Capitaine affecté au sein du détachement de l’aviation légère de l’armée de terre (alat) de Djibouti, je suis convoqué par le chef d’état-major de l’armée de terre (cemat), le général Mercier, qui s’apprête à expliquer à tous les commandeurs, aux chefs de corps et à une partie des capitaines commandant une unité élémentaire, les détails de la réforme de la professionnalisation de notre outil de défense. Nous sommes en 1998, et notre cemat nous explique que l’armée de terre est alors au « milieu du gué » de la réforme en cours et que nous devons bien en comprendre les enjeux pour porter ce projet dont nous sommes tous les artisans.
Ce « milieu de gué », chaque soldat de ma génération a l’impression de l’avoir franchi à de multiples reprises. En effet, les réformes s’enchaînent ou plutôt scandent le déroulement de nos carrières. Plus la sagesse nous rattrape, plus nous nous sentons responsables du succès du processus et de l’accompagnement pédagogique nécessaire. Il en va en effet du maintien du cap sur l’essentiel de notre mission : la préparation et l’engagement opérationnels. Ces réformes, les plus jeunes, pour leur part, les vivent parfois sans véritablement les comprendre ; parfois sans même savoir comment les prendre en compte. Mais après tout, cela est bien normal et chacun est alors dans son rôle, à son niveau : les plus jeunes se préparent à l’engagement immédiat de contact et les « anciens jeunes » font au mieux avec les contraintes qui s’imposent à notre outil de défense afin de permettre à leurs subordonnés de demeurer des soldats d’excellence.
J’appartiens donc à une génération qui n’aura connu que des périodes de réforme. Il n’y a là aucune originalité puisque ce fut aussi le cas de nos anciens. N’oublions pas ce qu’ont vécu nos aînés au cours des deux siècles passés : le passage à une armée de masse après 1871, l’avènement du moteur dans la conduite des opérations dans l’entre-deux-guerres, la reconstruction de l’outil de défense au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le défi des guerres d’Indochine et d’Algérie, pour terminer par la professionnalisation à partir de 1996.
À ce stade, je souhaite faire un constat : à aucun moment, le processus de réforme n’a interrompu l’engagement opérationnel1. C’est donc un faux paradoxe qu’il faut souligner : parallèlement à un processus ininterrompu de réformes, ma génération, comme les précédentes, a aussi connu un engagement opérationnel permanent, sans avoir le sentiment que celui-ci a été affaibli par ces réformes continues. Nous avons pour la plupart servi à l’étranger, lors d’opérations menées sous responsabilité nationale ou sous le drapeau de l’otan et des Nations Unies. Nous avons connu des interventions de basse et de haute intensité, dans un environnement interarmes, interarmées, voire interalliés. Ces engagements ont été conduits avec des équipements adaptés et en constante évolution. Nous avons aussi bénéficié d’une formation théorique et pratique de haut niveau qui nous a permis de remplir nos missions, dans un cadre doctrinaire sans cesse adapté. J’en conclus qu’adaptations et réformes n’ont pas nui à l’efficacité opérationnelle, et donc qu’elles ont été pensées et conduites intelligemment.
Ainsi, l’armée de terre se réforme en permanence. Ce processus répond à des nécessités qui peuvent être différentes. C’est sans doute là la distinction à faire entre réforme et réformes. La réforme est permanente : c’est un processus. Mais chaque époque mène ses réformes en réponse aux nécessités du moment. Nécessités stratégiques, quand la France évolue dans ses choix en fonction de ses partenaires (Europe, otan, États-Unis) et de l’évolution du contexte géopolitique (dividendes de la paix, absence de danger aux frontières impliquant une diminution du format des armées). Nécessités financières, quand le ministère de la Défense suit l’exemple de la fonction publique dans une logique de rationalisation des budgets. Nécessités organisationnelles, quand les implantations de nos unités ou des choix en profondeur nous obligent à faire évoluer notre fonctionnement traditionnel. Nécessités technologiques, enfin, quand l’armée de terre change actuellement la presque totalité de ses équipements majeurs. Les nécessités se conjuguent donc au pluriel ; les unes ayant des conséquences sur les autres.
