« L’action sans but n’a pas de sens et l’anticipation suscite l’action1. » Dans le premier chapitre de leur ouvrage sur la prospective stratégique publié à la fin des années 2000, les économistes Michel Godet et Philippe Durance revendiquent « la rigueur pour une indiscipline intellectuelle »2, dans la droite ligne du philosophe Gaston Berger. Ce grand théoricien de l’étude des futurs introduisit cette pensée au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Il fut ainsi qualifié d’« éveilleur d’idées »3, un penseur pour qui « regarder l’avenir bouleverse le présent »4.
En dévoilant officiellement l’existence du programme Red Team Défense le 4 décembre 2020, la ministre des Armées Florence Parly explique pourquoi des auteurs, des dessinateurs et des scénaristes de science-fiction ont été sollicités pour « renverser la table » et demande à la communauté de défense d’« accepter de changer de perspective et de voir ses convictions bouleversées ». Cet encouragement à une indiscipline intellectuelle d’un genre nouveau, qualifié de mission « sérieuse, précieuse et exigeante », sera salué par le président de la République, chef des armées, à l’occasion de sa déclaration officielle sur la politique de défense du 13 juillet 2021. Il louera une initiative inédite pour la France « dont les méthodes et les propositions permettent d’envisager des réponses novatrices ». Un formidable écho pour un appel anticonformiste au virtuel, conduit par une équipe atypique au cœur d’une démarche qui l’est tout autant : offrir une liberté totale à des personnes éloignées du monde et des codes militaires afin d’imaginer les pires scénarios d’adversité pouvant menacer la France et ses intérêts à l’horizon 2030-2060 semble parfaitement contre-intuitif.
- Surprise et révolution prospective
Piloté par l’Agence de l’innovation de défense, dont le directeur, Emmanuel Chiva, est à l’initiative du projet, le programme Red Team Défense met en avant la nécessité de « faire appel à des personnes qui pensent en dehors du cadre » pour « percer le mur de l’imaginaire »5. Il est conduit en lien étroit avec l’état-major des armées (ema), la Direction générale de l’armement (dga) et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (dgris).
Cette configuration, transverse par nature, permet au projet de nourrir les différents niveaux des services qui travaillent à la préparation de l’avenir et à l’effort d’innovation du ministère des Armées. Avec des travaux pour partie confidentiels, qui sont présentés chaque année et qui proposent de mettre en avant des menaces disruptives, c’est l’ensemble de l’écosystème défense qui se trouve malmené. Ces menaces nées de l’imaginaire d’auteurs qui cultivent leur indépendance d’esprit et leur autonomie de ton visent en effet à profondément déstabiliser les schémas établis et les logiques en vigueur dans les domaines opérationnel, technologique et organisationnel, sans oublier les dimensions politique et sociologique du monde qui vient. Un esprit Red Team qui prend alors tout son sens pour se mettre à la place d’un ennemi implacable et prompt à se glisser dans les moindres failles et hésitations de sa cible. Pour affûter son ambition de déstabilisation, ce dispositif est accompagné par un acteur majeur de la recherche académique française, l’université Paris-Sciences-et-Lettres. Ce regroupement d’établissements pluridisciplinaires alimente et anime le programme en tant qu’opérateur tout au long du processus créatif, en favorisant des interactions régulières avec des experts scientifiques et militaires de haut niveau.
Loin de ce qui pourrait être considéré comme une opération de communication ou une fantaisie intellectuelle, ce programme particulier est en réalité le résultat d’une révolution nécessaire et complémentaire de l’approche prospective et de l’effort d’innovation des armées françaises. Il s’intéresse à comprendre les défis futurs et à mieux appréhender des conflictualités à venir bien réelles : la France est exposée quotidiennement à de forts niveaux de menaces, et est confrontée à un environnement stratégique instable et incertain. De nouveaux espaces de bataille apparaissent, avec des adversaires potentiels mieux armés grâce à des investissements importants. En outre, le rythme des évolutions technologiques actuelles nécessite le maintien d’un niveau d’ambition élevé dans tous les domaines6. Si l’innovation de défense veut garantir aux forces françaises une supériorité opérationnelle de manière pérenne et réactive, elle doit comprendre les futurs enjeux qui permettront aux armées de défendre les intérêts vitaux de la nation et d’assurer la sécurité des Français sur des territoires multiples, tout en se maintenant dans le groupe des puissances militaires qui comptent dans le monde.
