Inflexions : Mon général, vous avez occupé des postes où le secret est essentiel. Avez-vous eu, dans certaines situations, des doutes quant à sa nécessité ou à sa gestion ?
Benoît Puga : Non, je n’en ai jamais eu. Le secret est un faux problème, parce qu’il est inhérent à toute activité humaine, y compris pour chacun d’entre nous à titre personnel. Nous ne sommes pas obligés de tout dire et chacun garde par-devers soi des éléments confidentiels dont il est possible de penser que tout le monde n’a pas besoin d’être au courant.
Inflexions : Qu’est-ce alors que le secret ?
Benoît Puga : C’est simple. Le secret est une information que l’on cache à tout ou partie du public ou à une population particulière, qu’on ne partage qu’avec ceux qui ont besoin d’en connaître. Chacun de nous vit avec le secret depuis l’enfance, parfois sans s’en rendre compte. Preuve en est avec le secret médical. Quand je vais voir mon médecin, j’attends qu’il ne divulgue pas la raison de ma visite, y compris à ma famille, ou plus exactement je peux lui demander de ne pas tout dire quant à la gravité de mon état, parce qu’avant de le faire connaître, et si c’est nécessaire, j’ai peut-être des dispositions à prendre.
Inflexions : Alors pourquoi le secret fascine-t-il autant ?
Benoît Puga : Sans doute parce que les séries policières et la littérature de ce type laissent penser que le secret masque quelque chose d’inavouable, avec en plus le travers de la recherche du scoop ou du scandale. Or, dans la très grande majorité des cas, ce que l’on ne divulgue pas répond à des raisons très légitimes.
Inflexions : Il existe pourtant des services spécialisés, voire spéciaux.
Benoît Puga : Comme ancien patron du renseignement militaire, je connais un peu le sujet. On parle toujours des sources ouvertes et des sources fermées. Pour les premières, le traitement est facile ; il ne s’agit que d’une question d’organisation au regard de la masse d’informations à trier et à traiter. Le plus difficile, c’est l’acquisition de l’information fermée, qui est à l’origine première des services spéciaux. Aller chercher ce qui est caché et pourquoi cela est caché est fondamental. Cela permet aux responsables d’anticiper et de prendre leurs décisions avec le minimum de risques.
Inflexions : Les services spéciaux sont donc spécialisés uniquement dans la recherche du renseignement caché.
Benoît Puga : Oui, principalement. Contrairement à ce que l’on croit, ils sont structurés pour rechercher à l’étranger de l’information cachée en utilisant parfois des moyens pas forcément légaux, mais que le gouvernement accorde au regard de la raison d’État, de l’intérêt national, de la sécurité nationale. Souvenez-vous de l’affaire de la mise sur écoute d’Angela Merkel et du président de la République français par les services américains. Quel émoi ! Pourtant cela n’avait rien de scandaleux. Certes, on peut estimer que les services américains pourraient être plus utilement employés qu’à écouter des dirigeants alliés, mais, fondamentalement, cette décision revient au seul président des États-Unis en fonction de besoins que lui seul estime nécessaires de couvrir. Ainsi on pourrait comprendre qu’au moment de la guerre en Irak, il ait pu placer Jacques Chirac sur écoute : la France s’opposant à ce conflit, il avait besoin d’anticiper la réaction de ses dirigeants. C’était de sa responsabilité ; il a été élu et il est payé pour ça. Il en assume les risques si cela est rendu public. En revanche, ce qui n’est pas admissible, c’est qu’un vulgum pecus d’une organisation quelconque s’arroge le même droit, sans ordre d’une autorité hiérarchique. C’est là qu’est le scandale, pas dans le fait qu’un chef d’État estime nécessaire d’écouter un homologue pour l’intérêt de la sécurité de ses concitoyens.
Inflexions : Le secret n’est pas condamnable en soi, mais les objectifs pour le percer peuvent l’être.
Benoît Puga : Oui, tout à fait. Ce point est essentiel. Le scandale dépend du statut de la personne, légitime ou non, qui décide d’acquérir des informations que l’autre partie cherche à cacher. Au-delà de l’amusement éventuel, cette démarche est encore plus scandaleuse dans la perspective de recherche de notoriété ou pire d’enrichissement personnel. Je le répète, le secret est légitime, s’il est utilisé, comme dans le cas des fonctions que j’ai pu occuper, pour un bien, au minimum par discrétion ou parce que l’on estime que c’est nécessaire. Vouloir le percer est légitime également, afin de mieux comprendre une situation, d’agir le plus possible en connaissance de cause.
Inflexions : Qu’entendez-vous par discrétion ?
Benoît Puga : Par exemple le silence autour du déploiement opérationnel d’une unité militaire. Le risque est de voir l’ennemi mener une action contre elle, l’empêchant de remplir sa mission. En fait, c’est simple : la décision de classer une information confidentielle ou secrète doit prendre en compte les conséquences de la révélation de cette information pour l’intérêt individuel, la sécurité des personnes et des biens, pour l’intérêt collectif de l’unité (par exemple pour le déplacement de la troupe), pour l’intérêt général et national. Contrairement à ce que l’on croit, c’est souvent la sécurité des personnes qui prime sur tout le reste quand on prend ce type de décision.
