Il existe, selon les disciplines, des dizaines de définitions de la confiance. Pour l’éthologie, par exemple, c’est l’émotion qui permet à l’Homme de coordonner son action avec celle des autres, ce qui est indispensable à sa survie, un outil d’évaluation du bénéfice ou du risque qu’il y a à collaborer. Quand nous pensons qu’il y a peu de risque, nous interagissons avec l’autre ; dans le doute, ou quand nous estimons qu’il existe un risque, nous gardons nos distances. Ainsi agissent les individus vis-à-vis des groupes, des processus, des systèmes, des technologies, des institutions…
En 2001, une large revue transdisciplinaire de la littérature traitant du sujet a été réalisée par les universités du Michigan et du Minnesota, et a permis, malgré les différences d’approches, de modéliser les tenants et les aboutissants de la confiance. Quatre grandes dimensions caractérisant les individus qui inspirent confiance ont été identifiées : la bienveillance (le fait de prendre en compte les intérêts de l’autre), l’intégrité (la bonne foi, l’honnêteté et la fiabilité), la compétence (la capacité à faire ce qui est requis) et la prédictibilité (la stabilité du comportement sur la durée). En résultent différents comportements (la coopération, le partage de l’information, les accords informels, la réduction du contrôle ou des règles imposées à l’autre, la délégation du pouvoir et la volonté de se laisser influencer par l’autre) qui, s’ils rendent possible la collaboration, font aussi courir un risque à l’individu, le placent en situation de vulnérabilité, c’est-à-dire de dépendance vis-à-vis de l’autre.
La confiance apparaît ainsi comme une dimension complexe dont la définition met en lumière un versant cognitif et un versant affectif. C’est un sujet sensible en ce sens qu’il nous ramène à notre propre vulnérabilité : en tant qu’espèce sociale, sans les autres nous ne sommes rien. Nous allons voir comment notre système neurobiologique prend en compte cet enjeu vital.
- Des conditions biologiques
Si le fonctionnement de la confiance est en partie régi par les règles sociales qui encadrent les interactions humaines, des processus biologiques inconscients entrent aussi largement en jeu. Cela rend ce fonctionnement bien plus complexe qu’on ne l’a longtemps imaginé – par exemple, il ne suffit pas d’avoir la volonté d’être fiable pour le devenir. La recherche montre en outre que nous surestimons souvent nos capacités en ce sens.
Pour s’installer, la confiance requiert l’alignement d’un certain nombre de paramètres biologiques. Un rôle central est joué par une neurohormone : l’ocytocine. Sa première manifestation est le lien mère/enfant : c’est elle qui incite la mère à prendre soin de son enfant même au détriment de ses propres besoins. Plus encore, chez les mammifères, elle agit dans les liens affectifs, tant pour les femelles que pour les mâles, comme un ciment social qui renforce les liens sociaux.
Le lien de cause à effet entre ocytocine et confiance a été scientifiquement démontré chez l’Homme : lui en administrer n’altère pas son raisonnement, mais entraîne des réactions plus grandes de confiance. Il a aussi été prouvé que cette neurohormone facilite l’apprentissage social en incitant à la conformité sociale ; en invitant à imiter les autres, elle facilite l’intégration au groupe et favorise sa cohésion.
- La confiance ne se contrôle pas
L’ocytocine, comme les autres neurohormones, est une substance chimique produite par les neurones puis diffusée dans l’organisme par la circulation sanguine. Sa production ne se contrôle pas par la seule volonté. C’est pourquoi le comportement en matière de confiance nous échappe en partie.
La confiance est déterminée autant par ce que l’on ressent dans le corps, c’est-à-dire les variations dans notre état physiologique, que par le calcul rationnel de notre cerveau conscient. Nous faisons confiance à ceux avec qui nous nous sentons bien ! Ce ressenti est à la fois corporel et psychologique. La confiance active alors la production d’ocytocine, qui agit sur des régions du cerveau programmées pour renforcer les comportements de coopération.
