27 mai 1944. Après avoir longtemps tourné dans le ciel, un avion atterrit à Gibraltar. Les officiers rassemblés sur le tarmac reconnaissent immédiatement l’homme de taille modeste, le béret caractéristique, la moustache soignée sous un nez pointu et le front toujours plissé, qui en descend. C’est bien lui, le général Bernard Law Montgomery. « Monty » traverse les rues du « rocher » sous les vivats des troupes venues en courant à la rencontre de son convoi. Arrivé au palais du gouverneur, il salue la garde d’honneur avant de rejoindre le général Ralph « Rusty » Eastwood. Les deux hommes se connaissent bien, ils étaient élèves à Sandhurst ensemble. Eastwood regarde fixement Monty et, après avoir souri, se lève d’un bond et lui serre chaleureusement la main en s’exclamant : « Je n’aurais pas cru cela possible ! » Et il ajoute : « Vous êtes tout simplement splendide. Je ne peux pas m’en remettre. Vous êtes Monty. Je le connais depuis des années ! »
Eastwood était dans le secret de la supercherie. Ce n’est pas « Monty » qui est à Gibraltar, mais le lieutenant Meyrick Edward Clifton-James. Sa ressemblance avec le général est saisissante et il se trouve être un acteur amateur. Ce qui pourrait ressembler à une blague potache est en fait une très sérieuse opération de déception1 baptisée « Copperhead », l’une des nombreuses composantes de « Bodyguard »2. Après une période de répétitions et d’ajustement de son apparence3 sous la direction de David Niven, célèbre acteur britannique, et de Peter Ustinov, son ordonnance, acteur également mais aussi scénariste, Clifton-James est donc dépêché en visites « officielles ». Elles visent à accréditer un débarquement à venir sur les côtes méditerranéennes. Le message à destination des Allemands est le suivant : l’invasion n’est pas pour tout de suite puisque « Monty », commandant des forces terrestres, est loin de l’Angleterre. Et les agents doubles d’ajouter qu’il s’est rendu à Alger pour coordonner un débarquement dans le sud de la France qui doit avoir lieu avant « Overlord ».
« Copperhead », qui ressemble furieusement à un canular, était donc une très sérieuse ruse de guerre. Ce n’est pas un hasard : ruse et humour entretiennent de nombreux liens. Le stratagème, par exemple, est un motif récurrent des comédies4, utilisé à de nombreuses reprises par Molière ou Marivaux par exemple. Souvent, les personnages les plus faibles en usent pour se venger des puissants. Triomphe de l’esprit, il provoque le rire chez le spectateur. Mais au-delà de cet aspect littéraire et social, ruse et humour sont également le fruit de tournures de pensée approchantes et, en outre, s’enrichissent mutuellement.
- L’incongruité en partage
En effet, avoir un sens de l’humour développé, aimer faire des canulars et des blagues, cela facilite la conception d’opérations de déception efficaces. À la fin des années 1950, Reginald Victor Jones théorise ce lien5. Planificateur de premier plan pendant la Seconde Guerre mondiale, physicien et grand farceur, il relie ces trois activités dans son essai The Theory of Practical Joking6. Il établit d’abord un lien entre canulars et méthode scientifique. Il explique ainsi avoir fait face, avant-guerre, à des difficultés conceptuelles pour concilier les propriétés ondulatoires et particulaires d’entités comme les électrons et les photons. Être impliqué dans une série de canulars lui a alors offert une « formation » utile pour les résoudre. Jones rappelle d’ailleurs que des scientifiques britanniques de renom, tels Clerk Maxwell ou George Gamow, étaient de grands farceurs7.