Commandant le 5e régiment d’hélicoptères de combat (rhc) depuis un an, je suis un homme heureux. Mais au-delà de ce plaisir, je suis pour la première fois de ma carrière en situation de responsabilité personnelle directe dans la réussite d’une réforme, comme c’est aussi le cas de mes camarades et homologues chefs de corps. Cela me permet de dresser quelques constats généraux en partant de ce que je connais le mieux : le régiment qui m’a été confié. Cette belle unité de l’armée de terre a participé aux engagements majeurs en Afghanistan, en République de Côte d’Ivoire (rci) et en Libye en 2011, travaille de façon permanente dans le Sahel, et régulièrement à Djibouti et au Tchad. Quotidiennement, c’est ainsi entre cent et cent soixante-dix soldats du « 5 » qui servent la France sous d’autres cieux. Je n’oublie pas les missions du théâtre national, Vigipirate, Héphaïstos, pour mentionner les plus connues, mais aussi les interventions dans le cadre de l’urgence, à la suite d’une catastrophe naturelle. Je peux donc affirmer d’expérience que les réformes en cours ne bouleversent pas la finalité d’un régiment de l’armée de terre. Celui-ci recrute en permanence de nouveaux « jeunes », qui sont progressivement formés, instruits, entraînés au sein du corps ou en école. Ils entrent ensuite pour plusieurs mois dans la préparation d’un engagement opérationnel spécifique, avant de partir remplir leur mission. Le régiment demeure donc un outil de préparation et d’engagement opérationnels.
Après les permanences, il convient d’évoquer les changements. Le premier point important est que cette réforme a considérablement modifié les contours du régiment. Si le chef de corps n’a jamais été le « seul maître à bord », totalement libre de son organisation, il a aujourd’hui perdu le contrôle d’une partie des prérogatives qui lui revenaient. On peut en tirer avantage si la réforme est mise en œuvre intelligemment. Avoir perdu la gestion de nombreux actes administratifs désormais mutualisés dans une structure commune n’est pas en soi dramatique. Allons plus loin, quitte à devenir provocateur ! Après tout, cette réforme pourrait même rendre service aux vrais « troupiers » qui vont alors externaliser de nombreuses tâches, parfois jugées lourdes et difficiles à réaliser. Alors, pourquoi ne pas s’en satisfaire ?
Certains aspects de la réforme sont indéniablement bénéfiques dans le principe : gestion centralisée des points d’alimentation, gestion financière reportée à un niveau de responsabilité plus élevé, vision d’ensemble sur le schéma directeur de l’infrastructure ou encore regroupement de certaines compétences liées à l’entretien au sens large, du nettoyage des bureaux à l’entretien des espaces verts en passant par la gestion des consommables des imprimantes, porteront sans doute leurs fruits en matière de rationalisation. Ces tâches sont désormais confiées à des spécialistes, dans des bases de défense dont la mission est de tout mettre en œuvre pour assurer l’environnement « administratif et logistique » de ceux qui doivent partir à la guerre.
Cependant, plusieurs défis sont à relever. Le premier est psychologique. Il s’agit de surmonter un sentiment de dilution des responsabilités. Les militaires du régiment n’apprécient pas de ne plus pouvoir identifier précisément l’origine d’un dysfonctionnement, réel ou supposé. Le lien direct avec la cellule incriminée n’existe plus ou, du moins, il passe par des comptes rendus qui ne permettent plus l’expression directe de sa frustration. Je ne suis pas certain que tout fonctionnait mieux auparavant. En revanche, je sais qu’il était alors possible d’aller se plaindre directement dans le bureau de la cellule incriminée, voire d’expliquer au chef de corps, au cours d’une réunion périodique, qu’il était indispensable d’améliorer un point administratif fondamental. Ces discussions existent encore, mais elles sont beaucoup plus restreintes, car le chef de corps les traite désormais en dehors du cadre opérationnel régimentaire, dans des contacts directs avec le commandant de la base de défense (bdd) et le chef de corps du groupement de soutien de la base de défense (gsbdd).
Le deuxième défi est budgétaire. Il s’agit d’éviter à tout prix de mettre le chef de corps de la base de défense en échec. Pour ce faire, il est indispensable qu’il dispose des crédits de fonctionnement nécessaires pour mener à bien sa mission. Sans quoi il sera obligé d’endosser un rôle qui n’est pas le sien : celui d’arbitre entre des demandes, toutes légitimes, qu’il ne peut toutes satisfaire faute de crédits. Auquel cas, le chef de la base de défense peut se trouver en situation de conflit avec ceux des chefs de corps qui seraient les moins compréhensifs. Naturellement, l’incapacité à régler des problèmes visibles au sein des régiments (en matière d’entretien, par exemple) serait très vite portée au débit de la crédibilité de la base de défense, quand bien même elle-même serait une victime et non un coupable. Dans ces temps de forte contrainte externe et de « rationalisation » budgétaire, ce mauvais scénario n’est peut-être pas totalement hypothétique et le danger existe.
