« Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains ! Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Saint-Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait impossible et qu’elle paraîtrait absurde aujourd’hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure et vous constituerez la fraternité européenne. [...] Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées. [...] Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd’hui un instrument de torture, en s’étonnant que cela ait pu être ! Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis d’Europe, placés l’un en face de l’autre, se tendant la main par-dessus les murs... Et ce jour-là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l’amener, car nous vivons dans un temps rapide [...] et à l’époque où nous sommes, une année fait parfois l’ouvrage d’un siècle. »
Quatre cents ans, certes non, mais l’ouvrage d’un siècle, à trois mois près : le 5 mai 1949 est signé à Londres le traité créant le Conseil de l’Europe, premier traité européen d’union politique qui donne corps à la prophétie enflammée lancée par Victor Hugo le 21 août 1849 à la tribune du Congrès de la paix réuni à Paris. Et si du Conseil de l’Europe à ces États-Unis d’Europe fantasmés par notre poète national, le chemin à parcourir est loin d’être tracé, cette ébauche d’unité du continent procède bien d’une idée neuve en Europe : la paix.
Idée neuve ? Entendons-nous bien. À l’aube des « Temps modernes », alors que Charles Quint, reprenant en mains les destinées du Saint-Empire romain germanique, rêve encore de « monarchie universelle », s’affirment sur la scène européenne les premiers États-nations dont la lutte contre les empires centraux et les rivalités vont transformer durant quatre siècles le continent en un permanent champ de bataille. Mais dans le même temps, une « conscience européenne » commence à se frayer un chemin à travers ce déchaînement de violences : certains penseurs, et non des moindres, écrivains, philosophes, hommes de science, osent évoquer l’improbable unité d’une Europe déchirée. Il faudra la seconde guerre de Trente Ans, cette tragédie européenne qui mettra le feu à la planète, pour que les peuples d’Europe se prennent à imaginer une paix qui ne serait pas la commune veillée d’armes entre deux conflits, mais bien une valeur, un socle sur lequel bâtir une nouvelle Europe. L’entreprise n’allait pas de soi : aller à rebours des siècles passés n’était imaginable qu’en acceptant l’idée d’une longue marche semée d’embûches, qui ne permettrait d’avancer qu’en ménageant les étapes, ainsi qu’allait le proposer Robert Schuman le 9 mai 1950 : « L’Europe ne se fera pas d’un coup ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. »
La France est donc à la manœuvre, et pourtant elle n’a pas été d’emblée, au sortir de la guerre, frappée par la grâce. Présente dans le camp des vainqueurs, mais fort modestement, en dépit de la lutte héroïque de la Résistance intérieure et des combattants de la France libre, elle est d’abord soucieuse, dès la fin des hostilités, d’effacer la trace de la politique d’abandon des années d’avant-guerre, de la défaite humiliante de 1940 et de l’ignominieux régime de Vichy, et, pour ce faire, de traiter la question allemande dans un esprit de revanche. Témoin le traité d’alliance et d’assistance mutuelle signé en mars 1947 avec le Royaume-Uni, et dont les dispositions sont largement inspirées par la crainte d’un persistant danger allemand. Menace dont la vraisemblance fait alors pâle figure face à la montée des périls à l’est du continent, qui conduit un an plus tard Paris et Londres, auxquels se joignent les trois pays du Benelux, à conclure à Bruxelles un nouveau traité d’alliance, dit de l’Union occidentale, dirigé contre tout agresseur et comportant une clause d’assistance automatique en cas d’agression contre l’un des signataires. Un état-major interallié est installé à Fontainebleau.
Les gouvernements d’Europe occidentale se tiennent-ils pour autant rassurés ? Sortis harassés du dernier conflit et n’ayant dû leur salut qu’à l’intervention décisive de la puissance américaine, les signataires du traité de Bruxelles ont bien conscience de leur impuissance devant les menées de l’Empire soviétique. Aussi l’encre de leur traité d’alliance est-elle à peine sèche qu’ils conjurent Washington de les aider à assurer la défense de l’Europe occidentale. Déjà engagés dans le relèvement de l’économie européenne à travers l’aide Marshall, les États-Unis vont-ils accepter pour la première fois de leur histoire de contracter une alliance en temps de paix ? Préoccupé par les progrès du communisme dans le monde, le gouvernement américain franchit le pas et conclut pour vingt ans, en avril 1949, avec dix États européens et le Canada, le Pacte atlantique, qui se substitue de fait, sinon en droit, au traité de l’Union occidentale. Alliance au départ très souple, car si elle prévoit une assistance mutuelle en cas d’attaque contre le territoire de l’un des signataires, l’assistance militaire n’est pas automatique : chaque membre de l’alliance conserve son armée et son commandement. Toutefois, la guerre de Corée venant en 1950 après la crise de Berlin et la naissance des deux États allemands, les Européens pressent Washington de transformer le Pacte atlantique en une véritable alliance militaire. Fin 1950, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (otan) prend la forme d’une organisation militaire intégrée, ayant à sa tête un quartier général des forces alliées en Europe placé sous le commandement d’un officier général américain. En échange de quoi Washington attend des Européens un effort en matière de réarmement, effort qu’obère toutefois la survivance de l’antagonisme franco-allemand.
