N°51 | La confiance

Gilles Haberey

Confiance en soi et audace, ou jouer avec les limites du cercle

En août 1914, il ne fait guère de doute que la colonie allemande d’Afrique orientale, entourée de pays ennemis, ne tardera pas à capituler1. Son administrateur général, le gouverneur Heinrich Schnee, décide qu’aucune action hostile ne sera entreprise contre ses voisins. Le colonel von Lettow-Vorbeck n’en a cure. Bien que parfaitement conscient des limites de ses capacités et d’un rapport de force particulièrement défavorable, il est fermement résolu à résister. Il ne rendra les armes que le 25 novembre 1918, quatorze jours après la fin de la guerre, non sans avoir parcouru des milliers de kilomètres et combattu du Kenya au Mozambique avant d’achever son périple en Rhodésie. Il aura obligé ses adversaires, dont il suscite l’admiration, à déployer jusqu’à quatre cent mille hommes pour traquer ses quinze mille Allemands et Askaris.

Un siècle plus tard, cette épopée suscite tout autant de respect pour son audace que d’interrogation pour son caractère insensé. Comment un officier, refusant l’irrémédiable, réussit-il à combattre avec succès dans des conditions aussi défavorables et parvient-il à terminer la guerre invaincu ? Plus largement, pourquoi certaines personnalités relèvent-elles avec audace des défis déraisonnables alors que d’autres préfèrent prendre un minimum de risques ? Pourquoi certains persévèrent-ils avec détermination face à de grandes difficultés tandis que d’autres abandonnent face à l’obstacle ? Au-delà de la seule question des moyens, le caractère, et avec lui la confiance en soi et en ses capacités, pourrait être un facteur explicatif déterminant.

La place de la confiance est centrale dans les armées, en particulier dans la pratique du commandement. Face à la complexité des facteurs entrant dans la prise de décision, notamment en temps de guerre, l’assurance de pouvoir disposer, intrinsèquement ou par le biais d’une méthodologie, voire d’une organisation, d’une doctrine…, des pleines capacités à atteindre les objectifs fixés est clairement un facteur de supériorité morale et opérationnelle. Avoir confiance en soi2 et dans son environnement revient donc à disposer d’un avantage important. Toutefois, cette compétence personnelle et collective à réaliser une tâche, une mission, ou à porter un projet doit s’adosser à une volonté réalisatrice, de sorte que la pensée puisse se traduire en acte.

Encore faut-il, pour que le succès soit au rendez-vous, que le chef militaire fasse en sorte de maîtriser, avec lucidité, son cercle de supériorité, espace physique et cognitif borné au sein duquel il dispose théoriquement d’une pleine autonomie pour générer la force et l’énergie indispensables à la prise d’ascendant et à la victoire…

  • La pleine efficacité ou savoir utiliser
    la totalité de la surface de son cercle

Pour atteindre ses objectifs, le chef militaire doit être assuré, grâce au travail de son état-major et en s’appuyant sur ses propres qualités intellectuelles, de bien appréhender son adversaire et son environnement afin de ne pas pécher par inhibition ou par méconnaissance et de risquer de ne pas agir avec une totale pertinence. Le renseignement s’avère donc l’objet premier du combat. Ainsi, le chef ne doit pas réaliser la manœuvre qu’il souhaite selon des schémas préétablis, mais bien celle qui permet de contraindre l’adversaire, voire de le surprendre sur un terrain physique et humain connu. Pour cela, outre la mise en balance du nombre d’équipements de part et d’autre de l’échiquier, il n’est pas inintéressant de faire l’effort de chercher à pénétrer le « champ des représentations cognitives » de l’ennemi et de soumettre ses évaluations strictement militaires à des approches multidisciplinaires (historique, sociologique, géographique, culturelle, religieuse…).

