Depuis près de dix ans, l’État a amorcé une réforme d’ampleur sous la double influence de la loi organique relative aux lois de finances (lolf)1, puis de la révision générale des politiques publiques (rgpp), en poursuivant, à titre principal, trois objectifs : améliorer la qualité du service rendu aux usagers, réduire les dépenses publiques et moderniser la fonction publique, et, enfin, valoriser les initiatives des agents2.
Les manifestations de la réorganisation de l’État sont nombreuses. Soulignons, notamment, la réforme de la carte judiciaire3, la fusion entre anpe et assedic4, mais également la réorganisation des services déconcentrés de l’État avec, d’une part, une administration régionale réaménagée autour des préfets5 et des « pôles » et, d’autre part, des représentations départementales réduites6. Les sous-préfectures7 n’échappent pas non plus au mouvement de restructuration.
Le ministère de la Défense, à l’instar d’autres structures ministérielles, a entamé une réorganisation institutionnelle et fonctionnelle. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale8 fixe un objectif ambitieux aux armées : « Réussir, dans les prochaines années, la restructuration de leurs soutiens et de leur administration, ainsi que la réduction de leur format9. » Parallèlement, il impose une méthode. Ainsi, « les personnels militaires devront se concentrer sur les missions opérationnelles, les personnels civils sur les tâches administratives et de soutien, dès lors qu’elles ne sont pas l’objet d’une externalisation ». Afin de permettre aux militaires de se consacrer pleinement à leur cœur de métier (les activités opérationnelles), la mise en œuvre de la rgpp s’appuie sur deux procédés : l’externalisation et la mutualisation.
L’externalisation est une technique bien connue, fréquemment utilisée et maîtrisée, qui consiste à confier à des opérateurs extérieurs un certain nombre de tâches dont, en particulier, des activités de maintenance. Encouragée par les partenariats publics privés (ppp) et le nouveau Code des marchés publics10, elle connaît cependant différentes limites, car l’activité régalienne du ministère de la Défense (l’usage de la violence légitime) est exclue de son périmètre d’intervention. Un rapport parlementaire signalait, dès 200211, deux limites, l’une statutaire, l’autre liée aux activités relatives aux opérations extérieures. Dès lors, la mutualisation s’impose comme une technique alternative facilitant la réorganisation en interne des activités et de nature à satisfaire, de manière concurrente ou complémentaire, les attentes propres à la rgpp. Il faut bien constater que la mutualisation des moyens et des services irrigue, aujourd’hui, les réformes affectant les différentes personnes publiques (État, collectivités territoriales, établissements publics). Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une spécificité administrative française mais, bien au contraire, d’une technique partagée par de nombreux pays12.
La mutualisation a d’abord été utilisée, de manière empirique, au sein de l’administration territoriale, avant d’être progressivement organisée, puis largement autorisée, par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. La définition de cette technique est cependant incertaine. Ainsi le rapport Lambert13 définit la mutualisation des moyens comme « la mise en place, temporaire ou pérenne, d’une logique commune à deux ou plusieurs personnes morales ». Mais si cette définition satisfait l’usage propre des collectivités territoriales, elle s’avère en revanche inapte à rendre compte de la mutualisation telle que mise en œuvre pour réformer l’État. En effet, s’agissant de l’État, la restructuration des services s’opère au sein d’une seule et même personne morale.
Doit-on, pour autant, réserver la mutualisation, de manière restrictive, aux seules relations opérées entre, au moins, deux personnes morales ?
La réponse est assurément négative. Certes, la mutualisation est née au sein de l’administration territoriale et complète utilement la coopération intercommunale par ses formes variées (ascendante, descendante ou transversale) en même temps qu’elle heurte différents principes classiques du droit public (principes de spécialité et d’exclusivité). Mais, parce qu’elle désigne, d’abord, dans une acception fonctionnelle, un partage de services et de moyens, elle peut, sur un plan organique, concerner différentes personnes morales ou favoriser le partage de fonctions entre les services d’une seule et même personne juridique. L’État, riche de nombreux démembrements fonctionnels opérant aux échelons central ou déconcentrés, est un candidat naturel à la mise en commun de compétences. La mutualisation appliquée à l’État échappe, bien heureusement, à l’insécurité juridique liée aux règles de l’Union européenne, qui a affecté, pendant plusieurs années, la mise en œuvre de la mutualisation au sein des collectivités territoriales.