Inflexions : Pouvez-vous préciser ?
Benoît Puga : Imaginons que, dans le cadre d’une opération, il faille bombarder une infrastructure considérée comme importante à détruire. Le président de la République peut annoncer l’action en amont, mais il met alors en danger le personnel chargé de remplir la mission. Cela veut dire que celle-ci peut échouer, mais surtout que ses acteurs peuvent être tués après son achèvement, ce qui peut être tout aussi grave que le fait qu’ils soient tués avant. Il faut ici dépasser le simple côté humain, voire humaniste, et prendre du recul. La préservation des capacités d’action sur le long terme est un critère majeur de prise de décision : le temps et le coût de la formation du pilote, s’il s’agit d’un raid aérien, ceux d’autres opérateurs pour d’autres actions, sont des capitaux difficiles à reconstituer rapidement. De plus, la perte d’un avion, et surtout de son équipage, peut avoir une portée stratégique qu’il convient d’étudier avant la moindre déclaration. Ainsi en 1994, en ex-Yougoslavie, la forpronu1 a obtenu que l’onu utilise des liaisons chiffrées, contrairement à sa philosophie habituelle. C’était en totale contradiction avec l’obligation de traitement égal de tous les pays membres en matière d’information. Boutros Boutros-Ghali, alors secrétaire général de l’onu, et Kofi Annan, patron des opérations de maintien de la paix, ont décidé d’utiliser des liaisons chiffrées au regard de la sécurité des pilotes de l’otan chargés de frapper les forces serbes au sol en vertu de l’application des résolutions de l’onu. Le problème n’était pas une question de camouflage des forces de l’otan agissant comme bras armé de l’onu, mais bien de protection des soldats avant l’action. Le secret dépend donc de façon importante de la protection des soldats qui accomplissent la mission.
Inflexions : Comment fait-on alors pour protéger le secret ?
Benoît Puga : Tout d’abord par la formation des personnels à la nécessité de ne pas tout dire. Revenons sur le secret médical. Qui conteste son importance, y compris au titre de la transparence et de l’impérieuse information du grand public ? Prenons l’exemple de la santé du président de la République, dont les Français considèrent qu’il est normal qu’ils en connaissent l’état, car celui-ci a été élu et détient des responsabilités. Des bulletins de santé sont donc publiés régulièrement. La question qui se pose alors est celle du curseur de précision de l’information. Au-delà des commentaires habituels, quel est l’objectif recherché ? Telle information est-elle utile ? De façon étrange, en matière d’opérations militaires ou de négociations, cette notion disparaît et l’on voudrait que tout fût rendu public. Heureusement, les journalistes comprennent bien les limites que l’on pose pour assurer la sécurité de nos soldats. Le débat sur le floutage des visages des forces de l’ordre fait d’ailleurs écho à ce sujet.
C’est la raison pour laquelle le chef définit ce qui est secret et ce qui ne l’est pas. Pour les problèmes de santé, le chef, c’est l’individu. Pour les opérations militaires, c’est de la responsabilité de celui qui commande. Ensuite, chaque niveau possède son degré de confidentialité et donc de limitation du nombre de personnes ayant le droit d’en connaître pendant un certain temps. On forme les gens en expliquant très simplement l’objectif de cette non-divulgation. Le secret, je le répète, ne sert pas à camoufler une forfaiture, une action basse et inadmissible. Il sert d’abord à protéger la vie des soldats et de nos compatriotes.
Inflexions : Le secret s’inscrit donc dans le cadre de la protection de personnes qui agissent dans un cadre collectif pour une action précise et il est décidé par le chef.
Benoît Puga : Il faut ajouter à cela une notion de temporalité dont la limite peut être définitive, voire éternelle. On voit bien avec les archives, mais aussi avec les données personnelles que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (cnil) est chargée de protéger, que tout cela n’est pas simple parce qu’il y a beaucoup de contingences à prendre en compte, d’un côté des personnes qui peuvent devenir des victimes et, de l’autre, des responsables qui doivent les protéger, avec une menace évoluant avec le temps et les techniques. Ici, à la grande chancellerie de la Légion d’honneur, qui est une sorte de direction des ressources humaines, nous faisons très attention aux informations personnelles des membres de nos ordres sur des sujets comme la religion – n’oublions pas l’affaire des fiches –, la politique… Ainsi, de façon plus générale, est-il impossible en France, par obligation légale, de dire exactement quelle est la répartition religieuse d’une ville comme, par exemple, Paris. Et pourtant cela pourrait être intéressant. Mais non. Et les Français comprennent très bien les raisons pour lesquelles il peut y avoir de la confidentialité et du secret. Le secret opérationnel le mieux gardé, c’est la dissuasion nucléaire. Il est, d’une certaine façon, intemporel.
Inflexions : Après la temporalité, il revient au chef de décider qui peut avoir accès au secret.
