N°50 | Entre virtuel et réel

Jean-Vincent Holeindre  Estéban Georgelin

Le bluff au cœur de l’action stratégique

« Bluff » est un mot issu de l’argot anglo-américain. Il désigne initialement le jeu de poker puis l’action de tromper l’adversaire. Le Dictionnaire de l’Académie française le définit comme un procédé tactique « qui consiste à faire croire à la supériorité de son jeu afin de tromper l’adversaire et l’inciter à renoncer ». Par extension, il a pris le sens de toute action visant à faire croire à une supériorité fictive. Il désigne ainsi une attitude, une parole ou une action par laquelle « on cherche à éblouir autrui en faisant croire à une supériorité qu’on ne possède pas réellement ».

Le bluff relève donc de l’action psychologique et vise à manipuler les perceptions. Il se joue des nuances entre ce qui est vrai et ce qui est vraisemblable, afin de faire croire, ou d’activement laisser croire, des informations fausses à la partie adverse. Il permet ainsi de tromper l’adversaire en le laissant intégrer à sa conscience du réel un fait fictif ou erroné. En matière de stratégie militaire, et plus largement de relations internationales, il peut se matérialiser sous des formes variées, du simple mensonge à l’opération massive de désinformation et d’intoxication.

  • De l’incertitude au secret

L’incertitude est le moteur du bluff. Elle constitue une donnée essentielle des relations humaines dont l’importance et la perception varient, mais qui ne disparaît jamais tout à fait. Il y a donc une « certitude de l’incertitude »1 pour les décideurs, toute situation en contenant une part. Sur le champ de bataille comme sur la scène internationale, l’inégale répartition de l’information en est une source, tout comme l’impossibilité de sonder parfaitement l’intention d’autrui. Cet état de fait est au cœur des théories portant sur les dilemmes de sécurité et dans lesquels le bluff peut largement s’exprimer. En effet, profiter de la connaissance imparfaite de l’adversaire en le poussant à croire à une surestimation des capacités revient à bluffer dans le but de dissuader ou de contraindre. Il s’agit bien de tromper pour inciter à renoncer.

Pour des raisons qui tiennent au caractère conflictuel de la scène internationale, le secret est au cœur des relations entre États2. Qu’il s’agisse d’assurer la sécurité de l’État ou de maintenir un avantage tactique lié à une opération, les décideurs ont intérêt au secret vis-à-vis des États tiers3. Il peut être « synonyme de la puissance d’un État face à ses adversaires et ses alliés » ; on pense ici notamment à la dissuasion nucléaire dont les modalités pratiques et géographiques en font « le secret opérationnel le mieux gardé »4. De fait, plus la réalité est secrète ou incertaine pour l’adversaire, plus il lui est difficile de la différencier des fausses informations qu’il reçoit. Ceci explique en partie la grande résonance que peut avoir un bluff en matière militaire ou politique, où les intentions, enjeux et moyens sont couverts du secret.

  • De la prise de risque à l’avantage stratégique

Le bluff suppose une prise de risque, dont l’objectif est de servir la recherche d’un avantage stratégique sur la partie adverse. Bluffer consiste à parier sur l’incapacité qu’aura la partie adverse à faire preuve de discernement sur une situation. Celle-ci peut exister parce que l’adversaire manque d’informations ou de lucidité, parce qu’il poursuit d’autres intérêts susceptibles de le pousser à croire une chose erronée, qu’il est victime de préconçus… Il n’est donc jamais acquis que le bluff paie. De fait, sa découverte pourrait considérablement fragiliser une position, surtout s’il est révélé. Cela est vrai en matière militaire, mais également politique et diplomatique, y compris à l’intérieur même du pays vis-à-vis de toutes les forces potentiellement en présence telles que la population, l’administration ou l’éventuelle opposition politique.

Il n’est jamais anodin de bluffer, et en politique internationale comme en stratégie cela doit servir un intérêt : le bluff est mû par la recherche d’un avantage stratégique. Cet avantage peut être tactique ; c’est le cas du général qui effectue un faux mouvement de retraite pour laisser croire à une faiblesse sur le terrain ou de celui qui, à l’inverse, lance une charge effrénée pour faire croire à sa supériorité et à sa confiance. Il peut également aspirer à obtenir un avantage opérationnel. On pense ici aux opérations visant à tromper l’ennemi sur ses propres forces afin de le conduire à mal concentrer ses effectifs ou à mal planifier ses objectifs militaires. Ainsi l’opération Bertram menée par la 7e armée britannique de Montgomery pour tromper l’Afrikakorps de Rommel en bluffant sur la disposition de ses capacités militaires : la préparation d’une attaque au sud des troupes allemandes a été simulée en réalisant de faux appareils en bois tandis que les blindés étaient maquillés en simples camions pour engager le combat au nord5.