Cette acception large retenue, se posent différentes questions relatives, tout d’abord, aux motifs de la mise en commun de fonctions. Il s’agit, ensuite, d’envisager de quelles façons le partage de compétences et de moyens peut être considéré comme un levier au service de la réforme de l’État. Enfin, surgissent différentes interrogations autour des effets et des limites de cette technique d’organisation administrative.
- Pourquoi mutualiser ?
De nombreux textes font référence, de manière explicite, à la mutualisation pour assurer la mise en œuvre de la réforme de l’État. Ainsi, une circulaire du Premier ministre du 13 décembre 201014 renforce les responsabilités des préfets et souligne qu’il « est impératif de développer les mutualisations interministérielles locales, dès lors qu’elles génèrent des économies de moyens avec une meilleure qualité de service »15. Aux côtés d’instruments de référence, tel le guide de construction des schémas de mutualisation, se développent différentes institutions opérationnelles à l’image de l’instance nationale interministérielle de suivi des projets de mutualisation. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale assigne lui-même un objectif aux réformes envisagées : accomplir « des mutualisations accrues entre tous les acteurs militaires, civils, policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, secouristes »16. Afin de satisfaire la quête d’un appareil de défense plus performant, la mutualisation doit permettre d’obtenir, tout à la fois, des économies d’échelle, une meilleure qualité, mais aussi une plus grande cohérence des services et, partant, une meilleure efficacité.
La mise en commun de compétences, voire de services, n’est pas une préoccupation nouvelle au sein du ministère de la Défense. En effet, sur une période relativement brève, il a fallu organiser la professionnalisation des armées et compenser les effets de la suspension de la conscription17 alors même que les emplois et les crédits étaient fortement réduits et que se développaient, parallèlement, des opérations extérieures. Ces mutations spécifiques ont affecté les missions et les moyens depuis plusieurs années, et obligé à restructurer l’appareil de défense et à trouver des solutions externes ou internes.
Louis Gautier, conseiller auprès du Premier ministre chargé des questions stratégiques et de défense (1997-2002), ne manque pas de souligner que « la révision saccadée du format des armées place l’appareil militaire français en situation de réforme continuelle depuis vingt ans, ce qui mobilise excessivement les efforts et l’attention de la superstructure de direction du ministère de la Défense au détriment d’autres tâches »18.
Le premier argument avancé par les promoteurs de la mutualisation est certainement la recherche d’économies d’échelle. Partager des services et des moyens doit permettre de réduire les coûts de fonctionnement.
De cette façon, le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur19 procède de la volonté de réorganiser la politique de sécurité et les moyens qui lui sont affectés par la mise en place d’une mission ministérielle « sécurité » (au sens de la loi organique relative aux lois de finances). En réponse à une question parlementaire, en février 2010, le ministère de l’Intérieur relevait que « ces mutualisations ont inévitablement engendré de substantielles économies financières et continueront à avoir des conséquences budgétaires vertueuses (économies liées aux réformes de structure, aux politiques d’achats groupés) »20. Un point de vue qui n’est pas partagé par la Cour des comptes, qui remarque que « les économies imputées à la mise en œuvre des mutualisations entre la police et la gendarmerie sont encore trop modestes pour en faire un levier stratégique de la maîtrise des dépenses de la mission “ sécurité ” »21.
La seconde vertu prêtée à la mutualisation réside dans l’efficacité apportée au fonctionnement du service public. Le quatrième rapport d’étape de la rgpp souligne que la première phase a « permis de décloisonner les administrations et de les réorganiser en fonction des priorités de l’État et des attentes des usagers ». La recherche d’une efficacité accrue va reposer, notamment et de manière classique, sur des réorganisations, un nouveau modèle de gouvernance et le partage de services et de fonctions. Il s’agit de remplir les missions dévolues (avec une priorité accordée à la projection) avec des unités et une logistique configurées sur de nouvelles bases territoriales et des crédits en forte baisse. L’exercice est difficile, car il faut améliorer les processus de décision à l’échelon central, regrouper des services éparpillés aux échelons déconcentrés, procéder à des restructurations territoriales et réorganiser les fonctions de soutien (ressources humaines, finances, immobilier, achats).