Fort de cette compréhension de l’ennemi, mais aussi du milieu dans lequel les acteurs évoluent, le chef se doit, en outre, de maîtriser de manière « scientifique » ses propres capacités. Certes, les problèmes opérationnels appelant à des décisions, qu’ils soient propres à l’organisation ou à l’action militaire, deviennent de plus en plus complexes tant par la multiplicité que la technicité des données à recueillir, à traiter, à comprendre et à hiérarchiser : le risque de se concentrer sur les seuls domaines maîtrisés voire d’« empiler » les capacités à défaut de les manœuvrer est permanent, surtout lorsqu’une armée dispose de moyens importants en volume et en technicité. Pour autant, une parfaite connaissance des capacités disponibles, de leur interaction et des effets susceptibles d’être produits reste redoutable. Connue et appliquée avec lucidité pour intégrer la théorie aux réalités de l’action, une doctrine d’emploi est un outil particulièrement puissant qui offre l’opportunité de pouvoir faire usage au mieux de ses moyens et donc d’augmenter sa liberté d’action.

Pour autant, cette maîtrise technique ne saurait suffire à elle seule à s’assurer le contrôle exclusif de son cercle. Encore faut-il doubler cette intelligence par une volonté, seule de nature à mettre les objets en mouvement et à les faire interagir de manière ordonnée. En d’autres termes, l’autorité qui la met en œuvre doit croire en sa capacité, personnelle et collective, à atteindre, dans son engagement et ses performances, les objectifs fixés. Les principales recherches en la matière soulignent qu’en général l’être humain se limite, parfois inconsciemment, par fausse prudence, par paresse, par manque de confiance en ses propres possibilités ou parce qu’il n’a pas développé progressivement ses talents – son corps, son intelligence, ses capacités – de façon à pouvoir décider en situation complexe. Au-delà de l’identification, toujours problématique en temps de paix, des caractères résolus, il convient de développer chez chacun la confiance en soi comme facteur clé de la dynamique motivationnelle. Celle-ci, appliquée à la prise de décision, permettra de ne pas tomber dans le piège de la pusillanimité, à l’instar du maréchal Bazaine enfermé dans Metz le 20 août 1870 alors qu’à trois moments clés de la bataille il aurait pu prendre l’initiative et renverser le cours de l’action3 !

  • De la témérité à l’inconscience
    ou le danger à sortir de son cercle

Si la connaissance de ses capacités, la juste compréhension de son environnement et une volonté affirmée sont de nature à maximiser sa liberté d’action, encore faut-il s’assurer de ne pas surestimer ses talents ! La guerre répond en effet à des principes par essence constants, et en premier lieu celui de réalité…

L’histoire regorge d’exemples où l’hubris et la suffisance s’expriment par le refus d’accepter certaines limites propres à ses moyens et à son environnement, voire de sa propre intelligence. Cette trop grande confiance en soi, adossée souvent à des expériences antérieures favorables, conduit à n’avoir recours qu’aux informations facilement disponibles sans en rechercher de plus approfondies qui nécessitent du temps et de l’effort. Le sociologue américain Robert Jervis, par exemple, relève combien une information devient d’autant plus acceptable qu’elle renforce une intuition ou le fruit d’un raisonnement initial. Ainsi, des autorités sont fortement influencées par leurs propres attentes, et tendent à ne voir et à ne considérer que ce qui alimente leurs désirs4. Avoir surestimé ses forces face à l’ennemi peut être considéré comme la faute majeure commise par le général espagnol Manuel Fernández Silvestre, un chef courageux et énergique, qui entreprend de pacifier l’est du Rif. Parti le 7 mai 1920 de Melilla avec dix-huit mille hommes, et après une progression aisée jusqu’au village d’Anoual, il sera incapable d’évaluer à propos l’évolution du rapport de force face aux Marocains. Il sera tué dans les premiers combats sans avoir pris soin de mettre en place un dispositif cohérent de repli. Lorsque les derniers soldats espagnols réussissent à rejoindre Melilla le 10 août 1921, treize mille quatre cents de leurs camarades sont morts, blessés ou disparus.