Selon Jones, le lien entre humour et méthode scientifique s’explique d’abord parce que « la nature essentielle d’une plaisanterie […] semble être la création d’une incongruité dans l’ordre normal des événements »8 en jouant, par exemple, sur l’échelle ou sur l’ironie. Il différencie ensuite les blagues selon leur nature : « De simples incongruités […] peuvent être assez humoristiques, mais les plus avancées des blagues impliquent généralement une période de préparation et d’induction, parfois élaborée, avant que l’incongruité ne devienne apparente. On les appelle alors des canulars9. »
Pour illustrer ce propos, Jones rapporte une anecdote impliquant R. W. Wood, célèbre professeur de physique à la Johns Hopkins University. Étudiant à Paris, celui-ci découvre que l’occupante de l’appartement situé en dessous du sien possède une tortue. Il façonne alors un dispositif à partir d’un manche à balai et achète plusieurs tortues de différentes tailles. Pendant que cette dame fait ses courses, il remplace sa tortue par une autre légèrement plus grande, répétant cette opération chaque jour jusqu’à ce que la croissance de l’animal devienne si évidente pour sa propriétaire qu’elle en interpelle Wood. Ce dernier l’envoie d’abord consulter un professeur à la Sorbonne, puis lui conseille d’écrire à la presse pour narrer le phénomène. Il inverse ensuite le processus et, en une semaine environ, la tortue retrouve « mystérieusement » ses dimensions d’origine10.
Le processus intellectuel de planification d’opérations de déception est, par certains côtés, identique à celui qui préside à la création des canulars où « la période d’induction de la victime peut être prolongée. […] Le but est de construire dans l’esprit de la victime une fausse image du monde qui est temporairement cohérente par tous les tests qu’elle peut lui appliquer, de sorte qu’elle prend finalement des mesures en toute confiance. La fausseté de l’image lui est alors brutalement révélée par l’incongruité que son action précipite »11. Ainsi, pour Jones, présentant de fausses preuves, le trompeur laisse la victime « construire une image du monde incorrecte mais cohérente », la conduisant de cette façon à prendre des mesures qui ne correspondent pas à la réalité.
Il est possible d’ajouter aux propos de Jones que, pour planifier une opération de déception comme pour préparer un canular, la première chose à faire est de se mettre à la place de la « victime » afin de connaître les preuves à sa disposition pour construire et tester son image du monde. Il y a plusieurs raisons à cela. Il faut d’abord être crédible en racontant une « bonne histoire ». En outre, une opération de déception et une blague réussies impliquent la compréhension de l’environnement et, en particulier, des « victimes ». Il est nécessaire d’étudier leur arrière-plan personnel. La proximité culturelle est une aide. En milieu interculturel, pour qu’une blague ou qu’une ruse soit un succès, un effort supplémentaire est indispensable car les pièges sont nombreux : ethnocentrisme, dénigrement, totale incompréhension…
On peut également ajouter que ceux qui apprécient la ruse et qui la pratiquent aiment souvent y ajouter une pointe d’humour. C’est le cas chez beaucoup de hackers pour qui, par exemple, faire des farces voire les intégrer dans les codes sources est monnaie courante. Gabriella Coleman explique que « l’humour sature le monde social du piratage »12 et souligne que « les hackers aiment littéralement pirater presque n’importe quoi. […] Pour le dire franchement, parce que les pirates ont passé des années, voire des décennies, à travailler pour déjouer diverses contraintes techniques, ils sont également bons pour plaisanter. L’humour exige une attitude tout aussi irrévérencieuse et souvent ironique envers le langage, les conventions sociales et les stéréotypes »13.
Dans beaucoup d’opérations de déception on trouve d’ailleurs une pointe d’humour. Dans London Calling North Pole, Hermann Giskes, lieutenant-colonel de l’Abwehr, l’agence de renseignement du iiie Reich, raconte comment, malgré la capture de plusieurs de leurs agents aux Pays-Bas, il est parvenu à faire croire aux Britanniques que leur réseau de renseignement n’avait pas été pénétré, notamment en maintenant les approvisionnements en matériel de sabotage. Il les a alors persuadés de larguer une provision de balles de tennis au lieu d’explosifs, au motif que le roi des Belges était un grand amateur de ce sport et qu’une telle livraison serait un excellent moyen pour s’assurer son aide !
