Dans sa pièce la plus célèbre, Edmond Rostand décrit deux types de militaires aux élans bien différents. À l’effronté Cyrano, à l’aise avec l’éloquence, s’oppose Christian, vaillant au combat mais timoré en expression. « Le langage aujourd’hui qu’on parle et qu’on écrit me trouble. Je ne suis qu’un bon soldat timide », se lamente ce dernier.
Il est ainsi des phrases qui échappent à leur auteur et font écho à travers le temps, justifiant des postures et étayant des idées à des siècles de distance. Que pensait par exemple Cicéron, rédigeant un ouvrage destiné à son fils, lorsqu’il écrivit « cedant arma togae » ? Il est peu probable qu’il ait imaginé influencer le rapport du politique au militaire dans la France du xxie siècle. Et pourtant, même si d’autres inspirations appellent le militaire à être le « conseiller du Prince », c’est plutôt la relation de l’obéissance stricte, sans remise en cause et sans discussion, qui prédomine aujourd’hui. Cette discipline est nécessaire, et bien souvent gage d’efficacité opérationnelle, comme lorsqu’un engagement est décidé un jour par l’exécutif et que les troupes sont déployées sur le terrain le lendemain même.
Mais les lois de l’action et du court terme ne régissent pas la réflexion et la prospective. En ces domaines, une libre expression devrait apporter de saines pierres aux édifices stratégique et organisationnel en perpétuelle construction. Certains événements semblent pourtant prouver le contraire, comme la disgrâce du général Desportes lorsqu’en juillet 2010 il a critiqué dans Le Monde la doctrine de contre-insurrection mise en œuvre par l’otan en Afghanistan, ou encore la radiation des cadres du chef d’escadron Matelly après la publication d’un article opposé à la réforme de la gendarmerie. Même si cette dernière décision fut annulée par le juge administratif, ces exemples ne peuvent que renforcer le mutisme d’une institution qui bout pourtant, depuis quelques années, d’une envie de s’exprimer. Mais entre lettre et esprit, les limites ne sont pas aisées à fixer, et la liberté d’expression du militaire semble maintenue en apathie. Avons-nous aujourd’hui une armée qui s’exprime avec une certaine indépendance, à l’image de Cyrano, ou sommes-nous condamnés à nous taire comme « un beau mousquetaire qui passe » ? Sujet épineux s’il en est, à tel point qu’on ne sait plus sur quel ton l’aborder.
« Ah ! Non ! C’est un peu court, jeune homme ! » s’écrierait Cyrano comme pour sa célèbre tirade du nez. « On pouvait dire… Oh ! Dieu !... bien des choses en somme… En variant le ton. Par exemple, tenez. »
Subversif : c’est le cas de la plupart des interventions de groupuscules usant de pseudonymes, tels Surcouf, qui publia une lettre anti-Livre blanc dans Le Figaro du 19 juin 2008, ou le mal-nommé mouvement Marc Bloch, groupe de « jeunes officiers » qui publiait en 2013 sur FranceTvInfo une diatribe mal argumentée dénonçant le déclin de l’armée française, ou encore le manifeste des Sentinelles de l’Agora, en 2013 toujours, qui appelait à la sauvegarde des armées. Effet de mode ou réactions contextuelles en période de rédaction de Livre blanc ? Nous serions donc condamnés à découvrir tous les cinq ans un nouveau groupuscule plus ou moins obscur qui exécuterait avec ses dernières cartouches un baroud d’honneur pour sauver nos armées. C’est beau, ça sent le panache à plein nez monsieur de Bergerac, et le romantisme éculé d’une culture bien française où les généraux se provoquent en duel dans le quotidien national pour laver leur honneur1. C’est connu, « c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ». Et pour le coup, c’est franchement inutile, voire contre-productif, parce que tout cela arrive à chaque fois bien trop tard et avec une apparence de complot bien trop marquée pour un État dont certaines plaies cicatrisent mal.