Si les découvertes initiales sur l’ocytocine lui ont valu d’être célébrée dans les médias grand public comme l’« hormone de l’amour » puis l’« hormone de la confiance », des études ultérieures sont venues corriger cette image. Les chercheurs ont en effet découvert une propriété singulière : l’ocytocine agit de façon sélective. Elle polarise notre vision du monde, nous amène à identifier deux catégories d’individus que nous traitons différemment : la première inclut nos proches et peut s’élargir jusqu’à notre communauté, la seconde regroupe ceux qui n’en font pas partie et envers lesquels elle peut susciter des comportements négatifs comme la méfiance, l’envie ou la discrimination. Son rôle premier est de nous permettre de protéger et de prendre soin des individus de notre entourage proche. C’est pourquoi, lorsque nous avons une décision à prendre, elle agit différemment selon que la décision concerne un membre de notre groupe ou un étranger. C’est là que l’on comprend que la partie inconsciente de notre cerveau n’a que faire des valeurs morales. Elle est là pour assurer notre survie. C’est dans ce seul objectif qu’elle évalue en permanence l’option qui va servir le mieux notre intérêt et celui des nôtres dans une situation donnée.
Comment, dans ce cas, expliquer les comportements altruistes envers des étrangers ? Parce que nous possédons un second mécanisme cérébral, conscient, qui nous permet de dépasser la pulsion initiale involontaire. La difficulté tient en ce que les mécanismes inconscients se produisent sans effort alors que la délibération consciente est coûteuse en énergie. Et parce qu’il s’avère que sur le long terme, c’est se montrer digne de confiance qui est le plus payant. Du point de vue de l’évolution, la survie de l’espèce humaine est augmentée par de tels actes : nous serons potentiellement bénéficiaires des ressources des autres en cas de besoin ; nous prospérons à travers la coopération.
- Des bénéfices négociés
Les mécanismes qui construisent la confiance pondèrent à la fois les bénéfices immédiats et les bénéfices à plus long terme. C’est ce que les scientifiques appellent un « choix intertemporel ». Un bénéfice immédiat, comme celui de ne pas partager ou de tricher, vaut-il le risque de le payer plus tard par une réputation entachée ? Notre esprit cherche continuellement à trouver le bon équilibre entre ces deux forces opposées. C’est le résultat de cette négociation qui détermine à tout moment notre fiabilité. Il s’agit d’un équilibre précaire, sans réponse définitive en dépit de l’impression que l’on en a.
La recherche montre que, en moyenne, la confiance est payante à long terme. Dans ce cas pourquoi ne sommes-nous pas systématiquement loyaux ? La réponse est dans la notion de long terme : rien ne garantit que nous serons encore là pour en profiter à ce moment-là. Sans compter que les actes égoïstes peuvent être dissimulés. Si personne ne réalise qu’un individu a triché, il est gagnant à court et à long terme.
Ce qui fait toute la complexité de nos réactions est la dualité de notre fonctionnement. Si, en tant qu’espèce sociale, nous sommes programmés pour la confiance, nous le sommes aussi pour la trahison. De façon troublante, bien que nous ayons la capacité mentale de résoudre les dilemmes liés à la confiance, nous restons à notre insu fortement influencés par notre instinct. Cela explique qu’une grande partie de notre propre fiabilité nous échappe, car elle est régie par un système automatique inconscient lié aux réactions instinctives de notre corps face au danger. C’est un équilibre biologique délicat entre des tensions en constante compétition, et que nous ne maîtrisons pas, qui va bien souvent déterminer notre comportement. L’intérêt pour notre survie, tout du moins au plan biologique, est de pouvoir déterminer à tout moment l’option qui va servir le mieux notre intérêt dans une situation donnée : la confiance ou la trahison.
- Le système polyvagal, socle de l’engagement social
Pour assurer sa mission prioritaire, qui est de nous garder en vie, le cerveau scanne en permanence notre environnement afin d’identifier des menaces éventuelles. Ce processus inconscient ajuste, en cas de besoin, la réaction du corps pour y faire face. D’où une autre fonction biologique indispensable à la mise en œuvre de la confiance : le système polyvagal.