De fait, tout en reconnaissant que le péril soviétique contraignait les puissances occidentales à hâter une décision sur le sort de l’Allemagne, la France n’avait cessé de placer haut le niveau des conditions qu’elle y mettait. C’est l’arrivée de Robert Schuman à la tête du Quai d’Orsay à l’été 1948 qui va permettre un changement de pied de la diplomatie française. Quitte à accepter le retour d’une Allemagne dans le concert européen, le ministre français des Affaires étrangères, inspiré par Jean Monnet, invente l’Europe. D’où la déclaration du 9 mai 1950 et le traité créant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (ceca), signé en avril 1951, « solidarité de fait » confiant à une autorité supranationale la gestion des deux matières premières de base de l’industrie d’armement. En quelque sorte, pour répondre à l’exigence américaine de réarmement, « un dépassement de la puissance militaire, sinon de l’État-nation, et des fléaux qui lui sont, au lendemain de la guerre, associés »1.
Mais réarmer implique aussi des hommes et Washington ne peut concevoir que l’Allemagne n’en pourvoie pas. Pour Paris, la reconstitution d’une armée allemande est exclue. Mais pourquoi ne pas étendre au militaire la formule ceca ? C’est la proposition française : constituer une armée européenne intégrant des contingents allemands. Le traité instituant la Communauté européenne de défense (ced) est signé en mai 1952. Il suscite en France des débats houleux : la réapparition de soldats allemands et la présence de forces françaises dans une armée européenne intégrée à l’otan sous commandement américain ne passent pas auprès d’une majorité du corps politique. En août 1954, l’Assemblée nationale refuse d’autoriser la ratification de ce traité... d’inspiration française. Cette volte-face n’empêchera pas le réarmement allemand. Dès octobre 1954, l’Union occidentale est appelée à la rescousse et, rebaptisée Union de l’Europe occidentale (ueo), elle intègre l’Allemagne et l’Italie. Quelques mois plus tard, l’Allemagne adhère à l’otan.
L’Europe est ainsi née d’un double paradoxe : le chantier de l’unité du continent, qui dresse l’Europe contre la guerre, a été ouvert pour permettre, tout en la bordant, la remilitarisation de l’Allemagne. Mais alors que la poursuite de l’aventure européenne à travers les traités de Rome rompra dès 1957 avec le concept supranational, l’Europe perd la maîtrise de ses forces armées qui migrent dans l’espace atlantique sous la férule de Washington. Et Paris et Londres apprendront lors de l’expédition de Suez que, bien que membres permanents du Conseil de sécurité, ils sont aussi interdits de guerre hors des frontières de l’Europe, sauf autorisation des deux grands. S’ils en doutaient encore, les pays européens sont bien contraints à la paix. Le Royaume-Uni se le tiendra pour dit et s’attachera désormais à cultiver une relation « spéciale » avec les États-Unis.
La France ne l’entendra pas ainsi et s’appliquera sans plus attendre à réduire sa dépendance stratégique au sein du bloc atlantique, en poussant notamment les travaux nécessaires à la possession de l’arme nucléaire. Le retour au pouvoir du général de Gaulle ne contribuera pas peu à accentuer cette prise de distance. Entre 1958 et 1962, le chef de l’État, tout en travaillant à résoudre le problème algérien qui mobilise les forces vives de la nation, va porter une grande attention à deux projets, apparemment distincts, mais sans doute étroitement liés dans son esprit. D’une part, une réforme en profondeur de l’organisation atlantique, passant par l’institution d’un directoire franco-anglo-américain au sein de l’Alliance. C’est l’objet d’un mémorandum adressé dès septembre 1958 à Washington et à Londres, et rejeté par le président Eisenhower, avant tout désireux de ne pas se lier les mains en cas d’emploi éventuel de l’arme nucléaire. En réponse, le président français décidera d’accélérer la constitution d’une force de frappe française, malgré les efforts de Washington pour l’en dissuader. D’autre part, la mise en place d’une Europe politique, objet du plan Fouchet, que les cinq autres États membres de la Communauté finiront par repousser, entre autres au motif que le volet « sécurité et défense » ignorait délibérément l’espace atlantique. Or, selon Georges-Henri Soutou, « le plan Fouchet ne correspondait pas seulement pour Paris à un projet européen, mais aussi à un projet stratégique, en particulier à cause de la volonté du général de Gaulle d’obtenir une réforme profonde de l’Alliance atlantique. Il s’agissait visiblement dans l’esprit du Général d’établir une double organisation de sécurité, européenne et tripartite, formée de deux cercles dont la France aurait assuré le recoupement »2. Cette interaction avec la question de la réforme de l’otan et les rapports entre les États-Unis et l’Europe aura sans doute eu sa part dans l’échec du plan Fouchet.
La proposition d’une Communauté atlantique lancée par le président Kennedy en juillet 1962 ne connaîtra pas un meilleur sort. Cette communauté devait reposer sur deux piliers, les États-Unis et les « États-Unis d’Europe » (sic). Pour équilibrer dans le domaine stratégique le monopole américain de décision d’emploi de l’arme nucléaire, Washington proposait la création d’une force multilatérale intégrée qui aurait absorbé les forces nucléaires française et britannique, mais non la force américaine. Refus français assuré.