Si l’efficacité ne figure pas parmi les principes traditionnels du service public, elle découle, pour partie, de la lolf, qui substitue une culture de résultats à une logique de moyens. Elle justifie, certainement, de nombreuses mutations tant dans l’organisation des services publics que dans la mise en œuvre des politiques publiques. D’une certaine façon, l’efficacité peut être rattachée au principe traditionnel d’adaptation continue des services publics qui permet d’en moduler l’organisation et le fonctionnement en fonction « des exigences variables de l’intérêt général »22.
La qualité, enfin, s’affirme, aujourd’hui, sinon comme un principe en construction, au moins comme une exigence23 favorisée par la mutualisation. En effet, la qualité doit être appréciée au regard des prestations délivrées et du service rendu, par exemple, par les bases de défense (bdd). Ces prestations vont faire l’objet d’une évaluation en fonction des attentes des différents acteurs (notamment des services soutenus : régiments, écoles, mais également des personnels à titre individuel). Peu développée en soutien intégré, cette évaluation est aujourd’hui prévue et encadrée. Une directive de l’état-major des armées24 organise la remontée d’informations pour le pilotage des bases de défense afin de mesurer la qualité du service rendu en créant un support interarmées unique pour la qualité du service rendu (qsr).
- La mise en œuvre de la mutualisation
Le développement des mutualisations interministérielles locales est confié aux préfets chargés d’établir « des schémas régionaux et départementaux de mutualisation des moyens et des services »25. Mais, en matière de défense, par dérogation, s’impose l’article L 1142-1 du Code de la défense. En effet, le ministre de la Défense « est en particulier chargé de l’infrastructure militaire comme de l’organisation, de la gestion, de la mise en condition d’emploi et de la mobilisation des forces armées ». Le ministère de la Défense mène donc sa propre politique de mutualisation, ce qui n’exclut pas, à l’avenir, des partages de compétences et de moyens avec d’autres administrations de l’État.
À la suite du Livre blanc, et dans le cadre de la mise en œuvre de la rgpp, le format des armées, déjà modifié à plusieurs reprises, a fait l’objet d’une révision sur les plans territorial, structurel, mais également fonctionnel. Sur un plan territorial, tout d’abord, la nouvelle carte militaire a rationalisé l’implantation des sites, entraînant le déplacement ou la fermeture de nombreuses entités26. Cette nouvelle organisation territoriale s’articule, sur un plan structurel, autour de cinquante et une bases de défense en métropole, et neuf en outre-mer et à l’étranger, qui ont vocation à réunir le soutien administratif et matériel des unités situées dans leur périmètre géographique. Ces unités doivent désormais se concentrer sur leurs activités opérationnelles.
La réforme s’appuie sur une logique de proximité géographique, qu’il s’agisse de fermetures de sites (comme en matière judiciaire) ou du regroupement des services de l’administration centrale du ministère de la Défense à Paris sur le site de Balard. Mais cette réorganisation obéit, aussi et surtout, à une logique fonctionnelle avec la mutualisation des moyens de fonctionnement : Balard doit ainsi permettre une meilleure gouvernance ministérielle en mettant un terme à la dispersion, tandis que les bases de défense ont pour objectif de favoriser tout à la fois la mise en cohérence des services et une professionnalisation accrue des fonctions de soutien. La fusion des trois commissariats aux armées le 1er janvier 2010 participe de la même volonté d’accroître l’efficacité des fonctions dévolues traditionnellement aux commissariats. Le Conseil de modernisation des politiques publiques relevait, en juin 2010, que « la mutualisation a été préférée, chaque fois que possible, à l’externalisation, dans la mesure où l’État a, bien souvent, la taille critique pour accomplir ses missions au moindre coût ».