Inspiré : prenons alors exemple sur le général d’armée Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées en activité, qui publie dans Le Monde du 21 janvier 2016 sa vision de la stratégie nécessaire face à Daesh. Point de subversion en vue, point de hurlements au complot, alors même que certaines tirades avisées sont des réponses directes aux points de vue de personnalités politiques sur le sujet. La preuve qu’une idée exprimée avec sagesse ne peut qu’obtenir un accueil ouvert. « Oh ! Pouvoir exprimer les choses avec grâce ! » rêve Christian. Or il est peu probable que les auteurs du mouvement Marc Bloch, s’ils avaient pu assumer leurs écrits, auraient déversé un tel fiel sans preuve ni raisonnement. Lorsqu’on est autorisé à s’exprimer, non seulement l’anonymat perd de son intérêt, mais en plus on réfléchit à deux fois à la forme et à la portée de ses paroles ou de ses écrits. L’identité assumée est le meilleur gage d’une expression mesurée et réfléchie.
Optimiste : libérer la parole engendrerait donc plus de bien que de mal, en ceci que les prises de position anonymes et radicales auraient bien moins de raison d’être et trouveraient bien moins d’écho dans l’espace alors rempli du débat public. De plus, ne s’exprimeraient que ceux qui ont quelque chose d’intéressant à dire et ne seraient visibles que ceux qui le feraient avec talent. Nul besoin donc de s’inquiéter d’éventuels polémistes ratés dont l’insipide glose, élevée au rang d’art, parsème d’ores et déjà tous les commentaires des blogs spécialisés et articles de défense. Dans le monde de l’édition, la qualité prime sur la quantité ; un article ou un livre ne porte que s’il est lu et n’est lu que s’il est bien écrit. Or « tout homme qui écrit, et qui écrit bien, sert la France »2. On peut alors rêver d’une dynamique positive, qui permettrait à une véritable réflexion libre de contrainte de se développer au sein des armées.
Moraliste : il faudrait alors, tout de même, rappeler son devoir de loyauté au militaire qui s’exprime. Car, ne lui en déplaise, il demeure soldat de la République. Mais loyauté n’est pas loyalisme aveugle. Ou alors fermons nos écoles de formation et ouvrons les chaînes de production de robots-soldats ! Le militaire n’est-il pas cet être désintéressé, capable de critiquer le contexte politique d’une opération avec ses frères d’arme, et quelques instants plus tard de mettre toutes ses forces et son courage dans l’accomplissement de la mission reçue au sein de cette même opération ? Dès lors, que changerait le fait qu’il soit libre de s’exprimer si son engagement est assuré par son devoir de loyauté ? La conscience du devoir d’obéissance n’est en rien altérée par l’expression d’opinion. « Adieux rêves, regrets, vieille province, amour… Ce qui du fifre vient s’en va par le tambour. » Seule une barrière morale pourrait avoir raison de cette loyauté, comme ce fut le cas pour bon nombre de soldats en 1940, quel que soit le choix qu’ils ont fait, pour l’honneur et pour la patrie3. Mais cette barrière morale, si elle doit exister, ne dépendra pas des écrits ou des paroles de la personne concernée. La discussion de popote pourrait se transformer en tribune publique que le soldat ne s’en jetterait pas moins avec ardeur dans la mission qui lui est confiée.
Protecteur : le seul véritable devoir de réserve, voire de silence, concerne ainsi la sécurité opérationnelle. N’importe quel soldat engagé au combat confirmera que trouver des photos de l’intérieur des bases opérationnelles sur Internet n’est pas gage de sécurité et que publier des informations sur une opération en cours revient à donner l’ascendant à l’ennemi. Tsahal en a fait l’expérience lorsqu’en 2010 un de ses soldats publiait sur Facebook le lieu et l’heure de l’opération à laquelle il allait prendre part. Nul autre choix ne se présentait que d’annuler purement et simplement toute l’opération. S’il est régulièrement besoin de le rappeler, à cause de la fausse impression d’intimité que peuvent avoir les soldats et leurs familles sur les réseaux sociaux, ce devoir de sécurité opérationnelle ne pose de problème à personne, tant il est évident qu’il participe à la préservation de vies humaines.