- Humour, idéation et créativité
Les tournures de pensée nécessaires à l’élaboration des blagues et à la planification des opérations de stratagèmes ont donc des points communs. Mais il y a plus encore : l’humour nourrit également la ruse, en particulier à travers son apport au processus créatif.
Parmi les facteurs de succès d’une opération de déception se trouve indéniablement la créativité de l’équipe ou du chef qui l’a envisagée14. En effet, pour planifier ce type d’action, il est essentiel de faire preuve d’imagination, notamment afin de s’assurer de la diversité des modes de transmission des informations et des modes d’action. Utiliser régulièrement les mêmes procédés serait contre-productif puisque cela rendrait la manœuvre prévisible. Il s’agit bien de « ne faire ni ce que l’on attend de nous ni le contraire, mais tout autre chose »15.
À deux occasions pendant la Seconde Guerre mondiale, l’A Force, organisation britannique chargée de concevoir et de conduire les opérations de déception et composée d’originaux au fort sens de l’humour, reçoit des officiers venant d’unités « régulières ». Dudley Clarke, son chef, remarque à chaque fois leur inadaptation : « Ce qui leur manquait, c’était la pure capacité à créer, à faire quelque chose à partir de rien, à concevoir leur propre notion originale et à la revêtir avec la réalité jusqu’à ce que, finalement, elle apparaisse tel un fait vivant. Et, alors que c’est précisément ce que l’état-major de déception doit faire en permanence, il s’ensuit que l’art de la création est un attribut essentiel pour tous ceux qui sont chargés d’un tel travail16. » Cet univers propice à la créativité est loin d’être évident à mettre en œuvre dans les armées alors qu’elles fondent leurs structures sur la routine et les procédures, gage d’efficacité au combat. Mais la déception nécessite autre chose : reconnaître les possibilités d’échec et les risques, avoir une vision la plus objective possible de ses propres capacités, récompenser les pensées alternatives…
Il se trouve que l’humour est un puissant catalyseur de créativité. Il crée la surprise en brisant certains cadres et, en abordant les problèmes sous un angle différent ou en établissant des liens non évidents entre des éléments incongrus, provoque un processus cognitif propice à la pensée créative17. Il est d’ailleurs reconnu que les dirigeants d’entreprise faisant preuve d’humour inspirent leurs collaborateurs et les poussent à trouver des solutions innovantes18.
La valeur de l’humour pour l’idéation au service de stratagèmes trouve l’une de ses illustrations dans l’acte de naissance d’une pseudo-opération19 menée par les Britanniques au Kenya pendant l’insurrection des Mau-Mau (1952-1960). Fin mars 1954, « James », un insurgé, est fait prisonnier20. Interrogé par le capitaine Franck Kitson21, officier de renseignement dans le district de Kiambu, il fait part de sa volonté de travailler au profit des Britanniques. Il intègre alors le camp de Kamiti et « petit à petit, pour la blague, il enseigna [aux] hommes les façons de faire des Mau-Mau. Ils commencèrent à utiliser l’argot, les poignées de main et signes de reconnaissance des Mau-Mau. […] Ils devinrent soudainement des Mau-Mau. Quelle rigolade ! »22. Son show inspire Kitson et son adjoint Eric Holyoak qui réfléchissent alors à leur façon d’opérer : ne faudrait-il pas agir comme des Mau-Mau pour collecter des informations23 ? Surmontant les barrières bureaucratiques, Kitson crée un Special Methods Training Center où il cherche à reproduire exactement l’apparence des insurgés : vêtements en lambeaux, armement rudimentaire, codes langagiers, comportements, coiffure… ; les Européens n’hésitent pas à se noircir le visage et à porter des perruques. Fin 1956, les résultats sont remarquables dans les régions de Kiambu et Thika : des responsables et des membres des gangs sont faits prisonniers au rythme d’une vingtaine par semaine24. Oui, l’humour apporte à la réflexion et peut aider à faire émerger des idées originales dans un processus de planification.