La mutualisation réalise une mutation d’ampleur qui a pu être jugée comme « la mesure la plus novatrice, la plus “transformante” et la plus difficile à mettre en œuvre »27. Afin de satisfaire, notamment, les exigences de la rgpp et de rationaliser le fonctionnement des services déconcentrés du ministère, il a fallu passer d’une organisation classique et cloisonnée à une structure de type horizontal rassemblant trente mille personnes. Cette organisation interarmées de soutien commun est placée sous l’autorité du chef d’état-major des armées (cema). Depuis 2011, et après une phase d’expérimentation opérée en 2009 avec onze bases de défense expérimentales, les bases de défense ont été généralisées à l’ensemble du territoire.
L’application de cette réforme a pu déconcerter et susciter une certaine méfiance face à une organisation nouvelle. En effet, traditionnellement, le chef militaire a sous son commandement l’ensemble du soutien, et notamment les ressources humaines. Par conséquent, la création des bases de défense transforme les conditions d’exercice de l’autorité. Naturellement, et malgré certaines craintes, les prérogatives du chef sont préservées : seule la mise en œuvre de la décision relève de la mutualisation et des différentes fonctions de soutien (ressources humaines, budget, achats, transport). Toute la difficulté réside dans la réalisation d’une réforme d’ampleur et ambitieuse qui doit conjuguer restructurations, nouvelle organisation et réductions d’emplois avec, en parallèle, maintien du format opérationnel et développement de la qualité des soutiens.
La Cour des comptes, dans son rapport consacré à la mutualisation entre la police et la gendarmerie, a établi une typologie, non exhaustive, des différentes formes de mutualisation mises en œuvre. Elle souligne la mise en place de services et de systèmes d’information communs, d’activités partagées mais aussi d’échanges croisés de prestations de services. Si la coopération entre les deux forces est ancienne, celles-ci relèvent, aujourd’hui, d’un seul ministère mais de deux directions28. La question n’est pas pour autant simple car le ministère de la Défense a gardé certaines compétences vis-à-vis de la gendarmerie, en particulier dans le domaine des ressources humaines. La mutualisation va concerner l’acquisition de matériels, les réseaux de communication, mais également le partage de fichiers.
Le guide de construction des schémas de mutualisation diffusé par le secrétariat général du gouvernement, distingue, quant à lui, quatre grandes formes de mutualisation : les mutualisations de type « mise en réseau structuré », les mutualisations de type « coordination centralisée », les mutualisations de type « structure d’appui mutualisée » et, enfin, les mutualisations de type « centre de services ». De nombreux domaines sont concernés : la fonction achats/finances, les systèmes d’information et de communication, les ressources humaines, l’alimentation, l’habillement, ou encore le transport.
S’il n’existe pas un modèle unique de mutualisation, mais des formes variables et différenciées, la réalisation des bases de défense, qualifiée de « creuset de la réforme » par le ministère, est, sans conteste, la forme la plus visible de la restructuration et du soutien commun des armées. Cela ne doit pas masquer d’autres initiatives tels la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (simmad) ou le service industriel de l’aéronautique (siae), service de soutien à vocation interarmées qui regroupe les moyens de maintenance aéronautique du ministère de la Défense.
- Quelles retombées ?
Faire un premier bilan de la mutualisation est en partie précipité car il n’y a, en définitive, pas assez de recul pour évaluer l’ensemble des retombées significatives des modifications structurelles et fonctionnelles engagées. Cependant, le Premier président de la Cour des comptes, dans une lettre adressée au ministre de la Défense le 7 mars 2011, fait part d’éléments de conclusion à la suite du contrôle des bases de défense opéré sur le fondement de l’article L 111-3 du Code des juridictions financières.
À titre principal, la Cour des comptes souligne « les insuffisances de la nouvelle organisation, les risques pour le format opérationnel de la réduction d’emplois engagée et les carences du suivi financier des économies attendues ». Elle relève également que « la valeur ajoutée de la nouvelle organisation en termes de recentrage sur l’opérationnel et de gains de mutualisation n’a pas été démontrée ». Elle recommande, enfin, de réduire le nombre de bases de défense et de renforcer le pouvoir des commandants de celles-ci.