Présomption, déni des règles et des principes, amateurisme dans l’emploi des capacités – pensons à la cavalerie lourde française dans les champs détrempés d’Azincourt ! – font que le franchissement des limites ne saurait être le fruit d’une impulsion, mais bien celui de la mesure la plus exacte possible des conséquences de ses choix. Prise de risque et audace sont, de fait, étroitement liées au sens où le succès est espéré mais incertain. Mal évaluées, elles peuvent rapidement s’apparenter à une absence de rigueur, à une forme de déraison, d’imprudence, d’aveuglement ou d’accès de folie. Or, si la mesure des gains attendus et des conséquences de l’échec est, souvent, assez bien identifiée, il n’en est pas de même du moment où s’exprimera le kairos5, l’instant de culminance de l’action, mais aussi de basculement décisif vers le succès ou l’échec. La planification et la réflexion tactique intègrent cette notion dans le concept d’effet majeur, puis le processus de construction de l’action vers le kairos (conditions décisives, lignes d’opération) et enfin l’exploitation du succès. Les déviances par rapport au dessein initial sont censées être couvertes par des plans de saisie d’opportunité (en terminologie de l’otan, les Sequel Plans) ou de réaction face à un événement inattendu (Branch Plans). Mais dans tous les cas, la prise de risque devra être exprimée par l’état-major, acceptée totalement ou partiellement par le commandeur, et suivie en permanence afin de mesurer les interactions entre le plan idéal et la réalité des faits. Sans tentative de mesure ou d’évaluation, ne serait-ce qu’à son degré primitif qu’est l’intuition6, la prise de risque n’est guère qu’un coup de dés.

  • De la juste audace, ou comment
    étendre les limites de son cercle

Si sortir des limites de son cercle de supériorité aboutit en règle générale à une probabilité forte d’échec, et que se limiter à quelques certitudes contraint ses possibilités, il convient alors d’envisager d’étendre ses propres limites pour améliorer sa liberté d’action. Il s’agit dès lors, par la créativité et l’imagination, d’étirer au maximum de leur potentialité les capacités disponibles.

Par sa nature même, l’audace perturbe l’ordre, qui renvoie à un ensemble de prescriptions attribuant une place à chaque chose. Mais la transgression peut avoir pour vocation de déséquilibrer ponctuellement un système afin de créer un ordre plus solide ou résilient en acceptant toute déviance positive. Pour toute entreprise, le défi consiste dès lors à stimuler la fécondité en mobilisant l’intelligence individuelle et collective. Or, pour faire face à une difficulté d’ordre organisationnelle ou tactique, un chef a toujours le choix entre deux méthodologies vis-à-vis de ses subordonnés, qui traduisent le niveau de confiance et de maîtrise du processus de décision. Il peut mettre en place des systèmes de contrôle renforcés, verticaux, afin de s’assurer de comprendre et de décider de l’action de l’ensemble de ses hommes : ce système, propre aux organisations complexes, facilite la connaissance globale d’une situation et les mesures de coordination, en revanche, il limite les initiatives locales. Il peut aussi développer une juste subsidiarité reposant sur la confiance et le postulat que chacun est en mesure d’assurer les tâches de son niveau dans le périmètre qui lui a été confié7.

La campagne de Prusse en 1806 en est un bon exemple. Pour attaquer et détruire ce qu’il croit être le corps principal ennemi vers Iéna, Napoléon a donné l’ordre à Davout d’empêcher le repli par le nord de l’armée prussienne. Mais, le 14 octobre au matin, le maréchal comprend rapidement qu’il fait face à Auerstaedt non pas à une unité auxiliaire ou une arrière-garde, mais au gros de l’armée ennemie. Pourtant, alors que le rapport de force est défavorable et sans attendre les ordres, il attaque les Prussiens avec les divisions des généraux Gudin, Friand et Morand, et disloque le dispositif du duc de Brunswick, qui meurt au cours de l’action. Ayant vaincu son ennemi à Iéna et à Auerstaedt, l’Empereur lance alors les maréchaux Murat, Soult et Ney dans une exploitation effrénée, qui renverse ce qui était jadis la première armée d’Europe. Le maréchal Davout a su saisir l’esprit de la manœuvre pour faire preuve d’initiative et remporter la victoire8.

Favorisant l’intelligence et la réactivité des niveaux subordonnés, la subsidiarité ouvre néanmoins la porte à des erreurs d’appréciation tactiques pouvant avoir des conséquences majeures aux plans opératif ou stratégique. L’histoire est riche de ces généraux qui ont pris des initiatives pour le moins malheureuses… Derrière la volonté de saisir des opportunités, il est fondamental de toujours trouver une forme de lucidité et de discernement9 ! Au-delà d’une indispensable connaissance des talents et des limites de ses subordonnés, il revient également au chef de favoriser l’esprit d’audace comme de valoriser la prise de parole et l’imagination dans son état-major, soit par sa personnalité, soit par la mise en place de fonctions correctives10 ! Sinon, à l’expérience, une organisation aura tendance à présenter systématiquement les options les moins risquées pour elle-même et pour ses mécanismes.