Pour continuer sur cette idée, le troisième défi est ontologique. Il touche à l’essence même de ce qu’est le régiment. Il s’agit de ne pas affaiblir inconsidérément son chef de corps. Celui-ci est et restera la référence du soldat, qui, rappelons-le, se prépare à suivre son chef, « à lui obéir dans tout ce qu’il lui ordonnera », y compris en situation de combat et au péril de sa vie. Le chef doit donc conserver une large autonomie lui permettant de marquer ses priorités et de répondre ainsi aux besoins de son régiment, notamment en matière opérationnelle. Il doit être le chef incontesté de ses subordonnés dont la confiance doit être totale et couvrir tous les aspects, y compris les plus anodins comme les contingences matérielles ou administratives. Il est donc important de laisser dans les mains du chef de corps les leviers lui permettant de marquer un effort qui lui semble indispensable au fonctionnement ou au moral de son unité, et qu’il est le seul à pouvoir estimer et évaluer précisément. Il faut surtout redouter et combattre le jour où un « administrateur » décidera, du fond de son bureau, du bien-fondé de l’engagement financier d’un équipement alors jugé « inutile » ou, pire encore, « trop cher ». Avant ma prise de commandement, j’avais la crainte d’un choc des cultures entre le chef de corps de régiment et celui de la base de défense. À l’usage, elle s’est avérée infondée. En effet, mes deux interlocuteurs viennent du corps de troupe, qu’ils connaissent parfaitement. Ils comprennent alors sans difficulté l’importance d’une demande qui conditionne la préparation ou l’engagement opérationnel.
Le quatrième défi est humaniste. Il concerne la gestion des ressources humaines. Je veux parler ici de l’avenir de nos hommes. Jusqu’à présent, le régiment prenait à sa charge une partie des actes de gestion des ressources humaines, en liaison directe avec la direction des ressources humaines de l’armée de terre. Désormais, le groupement de soutien de la base de défense s’est invité comme intermédiaire, alors que les corps de troupe ont été largement privés de leurs spécialistes des ressources humaines maintenant mutualisés en dehors du régiment. Dans ce domaine, les choses se mettent en place progressivement et les remarques des chefs de corps sont entendues.
Pourtant, il me semble indispensable d’apporter une réponse efficace à la nécessité de prise en compte de l’homme au sein de son régiment. Nous savons tous l’importance de la connaissance de l’individu, pour assurer une gestion fine et humaine d’une ressource rare et donc précieuse. Ma priorité de chef de corps est bien la gestion humaine de mes subordonnés et de leur environnement familial. Cet aspect est fondamental pour fidéliser une population de plus en plus formée et dont l’expérience est indispensable pour assurer un engagement optimisé. Chaque soldat engagé en opération doit savoir que « sa » gestion administrative suit. C’est ainsi qu’il sera performant dans sa mission et que je pourrai le réengager dans les mois qui suivront son retour. Je dois donc garder dans mon champ de compétences toutes ces prérogatives qui concernent directement la connaissance et le suivi de chaque subordonné. Pour ce faire, j’ai notamment besoin de la cellule d’aide aux familles et de l’officier de l’environnement humain. La mutualisation de ces emplois va à l’encontre de leur nature même. De même, la chancellerie du corps doit conserver la connaissance des femmes et des hommes, ainsi qu’une proximité étroite avec le chef de corps. Le domaine humain est la priorité technique et morale du chef de corps. Il ne peut pas en être autrement, car il conditionne le fonctionnement de tout le reste. Dans nos armées, l’être humain n’est pas une variable mais la constante.
Après avoir indiqué quels étaient les défis que j’entrevoyais depuis ma position de chef de corps « comme les autres », je vais m’arrêter sur les spécificités du « 5 » en matière de réformes ou de conduite de changement2.