Influencé : il s’agirait alors de se demander depuis quand les dix-huitième et trente-cinquième sièges de l’Académie française n’accueillent plus de militaires, et depuis quand tout le monde trouve cela normal. Cette immortelle absence est symptomatique d’un abandon d’influence dans la vie de la Cité, sous couvert d’une réserve transformée en pudeur politique. Ces dernières années ont vu naître la prise de conscience d’une nécessité de jouir d’une influence auprès de la société. Mais comment influencer alors que nous ne sommes pas visibles ? Quelle idée de l’armée peuvent bien avoir le magistrat, le professeur, le financier ? Tel le duc-maréchal de Guise – « Il est très pris ! La cour ! Les camps ! Les soins du monde ! » –, nos élites militaires devraient investir la cour de la Cité aussi bien que les camps et les garnisons. Combien de grands chefs militaires se déplacent sur les plateaux de télévision, parlent aux micros des radios, écrivent dans les quotidiens nationaux ? L’exercice est trop rare pour être efficace.
Numérique : sur les réseaux sociaux publics, peu nombreux sont les militaires qui s’affichent comme tel et assument leur expression. Pourtant, ils œuvrent directement au rayonnement des armées. Ils peuvent relayer les campagnes de communication institutionnelles et, mieux, pourraient se voir confier la primeur de certaines annonces mineures. On croit toujours plus volontiers un acteur qu’une institution. À l’image des studios de cinéma qui laissent les spectateurs parler de leurs films, nous gagnerions peut-être à laisser les militaires présenter leur métier.
Prophétique : le véritable danger ne provient-il pas d’une armée qui se tait ? Il n’y a pas de réflexion utile sans expression. Une armée qui se tait ne réfléchit donc plus et tombe dans la technicité à outrance. Fort heureusement, nous sommes loin de cette dérive. Ce n’est pas encore le rythme de maintenance des matériels qui dicte le rythme d’engagement de nos unités, ce ne sont pas encore des machines qui bombardent pour nous, ce n’est pas encore le nouveau matériel qui dicte la nouvelle doctrine…
Nostalgique : où sont les Lyautey, les de Gaulle ? On ne cesse de les citer, de se référer à leurs ouvrages, mais on n’encourage pas à les imiter. Lors de conférences en juillet 1946 et janvier 1947, le maréchal de Lattre exhortait les officiers à un travail personnel et à de libres recherches, souhaitant que l’armée devienne le centre de larges et libres courants d’idées4. Aujourd’hui, on assiste à un essor de publications de militaires, mais ce sont en très grande majorité des témoignages opérationnels. « Bah ! On trouve des mots quand on monte à l’assaut ! » ironise Christian. Cette mode n’est pourtant pas à critiquer, bien au contraire, mais il faudrait profiter du mouvement pour relancer la machine à remue-méninges et voir publier les ouvrages de référence des prochains siècles.
Envieux : en lorgnant sur les coutumes outre-Atlantique. Car à entendre les débats ouverts entre le Pentagone et le département d’État ou encore les tribunes de certains généraux américains au sujet des stratégies en cours, il semble que leur expression soit bien plus libre. Mais serait-ce une tradition plus permissive ou une conception de la subordination moins restrictive que la nôtre ? Car si notre armée obéit uniquement à l’exécutif, la leur se sent redevable également à l’égard du pouvoir judiciaire et de l’opinion publique, d’où une prise de position plus libre selon l’angle considéré5.
Législatif : en énonçant finalement l’article L4121-2 du Code de la défense. « Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire. » Difficile de faire moins ambigu. À bien y réfléchir, cet article n’interdit pas grand-chose. D’autant plus qu’il marque, par rapport à ses précédentes versions, une évolution plus permissive. Ce serait donc plutôt notre perception de ce devoir de réserve et l’application d’un principe de précaution qu’il faudrait remettre en cause…
Courageux : c’est peut-être là tout le problème. Écrire, c’est prendre position. Prendre position, c’est s’exposer. Et s’exposer, c’est prendre des risques. Mais que faut-il faire, monsieur de Bergerac ? « Dédier, comme tous ils le font, des vers aux financiers ? Se changer en bouffon dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre, naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ? Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ? Être terrorisé par de vagues gazettes ? Non, merci ! »
Au final, combien de Cyrano dans notre armée de Christian ? « Oui, j’ai quelque esprit facile et militaire, mais je ne sais […] que me taire » répètent ces derniers sans cesse. Pourtant nos rangs regorgent de Cyrano qui s’ignorent ou se bâillonnent par crainte ou par paresse. Baïonnette au bâillon, messieurs de Bergerac ! Ayez l’audace de sortir des sentiers battus comme vous montez à l’assaut ! Encourageons-nous à prendre la plume !
« Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit si vous aviez un peu de lettres et d’esprit », conclut Cyrano après sa tirade du nez. Or la moquerie populaire a parfois tendance à dire que d’esprit, les militaires n’en eurent « jamais un atome, et de lettres, ils n’ont que les trois qui forment le mot sot ! » À nous de prouver qu’il n’en est rien.
1. Le général Magrin-Vernerey, alias Monclar, l’avait fait en 1950, juste avant de prendre le commandement du bataillon de Corée, à l’encontre du général Vincent qui l’avait, entre autres, accusé dans L’Humanité d’être un agent double autrichien. In Fabienne Monclar, Le Bayard du xxe siècle, Via Romana, 2014.
2 Propos du général de Gaulle à Camus, relaté par André Malraux dans Les Chênes qu’on abat (1971).
3 Dans Honneur et Patrie (Perrin, 1996), Lucien Febvre relate l’histoire de deux frères officiers, l’un dans l’armée de terre, l’autre dans la Marine, lorsque la France capitule en mai 1940. L’un choisit l’exil en Angleterre, l’autre reste dans les forces françaises sous le gouvernement de Vichy. Les deux justifient leur choix auprès de leur mère par le respect de l’honneur et de la patrie.
4 Revue Défense nationale, 11/48, p.459, relaté par A. Goutard.
5 Florent de Saint-Victor et Stéphane Taillat, « La Toge et l’Épée », alliancegeostrategique.org, 20 septembre 2013.
In his most famous play, Edmond Rostand describes two types of soldiers with quite different styles. The insolent Cyrano who is at ease with eloquence is opposed to Christian, who is valiant in combat but timid in expression. “The language written and spoken today disturbs me. I am only a good timid soldier”, the latter laments.
Such are the phrases that escape their authors and reverberate over time, justifying postures and spreading ideas over centuries. What was Cicero thinking, for example, while writing a work intended for his son, when he wrote “cedant arma togae”? It is not likely that he was imagining he would influence the political relationship to the military in 21st century France. And yet, even if other inspirations encourage the soldier to be the “counsellor of the Prince”, it is primarily the relationship of strict obedience, without question and without discussion, which prevails today. This discipline is necessary and is often a gauge of operational effectiveness, such as when an engagement is decided one day by the executive and the troops are deployed on the ground the very next day.
But the laws of action and the short-term do not govern reflexion and perspectives. In these areas, free expression must provide solid foundations for the strategic and organisational edifices that are continually being constructed. Certain events however appear to prove the contrary, such as the disgrace of General Desportes when, in July 2010, he criticised in Le Monde the counter-insurrection doctrine implemented by nato in Afghanistan, or the removal of the chief of the Mattely squadron after the publication of an article against the reform of the gendarmerie. Even if this last decision was cancelled by the administrative judge, these examples can only reinforce the silence of an institution which for many years has been seething with a desire to express itself. But between the letter and the spirit, the limits are not easy to set, and the freedom of expression of the military appears to be kept in apathy. Do we now have an army that can express itself with a certain independence, in the image of Cyrano, or are we condemned to remain silent like “a handsome musketeer who passes”? This is such a thorny subject that we don’t know which end to start from.
“Ah! No! It’s a bit short, young man!” cried Cyrano in his celebrated nose tirade. “We could say…. Oh! God… lots of things in sum… By varying the tone. For example, here.”