Cette manœuvre rappelle bien sûr l’opération Bodyguard, dont le volet consacré à la préparation du Débarquement (opération Fortitude) est le plus connu. Cette opération d’intoxication massive repose sur un bluff essentiel : astreindre l’adversaire à croire à un débarquement en Norvège ou dans le Pas-de-Calais et ce avec une telle force de conviction qu’il ne tiendra que partiellement compte de celui de Normandie, supposé n’être qu’une diversion. Cela poussera les Allemands à croire à l’hypothèse d’un « vrai » débarquement à venir jusqu’en août 1944 avant de l’abandonner définitivement en septembre6.

Plus encore que sur un rapport militaire des forces, le bluff peut concerner les capacités matérielles et psychologiques de survie et de résilience. L’exemple resté célèbre est celui du siège du Capitole par les Gaulois en 390 av. J.-C., lors duquel, pour faire croire à leur capacité à tenir encore longtemps, les Romains ont jeté du pain par-dessus les remparts. Il s’agissait de leurs derniers vivres.

S’ils ne sont pas toujours couronnés de succès, d’autres exemples de bluff ont marqué les conflits du siècle dernier : le blocus de Berlin, en 1948, qui vit les Soviétiques tenter de devenir les seuls maîtres de la ville en en bloquant unilatéralement les accès terrestres7 ; la tentative de reconquête du Sinaï à l’occasion de la guerre du Kippour de 1973, au cours de laquelle les troupes égyptiennes et syriennes laissèrent les Israéliens croire que leur attaque était un exercice8 ; ou encore, le plus célèbre, la partie de poker menteur jouée entre les États-Unis et l’Union soviétique autour de Cuba en octobre-novembre 19629.

  • Bluff et dissuasion nucléaire, la recherche de la surprise

Nous avons vu que dans le jeu, au poker par exemple, le bluff est l’élément grâce auquel le joueur déstabilise et surprend ses adversaires. Dans le contexte de la guerre froide, les États peuvent également tirer profit de l’incertitude du jeu pour tromper l’adversaire sur leurs intentions et provoquer un effet de surprise. Or, ce qui définit la surprise, c’est qu’elle est imprévisible. Il est certes possible de réduire ses effets en imaginant différents scénarios probables, mais il est impossible de les annuler complètement. Car la surprise est le produit non pas d’un raisonnement logique, mais d’une action psychologique imprédictible, sauf par le travail du renseignement. Il est donc impossible de prévoir l’attaque surprise autrement que par une démarche psychologique visant à lire dans les yeux et dans l’esprit de l’adversaire. Le calcul de probabilités dont use la théorie des jeux se heurte à cette variable.

Une autre approche est cependant possible, comme le montre un programme de recherche alternatif à la théorie des jeux, qui tient compte de la capacité cognitive des joueurs à circonvenir les règles. Il a été initié dans les années 1920 par le mathématicien Émile Borel, lui-même joueur de bridge et de poker. Selon lui, pour comprendre le comportement des acteurs dans un jeu, il ne faut pas partir des règles de celui-ci, mais de la manière dont elles sont interprétées par les joueurs : « C’est le problème de psychologie qui est le problème principal des jeux où interviennent le hasard et l’habileté des joueurs ; pour y exceller, il faut être, d’une part habile aux combinaisons et, d’autre part, bon psychologue, et ce second point est plus important encore que le premier10. »

Émile Borel a saisi un point essentiel : pour éviter une théorie des jeux désincarnée, il est nécessaire de produire une psychologie des joueurs qui rende justice à leur habileté, et donc, par exemple, à leur ruse. Au poker, qui n’est pas un jeu de pur hasard (comme la loterie) ou de pure logique (comme les échecs), le joueur ne se contente pas d’appliquer mécaniquement les règles, mais les interprète afin de s’octroyer un avantage et d’atteindre la victoire. Appliqué à la dissuasion nucléaire, ce principe suppose que les joueurs tirent parti de leur connaissance du jeu et des informations qu’ils vont collecter durant la partie. La guerre froide répond en cela à un schéma équivalent au poker : les protagonistes ne se contentent pas de suivre la règle du jeu, qui du reste est tacite et non formalisée (hormis par la signature de traités liés au contrôle des armements) ; ils construisent leur propre interprétation de la règle afin de déstabiliser l’adversaire.

