependent on one another, generated a unique cultural climate that was conducive to the emergence of the figure of the soldier as victim, resulting in a gradual transposition of the class war into uniform. In the same article, Nicolas Beaupré shows that the French soldier was progressively portrayed less as the victim of the enemy as of the logic of war itself, which was triggered and sustained by a class consisting of a combination of military chiefs, political leaders and capitalists. So, the Second World War arrived against a backdrop of cultural—and in particular cinematographic—representations that offered a significant place to the French military, but in contrasting forms. The figure of the soldier as victim was becoming increasingly deeply imbued, while the figure of the military commander was already suspected of a multitude of evils.
- The French soldier - victim or perpetrator
The notion of military heroism emerged severely damaged after the defeat of 1940 and the Occupation \. The “hero of Verdun” was now a fallen marshal, charged with every national shame. After the Liberation, French cinema chose other heroes, who did not wear uniform. The emblematic La Bataille du Rail (The Battle of the Rails) by René Clément was released in 1946. During the decades that followed, not a single French film destined for posterity depicts a French soldier in the uniform of 1940 or 1944–1945. Yves Trotignon narrates this great vacuum and the emblematic rise of the characters of the comedy war film series La Septième Compagnie (The 7th Company). The success of the first film, Mais où est donc passée la septième compagnie ? (Now Where Did the 7th Company Get To?), which was ranked number three at the French box-office for 1973, spawned two sequels: On a retrouvé la septième compagnie (The Seventh Company Has Been Found) in 1975 and La Septième Compagnie au clair de lune (The Seventh Company Outdoors) in 1977. The many repeat broadcasts of these films on TV anchored in the French public mind a sympathetic but rather contemptible image of the French soldier defeated in 1940, although this image is very far from the realities of war. Defeat, which can be so inspiring under other circumstances, in this case opened the door to a period that was too collectively traumatizing to ever be narrated in epic light.
This painful memory was subsequently compounded by the news of the Algerian war, coming after the collective lapse of national memory with regard to Indochina9, with the militant anti-militarism that resulted10: this new wave of anti-militarism combined the memory of the revolutionary anti-militarism of the late 19th century and of the anti-militarism of the interwar years with the specific context of the 1960s and 1970s, which saw the revolt against the established moral order with which the military hierarchy was identified.. The duality between victims and “perpetrators” (torturers and executioners) was established and perpetuated during these years. The side of the victims includes the contemporary conscripts, heirs of the “poilus” of the Great War, victims not of an enemy but of the people who decided on the war and led it. On the side of the perpetrators are the professionals of this war, those occupying the higher ranks without any great distinction, the NCOs who were inevitably brutal and the officers who were forcibly cynical. The caricatured films of the seventies, aiming to denouncing the action of the French army in Algeria, have not had any successors, but this duality continues to mark the attempts to recount the French wars of the 20th century. In this context, the work of Pierre Schoendoerffer appears particularly isolated. His characters escape this duality between victim and perpetrator and the arbitrary distinctions between conscripts and professionals, because he reunites with successive European traditions in the representation of heroism, without falling into the self-caricature of the epic patriotic exaltation of the 19th century11.
When Florent Emilio Siri directed L’Ennemi Intime, which first appeared on the screens in 2007, to give his account of the Algerian War, he very explicitly claimed the heritage of Schoendoerffer, and this is reflected in the duo formed by the young officer interpreted by Benoît Magimel and the experienced NCO incarnated by Albert Dupontel, echoing the encounter between Lieutenant Torrens (Jacques Perrin) and Willsdorff (Bruno Cremer) in the Indochina of La 317e Section. Nevertheless, Siri does not escape the archetypes of victim and perpetrator. However he does reflect a very pronounced shift that was taking place in French fiction from the 1990s, marked by the decline of militant and politically structured anti-militarism: the perpetrator is no longer a torturer and killer by political choice or by adherence to a collective logic but because he himself is a victim. He is a victim of the chaos of war, rendering him penetrable to all forms of immoral temptation. This type of perpetrator is a traumatized individual who does not accept that he is traumatized.