Subversive: this is the case of the majority of the interventions by groups using pseudonyms, such as Surcouf, which published an Anti-White Paper in the Le Figaro on 19 June 2008, or the poorly-named Marc Bloch movement, the group of “young officers” which published a poorly-argued diatribe in 2013 on FranceTvInfo denouncing the decline of the French army, or the manifesto of the Sentinels of the Agora, also in 2013, which called for the armed forces to be safeguarded. Is this the effect of fashion or are these contextual reactions in the period of preparing the White Paper? We may thus be condemned to find another more or less obscure small group every five years fighting a last-ditch struggle with its last bullets to save our armed forces. It is elegant, a scent of the panache of the Gentleman of Bergerac and the romanticism of a truly French culture where the generals fight duels in the national newspapers to defend their honour1. As is well known, “it’s even more beautiful when it is useless.” And indeed, it is truly useless, even counter-productive, because this always happens much too late and with the appearance of a conspiracy that is too evident for a nation where certain wounds heal badly.
Inspired: let’s take the example of the Army General Pierre de Villiers, the current Chief of Staff of the armed forces, who published in Le Monde on 21 January 2016 a version of the necessary strategy against ISIL. No subversion in sight, no shouts of conspiracy, even though certain informed speeches are direct responses to the points of view of political personalities on the subject. The proof that an idea expressed with wisdom can only be received openly. “Oh! To be able to express things with grace!” dreams Christian. However, it is not likely that the authors of the Marc Bloch movement, had they been able to take responsibility for their writings, would have spilled such gall without proof or reasoning. When one is authorised to express oneself, not only does anonymity lose its interest, but one pays close attention to the form and the scope of one’s words and one’s writings. An assumed identity is the best gauge of measured and careful expression.
Optimist: giving freedom to speak would thus create more good than evil, since the anonymous and radical positions would be much less likely and would have less resonance in the space now filling the public debate. Moreover, only those persons would speak who have something interesting to say and only those who do this with talent would be visible. Thus there is no need to worry about the possible failed polemists whose insipid statements, elevated to the rank of art, are already scattered throughout all of the commentaries on specialised blogs and articles on defence. In the publishing world, quality prevails over quantity. An article or a book only has a future if it is read and it is only read if it is well written. Therefore, “every man who writes and writes well, serves France”2. We can then dream of a positive dynamic which will allow a true reflexion free of constraints to develop within the armed forces.
Moralist: we must, all the same, remind the military personnel who are speaking of their obligation of loyalty. Because, like it or not, he remains a soldier of the French Republic. But loyalty is not that of a blind follower. Otherwise, we should close our academies and open production lines for robot soldiers. Isn’t the soldier a disinterested entity capable of criticising the political context of an operation with his brothers in arms, and then seconds later put all of his strength and courage into accomplishing the mission he has received, within that very operation? Therefore, what would be changed if he were free to express himself if his commitment is ensured by his obligation of loyalty? The awareness of the obligation of obedience is not in any way changed by the expression of an opinion. “Farewell to dreams, regrets, home and love… What comes by the fife leaves by the drum.” Only a moral barrier could obstruct this loyalty, as was the case for a good number of soldiers in 1940, regardless of the choice they made for honour and for the nation3. But this moral barrier, if it must exist, will not depend on the writings or the words of the person in question. The discussion among friends could transform into a public tribunal, but this would not cause the soldier to leap into the mission entrusted to him with any less ardour.
Protective: the only true obligation of discretion, even silence, thus concerns operational security. Any soldier engaged in combat will confirm that finding photos of the interior of operational bases on the internet is not good for security and that publishing information on an operation in progress would be to give the upper hand to the enemy. Tzahal experienced this when, in 2010, one of its soldiers published on Facebook the location and the time of an operation in which he was to take part. There was no other choice but to simply cancel the entire operation. While it is regularly necessary to recall this, because of the false impression of intimacy that soldiers and their families may have on social networks, this obligation of operational security does not pose a problem for anyone, because it is clear that it is important in order to preserve human lives.
Influence: here we should question since when the eighteenth and thirty-fifth sessions of the French Academy no longer accept military personnel and since when does everyone find this normal. This absence of members of the French Academy is a symptom of the loss of influence in the halls of power, under cover of discretion transformed into political timidity. Recent years have seen growing consciousness of the need to enjoy influence in society. But how can we influence this when we are not visible? What idea could a magistrate, a professor or a financier have of the army? Like the Duke Marechal de Guise: “He’s very busy! The court! The camps! The cares of the world!” our military elites should be present in the halls of power as well as in the camps and the garrisons. How many major military chiefs visit television studios, speak into radio microphones, write in the daily newspapers? The exercise is too rare to be effective.