Benoît Puga : C’est une responsabilité de chef, quelle que soit la nature du chef, élu ou responsable désigné. Il décide en conscience. Par expérience, par habitude, ou en s’appuyant sur des textes réglementaires ou législatifs, il est possible de savoir quelles sont les personnes habilitées à accéder à telle ou telle information. Ensuite, il faut accepter, ce que tout le monde ne fait pas, qu’un chef puisse de sa propre autorité fermer ou ouvrir l’accès à une information. C’est bien lui qui doit discerner à qui il doit faire confiance, parce qu’il devra assumer les conséquences de sa décision. En fait, le problème n’est pas tant celui de la décision que celui de la stricte application des sanctions prévues par la loi en cas de violation d’un secret. Aux États-Unis, par exemple, celui qui trahit l’identité d’un agent se retrouve illico presto en prison.
Inflexions : Arrive donc le problème de la formation du chef. Pour les militaires, il existe un cursus qui permet progressivement l’accoutumance à ce genre de sujets. Mais comment celui qui, du jour au lendemain, se retrouve avec de telles responsabilités peut-il gérer cela ?
Benoît Puga : Je dirais que tout dépend de l’âge et de l’expérience. Il n’y a pas que des sujets à caractère militaire. Mon père, par exemple, a eu une longue carrière dans l’industrie civile d’armement. Sa chambre d’hôtel a dû être fouillée une soixantaine de fois. L’espionnage industriel est encore plus développé que l’espionnage militaire ; il influe largement sur le succès ou non de négociations autour de contrats. Pourquoi les délits d’initiés sont-ils sanctionnés ? Parce qu’une information confidentielle révélée peut ruiner ou démultiplier des gains en faisant fi de toute moralité. Pour réussir une affaire, un projet, il y a besoin si ce n’est de secret au moins de confidentialité. Je remarque que souvent les Français sont montrés du doigt parce qu’ils ne sont pas sérieux en matière de propriété intellectuelle avec, en comparaison des États-Unis, un système administratif très lourd pour déposer des brevets d’invention. Nos ingénieurs de très haut niveau, par insuffisance de compréhension des enjeux de confidentialité de leurs travaux, peuvent nuirent parfois à leurs entreprises.
Inflexions : Que faire pour que cette insuffisance disparaisse ?
Benoît Puga : C’est une question de bon sens. Au plan national, il existe au sein du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (sgdsn) des fonctionnaires qui forment et informent les entreprises sur les sujets d’intérêt vital, d’espionnage, de simple sécurité voire de cybersécurité. Voilà d’ailleurs encore un exemple : la cybersécurité a trait à la sécurité, au secret des informations qui circulent de façon informatique. Si vous donnez les algorithmes de chiffrement de votre dossier, on peut rentrer dedans, le bloquer voire le détruire. Imaginons le blocage de l’alimentation électrique de Paris, des serveurs de gestion de la sncf… Il s’agit donc bien d’une question de bon sens. Toute information n’est pas bonne à dire ou à exposer aux yeux de tous, étant donné les conséquences que sa destruction ou sa dégradation peuvent avoir. Il est donc du devoir du chef, élu ou non, de se former, de se renseigner ; il doit connaître la logique et la cohérence du devoir de protéger les soldats qui sont en opération, de protéger les systèmes informatiques d’entreprises d’intérêt vital, le système bancaire…
Inflexions : Quid de la compromission ?
Benoît Puga : Simple erreur d’attention ou volonté de nuire : tous les cas de figure sont possibles, y compris les plus malhonnêtes. Mais même une négligence est inadmissible, est coupable. Le problème est qu’aujourd’hui beaucoup estiment normal qu’au titre de la « transparence » on divulgue des informations confidentielles. Cela doit être sanctionné comme prévu par la loi, ce que l’on ne fait pas assez, parce que l’on considère parfois que la fuite peut avoir des conséquences positives. Mais la question n’est pas seulement que les conséquences soient bonnes ou mauvaises ! Le détenteur d’un secret ne doit en aucun cas le divulguer. Pour dénoncer une malhonnêteté ? Nous sommes alors dans un autre cas de figure : l’article 40 du Code pénal oblige à dénoncer un crime. Dans ce cas, il n’y a plus de secret qui tienne ; c’est évident. Quid alors des affaires liées aux services spéciaux ? Il s’agit là d’un autre problème. C’est le gouvernement qui agit selon des normes très précises, qui utilise pour ce faire des personnes sélectionnées dans le cadre de l’intérêt général et qui assume ses décisions, et les conséquences de celles-ci.
Inflexions : Un livre a récemment relaté des problèmes de coordination de certaines unités en raison de leur pratique du secret, ce qui nuirait au bon déroulement des opérations. L’auteur de cet ouvrage viole-t-il le secret ?
Benoît Puga : Non, pas du tout. Nous avons là deux problèmes différents. Je suppose que vous parlez de la Direction générale de la sécurité extérieure (dgse) et du Commandement des opérations spéciales (cos). La dgse agit de façon clandestine et donc secrète ; personne n’a à en connaître, d’autant plus que ses actions se déroulent à l’étranger. Le cos, lui, agit de façon confidentielle, secrète, mais pas clandestine. Les agents de la dgse travaillent sous pseudonyme, ceux du cos avec leur identité réelle, même si c’est de façon discrète et très confidentielle, éventuellement très secrète. Le fait que ces deux services soient côte à côte ne relève pas du secret, mais d’un problème de cohérence, d’intelligence de situation, de décision prise au plus haut niveau. On peut se demander s’il est approprié de mettre deux entités agissant sous un statut différent dans un endroit voisin ou dans une étroite proximité. Il ne s’agit pas d’un problème de secret, mais d’efficacité dans l’emploi des moyens. Il n’y a pas de compromission.