So, these French directors placed the soldier collectively into this function of victim: this was emblematic of a view of war adopted by a society that only sees war from a distance and therefore no longer grasps the implications of collective commitment and engagement or the political dimension. This archetype of the victim invaded the entire field of representations, down to the most minor TV film, whenever a soldier or veteran puts in even the most discreet appearance. The series Plus belle la vie, broadcast every day at 8 p.m. on France 3 since 2004, has brought the figures of three veterans into its gallery of characters since the series first started. All of them are traumatized. They enlisted because they were unstable, or they are unstable because they had enlisted, and they were now living on the margins of society or had sunk into delinquency. All are victims; all are deprived of the rational, collective and conscious aspect of their enlistment to serve their country.
With this trend, the depoliticization of the subject and the absolute victimization of the soldier deprive French fiction of its ability to provoke thought on the question of the commitment of those who enlist to go to war. The people responsible—or even guilty—for the evils befalling this perpetual victim in French uniform are diluted and increasingly difficult to identify via the customary shared political framework known to all of society. How can you carry a critical story if the person wearing uniform is only and inevitably someone suffering from a series of traumas, whose enlistment is deprived of any collective meaning? The poverty of current French pacifist films is also rooted in this reduction of the individual to the level of caricatured psychology, including in the choice to be one of the people who fight the country’s wars.
- Bringing the two worlds together
For the armed forces, this difficulty of seeing military destinies faithfully told in French fiction is a recurrent observation. The armed forces themselves are often very fearful, dreading any excessively close incursion by directors suspected, rightly or wrongly, of anti-militarism and an ideological agenda. The Algerian War has left enduring traces, to the point that even Pierre Schoendoerffer, when he wanted to tell its history in L’Honneur d’un Capitaine (A Captain’s Honour) first screened in 1982, was met with considerable reticence and opposition from the military world.
With the passing of time, military chiefs, civilian officials at the Ministry of Defence and some of the bigger names from the world of audio-visual creation have begun to press reset. Like their fellow-citizens, all remain marked by France’s long history and memory, but the events of the news also add their strata of contemporary imagery on the facts of the distant past12. In particular, the media treatment of external operations has considerably evolved since 2008 and the second part of France’s engagement in Afghanistan. The relations of the armed forces with the world of cinema are also part of the broader changes occurring in the military’s public communication. The long-standing professionalization of military communication, which was able to adapt to the changes in the media during the second half of the 20th century and the beginning of this century, has gradually directed increasing attention to this question of the creation of audio-visual fiction.
On 31 January 2007, Jean-François Bureau, who at the time was Director of the Information and Communication Department of the Ministry of Defence (“DICOD”), brought together four hundred professionals from the worlds of cinema in the Foch amphitheatre of the École Militaire. He announced the launch of the Ministry’s new policy of welcoming film crews, expressing regret that: “We have been bumbling amateurs rather than true professionals13.” Since 2008, the Ministry of Defence, now renamed the Ministry for the Armed Forces, has attended the film market held during the Cannes festival. The Office of Film Hosting Policy (“BAPT”), which had already succeeded the Audio-visual Policy Office (“BPAV”), has not immediately seen its resources greatly increased, but its two members have gained a visibility that, although only relative, is new. Their work still consists in replying to directors who wish to have access to sites owned by the Ministry for use as film sets, but upstream discussions on scripts and projects is gradually earning a new place.
This was clearly the aspect of the bapt’s work that Jean-Yves Le Drian aimed to reinforce when he announced in May 2016, with considerable support from the communication department, the launch of a new cinema department, “Mission Cinéma”, entrusting its leadership to Olivier-René Veillon, former Director of the Film Committee for the Paris Region, and increasing the department’s team from two to four members (including the Director). So, the ambition to influence public perception is now fully assumed by the minister, and the importance he gave to his announcements conferred considerable additional legitimacy on this department within the ministry. Initiatives to engage the world of audio-visual creation increased. Examples include the signature of a convention between the Ministry of the Armed Forces and the French Screenwriters Guild in September 2017, and the discussions held with authors and screenwriters in February 2017 at the Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD - Society of Dramatical Authors and Composers)14.