- Conclusion
Dire que l’humour est utile au militaire n’est pas une nouveauté. C’est indéniablement une qualité qui permet de réduire le stress, qui participe à la création d’une relation de confiance entre chef et subordonnés25, qui entretient le moral et la cohésion… Il est également nécessaire à la réflexion tactique, en particulier lorsqu’il s’agit d’imaginer des opérations de déception. En effet, celles-ci et l’humour – et encore plus les canulars – partagent la même tournure d’esprit lorsqu’il s’agit de les concevoir. En outre, l’humour, en tant que catalyseur de la créativité, est l’un des facteurs de réussite de ces opérations.
Il n’est pas question ici de proposer que l’humour devienne une « matière » obligatoire dans les écoles militaires. Il y est d’ailleurs déjà très présent. Il est en revanche nécessaire de rappeler qu’étudier l’histoire militaire ou la stratégie ne suffit pas. L’humour n’est pas la qualité qui va révolutionner l’art du commandement, mais c’est un outil assez puissant, reconnu par les subordonnés qui le citent volontiers comme l’une des caractéristiques des chefs efficaces, que ce soit pour transmettre de l’énergie ou promouvoir un esprit de collaboration26. L’humour étant omniprésent dans les unités militaires, finalement, le rôle du chef n’est pas tant d’accroître sa présence que de créer les conditions pour qu’il puisse s’épanouir et de le canaliser afin qu’il participe à l’efficacité collective. La guerre est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux militaires dépourvus d’humour !
1Une opération de déception est en ensemble de mesures planifiées et coordonnées visant à tromper l’adversaire en l’amenant à une fausse interprétation des attitudes amies en vue de l’inciter à réagir d’une manière préjudiciable à ses propres intérêts et de réduire ses capacités de riposte. La déception comprend la dissimulation, la diversion et l’intoxication.
2Sur « Copperhead », lire notamment N. Rankin, A Genius for Deception : how cunning helped the British win Two World Wars, Oxford University Press, 2009, p. 384 et suivantes.
3Il faut notamment réaliser une prothèse de doigt pour en remplacer un que Clifton a perdu au cours de la Première Guerre mondiale.
4C’est également le cas dans les fables, farces ou fabliaux.
5”Neuropsychologist Richard Gregory (1970) perceived an analogy between psychological illusion and the scientific method. Historian Thomas Macaulay (1837) saw one between the scientific method and jokes”.
6R. V. Jones, ”The Theory of Practical Joking. Its Relevance to Physics”, Bulletin of the Institute of Physics, 1957.
7R. V. Jones, “The Theory of Practical Joking. An Elaboration” (1957/1975), Bulletin of the Institute of Mathematics and it’s Applications, vol.11, nos 1-2, 1975, pp. 10-17.
8Ibid.
9Ibid.
10Ibid. Voir aussi G. H. Dieke, “Robert Williams Wood 1868-1955. A Biographical Memoir”, National Academy of Sciences, 1993.
11R. V. Jones, “The Theory of Practical Joking. An Elaboration”, op. cit.
12E. G. Coleman, Coding Freedom: the Ethics and Aesthetics of Hacking, Princeton University Press, 2013, p. 7.
13Ibid., p. 100.
14Les autres facteurs de réussite d’une opération de déception sont : le secret, la planification, la crédibilité, le
renforcement des croyances de l’ennemi, l’évaluation des effets et la compréhension de l’environnement. R. Hémez, Les Opérations de déception, Paris, Perrin, 2022.
15Capitaine Stéphane, « La guérilla en montagne », Revue historique des armées, n° 3, 1968, pp. 163-180.
16Cité dans W. T. Bendeck, A Force. The Origin of British Deception during the Second World War, Naval Institute Press, 2013, p. 106.