Pour aller plus loin, prenons un exemple : vous servez à la dgse, je vous connais et je vous rencontre sur un théâtre d’opérations. Si je sais ce que vous faites, la moindre des prudences est alors de s’éviter ; si je ne sais pas ce que vous faites et que je vous salue, je peux vous compromettre involontairement, griller votre couverture. Cela peut être dramatique, voire fatal pour vous. Il ne s’agit ni d’une erreur ni d’une fuite. D’ailleurs, un acteur clandestin peut difficilement revenir sous son identité réelle dans un pays où il a été auparavant en mission. On ne peut pas travailler dans des services qui requièrent confidentialité et discrétion, et vouloir apparaître au grand jour. Je trouve ainsi incompréhensible voire inadmissible que des camarades des forces armées se présentent devant les plus hautes autorités de l’État avec une cagoule sur la tête. Soit on accepte de participer à une activité publique et on vient à visage découvert, soit on craint pour sa sécurité et on ne vient pas. Il n’y a pas de milieu. Les gens qui travaillent clandestinement ont des avantages, mais ils ne pourront pas apparaître dans Paris-Match dans un article flatteur. La difficulté est que tout le monde veut avoir les avantages des uns et des autres sans aucun des inconvénients. Or les inconvénients, il faut savoir les assumer.
Inflexions : Le secret serait compromis par les egos ?
Benoît Puga : J’ai connu cette difficulté avec l’engagement des forces spéciales en Afghanistan. Comme elles combattaient sur le terrain contre les taliban, nous avions obtenu des autorités politiques une totale confidentialité. Une discrétion nécessaire pour garantir leur efficacité. Ces unités travaillaient de façon tout à fait officielle, mais sans que nous ne fassions de promotion de leur action. Le gouvernement a respecté cette exigence, tout comme les journalistes, qui pourtant rêvaient de les suivre sur le terrain. Malheureusement, même au sein des forces spéciales, il peut exister des camarades qui veulent le beurre et l’argent du beurre. Je comprends la difficulté. C’est au commandement de faire en sorte que des compensations existent. Hélas, pendant les quarante dernières années, ces compensations ont fait l’objet d’économies. Aujourd’hui on découvre que l’on a d’une manière générale paupérisé les personnels et qu’il existe un problème social pour leurs familles. Il en va de même dans d’autres domaines de compétences comme, par exemple, celui de la cybersécurité, où les salaires français ne sont guère compétitifs pour recruter des ingénieurs et des spécialistes de haut niveau.
Inflexions : Nous venons de parler du secret au travail, mais qu’en est-il du secret en famille ? Comment garder un secret ? Celui-ci n’est-il pas parfois trop pesant ?
Benoît Puga : Ça, c’est une question de caractère, mais aussi d’éducation et de formation. Je reprends mon exemple du secret médical. Les parents éduquent leur enfant en lui expliquant qu’il n’est pas obligé de dire à tout le monde que son père souffre de telle ou telle maladie. Ils expliquent pourquoi. Ce n’est pas un interdit brutal. Pour le secret, c’est la même chose. Les conditions d’exercice du métier imposent de prévenir la famille des contraintes actuelles, conjoncturelles ou à venir. Celui qui s’y refuse pour, par exemple, pouvoir absolument se marier en sachant que ces contraintes peuvent servir de repoussoir, s’expose à un moment ou un autre à un problème. Parfois, les contraintes acceptées au départ deviennent trop pesantes. Pour certains conjoints, il est étouffant de ne pas pouvoir échanger librement avec leurs voisins. Pour d’autres, cela ne présente aucune difficulté. C’est une question de caractère, et aussi de confiance…
Inflexions : Comment passe-t-on les consignes ?
Benoît Puga : C’est très simple. Vous n’êtes jamais tout seul. Les secrets qui sont détenus à un niveau unique, à l’exemple ultime du président de la République, sont rares. Il y en a peut-être un ou deux, pas plus. Il est évident que beaucoup d’informations sont partagées, en particulier sur le plan militaire. C’est là l’un des intérêts majeurs de la permanence des cabinets militaires quand tout le monde bouge : ils assurent la continuité. Les personnels des cabinets civils, eux, préparent des dossiers pendant la période de transition et les transmettent aux personnes à niveau égal qui vont leur succéder. Après apparaît la question de la confiance sur le degré d’information et de confidentialité. Les questions sensibles sont, par exemple, liées à l’existence éventuelle d’otages. Mais même sur un tel sujet, il n’est pas besoin de revenir sur le détail : « Voilà où nous en sommes, les services compétents sont au courant. »
Inflexions : Ce n’est donc pas le détail du secret que l’on transfère, mais le fait qu’il existe un secret.
Benoît Puga : C’est ça. Même pour le nucléaire, le président n’a pas besoin de dire à son successeur qu’il existe un secret dans ce domaine. Celui-ci le sait bien. Il n’a pas besoin de transmettre grand-chose puisque ça se passe avec son entourage. En fait, les choses sont beaucoup plus simples qu’on ne le croit.