Par analogie, il est possible de remarquer que, s’agissant des collectivités territoriales, premières bénéficiaires de la mutualisation des services, les attentes sont fortes vis-à-vis de potentielles économies d’échelle. La haute juridiction financière a mis en avant cet argument dès 2005 dans le rapport L’Intercommunalité en France. Néanmoins, les économies ne sont pas toujours au rendez-vous et, en tout cas, rarement en adéquation avec un niveau d’exigence élevé.
Faut-il, pour autant, en conclure que cette technique d’organisation déçoit les espoirs forts placés en elle ? La réponse mérite assurément d’être nuancée. S’il est indispensable de maîtriser les coûts de fonctionnement, sous la pression budgétaire, et sans que soient affectées les capacités opérationnelles de la France, la mutualisation permet de satisfaire d’autres attentes que les seules économies attendues. Ainsi, les restructurations opérées favorisent des mises en cohérence et une forte professionnalisation de fonctions jusqu’alors éclatées dans de multiples unités. Elle autorise également le travail en réseaux avec des effets positifs induits.
La mutualisation permet, de manière non exclusive, de bousculer les organisations et les fonctionnements. Elle incarne, sans conteste, une forme d’interarmisation, en même temps qu’elle facilite l’instauration de pratiques homogènes au sein d’un même ministère, ainsi que, le cas échéant, un fonctionnement interministériel. La mise en place d’une organisation interarmées au soutien (oias) réalise, indiscutablement, « une nécessité organique propre à réduire les coûts par mutualisation du soutien »29. De cette façon, les bases de défense interviennent à la place d’unités et de formations construites au sein des armées. Le processus d’interarmisation est très discuté, mais doit réaliser un équilibre entre, d’une part, la préservation des spécificités de chaque armée (recrutement, préparation opérationnelle et expertise) et, d’autre part, la nécessaire mise en commun de fonctions de soutien aptes à générer, dans le temps, des économies.
La réduction du format des armées a imposé des efforts sans précédent. Si le montant des économies, évalué sur la période 2008-2015 à six milliards sept cent millions d’euros, est jugé optimiste par la Cour des comptes, le coût humain et financier ne doit pas être sous-estimé. En effet, les réformes ont nécessité reconversions, départs et mutations. De plus, les fermetures de sites ont parfois pu rompre des équilibres territoriaux. Si les réductions d’emplois consenties par les armées profitent, pour partie, au soutien, il ne faut pas oublier qu’il a fallu, parallèlement et dans le même temps, pourvoir des postes au sein de l’otan. Par ailleurs, les réorganisations ont bouleversé des structures et des pratiques liées à des métiers spécifiques et exigent, sans nul doute, des contreparties fortes en termes d’efficacité et de qualité au profit des soutenus.
Pour autant, ces réformes traduisent-elles la fin d’un cycle ou ne sont-elles qu’une étape au sein d’un processus plus vaste ? Assurément, tant le contexte juridique (la lolf) que le contexte économique européen (la recherche de substantielles économies) plaident en faveur d’une plus grande rationalisation.
Dès lors, il paraît vraisemblable que, sous la pression budgétaire, le ministère de la Défense, tout comme les autres ministères, sera soumis, dans les prochaines années, à de nouvelles restructurations. Sur un plan interne tout d’abord. Le nombre de bases de défense peut évoluer ; c’est tout le sens des recommandations de la Cour des comptes. Des adaptations apparaîtront sûrement nécessaires afin d’éviter les doublons et de réaliser une juste répartition des missions entre soutenants et soutenus.