Il restait à tirer la leçon de ces échecs en revenant aux fondamentaux de la construction européenne telle qu’elle avait été conçue en 1950 : faire de l’entente franco-allemande la pierre angulaire de l’Europe nouvelle. Sans doute le traité de l’Élysée du 21 janvier 1963, qui, aux yeux du président français, devait permettre la relance de l’Europe européenne face aux tenants de l’Europe atlantique, ne fut-il ratifié par le Bundestag qu’avec l’adjonction d’un préambule soulignant que l’Allemagne ne choisirait jamais l’Europe contre l’Amérique. Cet épisode ne fit pas obstacle à une relance de l’Europe sous l’impulsion d’un partenariat franco-allemand actif durant plusieurs décennies, y compris dans le domaine de la défense. Il ne fit pas davantage obstacle à la volonté française de refuser l’intégration atlantique sans pour autant rejeter l’Alliance : en 1966, les forces françaises étaient retirées du commandement intégré et les institutions, organes et bases de l’otan quittaient le sol français.
Ainsi, quels que soient les progrès accomplis depuis la mise en œuvre des traités fondateurs dans l’édification d’une Europe unie, toute idée d’une communauté européenne capable d’assurer sa sécurité et sa défense hors du cadre transatlantique est résolument écartée par les partenaires de la France et par Washington. Bien plus, comment l’Europe pourrait-elle passer pour une partie prenante de la défense du monde libre en l’absence de toute politique étrangère commune ? « Le système Est-Ouest définissait un espace unique structuré par les alliances, fonctionnant selon des règles simples et aisément déchiffrables. [...] Un seul organisme jouissait d’un monopole d’intervention dans les situations touchant à la sécurité des Européens : l’Alliance. Le discours sur la construction européenne parlait d’autre chose ou s’insérait dans le déterminant atlantique. [...] [L’Europe de l’Ouest] est jusqu’à la fin des années 1980 un espace d’action économique amorçant une simple coopération politique. Elle est jusqu’à l’effondrement du bloc de l’Est un personnage stratégique introuvable3. » Seule la France gaullienne s’attache à mettre sa politique extérieure en accord avec sa volonté de garder la maîtrise de ses moyens de défense en ébauchant une troisième voie entre les deux blocs (reconnaissance de la Chine populaire, développement des relations avec Moscou et les pays satellites, critique de la politique américaine au Vietnam, politique d’aide au développement).
La fin de la guerre froide et la disparition de l’Union soviétique vont-elles entraîner une redistribution de la puissance en Europe ? « C’est à nouveau aux deux principes d’organisation de l’ordre européen qu’il est fait appel pour absorber le “choc” de la réunification allemande : l’Alliance atlantique, dans laquelle l’Allemagne réunifiée est, avec l’accord de l’Union soviétique, intégrée, et la construction européenne qui, à l’initiative du chancelier Kohl et du président Mitterrand, se voit assigner une nouvelle ambition4. »
Le traité de Maastricht, signé en 1991, s’attache à traduire cette ambition, notamment par l’institution d’une politique étrangère et de sécurité commune (pesc) qui comporte entre autres cette disposition en forme de poupées russes : « La pesc inclut l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union européenne, y compris la définition à terme d’une politique de défense commune, qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune. L’Union demande à l’ueo, qui fait partie intégrante du développement de l’Union européenne, d’élaborer et de mettre en œuvre les décisions et les actions de l’Union qui ont des implications dans le domaine de la défense. » Ce monument de la littérature européenne résume à lui seul l’infinie vacuité de toute réflexion stratégique au sein d’une communauté qui ne compte encore que douze États membres, tous d’Europe occidentale.
À peine les Européens avaient-ils osé franchir ce pas (!) qu’ils se trouvèrent jetés dans la tourmente balkanique et que, livrés à eux-mêmes, ils ne purent qu’étaler leur impuissance et en appeler à l’allié américain, qui, n’ayant plus à contenir les menées du bloc soviétique, aspirait à prendre quelque distance avec les querelles tribales de la vieille Europe. Seules l’intervention de l’otan et la prise en charge par les autorités américaines de la négociation entre les parties au conflit permirent de mettre un terme à la guerre en Bosnie. Et c’est encore à l’otan que l’on fit appel pour faire plier la Serbie dans l’affaire du Kosovo.
La pesc ne connaîtra pas un sort meilleur lorsque les élargissements de l’Union européenne feront passer en quelques années le nombre des États membres de douze à vingt-huit. S’agissant particulièrement des pays d’Europe centrale libérés du joug soviétique, c’est l’adhésion à l’otan qui avait alors la priorité. Et comment leur donner tort ? Les considérables progrès de l’unité européenne avaient certainement contribué à renforcer le bloc atlantique, mais il était difficile de lui attribuer directement l’écroulement du bloc de l’Est. L’alliance avec les États-Unis prenait tout naturellement le pas sur l’adhésion à l’Union. Et celle-ci n’intéressait qu’en raison de son grand marché : une Europe politique, puissance militaire, n’entrait pas (et n’entre toujours pas) dans le champ de vision de Varsovie, Prague ou Budapest.
