À la différence des studios américains, le cinéma français a finalement peu produit de fictions consacrées à la geste militaire nationale. Marquées par les deux guerres mondiales et par les conflits coloniaux, les réalisations françaises s’inscrivent pour la plupart dans une perspective patriotique – grave, exotique, humoristique… – ou au contraire critique. Les productions qui font explicitement référence à l’honneur militaire dans leurs titre et contenu n’échappent pas à la règle.
Un des premiers films du genre, un court-métrage, semble être Mort au champ d’honneur, réalisé en 1914 par Léonce Perret, acteur, auteur, metteur en scène alors très en vogue qui, dès l’entrée en guerre, consacre plusieurs fictions à l’héroïsme des combattants français. Un de ses titres les plus connus, produit aux États-Unis en 1918, restera N’oublions jamais. Puis on note, dans l’immédiat après-guerre, La Rançon de l’honneur, tourné en 1919 par René d’Auchy, qui, s’il a pour contexte la guerre, n’évoque pas directement l’honneur militaire mais celui d’une dette d’honneur contractée après un vol commis aux armées. En revanche, Légions d’honneur, réalisé en 1938 par Maurice Gleize, avec Charles Vanel dans le rôle d’un officier saharien, sur fond du drame classique de l’honneur bafoué pour une femme, s’attache à mettre en avant l’épopée impériale tout en cédant à la mode du temps en jouant sur le mot « légions ». C’est en effet la grande époque des héros perdus de la Légion étrangère auxquels Hollywood consacre quantité de longs-métrages à succès. D’ailleurs, les Allemands ne s’y trompent pas et sortent le film sous le titre Ehren-Legion.
Le Chemin de l’honneur de Jean-Paul Paulin, en 1939, reprend en partie les mécanismes de la faute originelle rachetée à la Légion étrangère mais qui rattrape le héros et finit par y mêler son frère, parfait officier de spahi. La rédemption ne se fait qu’avec la mort du brave au combat, au Maroc. Un scénario, intitulé Les Voies de l’honneur, est en partie terminé en 1939, mais le projet ne sera jamais tourné pour cause de guerre. Soutenu par la Légion, son objectif semble être de répondre à l’intense propagande que mène alors l’Allemagne contre cette dernière et plus généralement contre l’empire colonial français.
L’Honneur d’un capitaine, de Pierre Schoendoerffer, sort en 1982. Comme la plupart des thèmes abordés par le réalisateur, le film revient sur les traces et les séquelles des guerres d’Indochine et d’Algérie. La veuve d’un capitaine tué au combat et mis en cause pour ses actes pendant les opérations en Algérie lui fait rendre son honneur à l’occasion d’un long procès. Comme dans les productions précédentes, il est intéressant de noter que la femme – épouse, fiancée, maîtresse, mère –, joue un rôle central dans le récit. Elle incarne à la fois la relation à l’honneur masculin, chevaleresque, à la vertu, tout en métaphorisant la mère patrie, la nation, la France…
Champ d’honneur, réalisé en 1987 par Jean-Pierre Denis, a pour décor la guerre de 1870 dont il propose une lecture très sociale et politique, comme le feront beaucoup de productions du moment, pour dénoncer les absurdités et équivoques des guerres. Pour l’honneur est un court-métrage tourné par Charles Durot en 2004, qui met en scène deux officiers qui s’affrontent pour l’honneur, au retour de la campagne d’Italie en 1797. Il semble renouer avec le genre « cape et d’épée » remis au goût du jour par la production américaine et britannique. Enfin, Champs d’honneur, court-métrage d’Olivier Vinuesa, en 2005, restitue un épisode souvent retracé des combats des troupes britanniques en 1916 : une unité écossaise, bag pipe en tête, se jette à l’assaut de la tranchée ennemie en poussant devant elle un ballon de football.
Ainsi, sur un siècle de films ayant pour thème l’honneur, des militaires en particulier, s’est opérée une nette évolution des représentations mais aussi du langage et du champ sémantique. À l’homme d’honneur, au rapport codifié entre l’individu et sa morale, notion devenue de plus en plus inopérante et inaudible pour le spectateur, se substitue un espace, un « champ d’honneur » au propre et au figuré, un lieu d’expression, entre fonction pratique et symbolique, sur lequel se jouent les nouvelles relations humaines à la souffrance, aux drames, à la mort. À ce titre, il sera intéressant d’observer comment sera abordé le sujet à l’occasion des nombreuses productions prévues dans le cadre des commémorations des années 1914 et 1944.