La première de ces réformes est matérielle. Il s’agit de l’arrivée progressive d’un hélicoptère de nouvelle génération. L’avantage opérationnel retiré a été immédiatement perceptible lors de l’opération Harmattan, en Libye. Mais il s’agit d’un tuilage avec la génération précédente plus que d’un « simple » remplacement. Le Tigre n’efface pas la capacité antichar apportée par les Gazelle qui seront remplacées par une version ultérieure du Tigre. Ainsi, le régiment a vécu une phase de montée en puissance d’un outil technologique « révolutionnaire », sans pour autant abandonner des savoir-faire sur son outil « traditionnel ». Cette montée en puissance autour du Tigre a considérablement modifié l’aspect physique du régiment, avec l’intégration de nouveaux bâtiments adaptés à cet appareil. La mise en place du Tigre en Afghanistan dès 2009 au sein du bathelico pamir a aussi contraint le régiment à s’organiser en auto relève sur ce théâtre, à partir d’une petite population très sollicitée. Cela a eu des conséquences sur l’entraînement et la formation des équipages, sur la mise en condition avant projection et sur le suivi des relèves. Les équipages les plus expérimentés, pendant cette phase de montée en puissance, ont ainsi connu un rythme de projection de six mois sur douze.
La deuxième réforme est opérationnelle. Il s’agit de la simulation comme outil d’amélioration de la préparation à l’engagement. Cette simulation touche les domaines techniques mais aussi tactiques. Un pilote s’entraîne ainsi sur un simulateur de vol, qui reproduit globalement les conditions de vol. Cette méthode, très efficace, n’est pas totalement nouvelle, mais les derniers simulateurs nous donnent aujourd’hui des possibilités étendues. Le plus intéressant est le simulateur tactique « Édith ». Aujourd’hui, grâce à cet outil, le régiment sait jouer un exercice complexe en descendant jusqu’au niveau des équipages. Le bureau opérations assigne les missions aux escadrilles. Les capitaines commandants d’unité donnent leurs ordres aux équipages et ces équipages accomplissent « réellement » une mission sur simulateur. Cette mission a un contenu tactique important et solide puisque l’ennemi y est guidé par le bureau opérations. Pour aller encore plus loin, le prochain exercice sera même l’occasion de déployer un pc régimentaire qui commandera à la fois des capitaines dont les équipages seront en vol réel et d’autres capitaines dont les équipages seront en vol virtuel dans le centre de simulation régimentaire ! Cette évolution technologique est au final une réforme considérable qui a demandé et demande encore un très gros travail d’acquisition de l’outil.
La troisième réforme est statutaire. Le passage au statut d’officier de tous les sous-officiers pilotes fut un changement radical. Le régiment compte ainsi aujourd’hui un peu plus d’un millier d’hommes, dont deux cents officiers. Ce changement oblige l’alat à revoir l’organisation et les habitudes de ses escadrilles, où demain un jeune officier d’origine directe ou semi-directe se verra confier le commandement d’une escadrille de capitaines anciens, très expérimentés et très compétents sur le plan technique. Il est donc indispensable de faire évoluer deux populations visuellement « identiques », mais aux caractéristiques et aux parcours différents. Il est également indispensable d’intégrer cette « nouvelle » population au sein d’un régiment de l’armée de terre, dont la cohésion fait la force. Je dois donc m’efforcer à conserver un équilibre, qui permet à chaque catégorie statutaire et à chaque métier de vivre ensemble et non de simplement coexister.
La quatrième réforme est organisationnelle. Elle traduit les bouleversements auxquels nous avons été confrontés et illustre bien notre adaptabilité aux réformes. Il s’agit de la mise en place d’une structure bataillonnaire dans les régiments de l’alat. Désormais, les treize escadrilles du régiment sont regroupées dans trois bataillons. Le premier constitue la composante de reconnaissance et d’attaque. Le deuxième regroupe les hélicoptères de manœuvre et d’assaut. Le troisième est le bataillon des appuis du régiment. Ces bataillons sont commandés par des lieutenants-colonels, qui ont la responsabilité essentielle de la préparation opérationnelle de leur unité. Ces commandants de bataillon sont aussi chargés de prendre le commandement d’opérations du niveau d’un groupement aéromobile d’une quinzaine d’hélicoptères et d’un effectif d’environ deux cents soldats. Le régiment peut ainsi déployer plusieurs détachements de tailles différentes sur des théâtres éloignés. Le régiment alat est donc sorti de la traditionnelle organisation autour du chef de corps, des capitaines en temps de commandement et des chefs de services. Il l’a fait de façon souple, sans exclure par exemple l’engagement d’un chef de corps dans une opération majeure à la tête de son régiment. L’année 2011 n’a pas démenti la pertinence de cette organisation en offrant le commandement de plusieurs opérations à des commandants de bataillon (Afghanistan, Côte d’Ivoire et Libye).