Ce n’est pas que la pesc et sa traduction dans le domaine de la sécurité, la politique européenne de sécurité et de défense (pesd), n’aient pas connu en vingt-cinq ans quelques timides avancées. Des structures de gestion de crises ont été mises en place. La création d’une force de réaction rapide a été convenue. Une stratégie européenne de sécurité a vu le jour, qui a permis quelques opérations de gestion de crises, civiles et parfois militaires, en Afrique, dans les Balkans, au Moyen-Orient, dans l’océan Indien, opérations menées avec ou sans les moyens de l’otan, mais sous commandement européen. Mais l’évidence s’impose : ces avancées ont reposé largement sur trois pays, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Avec le partenaire allemand, on est passé en 1991 de la brigade franco-allemande au corps européen. Un accord entre les chefs d’état-major français et allemand et le Supreme Allied Commander Europe (saceur) a mis sur pied une coopération otan/ueo. Quant au Royaume-Uni, il a trouvé sur le terrain de la défense une occasion de manifester de l’intérêt pour l’Europe. L’accord franco-britannique de Saint-Malo de décembre 1998 affirme la vocation de l’Union européenne à disposer d’une « capacité autonome d’action appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le faire afin de répondre aux crises internationales [...] pour que l’Europe puisse faire entendre sa voix dans les affaires du monde, tout en agissant en conformité avec nos obligations respectives au sein de l’otan ». D’autres accords entre Paris et Londres sont venus récemment encore consolider cette coopération.
Pour autant, la France qui s’attache à conclure en matière de défense des coopérations bilatérales à vocation européenne est-elle encore la France tout occupée à porter depuis les débuts de la Ve République le concept d’une Europe de la défense, support naturel d’une Europe multiplicateur de puissance, face à des partenaires qui conçoivent plus prosaïquement la politique européenne de sécurité et de défense comme une défense de l’Europe ? Approche qui les conduit à s’en remettre sans réserve au protecteur américain et à privilégier leur appartenance à l’otan, et ce d’autant plus qu’ils n’ont cessé, au cours de la dernière décennie, la crise aidant, de tailler dans leurs budgets de défense. La question mérite d’être posée au vu de la double démarche engagée au même moment par la diplomatie française. Sous l’impulsion du président Sarkozy, l’Union européenne va s’efforcer, après le rejet du Traité constitutionnel, de sauver les meubles en signant le traité de Lisbonne. Reprenant nombre des dispositions du traité mort-né, cet accord marque sans doute au plan de la défense quelques progrès, retenant notamment la possibilité d’une « coopération structurée permanente » (c’est-à-dire d’une défense à géométrie variable). Mais il souligne également que pour les États de l’Union membres de l’otan, celle-ci demeure « le fondement de leur défense collective et l’instance de leur mise en œuvre ». Or, au même moment, le président de la République annonce le prochain retour de la France dans les structures intégrées de l’otan. Ce sera chose faite en 2009, année de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Après la disparition de l’Union soviétique, la France avait par principe soulevé la question du maintien de l’otan. Les États-Unis ayant marqué sans ambiguïté leur volonté de rester européens (c’est-à-dire de garder un œil sur cette Europe qui par deux fois les avait jetés dans un conflit mondial) et ayant aménagé l’otan en conséquence, Paris avait ouvert à la fin des années 1990 le dossier d’un possible retour dans le commandement intégré. L’opération échoua devant le refus de Washington d’accorder à l’Europe l’un des grands commandements de l’organisation. Ce qui n’avait nullement empêché la France de continuer à participer aux opérations conduites par l’otan, au budget de laquelle elle est l’un des principaux contributeurs. Dès lors, un retour dans le système intégré ne changeait apparemment guère la donne, sinon qu’il pouvait permettre d’afficher une proximité avec le partenaire américain, ce qui allait bien au-delà de la ligne traditionnellement suivie par la diplomatie française depuis un demi-siècle. Or tel était bien le but visé par Nicolas Sarkozy, qui en 2003 déjà s’était rangé parmi les partisans de l’absurde intervention anglo-américaine en Irak. Au regard des conditions d’engagement des forces françaises dans certaines opérations extérieures en cours, ce retour à une ligne plus atlantiste n’a apparemment guère été remis en cause par le président Hollande.