Par ailleurs, si la formation et l’entraînement permettent de s’approprier le plein emploi de ses capacités, l’expérimentation est de nature à encourager de nouvelles voies jusqu’alors soit méconnues soit inenvisagées. En expérimentant des intuitions ou en intégrant de nouvelles technologies, des mécanismes d’évaluation honnêtes et réalistes peuvent résoudre des problèmes tactiques ou doctrinaux, et ouvrir à de nouvelles potentialités : les idées novatrices du général allemand von Hutier qui, en 1916, met sur pied les Sturmtruppen, troupes d’assaut qui profitent des brèches créées par l’artillerie dans les dispositifs ennemis pour s’infiltrer en profondeur, apportent une solution au blocage tactique des fronts figés, et permettent de remporter, en 1917, les brillantes victoires de Riga contre les Russes et de Caporetto face aux Italiens.

Ce processus de recherche et d’expérimentation, toujours riche, requiert toutefois une estimation précise du coût des gains espérés : en effet, une évolution significative, qui génère une dépense en énergie supérieure au bénéfice attendu, fût-elle séduisante, peut faire l’objet in fine d’un renoncement selon le principe de « dépendance au sentier »11. Par ailleurs, il faut conserver à l’esprit qu’une supériorité obtenue par l’innovation technologique est généralement brève, l’effet de surprise se dissipant rapidement face à un adversaire qui sait, lui aussi, tirer des enseignements des faits. Ainsi, connu depuis les années 1930, le parachutage de troupes nombreuses en opération n’est pas une nouveauté lorsque débute le second conflit mondial ; en revanche, l’emploi de telles unités par la Wehrmacht en 1940 (Pays-Bas, Belgique) constitue une véritable révolution tactique de par leur mise en place par la troisième dimension. Pour autant, l’audace n’a qu’un temps et le coût de l’opération Merkur visant à la conquête de la Crète en mai 1941 sonne le glas de ce mode d’action, du moins à l’échelle considérée.

La confiance en soi est le fondement de la ténacité et de la persévérance, et un multiplicateur de l’action. Elle s’appuie, en particulier dans le métier des armes, sur l’assurance d’une parfaite maîtrise et d’une aptitude à étendre son cercle de supériorité, cercle qui se construit en premier lieu grâce à l’apprentissage, à l’entraînement et à la réflexion. Fort de cette compétence, le chef de temps de guerre comme de temps de paix saura faire de contraintes des opportunités et s’engager dans des actions audacieuses, avec succès. Ainsi, il sera la personnification de ce qu’écrivait, il y a près de deux siècles, un remarquable observateur des chefs de son temps : « Les qualités les plus essentielles pour un général d’armée seront toujours : un grand caractère, ou courage moral qui mène aux grandes résolutions ; puis le sang-froid, ou courage physique qui domine le danger. Le savoir n’apparaît qu’en troisième ligne, mais il sera un auxiliaire puissant, il faudrait être aveugle pour le méconnaître. […] Enfin, la réunion d’une sage théorie avec un grand caractère constituera le grand capitaine12. »

1 L’encerclement est presque complet avec les colonies britanniques d’Afrique de l’Est et d’Ouganda, celle du Congo belge à l’ouest, la présence des Britanniques en Rhodésie et au Nyassaland au sud-est, sans compter les Portugais du Mozambique au sud qui, s’ils sont neutres pour l’instant, rejoindront les Alliés fin 1914.

2 Penser à la quatrième base de la pyramide des besoins du psychologue Abraham Maslow, décrite dans A Theory of Human Motivation en 1943 puis ajustée dans Motivation and Personality en 1970. L’auteur considère le besoin d’estime, fruit de la confiance et du respect de soi, de la reconnaissance et de l’appréciation des autres, comme fondamental dans la construction de l’individu et l’affirmation de sa personnalité.