C’est dans l’écart existant entre les règles du jeu et l’interprétation qui en est faite par les joueurs que la ruse vient se glisser. Elle se caractérise par l’aptitude du joueur à utiliser à son profit les ambiguïtés qui accompagnent toute règle et qui permettent d’influencer les perceptions de l’adversaire. Dans un jeu à plusieurs joueurs comme le poker, le bluff consiste à tirer parti d’une « asymétrie d’information », par exemple à faire croire que l’on possède certaines cartes alors que ce n’est pas le cas (ou le contraire). Ce coup de bluff déstabilise l’adversaire, poussé à commettre des imprudences et, par exemple, à découvrir son jeu de manière trop hâtive.

Certes, la comparaison entre le jeu et la guerre a ses limites. Comme le relève Clausewitz, celle-ci n’est pas un jeu, mais un affrontement sanglant. Les responsables politiques ne sont pas des joueurs de poker qui se distraient, mais des chefs d’État à la tête de puissances nucléaires, une responsabilité qui leur confère un statut particulier. Mais le bluff reste un paramètre de l’affrontement psychologique de la guerre froide, lorsque, par exemple, les Soviétiques cherchent à faire croire que leur puissance nucléaire est supérieure à ce qu’elle est réellement ; une intoxication qui a réellement déstabilisé les Américains, qui ont craint à plusieurs reprises que l’Union soviétique ne les dépasse dans la course aux armements.

Dans une telle situation, le risque est que le bluff mobilisé par l’un des belligérants provoque chez l’adversaire une peur tellement forte que la confiance minimale existant entre eux, qui permet d’assurer l’équilibre de la terreur, soit rompue. En situation de dissuasion nucléaire, il est à double tranchant : d’un côté, il permet d’obtenir un avantage et peut faciliter la victoire ; de l’autre, il nourrit la peur réciproque qui retient l’un et l’autre d’attaquer, entretenant ainsi l’équilibre de la terreur. Enfin, il peut déstabiliser l’autre au point de le pousser à attaquer préventivement.

Dès lors, en matière de dissuasion nucléaire, le bluff peut permettre de prendre l’ascendant sur l’autre, mais le risque d’aller trop loin est réel et entraîne la possibilité d’être frappé en retour. Ce fut le cas dans la crise des missiles de Cuba où les Soviétiques ont cru pouvoir pousser leur jeu jusqu’aux côtes américaines. Une fois les missiles découverts et le bluff éventé, la réplique fut d’autant plus virulente que la menace était secrète ; elle devait être solidement combattue, au risque de perdre la main. Les Américains menacèrent donc en retour, y compris de l’usage de l’arme nucléaire, et ce bluff initial provoqua alors la crise la plus grave de la guerre froide, finalement résolue par une négociation entre les « joueurs ». Ainsi, s’il est possible de surprendre l’adversaire et d’obtenir un avantage grâce au caractère transgressif du bluff, celui-ci doit être consciencieusement calibré. En provoquant une rupture de confiance, en jouant sur la peur, il est une arme psychologique redoutable mais à double tranchant et peut rapidement créer un risque d’escalade entre les acteurs du conflit.

  • Le bluff, outil de dissuasion ?

Mais si le bluff peut être présent au sein de la dissuasion nucléaire, il peut également servir à maintenir une situation dont on profite ou à prévenir l’installation d’une situation qui nous desservirait. La recherche d’un statu quo par son utilisation peut être l’apanage de la dissuasion. En effet, « face à l’incertitude générée par les intentions des concurrents potentiels, mieux vaut se doter d’une posture décourageant toute action hostile »11. Toutefois, la dissuasion repose pour partie sur une croyance, car pour qu’elle soit effective, l’une des conditions à rassembler est de disposer d’un moyen de mettre en œuvre une menace dissuasive et d’être cru capable d’y recourir. Celle-ci fonctionne donc tout aussi bien si, par bluff, l’adversaire croit à la menace quand bien même on ne disposerait pas de ces moyens.

Ce bluff de la dissuasion vise donc à obtenir un avantage par le maintien d’une situation, mais sert également à prendre l’ascendant sur l’ennemi, à obtenir un avantage psychologique clé sur le chemin vers la victoire. Ainsi, en laissant l’autre croire que l’on est radicalement plus fort, on s’assure d’une position dominante qu’il importe ensuite d’exploiter pour contraindre ou restreindre l’adversaire. Un processus qui n’est pas sans danger, car il risque de pousser l’autre à la riposte.