17A. Filipowicz, ”From Positive Affect to Creativity: the surprising Role of Surprise”, Creativity Research Journal, avril 2006, pp. 141-152. K. Subramamiam, ”A Brain Mechanism for Facilitation of insight by Positive Affect”, Journal of Cognitive Neuroscience, juillet 2008, pp. 415-432. R. Wood et al., ”Management Humor Asset or Liability?”, Organizational Psychology Review, novembre 2011, pp. 316-338.
18D.-R. Lee, ”The Impact of Leader’s Humor on Employees’ Creativity: the Moderating Role of Trust in Leader”, Seoul Journal of Business, vol. 21, n° 1, juin 2015. C’était, par exemple, l’une des clés du succès d’Herb Kelleher, le patron de la compagnie aérienne américaine Southwest Airlines.
19« Des actions dans lesquelles des forces loyalistes, déguisées en insurgés et généralement composées de repentis, infiltrent des zones ou des groupes ennemis », L. Cline, “Pseudo-operations and Counterinsurgency: Lessons from other Countries”, Strategic Studies Institute, juin 2005.
20F. Kitson, Gangs and Counter-Gangs, Barrie & Rockliff, 1960, p. 73.
21Né en 1926, officier depuis 1946, issu de Stowe, l’une des plus prestigieuses écoles privées anglaises, Kitson est le futur « grand gourou » britannique de la contre-insurrection.
22F. Kitson, op. cit., p. 74.
23Ibid., p 75.
24L. Thompson, The Counter-Insurgency Manual, Greenhill, 2002, p. 168.
25Sans mettre de côté, toutefois, que l’humour peut également être facteur d’exclusion. Voir, par exemple, B. Sløk-Andersen, ”The Butt of the Joke? Laughter and Potency in the Becoming of Good Soldiers”, Cultural Analysis n° 17.1, 2019, pp. 25-56.
26B. A. Salmoni et al., ”Growing Strategic Leaders for Future Conflict”, Parameters, vol. 40, n° 1, 2010.
May 27, 1944. After flying round and round in the sky, a plane lands in Gibraltar. The officers gathered on the tarmac immediately recognise the man of small stature who alights, with his characteristic beret, neat moustache under his pointed nose and the ever-knitted brow. It is him indeed, General Bernard Law Montgomery. “Monty” crosses the streets of the “Rock” to the cheers of the troops who have come running to meet his convoy. Arriving at the governor’s residence, he salutes the guard of honour before joining General Ralph “Rusty” Eastwood. The two men know each other well from being at Sandhurst together. Eastwood stares for a while at Monty and then, smiling, leaps to his feet and warmly shakes his hand, exclaiming, “I wouldn't have thought it possible!” And he adds: “You are simply splendid. I can't get over it. You are Monty. I’ve known him for years!”
Eastwood was in on the deception. It was not “Monty” who had come to Gibraltar, but Lieutenant Meyrick Edward Clifton-James. His resemblance to the general was striking and he happened to be an amateur actor. What might have looked like a schoolboy prank was in fact a very serious deception operation1 called “Copperhead”, one of the many components of “Bodyguard”2. After some time spent rehearsing and adjusting his appearance3, under the supervision of David Niven, the famous British actor, and Peter Ustinov, his batman, an actor too but also a scriptwriter, Clifton-James was thus sent on ‘official’ visits with the aim of giving credence to a forthcoming landing on the Mediterranean coast. The message to the Germans was that the invasion was not imminent since “Monty”, the commander of the land forces, was far from England. With double agents adding that he had travelled to Algiers to coordinate a landing in the south of France that must take place before “Overlord”.
“Copperhead”, which looked very much like a hoax, was therefore a very serious stratagem of war. And this was no coincidence, as cunning and humour have many connections. Stratagem, for example, is a recurring feature in comedies4, used on many occasions by Molière and Marivaux for instance. Very often, the weaker characters use it to take revenge on the powerful. As a triumph of wit, it makes the audience laugh. But beyond this literary and social aspect, cunning and humour also stem from similar turns of mind and, in addition, they gain from each other.