Ces enjeux font face à un environnement aux inflexions de plus en plus imprévisibles, avec une compression formidable du rapport au temps et un écrasement fulgurant des cycles de sauts technologiques et sociétaux. Un monde plus complexe car plus connecté et plus sensible. Une interdépendance des acteurs qui conduit à un métissage des usages, des habitudes et des perceptions dans un accès global et facilité à l’information. Une interdépendance qui favorise les instabilités au travers de tensions commerciales, technologiques et communautaires, renforcées par une dégradation environnementale croissante. Un phénomène d’interdépendances théorisé comme la « quatrième révolution industrielle »7 décrite par l’économiste Klaus Schwab, et qui explique la rencontre des mondes physique, numérique et biologique, où les disciplines et les différents types d’organisations sont mis à contribution. Un concept, à ce titre, directement observé dans les réponses à la pandémie de la COVID-19.
L’innovation est ainsi un élément central dans le domaine militaire où la surprise nécessaire pour défaire un adversaire ne peut venir que dans l’introduction d’un changement important dans l’organisation des forces armées, dans les pratiques ou dans les équipements employés8. Cette même innovation doit également permettre de maîtriser ces nouveaux moyens et organisations. Elle doit les coordonner dans le temps et dans l’espace tout en se confrontant à une multitude de paramètres imprévus qui forment autant de « frictions » parfaitement décrites dès le xixe siècle par Clausewitz9, et qui diminuent l’efficacité attendue de la surprise.
Créer la surprise, ou une « révolution dans les affaires militaires », terme conceptualisé par Andrew Marshall, infatigable directeur de l’Office of Net Assessment du département de la Défense des États-Unis de 1973 à 2015, nécessite de fédérer plusieurs types d’innovations technologique, opérationnelle, organisationnelle et stratégique. Ces ruptures de différentes natures se renforcent mutuellement, à condition de former entre elles une certaine cohérence, qui doit ainsi aboutir non seulement à des gains incrémentaux, mais aussi à de vrais changements dans la capacité à produire de l’efficacité militaire10. Une surprise qui doit également se penser suivant le cadre d’engagement, comme expliqué par l’historien militaire Hew Strachan11. En effet, plus les motifs d’entrée dans un conflit seront limités, plus les calculs stratégiques rechercheront une moindre attrition ; créer la surprise dans un engagement total nécessite des ruptures de grande envergure, les belligérants consentant un plus grand investissement de leurs ressources pour dominer l’effet de surprise.
Une étude de l’historien John Whiteclay Chambers12 publiée en 1999 montre comment l’Agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense, la Defence Advanced Research Projects Agency (darpa), a adopté très tôt le postulat qu’aucun des systèmes ayant révolutionné les affaires militaires au xxe siècle n’avait été lancé sur la base d’une expression de besoin. Cette agence soutient ainsi massivement des projets civils pouvant avoir un intérêt militaire, appelés projets duaux, tout en ne limitant pas ses recherches à des besoins exprimés par des unités militaires. En France, l’Agence de l’innovation de Défense possède depuis 2018 un pôle d’« innovation ouverte » suivant un concept popularisé par l’économiste Henry Chesbrough13. Il permet de capter des avancées et des ruptures militaires de plus en plus issues de secteurs civils. Une vision qui suit la réflexion de la nécessité d’une approche globale face aux nouvelles formes de conflictualité, défendue dès 2008 par un groupe de travail interarmées réuni sous la direction du général Coulloume-Labarthe14. Une partie de l’innovation militaire de rupture n’est en effet plus produite dans les secteurs classiques de la défense mais à l’extérieur de ceux-ci.
- Provoquer le chaos pour libérer l’innovation
Alors que le besoin de coopération avec de multiples acteurs publics et privés s’accroît et devient essentiel, que penser de l’irruption du virtuel par la science-fiction dans des conflits imaginaires ? Pour le comprendre, il faut réaliser à quel point ce moyen permet d’insuffler à l’innovation des visions à la fois puissantes et débridées, sources d’inspirations à la croisée de nombreux courants qui synthétisent des possibilités futures. Une innovation qui se nourrit ainsi d’utopies, certes, mais qui favorise l’émergence d’un imaginaire collectif fédérateur qui stimule et favorise la création.
Tout comme l’idée précède l’invention, qui elle-même préexiste à l’innovation, la science-fiction naît d’une inspiration personnelle dont le moteur est la simple imagination. Une imagination d’autant plus forte qu’elle trouve sa motivation dans l’aventure, le rêve, les peurs, et où la seule limite est celle que veut bien se fixer l’auteur. La création d’imaginaires dépoussière la vision et ouvre à de nouvelles tendances inattendues. Pour inventer ces futurs audacieux, il faut donner à voir autrement en explorant des territoires fertiles inédits.
