La date m’échappe, et pour l’historien la date qui s’échappe est toujours un problème, mais tentons de la reconstituer… Un colloque aux Invalides ; on y parle d’héroïsme. L’information a attiré mon œil parce qu’une communication faite par un psychiatre militaire sur Pierre Schoendoerffer est annoncée. Or, ma thèse, que je dois être sur le point d’achever ou que je viens de soutenir, porte précisément sur l’œuvre cinématographique de celui-ci. Curieuse, inquiète aussi de ce qui peut être dit d’un sujet cher à mon cœur, je passe une tête dans la salle et vais ensuite échanger avec les intervenants. Premier contact, donc, avec Yann Andruétan, le psychiatre en question, et Emmanuelle Rioux, l’organisatrice du colloque. Le premier est membre du comité de rédaction d’Inflexions, la seconde en est rédactrice en chef. Je découvre alors la revue. Premier contact d’une longue série… En 2014, le comité me fait l’honneur de me solliciter pour un article sur… l’honneur dans l’œuvre de Pierre Schoendoerffer. Quelques articles et quelques années plus tard, en 2018, il m’est proposé de rejoindre ce cénacle.
Je découvre donc cet équipage, si ce mot est autorisé dans un monde de terriens, embarqué à intervalles réguliers pour des réunions de quelques heures quelque part sur le site de l’École militaire. Ce qui me marque, d’abord, c’est la liberté des conversations, qui laissent vite voir les caractères, plus ou moins académiques, plus ou moins enclins à l’esprit de sérieux. Les raisons d’être autour de la table sont éclectiques. La distinction entre civils et militaires ne suffit pas à dire la variété des profils. D’ailleurs, comme chacun sait, il y a des militaires plus ou moins drôles et plus ou moins enclins à se prendre au sérieux ; et il en va de même pour les civils, évidemment.
Avec le temps, ces réunions sont devenues une respiration que l’on regrette de rater, un moment de gratuité intellectuelle, qui autorise beaucoup de digressions apparemment incongrues d’où germent les meilleures idées. Contribuer à la réflexion qui aboutit aux numéros fabriqués et diffusés, c’est ouvrir les perspectives des lecteurs, mais aussi et surtout les siennes. C’est tisser des liens au long cours, d’où naissent des amitiés, parfois, et, à tout le moins, une forme de fidélité civilisée. C’est aussi observer le cheminement d’une idée de départ jusqu’à des lecteurs dont on ne peut qu’imaginer, au bout de la route, la curiosité pour cet objet original qu’est la revue Inflexions, au carrefour de deux mondes, officiellement, mais de beaucoup plus, en réalité.