3 Alors que, le 15 août, la 2e armée allemande amorce le contournement de Metz par le sud, le maréchal ne fait pas détruire les ponts sur la Seille ou la Moselle. Le lendemain, lors des combats de Mars-la-Tour/Rezonville, une relance de l’action de la garde par le IIcorps du général Frossard vers le sud-ouest aurait permis d’isoler la 2e armée allemande de la 1re, mais Bazaine refuse d’engager ses réserves. Enfin, le 18 août, une relance de l’attaque de Rozérieulles, qui atteint gravement les viie et viiie corps allemands, aurait sans doute permis de contourner l’ennemi par le sud, mais Bazaine reste sourd aux demandes du général Frossard, tout comme il refuse de renforcer Canrobert qui rend compte qu’il se fait déborder par le nord. Au final, le maréchal Bazaine enferme une grande partie de l’armée française dans Metz et capitulera piteusement quelques mois plus tard.

4 « A proposition is most likely to be accepted when it is seen as plausible. [. . .] The judgments of plausibility can be self-reinforcing as ambiguous evidence is taken not only to be consistent with pre-existing beliefs but also to confirm them ». R. Jervis, How Statesmen Think: the Psychology of International Politics, Princeton University Press, 2017, p. 27. Lire également les travaux de D. Kahneman et A. Tversky sur les biais cognitifs de confirmation.

5 Chez les Grecs, kairos est l’un des trois types de définition du temps, avec chronos (le temps linéaire) et aïon (le temps cyclique). Ce temps est lu sous un angle qualitatif, avec dans toute action un point de basculement décisif entre un « avant » et un « après ».

6 Définie de plusieurs manières en philosophie ainsi qu’en psychologie, l’intuition serait le fait de pressentir ou de comprendre un phénomène sans analyse ni raisonnement. Dans les faits, elle est toujours la résurgence de compétences acquises ou de similarités identifiées, ainsi que le souligne Napoléon dans ses Mémoires lorsqu’il écrit que « l’inspiration n’est le plus souvent qu’une réminiscence ».

7 Une posture intermédiaire est celle de la délégation, qui se veut plus restrictive et de nature à être reprise dès que le chef l’estime nécessaire.

8 Le 27 octobre, les Français pénètrent dans Berlin. Napoléon ordonne que la première unité à entrer dans la capitale prussienne soit celle du maréchal Davout. En trente-trois jours, l’Empereur a gagné deux batailles, tué vingt mille Prussiens et alliés, fait cent quarante mille prisonniers et pris huit cents pièces d’artillerie. Sa victoire est totale.

9 Pensons ne serait-ce qu’à Ney à Waterloo !

10 Dans nos organisations modernes, fondées sur la parcellisation des tâches, il est important de ne pas laisser l’autorité hiérarchique seule face aux experts détenteurs des informations techniques. La désignation d’un « candide », en retrait du dialogue de commandement interne, peut constituer un antidote puissant à l’erreur collective ou à l’absence de convergence entre le chef et ses spécialistes.

11 La notion de Path Dependence ou « dépendance au sentier », empruntée au domaine de l’économie puis de la science politique et sociale dans les années 1980, part du constat que, même si apparaît une solution plus efficace que celle actuellement retenue, elle n’est pas forcément adoptée car le coût que représenterait un changement est considéré comme disproportionné. À titre d’exemple, depuis les années 1980, il est clair qu’il existe une configuration plus efficace pour les claviers d’ordinateur que l’agencement qwerty, mais le coût lié au changement des claviers et des logiciels, à la formation des dactylographes… est considéré comme largement supérieur au bénéfice de l’accélération de l’emploi du clavier. Au-delà, les économistes et les sociologues américains P. Pierson et P. David considèrent que l’évaluation des gains est toujours couverte par des dynamiques auto-renforçantes garanties par l’assurance que ce qui est connu fonctionne, alors que l’innovation laisse un doute. Sans doute que les fortes frictions quant aux évolutions tactiques et doctrinales des années 1930 en France s’inscrivent résolument dans cette approche.

12 A. H. de Jomini, Précis de l’art de la guerre, Paris, Perrin, 2001, pp. 107 et 108.

Redonner du sens à la subsidia... | F. Jordan
C. Junqua | Bâtir la confiance...