La France, tout en restant l’un des rares membres de l’Union à avoir préservé, militairement parlant, une certaine crédibilité, semble donc être rentrée dans le rang. Peut-on dès lors considérer que le débat est clos et que l’idée d’une défense européenne autonome a vécu ? Rien n’interdit d’avoir de la conception que se fait aujourd’hui l’Europe de sa sécurité et de sa défense l’analyse qu’en fait Pierre Buhler, qui note avec bienveillance que « la construction européenne a rénové les modes d’exercice de la puissance et de l’influence. Et elle a inventé des modalités nouvelles. [...] En postulant le dépassement de la logique de puissance et de rivalité dans une région du monde – et en mettant en pratique ce postulat –, les bâtisseurs de l’Europe ont patiemment tissé un modèle de relations interétatiques dans lequel le risque du recours à la force s’est peu à peu dissipé, esquissant le modèle kantien de la “paix perpétuelle”. [...] Ce que l’Europe applique à ses parties constituantes, c’est un maillage serré de normes, dont le respect est sanctionné par une cour de justice. Et qui permet, au nom d’un bien public admis comme légitime, de passer outre les souverainetés nationales sans les abolir ». Et il ajoute : « L’Europe ne se borne pas à appliquer aux relations en son sein ces normes. [...] Elle ambitionne de les faire partager au reste du monde. [...] Incapable de jouir d’une puissance militaire dont le rejet est précisément constitutif de son existence, elle peut proposer, sinon un modèle à imiter, du moins une méthode éprouvée de gestion des relations entre les États. »
On retiendra simplement que le monde globalisé et multipolarisé de l’après-guerre froide n’a guère manifesté à ce jour de penchant pour le modèle européen. Et que pour la première fois depuis soixante-dix ans, les citoyens de l’Union européenne s’entendent répéter qu’ils sont à nouveau en guerre et que celle-ci menace leur territoire. C’est à tort. Si guerres il y a, elles se déroulent hors d’Europe, mais non loin des frontières de l’Union. Les derniers élargissements ont en effet porté celles-ci aux marches du continent, en des confins redevenus instables depuis la chute du Mur. Si les Européens n’en avaient guère conscience, les vagues de réfugiés qui se pressent aujourd’hui à leurs portes les auront ramenés à la dure réalité.
À l’origine de ces mouvements de populations, des guerres qui, sur un fond de conflits latents dans le monde arabe, ont prospéré dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001 et des réactions occidentales. On doit particulièrement à la désastreuse intervention en Irak, déjà citée, un embrasement général au Moyen-Orient, dont les métastases terroristes ont, elles, traversé les frontières européennes. Mais si tragique que soit le nombre de ses victimes, le terrorisme n’est pas la guerre : les atteintes à la sécurité des pays d’Europe qu’il constitue ne se combattent pas d’abord par la force militaire. Si ces violences peuvent justifier le recours aux forces armées dans les zones de conflits qui les alimentent en volontaires et en moyens, elles appellent à l’échelle européenne d’autres mesures qui ne relèvent pas de l’otan et dont l’efficacité exige un niveau, encore loin d’être atteint, de coordination et de coopération entre les États membres de l’Union. Là est aujourd’hui le défi lancé à des gouvernements qui, avides de paix, avaient cru commode d’en confier la gestion à d’autres, tout en conservant par-devers eux l’illusion de la souveraineté. Dans cette forme de combat, dont le caractère asymétrique dépasse de loin celui des guerres dont le Moyen-Orient et l’Afrique sont aujourd’hui le théâtre, les souverainetés nationales sont un rempart dérisoire, méprisable même lorsqu’elles ne sont que l’expression d’un nationalisme honteux. Comme si naguère l’Europe n’en avait pas dramatiquement payé le prix. Et comme si l’Union européenne dans cette épreuve ne jouait pas sa survie.
“A day will come when your arms will fall even from your hands! A day will come when war will seem as absurd and impossible between Paris and London, between Saint-Petersburg and Berlin, between Vienna and Turin, as it would be impossible and would seem absurd today between Rouen and Amiens, between Boston and Philadelphia. A day will come when you France, you Russia, you Italy, you England, you Germany, you all, nations of the continent, without losing your distinct qualities and your glorious individuality, will be merged closely within a superior unit and you will form the European brotherhood. […] A day will come when the only fields of battle will be markets opening up to trade and minds opening up to ideas. […] A day will come when we will display cannon in museums just as we display instruments of torture today, and are amazed that such things could ever have been possible! A day will come when we shall see those two immense groups, the United States of America and the United States of Europe, stretching out their hands across the sea… And that day, it will not take four hundred years to reach it, as we live in rapid times […] and in our times, one year creates the works of a century.”
Certainly not four hundred years, but the work of one century less some three months: on 5 May 1949 the treaty creating the Council of Europe was signed in London, the first European political union which embodied the passionate prophecy launched by Victor Hugo on 21 August 1849 at the Peace Congress in Paris. And while the route from the Council of Europe to the United States of Europe imagined by our national poet is far from being set, this outline for the unity of the continent indeed proceeds from a new idea in Europe: peace.
A new idea? Look carefully. At the dawn of the “modern age”, when Charles Quint took control of the destiny of the German Holy Roman Empire, still dreaming of a “universal monarchy”, the first nation-states appeared on the European scene and their combat against the central empires and rivalries would transform the continent over four centuries into a permanent field of battle. But at the same time, a “European awareness” started to cut a path through this violence: certain thinkers, and not the least among them, writers, philosophers and men of science, dared to invoke the improbable unity of a Europe torn apart. It took the second Thirty Years War, the European tragedy that set fire to the planet, in order for the people of Europe to start to imagine a peace that would not be a joint armed vigilance between two conflicts, but indeed a shared value, a platform on which to construct a new Europe. The undertaking was not evident: going against previous centuries was only imaginable by accepting the idea of a long march encumbered with pitfalls and to go forward required watching one’s step, as Robert Schuman would propose on 9 May 1950: “Europe will not be created in a moment or in constructing a unit: it will be made by concrete realisations that first create a de facto solidarity.”