Inflexions : Le secret est-il important en matière de relations internationales ?
Benoît Puga : Oui, il peut être synonyme de la puissance d’un État face à ses adversaires et à ses alliés. La France a toujours eu une excellente réputation sur le plan du renseignement, quoi qu’en disent certains. Une affaire comme celle du Rainbow Warrior est une exception, qui peut être de nature à profondément éroder la confiance qui existe entre deux pays. Donc, dans ce domaine, il est important de veiller à la plus grande protection du secret et donc des informations confidentielles. De la même façon, deux entreprises étrangères l’une de l’autre qui travaillent ensemble attachent beaucoup d’importance à la discrétion sur l’information. Je pense que les conditions dans lesquelles Airbus protège ses produits, ses savoir-faire, ses méthodes sont essentielles, quels que soient le pays où l’entreprise est implantée et la nationalité des membres de l’équipe.
Inflexions : Peut-on mettre de l’affect dans les affaires de secret ?
Benoît Puga : Oui. Il existe ce que j’appelle la sensibilité d’une information au regard des conséquences, non pas dans la perspective de l’intérêt général, mais pour éviter de heurter la sensibilité des familles. Que dire aux parents de la mort de leur enfant ? Jusqu’à quel degré de détails sur les conditions du décès peut-on et doit-on aller ? Doit-on présenter le corps, notamment lorsque celui-ci est dans un état de dégradation important ? Que peut-on révéler de la mission ? C’est une vraie question. La personnalité des parents, leur courage, le contexte, l’environnement influent beaucoup sur la façon de présenter les choses. Tout le monde ne réagit pas de la même façon.
Qu’est-ce que cela apporte à la vérité ? Parfois l’évidence est violente, mais suffisante. Ce fut le cas pour le crash de l’a320 de la Germanwings. Le président de la République et Madame Merkel ont survolé l’épave. Je peux vous dire que l’un et l’autre étaient impressionnés par la violence de l’impact et de la dispersion des restes. Malgré tout, en un an, les scientifiques de la gendarmerie et de la police ont retrouvé des traces d’adn pour chaque passager. Les familles ont pu avoir la certitude scientifique que leurs parents étaient bien morts. C’est énorme. Et peu leur importait le degré d’intégrité du corps dans le cercueil, parce qu’elles avaient vu les images des lieux, parce qu’elles devinaient ce que pouvait être l’état des corps. Ce qui comptait pour elles, c’était la réalité de la mort du proche. Le pire aurait été l’inconnu, l’incertitude, le doute.
Inflexions : Le rôle de l’autorité en matière de secret, c’est la régulation.
Benoît Puga : Oui. Je le répète. Quand on parle de secret, on pense souvent secret militaire, de la défense et plus généralement le secret d’État. C’est un mythe. Oui, il y a des secrets du niveau de l’État, donc on peut appeler cela un secret d’État. Mais souvent on nomme ainsi un scandale autour de quelque chose d’inavouable, de honteux, d’illégal. Or il existe beaucoup de secrets de ce niveau, comme le secret nucléaire ou de la dissuasion, qui n’ont rien d’illégal ou de honteux. Le secret est une responsabilité qui doit s’analyser au regard des conséquences de la révélation des informations qui le constituent.
Propos recueillis par Jean-Luc Cotard
1 Force de protection des Nations unies déployée de 1992 à 1995.
Inflexions: General, you have held positions where secrecy is essential. Have you, in certain situations, had doubts about the need for or management of secrecy?
Benoît Puga: No, never. Secrecy is a false problem, because it is inherent in all human activity, including for each of us in a personal capacity. We don’t have to say everything, and everyone keeps confidential elements to themselves that we might think not everyone needs to know about.
Inflexions: What then is secrecy?
Benoît Puga: It’s simple. Secret information is information that is hidden from all or part of the public or from a particular group of people, that is only shared with those who need to know about it. Each of us has lived with secrecy since childhood, sometimes without realizing it. Medical confidentiality is a good example. When I go to see my doctor, I expect him not to divulge the reason for my visit, including to my family, or more precisely I can ask him not to reveal everything about the seriousness of my condition, because before making it known, and if necessary, I may have to make arrangements.
Inflexions: So why is secrecy so fascinating?
Benoît Puga: Probably because TV thrillers and crime novels give the impression that secrecy hides something that cannot be admitted, with the added bonus of the search for a scoop or a scandal. In the vast majority of cases, however, there are very legitimate reasons for not disclosing what is being kept secret.
Inflexions: There are, however, specialised or even special services.
Benoît Puga: As a former head of military intelligence, I know a little bit about the subject. We always talk about open sources and closed sources. For the former, it’s easy to deal with; it’s just a question of organisation with regard to the mass of information to be sorted and processed. The most difficult thing is the acquisition of closed information, which is the primary reason for special services. Finding out what is hidden and why it is hidden is crucial. This enables supervisors to anticipate and make decisions with minimum risk.
Inflexions: So the special services are specialised only in the search for hidden information.