Les imaginaires portés par la science-fiction sont évidemment souvent éloignés de la réalité une fois le futur devenu présent. Mais ils ont cet intérêt de ne jamais brider la pensée nécessaire à une innovation qui réclame pour émerger un choc profond touchant autant à la technique qu’à l’esprit. Le maréchal de Lattre de Tassigny a résumé en une phrase cette force de l’imaginaire au service de l’action : « Frapper l’ennemi, c’est bien. Frapper l’imagination, c’est mieux15. » Ce choc tombant sur l’esprit doit se comprendre comme l’impulsion qui donne le courage d’atteindre son objectif. Une secousse salutaire qui libère par l’effort la persévérance et l’envie de transformer son raisonnement pour penser plus loin.
Un autre caractère exceptionnel de la fiction est sa capacité à inspirer et à questionner. Elle projette par la mise en scène des réalités possibles afin d’attirer l’attention et offrir un terrain favorable à la réflexion. Ce modèle permet également de faire ressortir les émotions attachées à toute nouveauté et de mieux comprendre le chemin de son acceptation, préalable à toute démarche de transformation. Au-delà du decorum futuriste et de la maîtrise de technologies fantastiques, le message de la science-fiction puise plus souvent qu’on ne le perçoit une vision augmentée dans la réalité de l’Histoire, qui éveille à des capacités insoupçonnées. Une science-fiction génératrice de chaos artificiels, où le succès ne se trouve certainement pas dans le suivi d’une ligne préalablement tracée, droite et impeccablement fausse dès le premier écueil, mais qui se trouve au contraire dans l’ajustement permanent. Le chaos utilisé dans l’exercice d’écriture du futur rappelle comment, au cours du temps, ce désordre total a encouragé, par les difficultés posées et les échecs imposés, toute la richesse et l’inventivité de femmes et d’hommes hors du commun, et la rencontre d’esprits à l’inventivité combattante. Sans chaos, pas de victoire de Napoléon à Marengo, pas de pénicilline permettant de sauver des milliers de soldats en 1940, pas de premier pas sur la Lune en 1969, ni même, dans une catégorie plus légère, de tarte des sœurs Tatin ou de Post-it.
Rencontrer le chaos est une vraie force, car rien n’est plus solide que ce qui se construit malgré les inconnus et les doutes. On y gagne sa chance par l’audace, on fait de chaque difficulté une opportunité, pour ne jamais s’arrêter à l’impossible. Le chaos est créateur d’opportunités et de nouveaux chemins, c’est un catalyseur d’innovation porteur d’une relation mystérieuse entre l’Homme et sa détermination à vaincre. Dans cette démarche, quasi magnétique, qui repousse ou attire les volontés, on observe une polarisation des efforts qui concentrent alors en un même point les aspirations, les craintes et les énergies. Dans Citadelle, œuvre posthume publiée en 1948, Antoine de Saint-Exupéry rappelle que la puissance de l’innovation ne se révèle que dans l’action : « Préparer l’avenir, ce n’est que fonder le présent. Il n’est jamais que du présent à mettre en ordre. À quoi bon discuter cet héritage. L’avenir, tu n’as point à le prévoir, mais à le permettre. » Un avenir perçu comme une flamme vive pour éclairer les incertitudes de notre monde, dans une discipline aux forces multiples pour se dépasser et se réinventer contre l’adversité.
Susciter l’action et vouloir faire appel à l’imaginaire dans un effort d’innovation militaire n’est pas nouveau. La valeur provocatrice et créatrice de la science-fiction est reconnue dans le secteur de la défense au moins depuis le xixe siècle, parallèlement à l’émergence de son courant moderne porté notamment par Jules Verne et H. G. Wells. Ainsi, en 1871, George Tomkyns Chesney l’utilise avec The Battle of Dorking16 pour réfléchir aux implications futures de la mécanisation des champs de bataille.
À partir des années 1950, cette utilisation s’élargit17 et devient au tournant du xxie siècle un moyen de décoder la complexité d’un monde à l’intensité technologique extrême, où les schémas plus classiques de prospective montrent des signes d’épuisement. Citons ainsi en 2005 les travaux des forces armées canadiennes qui ont fait appel à l’auteur à succès Karl Schroeder pour scénariser leur étude sur l’environnement sécuritaire à horizon 202518. La science-fiction est de nouveau convoquée en 2013 avec la diffusion publique aux États-Unis du recueil War Stories from the Future19, qui regroupe des scénarios de menaces futures20 pour en explorer les défis et les opportunités. Enfin, en 2015, c’est le techno-thriller Ghost Fleet21 de Peter W. Singer et August Cole qui va profondément marquer l’armée américaine, et les armées occidentales de façon plus générale.