Pour faire face aux menaces de façon adaptée, notre système nerveux possède trois niveaux de réaction, qui obéissent à une hiérarchie qui va du plus primitif au plus sophistiqué : faire le mort, fuir ou combattre, et apaiser. Le troisième, appelé frein vagal, est celui qui nous intéresse ici. Par son effet calmant, il met notre corps dans un état qui nous permet de communiquer, de partager et de construire le lien social. Sans lui, nous n’aurions jamais accès à un état de calme suffisant pour permettre l’émergence de la confiance. Il nous serait alors impossible de coopérer et notre mort serait rapide.
La trahison est traitée par notre système nerveux polyvagal comme une prédation. La réaction tient compte du niveau perçu de la menace. Face à un problème relationnel, le frein vagal entre en jeu ; il permet d’échanger raisonnablement sur le problème en question et souvent de le résoudre. En cas d’échec, un relais inférieur est actionné pour permettre des réactions de type fuite ou attaque. Si d’emblée la menace est grande, c’est la réponse la plus primitive qui s’active : le violent bouleversement ressenti entraîne un état de choc qui peut aller jusqu’à la perte de connaissance.
Bien que les humains soient tous équipés du même système, ils peuvent réagir différemment en raison de seuils de déclenchement dissemblables. Certains ressentent une grande vulnérabilité par défaut de confiance généralisé en l’autre, ce qui les isole et les prive de nombreuses opportunités ; d’autres se sentent invulnérables par excès de confiance, ce qui leur fait courir le risque de se faire exploiter, mais aussi de devenir non fiables, car ils tendent à surestimer leur capacité à tenir leurs engagements.
- L’âge de la confiance
En raison de sa très grande vulnérabilité, l’enfant doit apprendre très tôt et très vite en qui il peut placer sa confiance. Il est aujourd’hui établi que son cerveau est programmé pour cela dès sa naissance. Cette connaissance est instinctive. Avant même de savoir parler, il sait l’importance de coopérer et de se montrer digne de confiance.
La notion d’action juste, honorable ou vertueuse est très tôt présente. L’enfant est spontanément motivé en ce sens. Comme les adultes, il trahit parfois la confiance de l’autre pour s’avantager, mais comme eux il est aussi capable de remplir fermement ses obligations et de rester loyal malgré la tentation. Il est soumis aux mêmes impulsions contradictoires que l’adulte. Certaines le rendent digne de confiance alors que d’autres l’incitent à la trahison. Il est conscient de l’injustice de son comportement, tout en ayant envie de maximiser ses bénéfices. Il veut que les autres le perçoivent comme digne de confiance, mais il sait aussi qu’il peut tirer parti d’une situation dans laquelle il reste anonyme. En l’absence du regard des autres, il résiste difficilement à la tentation.
Si l’enfant possède un sens inné de ce qui est juste ou injuste, l’éducation reste cependant importante. Les comportements sont déterminés conjointement par la conscience et la non-conscience. L’enseignement permet de modeler les réactions du cerveau conscient. Apprendre à l’enfant à se montrer digne de confiance augmente les chances qu’il le soit plus souvent.
- Pas de confiance sans réciprocité
Un élément central caractérise la confiance : la notion de réciprocité. Elle consiste à donner autant que l’on reçoit, même si ce n’est ni la même chose ni au même moment. Un déséquilibre en la matière indique qu’un individu en exploite un autre ; un équilibre donne l’indication que l’autre peut potentiellement être digne de confiance.
La difficulté en matière de réciprocité réside dans le fait que la confiance que l’on témoigne à quelqu’un ne se traduit pas toujours immédiatement par un retour sur investissement ; elle peut n’être payée de retour que bien plus tard. Si toutes les fois où l’on a besoin d’aide il fallait trouver quelqu’un qui a le même besoin, cela deviendrait extrêmement compliqué ! Tant qu’une relation n’a pas atteint le stade de confiance, le cerveau, de façon consciente ou inconsciente, passe beaucoup de temps à tenir les comptes pour vérifier s’il y a équilibre. Cette préoccupation légitime pour la survie de l’individu détourne une grande partie de son énergie mentale. L’enjeu central consiste à évaluer si l’on va pouvoir compter sur l’autre pour nous rendre la pareille dans un futur plus ou moins proche. Répondre à cette question est impossible, c’est là qu’intervient le pari qu’est la confiance.