Benoît Puga: Yes, mainly. Contrary to popular belief, they are structured to search abroad for hidden information, sometimes using methods that are not necessarily legal, but that the government allows on account of raison d’État, the national interest, national security. Remember the case of the Americans wiretapping Angela Merkel and the President of the French Republic. What drama! And yet there was nothing scandalous about it. Admittedly, one might think that the American services could be more usefully employed than listening to allied leaders, but, fundamentally, this decision rests solely with the President of the United States according to the need for information that he alone considers it necessary to seek. Thus it is understandable why, at the time of the war in Iraq, he put Jacques Chirac’s communications under surveillance: as France was opposed to this conflict, he needed to anticipate the reaction of its leaders. It was his responsibility; he was elected and he is paid for it. He assumes the risks if this is made public. On the other hand, what is not admissible is that an ordinary citizen of any organisation assumes the same right, without any order from a hierarchical authority. That is where the scandal lies, not in the fact that a head of state considers it necessary to wiretap another head of state in the interests of the security of his fellow citizens.
Inflexions: Secrecy is not reprehensible in itself, but the means used to uncover secrets may be.
Benoît Puga: Yes absolutely. This point is essential. The scandal depends on the status of the person, legitimate or not, who decides to acquire information that the other party is trying to hide. Apart from being a possible source of amusement, this approach is even more scandalous if it is aimed at seeking notoriety or, worse, personal enrichment. I repeat, secrecy is legitimate, if it is used, as in the case of the functions I have held, for good reason, at least out of discretion or because it is considered necessary. It is also legitimate to want to uncover secrets, in order to better understand a situation, to act as much as possible with full knowledge of the facts.
Inflexions: What do you mean by discretion?
Benoît Puga: For example the silence surrounding the operational deployment of a military unit. The risk is that the enemy could take action against it, preventing it from fulfilling its mission. In fact, it’s simple: the decision to classify confidential or secret information must take into account the consequences of revealing this information for the individual interest, the security of people and property, for the collective interest of the unit (e.g. in the case of troop movements), for the general and national interest. Contrary to popular belief, it is often the safety of people that takes precedence over everything else when such decisions are made.
Inflexions: Can you elaborate?
Benoît Puga: Let’s imagine that, as part of an operation, we have to bomb an infrastructure that is considered important to destroy. The President of the Republic can announce the action beforehand, but then he puts the personnel in charge of carrying out the mission in danger. This means that the mission may fail, but above all that its actors may be killed after its completion, which can be just as serious as the fact that they are killed beforehand. Here we must go beyond simple human, even humanistic, aspects and take a wider view. Preserving the capability for action in the long term is a major decision-making criterion: the time and cost of training the pilot, if it is an air raid, and that of other operators for other actions, is a capital that is difficult to reconstitute quickly. Moreover, the loss of an aircraft, and especially its crew, can have a strategic impact that should be studied before the slightest statement is made. Thus in 1994, in ex-Yugoslavia, the unprofor1 convinced the UN to use encrypted links, contrary to its usual philosophy. This was in total contradiction with the obligation of equal treatment of all member countries in terms of information. Boutros Boutros Ghali, then UN Secretary General, and Kofi Annan, head of peacekeeping operations, decided to use encrypted links for the safety of NATO pilots who were charged with striking Serbian forces on the ground in accordance with UN resolutions. The problem was not one of covering up NATO forces acting as the armed branch of the UN, but of protecting the soldiers before the action. Secrecy therefore depends to a large extent on the protection of the soldiers carrying out the mission.
Inflexions: How then is secrecy protected?
Benoît Puga: First of all, by training staff that they do not need to say everything. Let’s come back to medical confidentiality. Who disputes its importance, including in terms of transparency and the need to inform the general public? Let’s take the example of the health of the President of the Republic, which the French consider they should be informed about, because he was elected and has responsibilities. Health bulletins are therefore published regularly. The question that then arises is that of the accuracy of the information. Beyond the usual comments, what is the objective? Is such and such information useful? Strangely enough, when it comes to military operations or negotiations, this notion disappears and we would like everything to be made public. Fortunately, journalists understand the limits we set to ensure the safety of our soldiers. Incidentally, the debate on blurring the faces of the forces of law and order is another aspect of this matter.
This is why the leader defines what is secret and what is not. For health problems, the leader is the individual. For military operations, it is the responsibility of the person in command. Subsequently, each level has its own degree of confidentiality and therefore a limit on the number of people who have the right to know for a certain period of time. People are trained by explaining very simply the purpose of this non-disclosure. Secrecy, I repeat, does not serve to cover up a treacherous act, a despicable and unacceptable action. It serves first and foremost to protect the lives of soldiers and our fellow citizens.
Inflexions: Secrecy is therefore part of the protection of persons acting within a collective framework for a specific action and is decided by the leader.
Benoît Puga: To this must be added the dimension of time, whose limit can be definitive, or eternal. It is clear from the archives, but also from the personal data that the French National Commission for Information Technology and Freedom (CNIL) is in charge of protecting, that it is not that simple because there are many contingencies to take into account—on the one hand, people who may become victims and, on the other, those in charge who must protect them, and the threat evolves with time and techniques. Here, at the Grand Chancellery of the Legion of Honour, which is a sort of human resources department, we pay great attention to the personal information of the members of our orders on subjects such as religion—let’s not forget the card index affair—, politics… So, more generally speaking, is it impossible in France, under the law, to give the exact distribution of religions in a city such as, say, Paris. And yet it could be interesting. But no. And the French understand very well why we need confidentiality and secrecy. The best kept operational secret is nuclear deterrence. It is, from a certain point of view, timeless.