From then on, the support provided by the Ministry and by the armed forces to certain projects was given widespread media coverage. Although judgements of each of the films supported can legitimately vary, the manner in which they were received by the critics shows that the relations between the cinema and the armed forces are no longer perceived in the same way as before. The suspicion of propaganda now arises only rarely, and, in general, the films are analyzed for themselves as works of cinema. The support of the French Navy was even a widely broadcast promotional argument for the first two films most openly aided by “Mission Cinéma”: Volontaire by Hélène Fillières (2018) and Le Chant du loup by Antonin Badrey (2019).
Since the era of what sometimes seemed to be an opposition of principle between the two worlds has now passed, other questions can now be asked: why does French fiction not do more and better? Apart from the fact that we must allow time for the two worlds to meet in a new context, other fundamental hypotheses can be suggested. The military world is a universe for the initiated, with very well established visual codes that can arouse the interest of the people working in audio-visual creation. Nevertheless, the narrative elements that structurally appeal to the general public, in particular on television, are those based on suspense of the detective story/thriller type15. The result has been a large number of films featuring criminal investigations in a military environment, using the military world mainly to set the scene for a thriller, and not to describe military destinies. For example, the TV film Peur sur la base, broadcast on France 3 on 3 March 2018, had a large audience (4.27 million viewers, 19% market share), putting the channel in second place that Saturday evening, behind The Voice (5.33 million viewers, 26% market share) and ahead of Le Plus Grand Cabaret du Monde with Patrick Sébastien (2.47 million viewers, 11.9% market share). However, this success was founded very largely on its detective-story format, where Audrey Fleurot plays Odessa Berken, assistant chief of the Naval Military Police, responsible for investigating a murder on a naval base of the French Navy.
In fact, this detective format is conducive to maintaining the presentation of the military man or woman in the duality of victim and perpetrator. In the French imagination, which remains marked by the memory of the previous decades, the military criminal is a figure with very effective archetypal features, as is also echoed in the typical treatment of the news items that occasionally feature these rare, but always mentioned, figures of veterans who have fallen into delinquency or crime. In a society that has relegated violence to its margins, the people who possess this very special skill of killing cannot help but arouse narrative curiosity, both in recounting the news and in the narratives of detective fiction. These story-lines are all the more tenacious because they are anchored in older representations of the ex-soldier who has become marginalized and delinquent, which was particularly prevalent in the cinema following the Algerian War16.
Moreover, the hegemony of American film production and its weight in our collective imaginations imply that the portrayal of military destinies in their ultimate vocation of confrontation with the enemy requires a powerful industry endowed with colossal resources. For some people17, jealous of the sheer exuberance evidenced in the portrayals of American patriotism, this can arouse the desire to see the emergence of homegrown giant frescoes similar to those produced by our bigger ally. The weight of American influence is therefore multiplied by this sense of frustration. This partly explains the risk evoked by Yves Trotignon of manufacturing “rootless” films, pale copies of the grand American fictions, lacking any real filiation with the French and European history of relations between war and filmed fiction. Nevertheless, French approaches to the representation of military destinies do exist and have given rise to some sensitive works of immense quality, of which La 317e Section is the most emblematic example.
So, the question of the distance to be bridged between the two worlds is crucial, not to ensure that the “Mission Cinéma” department occupies a monopolistic position of influence over French cinema concerning these subjects, or to nurture the emergence of an artificially constructed patriotic cinema, but to make sure that as wide a spectrum as possible of filmed fiction can exist, whether or not with the support of the armed forces and their ministry. A minimum critical mass is required for the emergence of works that are fit to be passed down to posterity. The French have for long lived far from the war zones where their military forces are engaged, and that is France’s good fortune. The full experience of battle is not transmissible. By contrast, the audience can be given a sense of what those directly confronted with combat go through, and that their destinies cannot simply be reduced to archetypes—even if this means developing the critical sense of the French, who are insufficiently encouraged, during normal times, to reflect on the wars conducted in their name.
1 J. Daniel, Guerre et Cinéma, Paris, Armand Colin, 1972, p. 26.
2 P. Fussell, The Great War and Modern Memory, Oxford, Oxford University Press, 1975.
3 N. Beaupré, « La victimisation des combattants de la Grande Guerre », in S. Schirmann (dir.), Guerre et Paix. Une destinée européenne ?, Brussels, Peter Lang, 2016, pp. 99-112.