Enfin, je dirai un mot sur la navigabilité, pour insister sur le fait que cette réforme supplémentaire a encore ajouté une contrainte à tous les bouleversements que je viens de citer. La navigabilité nous permet désormais de suivre précisément et dans la durée toutes les opérations de maintenance réalisées sur nos hélicoptères. Ainsi, chaque geste effectué doit être enregistré dans une documentation qui sera archivée pendant toute la vie de l’hélicoptère. Cette logique va loin dans le détail : par exemple, l’outil utilisé pour remplir une tâche précise doit être identifié, suivi, remis au technicien puis réintégré. Le technicien en charge de la planification des opérations est forcément différent de celui qui conduit l’opération… Cette transformation de nos méthodes n’a pas modifié l’esprit de sécurité des vols dans lequel l’alat s’est toujours inscrite. En revanche, elle a bouleversé notre travail et a considérablement modifié l’organisation de nos ateliers. La navigabilité nous a ainsi permis de conserver notre niveau d’excellence sur des fondements partageables avec d’autres institutions, françaises ou non, mais au prix d’une totale remise en cause du fonctionnement de nos ateliers de maintenance.
Pour en finir sur ces aspects propres au régiment du Béarn, je précise que le 5e rhc se prépare déjà à recevoir le Caïman, remplaçant du Puma. L’infrastructure va alors de nouveau être considérablement modifiée pour respecter de nouvelles normes incontournables. Ainsi, de nouveaux bâtiments et un nouveau centre de simulation vont sortir de terre entre 2014 et 2017, date programmée de l’arrivée de ce nouvel outil. Là encore, toutes les habitudes vont être partiellement modifiées, alors que le régiment sera peut-être engagé sur plusieurs théâtres ou missions divers et variés. La réforme n’est donc pas l’exception, mais plutôt la règle.
Au total, la réalité du commandement n’a pas changé, même si les structures de commandement des régiments de l’armée de terre ont dû évoluer. Le chef de section, le capitaine commandant d’unité ou le chef de corps ont conservé leurs prérogatives de commandement. Ils sont toujours les chefs au combat, responsables depuis la phase suivant le recrutement initial jusqu’à la préparation opérationnelle au sens large. Ils sont seuls responsables devant leur échelon supérieur, devant chaque soldat et chaque famille de soldat, de l’entraînement individuel et collectif, de la phase cruciale de la mise en condition avant projection, de l’engagement opérationnel sur le territoire national ou en mission extérieure et du suivi de chaque homme, alors que la mission est terminée et qu’il est temps de se préparer à nouveau au prochain engagement.
Personne ne remet alors en cause la place du chef et de son équipe de commandement dans cette responsabilité essentielle, qui est le cœur de la vie d’une unité opérationnelle. D’aucuns affirmeraient même le contraire, en supposant que chaque « chef » a désormais plus de temps à consacrer à son investissement dans la préparation opérationnelle. J’en suis persuadé, au regard de la complexité des engagements actuels et de leur diversité.
J’ai ouvert ce propos en évoquant la réforme de la professionnalisation de 1996, et je vais le conclure en revenant sur celle que nous vivons. La réforme actuelle a, nous le savons, une cause qui n’est pas liée à l’emploi opérationnel de nos corps de troupe. Pourtant, nous le savons également, alors que nos régiments sont fortement sollicités, que la préparation différenciée et spécifique à chaque théâtre est devenue plus complexe, alors que l’adaptation réactive de nos équipements devenait indispensable pour la sécurité de nos soldats, était-il encore raisonnable de consacrer une part non négligeable de son énergie à une autre tâche que celle de l’engagement opérationnel immédiat ? Poser cette question revient à affirmer que les réformes en cours trouveront leur justification finale dans le confortement des capacités opérationnelles, dans l’aide qu’elles nous apporteront à mieux encore qu’aujourd’hui mener les guerres de demain.
1 Ils sont intimement liés ; mais il faut faire la différence entre « réforme » et « adaptation ». L’adaptation fait partie du métier des armes, car elle permet d’optimiser l’existant pour qu’il puisse affronter le réel ; la réforme est nécessaire lorsque l’adaptation n’est plus possible.
2 L’alat vit aujourd’hui la conjonction de réformes initiées à des moments et pour des motifs différents (arrivée de nouveaux matériels, restrictions budgétaires, réformes nationales).