- Apprendre à penser autrement
Ce mode de pensée développe un état d’esprit bien particulier, qui n’est pas si étranger à la culture militaire lorsqu’il défend l’audace et l’initiative. Il provoque un élan qui nécessite parfois de rebattre les cartes de pans entiers de principes toujours jugés jusqu’à leur chute comme des modèles incontournables et sensés. L’Histoire a démontré, tragiquement parfois, que s’accrocher aux succès passés entraîne le cycle du déclassement par excès de confiance, enfermement intellectuel ou volonté d’adaptation trop timide à de nouveaux enjeux qui écrasent inexorablement les schémas anciens.
Le programme Red Team Défense serait ainsi un de ces « attracteurs étranges » si cher au physicien et mathématicien David Ruelle22. Un phénomène générateur de chaos artificiels qui ne défend pas une posture cherchant à viser juste et à anticiper les conflits ou les technologies à venir dans un souci de contrôle, mais à embrasser l’instabilité ambiante pour nous aider à penser différemment. Dans cette perspective ont été regroupés autour des travaux de la Red Team Défense différents acteurs clés de l’innovation et de la stratégie des armées françaises, qui discutent et explorent collectivement les scénarios élaborés par les équipes créatives. La Red Team Défense devient alors un point de bascule pour s’extraire des réalités du quotidien, désaxer les regards et les acculturer à l’improbable pour faire réfléchir autrement à un futur stratégique et à ses implications militaires.
Cette singularité d’approche se traduit par l’écosystème inédit mis en place pour capitaliser sur une démarche de science-fiction qui demande à construire un environnement approprié afin d’assurer la création de scénarios aussi foisonnants que crédibles. Une absence de crédibilité ferait en effet perdre toute capacité de projection, et donc de questionnement, empêchant les acteurs de terrain comme les décideurs de pleinement s’immerger et d’adhérer aux univers créés. La démarche doit ainsi s’intégrer dans un cône de vraisemblance tant militaire, culturelle, économique, environnementale, géopolitique qu’idéologique, tout en disposant de capacités de représentation vivantes et dynamiques des travaux réalisés où le rôle des arts est fondamental. Toucher autant la rationalité que la sensibilité du spectateur afin de bousculer son raisonnement et ses positions est au centre de la restitution des imaginaires du programme.
Depuis son lancement, la Red Team Défense a produit plusieurs scénarios confidentiels. Certains d’entre eux ont néanmoins été adaptés pour une diffusion publique23 dans un nécessaire lien armée-nation. Des observateurs proches, mais aussi parfois très éloignés du domaine militaire ont ainsi été intéressés par un programme aux codes résolument différents, propice à l’ouverture et à la réflexion sur les problématiques de défense actuelles et à venir. Des acteurs de la société civile des secteurs de l’industrie et de la recherche et de l’enseignement, mais également des citoyens de toutes les générations en réflexion ou souhaitant s’engager sur les défis du monde et de la France de demain.
Chronique d’une mort culturelle annoncée
Dans le scénario « Chronique d’une mort culturelle annoncée » rendu public par la ministre des Armées Florence Parly, la Red Team Défense a imaginé une société de 2040 où 90 % des Européens seraient connectés à des bulles communautaires, plus connues sous le nom trompeur de « safe sphères », qui offriraient à chaque citoyen le loisir de choisir une réalité alternative dans laquelle il pourrait s’immerger selon ses humeurs ou ses convictions. L’apparition de ces safe sphères bouleverserait en profondeur le rapport au réel de populations entières, chaque individu choisissant sa propre réalité alternative. Les safe sphères participeraient activement à la déstabilisation sociale et politique. Entre catastrophe climatique et fort sentiment de défiance parmi les populations civiles, l’armée française devraient intervenir pour évacuer des ressortissants de l’Union européenne. Comment retrouver un destin collectif dans ce brouillard informatif ?