4 J. Daniel, op. cit..
5 A. Gance, J’accuse, 1919, can be viewed at the French national library (BNF).
6 Concerning this «colonial» literature, see in particular J. Frémeaux, «Joseph Peyré, documentaire et légende», in J.-R. Henry and L. Martini (dir), Littératures et temps colonial. Métamorphoses du regard sur la Méditerranée et l’Afrique, papers from the conference of Aix-en-Provence on 7 and 8 April 1997/Centre des Archives d’Outre-Mer, June 1999, Aix-en-Provence, Édisud, pp. 281-297 ; « Expédition de guerre et imaginaire colonial : autour de L’Escadron blanc », Configurations. D’un Orient l’autre, vol. 1, Paris, Éditions du cnrs, 1991, pp. 147-154.
7 For example in Jacques Feyder inn 1934, Les Réprouvés by Jacques Séverac in 1937 or La Bandera by Julien Duvivier in 1935.
8 J.-Ph. Lecomte, « L’antimilitarisme. Proposition de définition », Les Champs de Mars, vol. 9, No. 1, 2001, pp. 111–133.
9 There is not enough space here to describe France’s collective national amnesia when it came to the war in Indochina. In her paper on the subject, (La Guerre d’Indochine dans le cinéma français, 1945-2010, Paris, Les Indes savantes, 2015), Delphine Robic-Diaz studies a body of forty-five films spanning the period from 1945 to 2006. However, only eight of these directly tackle the subject of this war. For all the others, the war is only a backdrop, an allusion or a starting-point for a script that subsequently departs from this event. The films of Claude Bernard-Aubert, who also had experience of the war in Indochina, with Patrouille de choc (1957), Le Facteur s’en va-t-en guerre (1966) and Charlie Bravo (1980) are largely forgotten today, as is Les Parias de la gloire (1963) by Henri Decoin. By contrast, La 317e Section (The 317th Platoon), released in 1965 and directed by Pierre Schoendoerffer, has been passed down to posterity: without being very widely known by the younger generations, it continues to enjoy the same very broad critical acclaim that greeted its first release, and it remains well-known to a large audience of cinema-lovers, with an appeal that goes beyond the limited circles of military history enthusiasts and war film fans.
10 J.-Ph. Lecomte, op. cit..
11 B. Chéron, Pierre Schoendoerffer, Paris, cnrs Éditions, 2012.
12 B. Chéron, Le Soldat méconnu. Les Français et leurs armées : état des lieux, Paris, Armand Colin, 2018.
13 « We have been bumbling amateurs rather than true professionals, but our desire to adapt is real and sincere, and we wish to work for the long term with professionals from the world of cinema » (« New policy of the French Defence Ministry for hosting film-makers », Finance et Cinéma [in French], http : //www.finance-cinema.com/Nouvelle-politique-d-accueil-des-tournages-du-ministere-de-la-defense_a154.html)
14 « La Mission cinéma du ministère de la Défense, présentation aux auteurs », SACD. fr, 26 April 2017.
15 B. Chéron, « L’expérience militaire dans les médias (2008-2018). Une diversification des formes de récits », Étude de l’irsem n° 66, 2019. The ratings for TV fiction in France in 2017 shows that the series or TV films having a crime investigation in detective story format as their main narrative were a large majority of the top ten fictions viewed. Performance of fiction in Europe in 2017 (France, Germany, Spain, Italy, United Kingdom), statistical analysis by the French Media Regulatory Authority, CSA, September 2018.)
16 L’Insoumis by Alain Cavalier (1964), Objectif 500 millions, by Pierre Schoendoerffer (1966) or Adieu l’ami by Jean Vautrin (1968) are just three of the films that narrate the destiny of military veterans who have fallen into the worlds of serious crime and marginalization.
17 This hypothesis is based on the regular recurrence of this comparison in interviews conducted over the course of many years with contacts at the Ministry of Defence, which has now been renamed the Ministry of the Armed Forces.