Ensuite, vis-à-vis de l’extérieur, des évolutions sont attendues. D’une part, le débat sur les limites de l’externalisation n’est pas clos et il peut y avoir tout à la fois généralisation de l’externalisation de certaines fonctions déjà concernées et extension du périmètre des fonctions soumises à l’intervention d’opérateurs extérieurs. D’autre part, de manière plus certaine, la mutualisation sera élargie, dans les prochaines années, à la coopération entre ministères sous différentes formes (partage d’outils, de compétences, mais également regroupements ou fusions). Il y a là, potentiellement, de fortes économies à réaliser vis-à-vis des fonctions supports. Le conseil de modernisation des politiques publiques plaidait, en juin 2010, pour un renforcement de la gouvernance interministérielle en rappelant que de nombreuses structures sont déjà en place, notamment le service achats de l’État, France Domaine, ou encore le service centralisé de paie (opérateur national de paie). Si des rapprochements restent exclus pour le soutien de proximité, la logique de la lolf pousse à de telles réorganisations qui, dans tous les cas, ne doivent porter que sur la gestion sans fragiliser les prérogatives du commandement.
À la logique de la mutualisation entre administrations de l’État s’ajoute, depuis plusieurs années, la volonté de mutualiser des équipements et des forces tant au sein de l’Union européenne que de l’otan. Les organisations nationales et internationales ont en commun la recherche de réduction des dépenses : ainsi, la mutualisation apparaît comme un levier essentiel apte à la fois à rationaliser les dépenses, à réorganiser les structures et à renforcer les coopérations.
1 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
2 www.rgpp.modernisation.gouv.fr
3 Décret n° 2008-145 du 15 février 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d’instance, des juridictions de proximité et des tribunaux de grande instance.
4 Loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi.
5 Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 modifié par le décret n° 2010-146 du 16 février 2010 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements.
6 Décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles.
7 Arrêté du 20 mai 2008 pris pour l’application de l’article 4 du décret n° 64-260 du 14 mars 1964 modifié portant statut des sous-préfets.
8 La Documentation française, Paris, 2008.
9 Ibid., p. 237.
10 Cour des comptes, rapport demandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale, La Mutualisation entre la police et la gendarmerie nationales, tome 2, octobre 2011.
11 Michel Dasseux, Rapport d’information sur l’externalisation de certaines tâches relevant du ministère de la Défense, Doc. AN, 22 février 2002, n° 3595, p. 36 et s.
12 V. Yannick Lécuyer, « Mutualisation et services publics : les enjeux de la réforme », Droit administratif, mars 2009, p. 13.
13 Alain Lambert, Bruno Sido, Yves Détraigne, Jacques Mézard, rapport d’information au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur la Mutualisation des moyens des collectivités territoriales, Doc. Sénat, 25 mai 2010, n° 495.
14 Circulaire du Premier ministre n° 5506/SG du 13 décembre 2010 précisant les conditions d’application du décret n° 2010-146 du 16 février 2010 ; voir également la circulaire du secrétaire général du gouvernement n° 1062/10/SG du 30 juillet 2010 relative aux mutualisations.
15 Circulaire du 13 décembre 2010, op. cit., p. 14.
16 Op. cit., p. 236.
17 Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national. V. M. Long, E. Balladur et F. Léotard, Livre blanc sur la défense, Paris, La Documentation française, 1994.
18 Louis Gautier, La Défense de la France après la guerre froide, Paris, puf, 2009, p. 296.
19 Loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.
20 Cour des comptes, op. cit., p. 33.
21 Ibid., p. 7.
22 Didier Truchet, Droit administratif, Paris, puf, 2001, p. 358.
23 Lucie Cluzel-Métayer, Le Service public et l’exigence de qualité, Paris, Dalloz, 2006.
24 Note n° D-11-005623/DEF/EMA/SC.SOUT/CPCS/NP du 29 juin 2011.
25 Circulaire du 13 décembre 2010, op. cit.
26 Florian Rapin, « Les nouveaux enjeux territoriaux de la réforme de la carte militaire », Revue géographique de l’Est, vol. 51/1-2/2011.
27 Bertrand Houitte de la Chesnais, « Opérationnels ensemble », Revue Défense nationale n° 741, juin 2011, p. 15.
28 La Direction générale de la police nationale et la Direction générale de la gendarmerie nationale.
29 P. Massart, « L’interarmées, au fait, c’est quoi ? », Revue Défense nationale n° 741, juin 2011, p. 41.