France was thus involved in the manoeuvre although at the end of the war it was not particularly struck with good fortune. Present in the winners’ camp, but very modestly, despite the heroic fight of the domestic Resistance and the Free French fighters, it was first concerned, at the end of the hostilities, to clear away the trace of the policy of abandonment of the pre-war years, the humiliating defeat of 1940 and the ignominious Vichy regime, and, in order to do this, to address the German question in a spirit of revenge. It was a witness to the treaty of alliance and mutual assistance signed in March 1947 with the United Kingdom, the provisions of which were largely inspired by the fear of a persistent German danger. This was a threat whose truth at that time paled in the face of the mounting threats in the east of the continent, which led Paris and London, together with the three Benelux countries, to conclude a new alliance treaty, known as the Western Alliance, directed against any aggressor and containing a clause for automatic assistance in the case of aggression against any of the signatories. An inter-alliance general staff was installed in Fontainebleau.
But were the governments of Western Europe reassured by this? Left exhausted by the last conflict and owing their salvation only to the decisive intervention by American power, the signatories of the Brussels Treaty were well aware of their impotence before the threats of the Soviet Empire. Thus, scarcely had the ink dried on the alliance treaty, they worked to convince Washington to assist them in defending Western Europe. Already committed to the reconstruction of the European economy by means of the Marshall Plan, would the United States agree, for the first time in its history, to contract a peacetime alliance? Concerned by the progress of communism in the world, the American government stepped forward and concluded for twenty years the Atlantic Pact in April 1949 with ten European states and Canada, which replaced in fact, if not in law, the Western European Treaty. At first this was a very flexible alliance, because while it provided for mutual assistance in the case of an attack against the territory of one of the signatories, military assistance was not automatic: each member of the alliance retained its army and its command. However, the Korean War, arriving in 1950 after the Berlin Crisis and the creation of the two German states, the Europeans pressed Washington to transform the Atlantic Pact into a true military alliance. At the end of 1950, the North Atlantic Treaty Organisation (nato) took the form of an integrated military organisation, with at its head a General Headquarters for the allied forces in Europe, under the command of an American General. In exchange for this, Washington expected the Europeans to make an effort to rearm, an effort which however threatened a continuation of Franco-German antagonism.
In fact, while recognising that the Soviet peril forced the Western powers to hasten a decision on the future of Germany, France had not ceased to set its conditions for this very high. It was the arrival of Robert Schuman at the head of the Ministry of Foreign Affairs in the Summer of 1948 that allowed for a change in the basis of French diplomacy. Even if it meant accepting the return of one Germany to the European alliance, the French Minister of Foreign Affairs, inspired by Jean Monnet, invented Europe. Thus, the declaration of 9 May 1950 and the treaty creating the European Coal and Steel Community (the ecsc) signed in April 1951, “the defacto solidarity” entrusting to supra-national authority the management of the two basic raw materials of the arms industry. To some extent responding to the American demand for rearmament, “overcoming military power, if not of the nation-state, and the plagues that are associated with it following the war.” 1
But rearming also meant men and Washington could not conceive that Germany would not provide any. For Paris, the reconstitution of a German army was excluded. But why not extend the ecsc formula to the military? This was the French proposal: creating a European army involving German contingents. The treaty creating the European Defence Community (the edc) was signed in May 1952. In France it caused uproarious debates: the reappearance of German soldiers and the presence of French forces in a European army integrated into nato under American command was not acceptable to the majority of the politicians. In August 1954, the National Assembly refused to ratify this treaty, although it was initiated by France. This about-face did not prevent German rearmament. As of October 1954, the Western Alliance was called to the rescue and, renamed the Western European Union (the weu), it included Germany and Italy. Several months later, Germany joined nato.
Europe was thus born from a double paradox: the project to establish continental unity, which placed Europe against war, was opened in order to allow, while limiting it, the re-militarisation of Germany. But, while the continuation of the European adventure via the Rome Treaties would, starting in 1957, break with the supranational concept, Europe did lose control of its armed forces, which migrated to the Atlantic space under the rule of Washington. And Paris and London would learn at the time of the Suez expedition, that although they were permanent members of the Security Council, they were also prohibited to fight outside of Europe unless authorised by the two Major Powers. If they still had any doubt, the Europeans were indeed restricted to peace. The United Kingdom accepted this as a given and now sought to cultivate a “special relationship” with the United States.
France did not accept this and pressed on without waiting to reduce its strategic dependence on the Atlantic bloc, while pressing in particular the work necessary to acquire nuclear arms. The return to power of General de Gaulle certainly accentuated this distancing. Between 1958 and 1962, the Head of State, while working to resolve the Algerian problem that mobilised the forces of the nation, would pay particular attention to two apparently distinct projects that were undoubtedly closely linked in his mind. On the one hand, a deep reform of the Atlantic organisation, starting with the creation of a Franco-Anglo-American executive board within the Alliance. This was the subject of a memorandum sent in September 1958 to Washington and London and rejected by President Eisenhower who was above all concerned not to bind his hands in the case of a possible use of nuclear arms. In response, the French President decided to accelerate the creation of a French strike force, despite the efforts of Washington to dissuade him from this. On the other hand, the establishment of a Europe policy subject to the Fouchet plan, which the other five member states of the Community would ultimately reject because, among others, the “security and defence” section deliberately ignored the Atlantic space. However, according to Georges-Henri Soutou, “for Paris, the Fouchet plan did not only correspond to a European project, but also to a strategic project, in particular because of the desire of General de Gaulle to obtain a deep reform of the Atlantic Alliance. In the mind of the General this clearly consisted of establishing a two-fold organisation for European and tri-partite security, formed by the two circles for which France provided cross-checking.”2 This interaction with the question of reforming nato and the relations between the United States and Europe certainly had a part in the failure of the Fouchet plan.