Inflexions: Beyond the question of time, it is up to the chief to decide who can have access to the secret.
Benoît Puga: It is the responsibility of a leader, whatever the nature of the leader, elected representative or designated official. He decides according to his conscience. By experience, by habit, or by relying on regulatory or legislative texts, it is possible to know who is entitled to access this or that information. Next, it must be accepted, which not everyone does, that a leader can, on his or her own authority, close or open access to an item of information. It is up to him to decide who he should trust, because he will have to assume the consequences of his decision. In fact, the problem is not so much that of the decision as that of the strict application of the penalties provided for by law in the event of a breach of secrecy. In the United States, for example, a person who betrays the identity of an agent is immediately put in prison.
Inflexions: Then comes the problem of training the leader. For the military, there is a curriculum that gradually increases familiarity with this type of subject. But how does someone who finds himself with such responsibilities from one day to the next, manage this?
Benoît Puga: I would say that it all depends on age and experience. There are not only military subjects. My father, for example, had a long career in the civilian arms industry. His hotel room must have been searched about 60 times. Industrial espionage is even more widely used than military espionage; it has a major influence on the success or otherwise of contract negotiations. Why is insider trading punishable? Because confidential information that is revealed can cause ruin or multiply profits with no regard for moral standards. For a business or a project to succeed, there is a need, if not for secrecy, then at least for confidentiality. I note that the French are often accused of not being serious about intellectual property, with a very cumbersome administrative system for filing patents compared to the United States. Our top engineers, through a lack of understanding of the confidentiality issues involved in their work, can sometimes harm their companies.
Inflexions: What can be done to eliminate this shortcoming?
Benoît Puga: It’s a question of common sense. At the national level, within the General Secretariat for Defence and National Security (sgdsn), there are officials who train and inform companies on subjects of vital interest, espionage, simple security or even cyber security. Here is another example: cyber security is concerned with the security, the secrecy of information hosted on IT systems. If you give us the encryption algorithms for your file, we can break into it, block it or even destroy it. Imagine if the electrical power supply to Paris, or the servers of the French national railway company were blocked… So it’s a question of common sense. Not all information is good to pronounce or to expose to everyone, given the consequences that its destruction or degradation could have. It is therefore the duty of the leader, elected or not, to be trained, to be informed; he must know the logic and coherence of the duty to protect the soldiers in operation, to protect the computer systems of companies of vital interest, the banking system…
Inflexions: What about malfeasance?
Benoît Puga: A simple oversight or the desire to harm: all cases are possible, including the most dishonest ones. But even negligence is inadmissible, guilty. The problem is that, today, many people consider it normal that confidential information should be disclosed in the name of “transparency”. This should be punished in accordance with the law, which does not happen often enough, because it is sometimes considered that leaks can have positive consequences. But the question is not only whether the consequences are good or bad! The holder of a secret must not divulge it under any circumstances. To expose dishonesty? Then we are in a different situation: Article 40 of the Criminal Code makes it compulsory to denounce a crime. In this case, there is no longer any secret to keep; that’s obvious. So what about cases related to the special services? That is another problem. It is the government that acts according to very precise standards, using people selected in the general interest, and taking responsibility for its decisions and the consequences of those decisions.
Inflexions: A recent book reported problems in coordinating certain units due to their secrecy requirements, which allegedly hamper the smooth running of operations. Does the author of this book betray any secrets?
Benoît Puga: Not at all. We have two different problems here. I assume you’re talking about the Directorate General of Internal Security (dgse) and the Special Operations Command (cos). The dgse acts in a clandestine and therefore secret manner; no one has to know about it, especially since its actions take place abroad. The cos, on the other hand, acts in a confidential, secret, but not clandestine manner. The agents of the dgse work under a pseudonym, those of the cos with their real identity, even if it is in a discreet and very confidential, possibly very secret way. The fact that these two services operate side by side is not a matter of secrecy, but a problem of coherence, of situation intelligence, of decisions taken at the highest level. It is questionable whether it is appropriate to put two entities acting under a different status in neighbouring locations or in close proximity. This is not a problem of secrecy, but of efficiency in the use of resources. There is no malfeasance.
To go further, let’s take an example: you work for the dgse, I know you and I meet you in a theatre of operations. If I know what you are doing, then the least we can do is to avoid each other; if I don’t know what you are doing and I greet you, I may unwittingly compromise you, blow your cover. This can be dramatic, even fatal for you. It is neither a mistake nor a leak. Moreover, it is difficult for a clandestine actor to return under his real identity to a country where he has previously been on a mission. You cannot work in services that require confidentiality and discretion, and want to reveal yourself in public. I therefore find it incomprehensible and even inadmissible that comrades in the armed forces should appear before the highest State authorities with a balaclava over their heads. Either you agree to take part in a public activity and come with your face uncovered, or you fear for your safety and don’t come. There is no middle ground. People whose work is clandestine have advantages, but they can’t be seen in Paris-Match in an article that eulogises them. The difficulty is that everyone wants to have other people’s advantages without any of the disadvantages. But the disadvantages, you have to accept them.
