L’album des 20 ans

Brice Erbland

Mis au défi

L’aventure Inflexions débuta pour moi il y a dix ans. J’étais alors jeune commandant, préparant le concours de l’École de guerre. Je travaillais sous les ordres d’un certain colonel Durieux au cabinet du ministre des Armées. Un été, ce dernier m’appela pour me proposer de participer à ce qu’il a alors défini comme une séance de réflexion sur l’éthique au combat. Inflexions mettait alors au point un numéro sur le soldat augmenté, tout en bouclant celui intitulé « Violence totale ». Je me suis donc rendu à une réunion du comité de rédaction, en pressentant un peu qu’il s’agissait sans doute d’un test. J’y ai immédiatement ressenti ce que j’ai toujours senti depuis, à chaque séance : être tout petit face aux intelligences qui s’exprimaient autour de la table, et dans le même temps être mis en valeur par ces mêmes personnes qui m’impressionnaient à chaque petite idée avancée. Car en plus de l’accueil chaleureux et de l’ambiance détendue, c’est une véritable stimulation intellectuelle qui s’opère à chaque réunion. Mais gare : on en prend pour vingt mille signes très facilement !

J’ai particulièrement été frappé par trois membres du comité : Monique Castillo, François Scheer et Didier Sicard. Trois vraies rencontres. Durant cinq années de présence assidue aux réunions, la philosophe, l’ambassadeur et le médecin m’ont fortement marqué par leur intelligence, leur gentillesse, leur bienveillance et leur humanité. Le souvenir de leurs interventions ou de nos discussions plus privées en marge des séances de travail me nourrissent encore aujourd’hui. Deux d’entre eux nous ont malheureusement déjà quittés à l’heure où j’écris ces lignes… Au cours de ces dix années au sein du comité, j’ai eu l’occasion de travailler sur de nombreux numéros de la revue. Chacun d’entre eux m’a apporté de nouveaux défis à relever lorsque j’ai été en charge d’un article ou de l’éditorial. Et j’ai aussi beaucoup appris des manières de penser d’autres membres de notre groupe.

J’ai souvent entendu des critiques à propos d’Inflexions. J’ai notamment été interpellé lorsque, lors d’un entretien, un supérieur me confia qu’il considérait que la revue était un catalogue de « gens qui se regardaient écrire ». Je ne sais toujours pas s’il s’agissait alors d’une véritable conviction, d’une bravade dédiée à analyser ma réaction, ou simplement l’expression d’une jalousie, voire d’une frustration intellectuelle. Ce dont je suis certain, en revanche, c’est que la revue est à mille lieues de cette affirmation. Je crois au contraire qu’il y a une grande humilité dans les réflexions qui sont menées et dans les écrits qui composent chaque numéro. Comme le dit souvent le professeur Sicard, il n’existe aucune institution qui se remet autant en question en permanence.

Inflexions est atypique, par sa nature duale comme par l’approche tellement large des thèmes qu’elle aborde. Et elle commence à se faire connaître… Il n’y a qu’à regarder les chiffres de lecture et des mises en référence de ses articles sur les plateformes de publications académiques. Tout cela ne fait que commencer, donc longue vie à Inflexions !

Lire, écrire, échanger et pens... | M. Peucelle
C. Durandin | Une civile chez Inflexions...