N°52 | S’élever

Stéphane Weiss
Le Réarmement français de 1944-1945
Faire flèche de tout bois
Stéphane Weiss, Le Réarmement français de 1944-1945, Presses universitaires de Rennes

Après le désastre de mai-juin 1940, la difficile reconnaissance de la France combattante par les Alliés et l’équipement des premières divisions par les Américains en Afrique du Nord, le programme de réarmement de l’armée française de l’automne 1944 voulu par le général de Gaulle constitue une étape essentielle dans le renouveau du pays et de son armée. Le tout en dépit de difficultés qui justifient le sous-titre : « Faire flèche de tout bois. »

Dans ce volume absolument exceptionnel, Stéphane Weiss dresse le panorama complet et procède à une analyse de fond de cette remontée en puissance. En onze chapitres denses et fouillés, il rappelle tout d’abord la situation sociale et militaire de la France en voie de libération à la fin de l’été 1944. Il détaille ensuite la genèse et le choix du plan de novembre 1944 dont, après avoir souligné les divergences franco-américaines, il pointe le manque de cohérence. Il aborde ensuite la question du personnel, puis celle du matériel. Pour la première, il étudie l’apport des formations, dont il met en avant quelques cas particuliers (groupement mobile du Sud-Ouest, division alpine ffi...). Il traite longuement de la recherche de nouveaux gisements de recrutement pour compenser le peu d’empressement de nombreux ffi à s’engager, jusque parmi les tirailleurs libérés par le « blanchiment » de la 1re armée ou l’incorporation de prisonniers libérés, sans oublier la situation des « Malgré nous » alsaciens et mosellans. Il lui faut constater que les objectifs ambitieux de novembre 1944 ne sont pas atteints au printemps suivant et que les nouvelles unités manquent cruellement d’effectifs. À ces déficits s’ajoutent les problèmes de matériels, d’équipements et de formation. La ressource américaine se fait plus rare, le matériel britannique de deuxième main reste insuffisant, les stocks d’Afrique du Nord finissent par s’épuiser et le matériel allemand de prise (parfois français déjà saisi en 1940 !) est usé jusqu’à la corde. La relance industrielle ne peut produire assez dans des délais brefs et finalement s’impose une forme de décentralisation où règne le « système D ». Malgré tout, la France peut engager de nouvelles divisions dans les derniers mois de la guerre sur le sol allemand, et cette armée de bric et de broc, bien misérable mais soutenue par l’indéfectible volonté de De Gaulle, figure parmi les vainqueurs en mai 1945. Au fil des chapitres, l’auteur traite également des unités engagées sur les fronts des poches de l’Atlantique ou des Alpes, et termine son livre par un ultime chapitre consacré à la très symbolique politique de numérotation des nouvelles unités. Cette armée de la victoire ne survivra pas à 1946, mais ceci est une autre histoire.

PTE

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