- Shared incongruity
It is true that having an acute sense of humour and enjoying playing hoaxes and jokes makes it easier to design effective deception operations. In the late 1950s, Reginald Victor Jones theorised this connection5. A leading planner during the Second World War, a physicist and a great prankster, he linked these three activities in his essay The Theory of Practical Joking6. He first established a connection between hoaxes and the scientific method. He explained how, before the war, he had faced conceptual difficulties in reconciling the wave and particle properties of entities such as electrons and photons. Being involved in a series of hoaxes then provided him with useful “training” in solving them. Jones also mentions that renowned British scientists such as Clerk Maxwell and George Gamow were great pranksters7.
According to Jones, the connection between humour and the scientific method can be explained firstly because “the crux of a […] joke seems to be the production of an incongruity in the normal order of events”8 by playing, for example, on dimension or irony. He then distinguishes jokes based on their nature: “Simples incongruities […] can be humorous enough, but the more advanced jokes usually involve a period of preparation and induction, sometimes elaborate, before the incongruity becomes apparent. They are called hoaxes9.”
To illustrate this point, Jones recounts an anecdote involving R. W. Wood, a famous physics professor at Johns Hopkins University. While studying in Paris, he discovered that the lady living in the flat below him kept a tortoise. So Wood fashioned a collecting device from a broom-handle, and bought a supply of tortoises of different sizes. While the lady was out shopping, Wood replaced her tortoise with a slightly larger one. He repeated this operation each day until the growth of the tortoise became so obvious to its owner that she consulted Wood. After first sending her to consult a Professor at the Sorbonne, he advised her to write the press to recount the phenomenon. Wood then reversed the process, and in a week or so the tortoise mysteriously contracted to its original dimensions10.
The intellectual process of planning deception operations is in some ways identical to that of creating hoaxes where “the period of induction of the victim may be extended. […] the object is to build up in the victim’s mind a false world-picture which is temporarily consistent by any tests that he can apply to it, so that he ultimately takes action on it with confidence. The falseness of the picture is then starkly revealed by the incongruity which his action precipitates”11. Thus, to Jones, by a false presentation of evidence, the deceiver lets the victim “build up an incorrect but self-consistent world-picture”, thereby causing him to take measures that do not correspond to reality.
We could add to Jones’ ideas that, in planning a deception operation as in preparing a hoax, the first thing to do is to put oneself in the place of the “victim”, in order to know what evidence is available to build and test their picture of the world. There are several reasons for this. The first step is to be credible by telling a “good story”. Furthermore, a successful deception operation and a successful joke both involve understanding the environment and, in particular, the “victims”. Their personal background must be studied and, in this regard, cultural proximity is an asset. In an intercultural environment, for a joke or a ruse to be successful, an extra effort must be made because there are a number of pitfalls, such as ethnocentrism, denigration, and total misunderstanding.
We can also add that those who appreciate and practice cunning often like to add a touch of humour. This is the case of many hackers, to whom, for example, pulling pranks or even integrating them into source code is commonplace. Gabriella Coleman explains that “humour saturates the social world of hacking”12 and she emphasises that “Hackers literally enjoy hacking almost anything. […] To put it bluntly, because hackers have spent years, possibly decades, working to outsmart various technical constraints, they are also good at joking. Humour requires a similarly irreverent, frequently ironic stance toward language, social conventions, and stereotypes13.”
A touch of humour is, in fact, found in many deception operations. In London Calling North Pole, Hermann Giskes, lieutenant-colonel of the Abwehr, the intelligence agency of the Third Reich, recounts how, despite the capture of several of their agents in the Netherlands, he managed to make the British believe that their intelligence network had not been penetrated, in particular by maintaining supplies of sabotage material. He then persuaded them to drop a supply of tennis balls instead of explosives, on the grounds that the King of the Belgians was a great fan of the sport and that such a delivery would be an excellent way of securing his help!
