N°48 | Valeurs et vertus

Stéphane Faudais
Le Maréchal Niel, 1802-1869
Stéphane Faudais, Le Maréchal Niel, 1802-1869, Bernard Giovanangeli éditeur

Parmi la littérature du Second Empire, tout particulièrement celle touchant à la guerre franco-prussienne de 1870-1871, la loi Niel occupe une place de choix. Mais qui se cache derrière ce nom ? Qui est l’homme qui a donné son nom à une loi, à un palais, à des avenues ? Je distingue deux grands axes dans cet ouvrage. Le premier permet de suivre la carrière d’un rejeton de bonne famille, polytechnicien devenu officier d’une arme savante, le génie. Né sous le Consulat, entré dans l’armée sous Charles X, Adolphe Niel accède au maréchalat sous le Second Empire après avoir servi la monarchie de Juillet et la IIe République. Cette riche et brillante carrière l’amène en Algérie, au large de la Finlande, en Crimée et en Italie. Il se distingue comme officier du génie, technicien des fortifications, mais également comme chef tactique, notamment à Solferino à la tête d’un corps d’armée. L’homme paraît remarquable et il est intéressant de voir la manière dont il semble irriguer la réflexion plus générale de Stéphane Faudais sur l’état d’officier. Suivre ainsi le parcours d’Adolphe Niel permet de se plonger dans différentes facettes du métier d’officier dans l’armée française du xixe siècle, à des fonctions et des grades différents, en métropole ou à l’étranger. À travers cette riche carrière, c’est également une histoire de l’armée française que nous laisse entrevoir Stéphane Faudais. 

L’autre grand axe consiste en une analyse de l’œuvre réformatrice d’Adolphe Niel, centrée sur la loi portant son nom. Appelé au ministère de la Guerre par Napoléon III, il est responsable de la mise en œuvre d’une réforme du système de recrutement visant à rééquilibrer les effectifs par rapport à ceux du potentiel adversaire prussien. Le livre prend ici un aspect plus technique, contre coup des débats agités qui confrontent points de vue de l’Empereur, des militaires ou des politiques. De manière plus générale, le passage de Niel au ministère de la Guerre est l’occasion d’un état des lieux de l’armée française à la veille de la défaite de 1870. Refus de l’innovation, sclérose du commandement, formation des officiers : malgré ce qu’il proclame (dans sa position, il ne peut en réalité dénigrer l’armée dont il provient), l’armée impériale n’est pas à la hauteur du choc futur. Confrontée à l’actualité, cette partie du livre prend un relief particulier. Il ne s’agit pas d’établir ici un strict parallèle entre les dernières années du Second Empire et la situation actuelle, mais de méditer la manière dont les chefs militaires et les décideurs politiques français ont réfléchi et œuvré pour se préparer à un conflit imminent. 

Écrite dans un style clair et simple, cette biographie est donc l’opportunité d’aborder à la fois une carrière militaire et une œuvre réformatrice alors que la tempête menace. Las, la mort précoce de Niel (dans des conditions similaires à celle de Napoléon III : des suites d’une opération de la maladie de la pierre) stoppe net les chantiers qu’il a lancés. Aurait-il pu inverser le cours des choses ? La réponse de Stéphane Faudais : a priori non.

Maxime Yvelin

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