Digital: on the public social networks there are too few soldiers who are seen as such and who take responsibility for their words. However, they are working directly to expand the armies. They can relay the institutional communication campaigns and, better yet, they could be entrusted to set out certain minor announcements. One is always more willing to believe a person than an institution. Like the film studios that allow the audience to talk about their films, we could perhaps gain by allowing soldiers to present their profession.
Prophetic: doesn’t the real danger come from an army that is silent? There is no useful reflection without expression. An army that keeps silent is not thinking any longer and thus falls into excessive technicality. Very fortunately, we are far from this. It is not yet the rhythm of equipment maintenance that dictates the rhythm of our units engagements, it is not yet the machines that launch the bombs for us, and it is not yet the new equipment that dictates the new doctrine…
Nostalgia: where are the Lyauteys, the de Gaulles? We continue to cite them, to refer to their works, but we are not encouraged to imitate them. At the conferences in July 1946 and January 1947, Marechal de Lattre encouraged officers to work on themselves and to carry out free research, hoping that the army would become the centre of broad and free currents of ideas4. Today we see a flood of military publications, but the large majority of these are operational testimonies. “Bah! One finds the words when one mounts an assault!” states Christian ironically. This method is not to be criticised. Quite to the contrary, one must take advantage of the movement in order to get the machine going and to see the publication of reference works for the coming centuries.
Envy: while gazing on the customs across the Atlantic. Because, hearing the open debates between the Pentagon and the Department of State or the tribunes of certain American generals on the subject of strategies in progress, it appears that they are much freer to give their opinions. But is this a more permissive tradition or a concept of less restrictive subordination than in France? Because, while our army solely obeys the executive, theirs is also beholden to the judiciary branch and public opinion, and thus a position that is more free, depending on the point of view5.
Legislative: by finally declaring Article L4121-2 of the Defence Code. “Opinions or beliefs, particularly philosophical, religious or political opinions or beliefs, are free. However, they may only be expressed outside of service and with the discretion required by military service.” It would be difficult to make this less ambiguous. But on reflection, this article does not prohibit much. All the more since it shows a more permissive development, as compared to its previous versions. Thus, it is more our perception of this obligation of discretion and the application of a principle of caution that should be brought into question…
Courageous: this is perhaps the entire problem. Writing means to take a position. Taking a position means to expose oneself. And to expose oneself is to take risks. But what should we do, Mr Bergerac? “Dedicate all the verses to bankers, like everyone does? Play the buffoon in cringing hope to see, at last, a smile not disapproving, on a patron’s lips? Only discover a talent for idiocy? Be terrorised by the vague gazettes? No, thank you!”
In closing, how much of Cyrano is there in our army of Christians? “Yes, I have a quick and military mind, but I […] only know how to stay silent,” they repent without cease. However, our ranks are full of Cyranos who are unaware or who are muzzled by fear or by laziness. Bayonet to the muzzle, Gentlemen of Bergerac! Have the courage to leave the standard paths as you mount the assault! Encourage each other to take to the pen!
“Here more or less, my dear, you could have said this if you had a bit of lettering and mind,” concludes Cyrano after his nose tirade. However, the popular mockery sometimes tends to say that as for a mind, soldiers have “not an atom, and of letters they only have four, which form the word: fool!” It is up to us to prove this is not so.
1 General Magrin-Vernerey, alias Monclar, did this in 1950, just before taking command of the battalion in Korea, against General Vincent who, among other things, had accused him in the newspaper L’Humanité of being an Austrian double agent.
2 Statement of General de Gaulle to Camus, related by André Malraux in The Oaks that we Cut Down (1971).
3 In Honour and Nation (Perrin 1996), Lucien Febvre relates the history of two brother officers, one in the Army and the other in the Navy, when France capitulated in May 1940. One chose exile in England and the other remained in the French forces under the Vichy government. Both of them justify their choices to the mother out of respect for honour and the nation.
4 Review of National Defence, 11/48 p. 459, related by A. Goutard.
5 Florent de St-Victor and Stéphane Taillat, “The Toga and the Sword”, alliancegeostrategique.org., 20 September 2013.