The proposal of an Atlantic Community launched by President Kennedy in July 1962 would not be any more successful. This community would be based on two pillars, the United States and the “United States of Europe” (sic). In order to balance the American monopoly on the decision to use nuclear arms in the strategic domain, Washington proposed the creation of an integrated multilateral force that would absorb the French and British nuclear forces, but not the American force. French refusal was assured.
It remained to draw on the lesson of these failures, by returning to the fundamentals of the European construction as conceived of it 1950: making the Franco-German entente the cornerstone of the new Europe. Without doubt, the Elysee Treaty of 21 January 1963, which, in the eyes of the French President, would allow a re-launch of the European Europe in the face of the concepts of the Atlantic Europe, even though it was only ratified by the Bundestag with the addition of a preamble underscoring that Germany would never choose Europe against America. This episode did not create an obstacle to re-launching Europe under the impulse of an active Franco-German partnership lasting several decades, including in the area of defence. Nor did it create an obstacle to the French desire to refuse to Atlantic integration without however rejecting the Alliance: in 1966, the French forces were withdrawn from the joint command and the nato institutions, organs and bases left the French territory.
Thus, regardless of the progress made since the implementation of the founding treaties in creating a unified Europe, any idea of a European community capable of ensuring its security and defence outside of the Trans-Atlantic context was resolutely dismissed by the partners of France and by Washington. Even more, how could Europe pass for a leading party in the defence of the free world in the absence of any shared foreign policy? “The East-West system defined a unique space structured by the alliances, which operated according to simple rules that were easily decrypted. […] A single organisation enjoyed a monopoly of intervention in situations affecting the security of Europeans: the Alliance. The discourse on European construction spoke of other things or was inserted in the Atlantic determination. […] [Western Europe] was until the end of the 1980s an economic area undertaking a simple political cooperation. Until the collapse of the Eastern Bloc, it was a not a strategic entity.”3 Only Gaullist France undertook to put its external policy in accordance with its desire to retain control over its means of defence by setting a third path between these two blocs (recognition of Populist China, development of relations with Moscow and its satellite countries, criticism of the American policy in Vietnam, a policy of development assistance).
Did the end of the cold war and the disappearance of the Soviet Union lead to a redistribution of power in Europe? “Once again it was the two principles of organisation of the European order that were relied on to absorb the ‘shock’ of German reunification: the Atlantic Alliance, which the reunified Germany joined, with the consent of the Soviet Union, and the European construction which, at the initiative of Chancellor Kohl and President Mitterrand, was assigned new ambition.”4
The Maastricht Treaty, signed in 1991, undertook to express this ambition, particularly by the creation of the Common Foreign and Security Policy (the cfsp) which, among others, contains this provision in the form of a nesting doll: “The cfsp includes all of the issues relating to the security of the European Union, including the definition of a common defence policy, which may lead, when the time comes, to a common defence. The Union requests the weu, which was an integral part of the development of the European Union, to prepare and implement the decisions and the actions of the Union that have implications in the area of defence.” This monument of European literature summarises in itself the infinite vacuity of any strategic thinking within a community that still only had twelve member states, all of them from Western Europe.
Hardly had the Europeans dared to overstep this (!) than they found themselves thrown into the Balkans torment and, left to themselves, they could only parade their impotence and call for help from the American ally which, no longer having to contain the threats of the Soviet bloc, sought to distance itself from the tribal disputes of old Europe. Only the intervention of nato and the American authorities taking charge of the negotiation between the parties to the conflict were able to end the war in Bosnia. And again, it was nato that was summoned to force Serbia give up in the Kosovo affair.
The cfsp would have no better future when the enlargement of the European Union caused the number of member states to increase from twelve to twenty-eight. Particularly for the countries of Central Europe released from the Soviet yoke, it was membership in nato that had priority. And how could one say they were wrong? The considerable progress in European unity had certainly contributed to reinforcing the Atlantic bloc, but it was difficult to attribute to it the collapse of the Eastern bloc. The alliance with the United States was naturally more important than membership in the Union. It was only interesting because of its large market: a political Europe and military power was not (and still is not) in the field of vision of Warsaw, Prague or Budapest.
It was not only that the cfsp and its translation in the area of security, the European Security and Defence Policy (the esdp), had seen only timid advances over twenty-five years. Crisis management structures have been put in place. The creation of a rapid response force has been agreed. A European security strategy has been created that allows for some operations to manage civil and occasionally military crises, in Africa, in the Balkans, in the Middle East, in the Indian Ocean, operations conducted with or without the resources of nato, but under European command. But the evidence is clear: these advances rely largely on three countries, France, the United Kingdom and Germany. With the German partner, we have gone since 1991 from the Franco-German brigade to the European corps. An agreement between the French and German commanders and the Supreme Commander Europe (saceur) established a nato/weo cooperation. As for the United Kingdom, it found an occasion in the area of defence to demonstrate an interest in Europe. The Franco-British agreement of Saint-Malo in December 1998 affirmed the ability of the European Union to possess “an autonomous capacity for action supported by credible military forces, with the means to use these and to be prepared to do so in order to respond to international crises […] in order for Europe to be able to have its voice heard in world affairs, while acting in conformity with our respective obligations within nato.” Other agreements between Paris and London were concluded recently in order to consolidate this cooperation.