- Humour, ideation and creativity
The thought processes necessary to play jokes and plan deception operations therefore have factors in common. But there is more to it: humour also fuels cunning, especially through its contribution to the creative process.
The factors leading to a successful deception operation undoubtedly include the creativity of the team or leader who planned it14. Because being imaginative is essential in planning this type of action, particularly to make sure that information is transmitted and action taken in various different ways. Regularly using the same methods would be counterproductive as it would make the manoeuvre predictable, whereas the aim is indeed to “do neither what is expected of us, nor the opposite, but something else entirely15.”
Twice during the Second World War, the A Force, a British organisation responsible for designing and conducting deception operations and composed of rather eccentric characters with a strong sense of humour, received officers from “regular” units. Dudley Clarke, the leader, always noted how unsuitable they were: “What they may lack is the sheer ability to create, to make something out of nothing, to conceive their own original notion and then to clothe it with realities until eventually it would appear as a living fact. And since that is precisely what the Deception Staff must do all the time, it follows that the art of creation is an essential attribute in all who are charged with such work16.” This world conducive to creativity is definitely not easy to develop in the armed forces, which base their structures on routine and procedure in order to guarantee the effectiveness of combat. But deception requires something else: recognising the possibility of failure and risk, taking the most objective view possible of one’s own capabilities, and rewarding different ways of thinking, etc.
It turns out that humour is a powerful catalyst for creativity. It creates surprise by breaking down certain frameworks and, by tackling problems from a different angle or by making unobvious connections between incongruous elements, it triggers a cognitive process conducive to creative thinking17. It is also well known that business leaders with a sense of humour inspire their employees to come up with innovative solutions18.
One such illustration of the true worth of humour in the ideation of deception operations can be found in the origination of a pseudo-operation19 conducted by the British in Kenya during the Mau Mau uprising (1952-1960). At the end of March 1954, “James”, an insurgent, was taken prisoner20. Interrogated by Captain Franck Kitson21, an intelligence officer in the Kiambu district, he expressed his willingness to work for the British. So he joined the Kamiti camp and “Gradually, as a joke, he taught our men all about the Mau Mau ways. They started using Mau Mau slang, handshakes and signs. […] They had suddenly become Mau Mau – what a laugh!22” His show inspired Kitson and his deputy Eric Holyoak who were thinking about how to go about their operations: couldn’t they impersonate Mau Mau as a means of getting information23 ? Bypassing bureaucratic obstacles, Kitson created a Special Methods Training Centre, where he sought to reproduce the exact appearance of the insurgents, with the same tattered clothes, rudimentary weapons, language codes, behaviour, and hairstyles, etc.; the Europeans did not hesitate to blacken their faces and wear wigs. At the end of 1956, the results were remarkable in the regions of Kiambu and Thika, with gang leaders and members being taken prisoner at a rate of about twenty a week24. Humour indeed contributes to thinking and can help bring out original ideas in a planning process.
- Conclusion
Saying that humour is useful to the military is nothing new. It is undoubtedly a quality that helps to reduce stress, contributes to creating a relationship of trust between leaders and their soldiers25, and keeps up morale and cohesion. It is also necessary for tactical thinking, especially when it comes to devising deception operations. Deception and humour – and hoaxes even more so – indeed share the same turn of mind when it comes to thinking them up. Furthermore, as a catalyst for creativity, humour is one of the keys to the success of these operations.
There is no question here of suggesting that humour should become a compulsory “subject” in military schools. In fact, it is already very present. Nonetheless, we should bear in mind that studying military history or strategy is not sufficient. Humour is not the quality that will revolutionise the art of command, but it is quite a powerful tool and is recognised by soldiers who readily mention it as one of the characteristics of good leaders, be it to convey energy or to promote a spirit of collaboration26. Since humour is omnipresent in military units, rather than seeking to increase its presence, leaders should create the conditions for it to thrive and then channel it into contributing to collective efficiency. War is too serious a business to be left to soldiers who have no sense of humour!