En matière de dissuasion, le bluff est capacitaire mais aussi doctrinal. En effet, un petit acteur faiblement équipé, mais résolument motivé à se faire entendre, peut bluffer sur son intention d’usage de la force, notamment de l’arme atomique. Ainsi, s’il fut longtemps globalement admis que les États devraient être réticents à faire usage de leur armement nucléaire, on constate aujourd’hui que certains, comme la Corée du Nord, laissent planer la menace de son utilisation. Cette peur du First Use de la bombe ne tient donc pas à la capacité du pays à en faire usage mais à son intention, et passe par le discours et les démonstrations de force. Dès lors, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un simple bluff qui permettrait d’être entendu et qui constituerait un levier de choix pour défendre des intérêts stratégiques12.

Pour tous ces cas, le réel a été supplanté par des perceptions et des interprétations délibérément erronées. Chaque bluff prend donc appui sur une tromperie volontaire, mais toutes les tromperies ne sont pas des bluffs.

Si le bluff repose sur une tromperie psychologique, il doit toutefois réunir certaines conditions pour fonctionner. Il se fonde ainsi sur une action positive visant à transformer la perception du réel ou à manipuler la croyance de l’autre. En ce sens, il est très proche de ce que les anglophones nomment deception en matière stratégique. Globalement, il consiste en une ruse psychologique et son élaboration coïncide avec la tentative de théorisation en cycle que propose J. Bowyer Bell13. Puisqu’il résulte d’une manœuvre psychologique, ses chances de succès dépendent grandement de la connaissance des processus cognitifs de la cible et de la bonne maîtrise de son niveau d’information sur la situation donnée14. De fait, le bluff peut être aussi bien abordé mathématiquement par la théorie des jeux que psychologiquement par le détricotage des biais cognitifs et des processus de croyance.

Comme en matière de strategic deception, le bluff est à la portée de tous ceux qui y trouvent un intérêt. Il est donc susceptible d’être mobilisé par des acteurs étatiques, qu’il s’agisse de démocraties, essentiellement en temps de guerre, ou de régimes autoritaires, mais également d’acteurs non étatiques, notamment lors de conflits asymétriques ou diplomatiques15.

Il peut naturellement être mené par les premiers acteurs concernés : les hommes politiques en matière de politique étrangère, les diplomates et les militaires en leurs domaines respectifs. Toutefois, le bluff requiert bien souvent l’usage de canaux appropriés : fuites de fausses informations, agents doubles, manipulation des moyens techniques de collecte de l’information… Dès lors, d’autres acteurs spécialisés peuvent être mobilisés, en particulier les services de renseignement16.

  • Anticiper et prévenir le bluff ?

Malgré la connaissance du phénomène, le bluff n’est pas aisé à anticiper et à prévenir, car celui qui en fait usage a un avantage psychologique important. En effet, dès lors qu’il cherche à renforcer les biais cognitifs préexistants de l’adversaire, à démultiplier sa conviction en un fait erroné ou partiellement incorrect, il est favorisé. Toutefois, s’il souhaite changer l’un de ses préconçus, il aura pour principale résistance les processus cognitifs normaux du jugement et de la sagacité17. Ainsi, dans son étude portant sur soixante-huit surprises stratégiques et opérations de tromperie, 91 % des cas sont couronnés de succès et dans 79 % des cas l’opération s’appuyait sur les préjugés de l’adversaire18.

En mettant à mal la perception du réel de son adversaire, le bluffeur entretient la confusion entre le vrai et le faux, entre le réel et le virtuel. Ce virtuel de l’imaginaire que produit ou encourage le bluff trouve naturellement toute sa place dans le virtuel matérialisé. Les ressorts de la cyber-conflictualité sont largement étudiés et commentés, y compris en matière offensive19 ou de dissuasion20. Il en ressort que la manipulation, la désinformation, le bluff y sont parfaitement intégrés. Certains auteurs mentionnent même une Deception Revolution induite par le développement de ces technologies21. Ainsi, le bluffeur profite de ces capacités techniques dans son entreprise de manipulation. Il dispose de nouveaux canaux de transmission de l’information, des conditions d’anonymat que peut garantir le cyber, de nouveaux moyens de fausses preuves comme le deep fake. Mais si le progrès technologique permet de limiter le bluff (nouveaux moyens de détection des intrusions et des faux, détecteurs de mensonge, multiplication des pare-feu…), l’opérateur premier et final reste l’être humain. Aussi, l’erreur à exploiter ne saurait disparaître, pas plus que les préjugés à manipuler. La stratégie est une science de l’autre, lequel peut toujours tromper et être trompé.