Ces scénarios, dont le but premier est d’être utilisés comme base de discussion entre différents acteurs opérationnels de la défense, permettent la diffusion de menaces et risques d’un nouveau genre vers différents niveaux de décision stratégique voire politique. En sortant ces acteurs de leur cadre habituel de réflexion, en les confrontant à un inconnu issu d’imaginaires de science-fiction et en identifiant les faiblesses potentielles des armées françaises dans ces scénarios, la Red Team Défense permet de provoquer de nouveaux questionnements et identifie de nouveaux centres de gravité. Se positionnant comme un véritable think tank interne au ministère des Armées, elle favorise les échanges et les réflexions transverses grâce à une Blue Team. Cette équipe réunit ingénieurs de la dga, chercheurs de la dgris et représentants des différentes forces armées, et ouvre la voie à des études et à des projets concrets d’innovation et de préparation de l’avenir. Certains sont déjà en cours de construction, mais nécessairement protégés par le secret pour ne pas dévoiler d’éventuels points de faiblesse de la France, et pour protéger le développement de nouveaux axes de recherche.
Une Red Team Défense qui éveille donc le futur pour comprendre les guerres à venir et mieux garantir la paix demain. Un collectif qui pense les effets d’une guerre « hyperfréquence » ou imagine les théâtres d’opérations futurs plongés dans les mondes immatériels de « métavers multiples ». Aurons-nous ainsi besoin demain de méta-soldats aptes à combattre dans des univers immersifs persistants ? Portée du virtuel sur le réel et du réel sur le virtuel, passage indispensable par le virtuel pour agir sur le réel. Les imaginaires de la Red Team Défense changent indéniablement les guerres de demain en éclairant dès aujourd’hui certains défis d’avenir essentiels à la supériorité opérationnelle des armées françaises.
Dans cette démarche, le plus important sera sans doute d’accepter la constance d’un mouvement. Celui d’un éternel recommencement qui impose de ne jamais se laisser gagner par la satisfaction. Entre avance et retard, rien n’est vraiment complètement achevé pour dominer l’avenir. Prospective et innovation sont deux matières indissociables dans cette course sans fin vers le futur, animée de bâtisseurs de l’impossible pour qui chaque réussite appartient déjà au passé.
1 Ph. Durance et M. Godet, La Prospective stratégique. Pour les entreprises et les territoires, Paris, Dunod, 2008.
2 Ibid.
3 R. Escarpit, Notice nécrologique du 15 novembre 1960, Le Monde.
4 G. Berger, Phénoménologie du temps et prospective, Paris, Presses universitaires de France, 1964.
5 Entretien avec Emmanuel Chiva du 11 septembre 2019 rapporté par Michel Cabirol, La Tribune, 11 septembre 2019.
6 « Présentation de la stratégie d’innovation du ministère des Armées », discours de la ministre des Armées prononcé à Lorient le 8 septembre 2020.
7 K. Schwab, The Fourth Industrial Revolution, Genève, wef, 2016.
8 S. P. Rosen, Winning the Next War. Innovation and the Modern Military, Ithaca, Cornell University Press,1991, pp. 7-8.
9 C. Von Clausewitz, De la guerre, 1832, rééd. Paris, Éditions de Minuit, 1955, pp. 108-111.
10 A. W. Marshall, Some Thoughts on Military Revolutions, Washington, Office of Net Assessment, août 1993.
11 H. Strachan, “Strategy and the Limitation of War”, Survival, vol. 50, février 2008, pp. 31-54.
12 J. Chambers, The Oxford Companion to American Military History, Oxford University Press, 1999, p. 791.
13 H. W. Chesbrough, Open Innovation. The New Imperative for creating and profiting from Technology, Harvard Business School Press, 2003.
14 J. Coulloume-Labarthe et al., «Nouvelles conflictualités et défense moderne. L’approche globale », Raisons politiques n° 32, Presses de Sciences Po, 2008/4, pp. 95-107.
15 J. de Lattre de Tassigny, Histoire de la Première Armée française. Rhin et Danube, Paris, Presses de la Cité, 1972.
16 G. T. Chesney, The Battle of Dorking, Lippincott, Philadelphia, Grambo & Co, 1871.
17 G. Brayer, É. Le Maréchal et A.-L. Saives, Entreprise et Histoire, 2019/3, pp. 148-162.
18 K. Schroeder, Crisis in Zefra, Directorate of Land Strategic Concepts, 2005.
19 The Atlantic Council Art of Future Warfare Project.
20 A. Liptak, The us Military is turning to Science Fiction to shape the Future of War, https://onezero.medium.com/the-u-s-military-is-turning-to-science-fiction-to-shape-the-future-of-war-1b40d11eb6b4
21 A. Cole et P. W. Singer, Ghost Fleet, Boston, Houghton Mifflin Harcourt, 2015.
22 D. Ruelle, Chance and Chaos, Princeton University Press, 1991.
23 Red Team. Ces guerres qui nous attendent. 2030-2060, Paris, Éditions des Équateurs, 2022, www.redteamdefense.org