N°51 | La confiance

Jacques Frémeaux
Algérie 1914-1962
De la Grande Guerre à l’indépendance
Monaco, Éditions du Rocher, 2021
Jacques Frémeaux, Algérie 1914-1962, Éditions du Rocher

Grand spécialiste du monde musulman et de l’Afrique du Nord, Jacques Frémeaux livre ici la seconde partie d’une grande histoire de l’Algérie française (le premier tome allant du débarquement de 1830 à la Grande Guerre). Avec un permanent souci d’équité et d’équilibre, sans méconnaître les erreurs des uns et les fautes des autres, il nous entraîne de la Première Guerre mondiale à l’indépendance de 1962 selon un plan chronologique qui, s’il va jusque dans le détail sur le territoire algérien, n’oublie jamais de faire l’aller-retour entre Paris et Alger. Après le conflit, sur place comme en métropole pour les soldats et travailleurs recrutés dans les départements d’outre-Méditerranée, Jacques Frémeaux étudie l’entre-deux-guerres, avec l’apogée qu’est l’exposition du centenaire, mais avec aussi l’émergence des mouvements nationalistes, deux tendances distinctes et durables se manifestant, l’une plus radicale, l’autre plus encline à négocier avec la métropole. Il s’intéresse aux deux communautés sous l’angle politique, mais aussi dans leur diversité, leur contexte socioculturel, leur environnement économique et éducatif. Après avoir traité de la Seconde Guerre mondiale et de la contribution importante des « pieds noirs » à la reconstitution de la nouvelle armée française et à la victoire, il se penche sur les difficultés économiques et sociales, et donc politiques, des années 1945-1954. La guerre d’Algérie proprement dite est particulièrement détaillée, en six chapitres chrono-thématiques, et les lecteurs retrouveront tous les moments importants du conflits, en métropole comme en Algérie, à travers le regard des Européens « Algérie française », des musulmans dans les deux camps, du fln, du général de Gaulle et des gaullistes. La conclusion est pragmatique : « Au fond, la France échoue devant un problème gigantesque : gouverner une population en augmentation exponentielle en lui fournissant un niveau de vie décent en l’absence d’une croissance économique suffisante et alors que les structures sociales traditionnelles commencent à se transformer ou à s’effacer. Ce sont ici moins les ressources qui ont manqué au colonisateur que la légitimité politique, toujours contestée. » Une solide synthèse, comme seul un spécialiste rompu depuis des années à l’étude de son sujet peut en produire. Un livre de référence à conserver.

PTE

En guerre(s) pour l’Algérie | Raphaëlle Branche
Michel Goya | Le Temps des guépard