1 V. Desportes, Décider dans l’incertitude, Paris, Economica, 2e édition 2007.

2 D. N. Gibbs, “Secrecy and International Deception”, International Journal of Intelligence and Counter Intelligence n° 13, 2000, pp. 424-437.

3 A. Carnegie, “Secrecy in International Relations and Foreign Policy”, Annual Review of Political Science n° 24, 2021, pp. 213-233.

4 B. Puga, « Le secret est nécessaire et légitime », Inflexions n° 47 « Le secret », 2021, pp. 33-42.

5 P. Forbes, Dazzled and Deceived: Mimicry and Camouflage, New Haven, Yale University Press, 2e édition 2011.

6 Ibid.

7 Après une série de pressions, les Soviétiques décident de clore tous les accès terrestres à Berlin le 24 juin 1948. C’est un coup de bluff visant à montrer leur détermination à contrôler la ville. Bien que plongés dans le doute et l’incertitude, les Alliés mettent en place un pont aérien et font planer la menace de leurs bombardiers. Cette démonstration de force mettra unilatéralement fin au blocus, laissant cette manœuvre sans résultat stratégique réel. Voir notamment M. Klen, « Pensée militaire. La stratégie du bluff (3e partie) », Revue Défense nationale n° 777, 2015, pp. 123-125.

8 Habitués à effectuer des manœuvres jusqu’au bord du canal de Suez, les Égyptiens poussèrent les Israéliens à croire que leurs mouvements de troupes n’étaient que le fruit d’un exercice nommé Tahrir 41. Cette offensive masquée, combinée à des erreurs d’interprétation et d’analyse du renseignement, conféra un véritable effet de surprise à l’attaque. Voir : I. Ben-Israël et L. Schuman, Philosophie du renseignement. Logique et morale de l’espionnage, Paris, Éditions de l’éclat, 2004, pp. 66-69

9 En installant leurs missiles sur l’île de Cuba, les Soviétiques ont déclenché une crise majeure. Bien décidées à ne pas céder de terrain, les deux parties bluffent, font croire à leur supériorité militaire et, après quelques tractations, notamment le retrait de missiles étasuniens de Turquie, les Soviétiques cèdent et perdent la manche. Voir J. H. Hansen, “Soviet Deception in the Cuban Missile Crisis”, Studies in Intelligence  46, 2002, pp. 49-58.

10 É. Borel, Éléments de la théorie des probabilités, 1924, cité dans C. Schmidt, « Du jeu aux joueurs. Sur quelques extensions de la théorie des jeux », Psychotropes n° 13, 2007, p. 58.

11 Ch.-Ph. David et O. Schmitt, La Guerre et la Paix. Approches et enjeux de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 4e édition, 2020, p. 564.

12 N. Kodama, “Threatening the Unthinkable: Strategic Stability and the Credibility of North Korea’s Nuclear Threats”, Journal of Global Security Studies n° 6, 2021, pp. 1-14.

13 Ce cycle en onze étapes se formerait ainsi : planification, construction de la ruse, sélection du canal idéal, projection puis réception de la ruse sous forme d’une illusion, acceptation de l’illusion, réponse de la cible, conséquence de la manœuvre et analyse du retour d’information, ajustement selon le retour, poursuite du cycle jusqu’à son ultime étape (sa fermeture). J. B. Bell, “Toward a Theory of Deception”, International Journal of Intelligence and Counter Intelligence n° 16, 2003, pp. 244-279.

14 R. J. Heuer jr, “Strategic Deception and Counterdeception: a Cognitive Process Approach”, International Studies Quarterly n° 25, 1981, pp. 294-327.

15 R. Godson et J. J. Wirtz, “Strategic Denial and Deception”, International Journal of Intelligence and Counter Intelligence n° 13, 2000, pp. 424-437.

16 M. I. Handel, “Intelligence and Deception”, Journal of Strategic Studies n° 5, 1982, pp. 122-154 ; J. Ferris, “The Intelligence-Deception Complex: an Anatomy”, Intelligence and National Security n° 4, 1989, pp. 719-734.

17 R. J. Heuer, op. cit.

18 B. Whaley, Stratagem: Deception and Surprise in War, Boston, Artech House, 2007.

19 B. Buchanan, The Hacker and the State: Cyber Attacks and the New Normal of Geopolitics, Harvard University Press, 2020.

20 J. S. Nye jr, “Deterrence and Dissuasion in Cyberspace”, International Security n° 47, 2017, pp. 44-71.

21 E. Gartzke et J. R. Lindsay, “Weaving Tangled Webs: Offense, Defense, and Deception in Cyberspace”, Security Studies n° 24, 2015, pp. 316-348.

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