All the same, is France, which undertakes to conclude European bilateral defence cooperation agreements, still the France that has been concerned since the beginning of the Fifth Republic with supporting the concept of a Europe for defence, the natural support of a Europe that multiplies its power, when faced with partners who conceive of the European security and defence policy more prosaically as a defence of Europe? This approach has led them to submit without question to American protection and to rely on their membership in nato, all the more so since, during the last decade, and with the help of the crisis, they have cut their defence budgets. The question should be addressed, considering the two directions undertaken simultaneously by French diplomacy. Under the impulse of President Sarkozy, the European Union would, after the rejection of the Constitutional Treaty, attempt to save the furniture by signing the Lisbon Treaty. Taking up again several of the provisions of the still-born treaty, this agreement without a doubt marks some progress in the area of defence, particularly by retaining the possibility of a “permanent structured cooperation” (namely, a defence with variable geometry). But it also underscores that for the nato members of the European Union, nato remains “the basis of their collective defence and the instance for its implementation.” However, at the same time, the President of the French Republic announced the coming return of France to the integrated structures of nato. This was determined in 2009, the year when the Lisbon Treaty entered into force.
After the disappearance of the Soviet Union, France had in principal raised the question of whether to maintain nato. As the United States had unambiguously stated its desire to remain European (meaning, to keep an eye on Europe that has twice drawn it into a world conflict) and after amending nato as a consequence, at the end of the 1990s Paris opened up to the possible return to the integrated command. The operation would fail in the face of Washington’s refusal to grant to Europe one of the largest commands in the organisation. This did not in any way prevent France from continuing to participate in operations conducted by nato and it is one of the principal contributors to the budget for this. Therefore, a return to the integrated system would not apparently change the situation unless it would allow closer proximity with the American partner, which would go far beyond the line traditionally followed by French diplomacy for some fifty years. However, this was indeed the goal of Nicolas Sarkozy who in 2003 was among the supporters of the absurd Anglo-American intervention in Iraq. With regard to the conditions of engagement of the French forces in certain external operations in progress, this return to a more Atlantic line has apparently not been brought into question by President Hollande.
While remaining one of the rare members of the European Union to have retained, militarily speaking, a certain credibility, France does appear to have returned to the ranks. Can we then consider that the debate is closed and the idea of an autonomous European defence has survived? There is nothing that prohibits the analysis made by Pierre Buhler of the concept forming in Europe of its security and defence, who notes with benevolence that “the European construction has renewed the methods of exercising power and influence. And it has invented new methods. […] By postulating to go beyond the logic of power and rivalry in one region of the world—and by putting this assumption into practice—the builders of Europe patiently wove a model of inter-state relations in which the risk of the use of force has gradually dissipated, by outlining the Kantian model of ‘perpetual peace.’ […] What Europe applies to its constituent parties is a tight framework of norms which are sanctioned by a court of justice. And which allows, in the name of a public good admitted to be legitimate, to override national sovereignties without abolishing them.” And he adds: “Europe is not limited to applying these norms to relations within itself. […] It has the ambition to have them shared with the rest of the world. […] Unable to enjoy the military power that is precisely rejected by its existence, it may offer, if not a model to be imitated, at least a proven method of managing relations between states.”
One will simply note that the globalised and multi-polarised world after the cold war has not really demonstrated a penchant for the European model. And for the first time in seventy years, the citizens of the European Union hear it repeated that they are again at war and that this war threatens their territory. This is wrong. While there are wars, they are taking place outside of Europe, but not far from the borders of the Union. The latest enlargements have in effect brought these borders to the edges of the continent, in regions that have again become unstable since the fall of the Wall. If Europeans were only slightly aware of these, the waves of refugees now pressing at their gates have brought the hard reality to them.
The origin of these movements of populations are the wars which, against the background of latent conflicts in the Arab world, have prospered in the wake of the 11 September 2001 attacks and the Western reactions. One must particularly note the disastrous intervention in Iraq, already noted, a general inflaming of the Middle East whose terrorist metastases have crossed European borders. But as tragic as the number of victims is, terrorism is not war: the attacks on the security of European countries that it constitutes cannot be combatted first with military force. While this violence may justify the use of armed forces in the conflict zones which provide it with volunteers and resources, it requires other measures on the European level that are not subject to nato and for which effectiveness will require a level of coordination and cooperation between the member states of the Union that is still far from being reached. Today this is the challenge for governments which, desirous of peace, had believed it was more comfortable to entrust the management of the peace to others, while maintaining an illusion of sovereignty. In this form of combat where the asymmetrical character far exceeds that of the wars taking place in the Middle East and Africa today, national sovereignty is a derisory concept subject to contempt even when it is only an expression of shameful nationalism. As if Europe had not already paid the price dramatically for this. And as if the survival of the European Union was not at stake in this test.