1A deception operation is a set of planned and coordinated measures designed to deceive the enemy into misinterpreting friendly attitudes in order to induce them to react in a manner detrimental to their own interests and to reduce their ability to retaliate. Deception includes concealment, diversion and intoxication.
2On “Copperhead”, see in particular N. Rankin, A Genius for Deception: How cunning helped the British win Two World Wars, Oxford University Press, 2099, p. 384 et seq.
3This included making a finger prosthesis to replace one that Clifton lost in the First World War.
4This is also the case in fables, farces and fabliaux.
5”Neuropsychologist Richard Gregory (1970) perceived an analogy between psychological illusion and the scientific method. Historian Thomas Macaulay (1837), saw one between the scientific method and jokes.”
6R. V. Jones, ”The Theory of Practical Joking. Its Relevance to Physics”, Bulletin of the Institute of Physics, 1957.
7R. V. Jones, “The Theory of Practical Joking. An Elaboration” (1957/1975), Bulletin of the Institute of Mathematics and it’s Applications, vol. 11, nos 1-2, 1975, pp. 10-17.
8Ibid.
9Ibid.
10Ibid. Also see G. H. Dieke, “Robert Williams Wood 1868-1955. A Biographical Memoir”, National Academy of Sciences, 1993.
11R. V. Jones, “The Theory of Practical Joking. An Elaboration”, op. cit.
12E. G. Coleman, Coding Freedom: the Ethics and Aesthetics of Hacking, Princeton University Press, 2013, p. 7.
13Ibid., p. 100.
14Other factors in a successful deception operation are: secrecy, planning, credibility, reinforcing the enemy’s beliefs, assessing effects and understanding the environment. R. Hémez, Les Opérations de déception, Paris, Perrin, 2022.
15Capitaine Stéphane, “La guérilla en montagne”, Revue historique des armées, 1968, no. 3, pp. 163-180.
16Cited in W. T. Bendeck, A Force. The Origin of British Deception during the Second World War, Naval Institute Press, 2013, p. 106.
17A. Filipowicz, ”From Positive Affect to Creativity: the surprising Role of Surprise”, Creativity Research Journal, April 2006, pp. 141-152. K. Subramamiam, ”A Brain Mechanism for Facilitation of insight by Positive Affect”, Journal of Cognitive Neuroscience, July 2008, pp. 415-432. R. Wood et al., ”Management Humour Asset or Liability?”, Organizational Psychology Review, November 2011, pp. 316-338.
18D.-R. Lee, ”The Impact of Leader’s Humour on Employees’ Creativity: the Moderating Role of Trust in Leader”, Seoul Journal of Business vol. 21 n° 1, June 2015. For example, this was one of the keys to the success of Herb Kelleher, the boss of the American airline Southwest Airlines.
19“Pseudo operations are those in which government forces, disguised as guerrillas, normally along with guerrilla defectors, operate as teams to infiltrate insurgent areas”, L. Cline, “Pseudo Operations and Counterinsurgency: Lessons from other Countries”, Strategic Studies Institute, June 2005.
20F. Kitson, Gangs and Counter-Gangs, Barrie & Rockliff, 1960, p. 73.
21Kitson, who was born in 1926, an officer since 1946, and a graduate of Stowe, one of England’s most prestigious public schools, was the future "great British guru" of counterinsurgency.
22F. Kitson, op. cit., p. 74.
23Ibid., p 75.
24L. Thompson, The Counter-Insurgency Manual, Greenhill, 2002, p. 168.
25Without, however, overlooking the fact that humour can also be a factor of exclusion. See, for example, B. Slok-Andersen, ”The Butt of the Joke? Laughter and Potency in the Becoming of Good Soldiers”, Cultural Analysis no. 17.1, 2019, pp. 25-56.
26B. A. Salmoni et al., ”Growing Strategic Leaders for Future Conflict”, Parameters, vol. 40, no 1, 2010.