Inflexions: Secrecy can be compromised by egos?
Benoît Puga: I experienced this difficulty when Special Forces were engaged in Afghanistan. As they were fighting on the ground against the Taliban, we had obtained total confidentiality from the political authorities. Such discretion was necessary to guarantee their effectiveness. These units were working in a completely official manner, but we made no announcements about their action. The government respected this requirement, as did the journalists, even though they dreamed of following them in the field. Unfortunately, even within the Special Forces, there can be comrades who want to have their cake and eat it. I understand the difficulty. It is up to command to ensure that there are compensations. Alas, over the last 40 years, these compensations have been cut back. Today, we find out that personnel in general have seen their earnings eroded and that there is a social problem for their families. The same is true in other fields of expertise such as, for example, cyber security, where French salaries are not at all competitive for recruiting high-level engineers and specialists.
Inflexions: We have talked about secrecy at work, but what about secrecy in the family? How do you keep a secret? Isn’t it sometimes too heavy to bear?
Benoît Puga: This is a question of character, but also of education and training. Take the example of medical confidentiality again. Parents educate their children by explaining to them that they are not obliged to tell everyone that their father suffers from this or that disease. They explain why. It is not a blunt prohibition. For secrecy, it’s the same thing. The conditions that the profession imposes mean that the family must be warned of current, economic or future constraints. Anyone who refuses to do so, for example, in order to be able to marry, knowing that these constraints could be a deterrent, exposes himself at one time or another to a problem. Sometimes the constraints accepted at the outset become too heavy to bear. For some spouses, it is tough not to be able to exchange freely with their neighbours. For others, it presents no difficulty at all. It is a question of character, and also of trust…
Inflexions: How are instructions passed on?
Benoît Puga: It’s very simple. You are never alone. Secrets that are held at a single level, like the ultimate example of the President of the Republic, are rare. There may be one or two, no more. It is obvious that a lot of information is shared, especially on the military side. This is one of the major advantages of the permanence of military cabinets during reshuffles: they ensure continuity. The staff of the civilian cabinets prepare files during the transition period and pass them on to their successors on the same level. Then there is the question of trust in the degree of information and confidentiality. Sensitive issues are raised by the possible existence of hostages, for example. But even on such a subject, there is no need to go into detail: “This is where we are, the competent departments are aware of this.”
Inflexions: So it is not the detail of the secret that is transferred, but the fact that there is a secret.
Benoît Puga: That’s it. Even for nuclear power, the president doesn’t need to tell his successor that there is a secret in this field. His successor already knows it. He doesn’t need to transmit much since his advisors take care of it. In fact, things are much simpler than one might think.
Inflexions: Is secrecy important in international relations?
Benoît Puga: Yes, it can be synonymous with the power of a State against its adversaries and allies. France has always had an excellent reputation in terms of intelligence, whatever some people say. A case like the Rainbow Warrior is an exception, the kind of incident that can deeply erode the trust that exists between two countries. Therefore, in this area, it is important to ensure the utmost protection of secrecy and therefore of confidential information. In the same way, two foreign companies working together attach great importance to discretion regarding information. I believe that the conditions under which Airbus protects its products, know-how and methods are crucial, regardless of the country in which the company is doing business and the nationality of its personnel.
Inflexions: Can personal feelings be involved in matters of secrecy?
Benoît Puga: Yes, there is what I call the sensitivity of information with regard to the consequences, not in terms of general interest, but to avoid offending the sensitivity of families. What should we tell parents about the death of their child? How much detail about the circumstances of the death can and should we go into? Should the body be presented, particularly when it is badly mutilated? What can be revealed about the mission? This is a real question. The personality of the parents, their courage, the context, the environment have a great influence on the way things are presented. Not everyone reacts in the same way.
What does this contribute to the truth? Sometimes the evidence is shocking, but sufficient. This was the case with the crash of the Germanwings A320. The President of the Republic and Mrs Merkel flew over the wreckage. I can tell you that both were impressed by the violence of the impact and the dispersal of remains. Nonetheless, within one year, scientists from the gendarmerie and the police had found traces of DNA for each passenger. The families could be scientifically certain that their relative was indeed dead. This is extremely important. And the degree of integrity of the body in the coffin didn’t matter to them, because they had seen the images of the site, they could guess what the state of the bodies could be. What mattered to them was the reality of the death of the loved one. The worst thing would have been not knowing, the uncertainty, the doubt.
Inflexions: The role of the authority in matters of secrecy is regulation.
Benoît Puga: Yes. I’ll say it again. When we talk about secrecy, we often think of military secrecy, defence secrecy and more generally state secrecy. This is a myth. Yes, there are secrets at the state level, so we can call that a State secret. But this is often used to mean a scandal about something that is unspeakable, shameful, illegal. But there are many secrets at this level, such as nuclear secrecy or deterrence, which are not illegal or shameful. Secrecy is a responsibility that must be analysed in terms of the consequences of revealing the information that is being kept secret.
Interview by Jean-Luc Cotard
1 United Nations Protection Force deployed from 1992 to 1995.