Il serait lourd et compliqué de tenir un compte exact de ce que nous donnons et recevons dans chacune des relations que nous entretenons. Pour soulager le cerveau de ce type de calcul plus ou moins conscient, un court-circuit cognitif se met en place à travers l’émergence de la confiance. Celle-ci lui indique que la relation est entrée dans une phase nouvelle et plus durable. Le cerveau, libéré d’une tâche complexe mais vitale, peut désormais se consacrer pleinement à ses autres tâches. C’est la production d’ocytocine qui autorise ce lâcher-prise. Des émotions positives se manifestent alors sans raison extérieure particulière. Elles indiquent la satisfaction du besoin de confiance, indispensable à la survie. Quand la joie fuse facilement dans une équipe, c’est un indicateur solide d’un niveau de sécurité psychologique élevé.
Ce court-circuit cognitif engendre de nombreux bénéfices biologiques. Il permet de soulager la charge mentale : l’énorme capacité mentale jusque-là consacrée à monitorer l’échange est libérée et cette énergie peut alors être utilisée ailleurs. Il aplanit les dissensions en favorisant l’écoute et la compréhension de l’autre. Il rend les autres capables de faire un sacrifice à court terme en faveur du bénéfice à plus long terme que procure la collaboration. Il permet d’accorder plus facilement le bénéfice du doute : si l’autre fait un faux pas, l’individu est plus enclin à considérer cela comme une exception. Enfin, le climat de confiance produit un sentiment marqué de satisfaction. Cependant, la confiance n’est pas aveugle. Si l’autre ne joue pas le jeu, elle se rompt rapidement.
- Deux processus parallèles
Comment se fait-il que des bénéfices aussi importants restent le plus souvent ignorés ? Parce que la confiance opère en grande partie au niveau inconscient de l’esprit. Quand la question de la confiance se pose, le cerveau met en route deux processus parallèles de délibération : l’un, conscient et raisonné, se fonde sur une analyse délibérée du comportement de l’autre et des informations disponibles à son sujet ; l’autre est inconscient, intuitif et fondé sur la neuroception, c’est-à-dire les sensations internes du corps que provoquent les émotions. Aucune de ces deux voies n’est parfaite. C’est le résultat de ces deux processus et la manière dont ils se rejoignent qui vont déterminer si on fait confiance ou pas. On retrouve ici la complémentarité, indispensable à notre adaptation, de la cognition et des émotions. Idéalement, les deux réponses obtenues concordent, mais elles peuvent aussi s’opposer. Laquelle suivre dans ce cas ?
Les individus sont très différents dans le poids qu’ils accordent à leurs intuitions. Notre éducation nous incite peu à développer leur écoute ; elle accorde davantage de valeur à la délibération consciente. Nous expérimentons ainsi régulièrement la tentation de passer outre : malgré l’émergence de sensations désagréables dans notre corps (intéroception), nous nous convainquons de faire confiance à l’autre alors même que ce tiraillement devrait nous alerter. Plus on est en possession de son contrôle exécutif (sa capacité à réfléchir intensément), plus on est capable de contrer ses propres réponses intuitives. À l’opposé, moins on a de contrôle exécutif, plus on s’appuie sur la réponse intuitive. C’est le cas, par exemple, quand on manque de temps, que l’on est fatigué, sous le coup d’une émotion ou sous l’effet de l’alcool.
La recherche montre que quand raisonnement et intuition se contredisent, c’est la voie intuitive qui est la plus fiable. Cette supériorité est liée à deux caractéristiques du cerveau inconscient : il est plus sensible que notre esprit conscient aux véritables indicateurs de confiance (micro signaux non verbaux) et il est beaucoup moins accessible à notre propre influence.
- Un acte de foi
S’il est bien démontré qu’à l’échelle du groupe et sur le long terme investir dans la confiance est un pari gagnant, ce bénéfice repose sur une moyenne. Au plan individuel, la situation est bien différente, car l’humain ne fonctionne pas selon des lois statistiques. S’il place correctement sa confiance au cours de sa vie, il sera gagnant. S’il la place mal, il peut tout perdre. C’est pourquoi il est crucial de rester en permanence conscient qu’une minorité d’individus va systématiquement abuser de cette confiance.
Gagner le pari que représente la confiance repose sur notre capacité à lire ce que l’autre a en tête. Il s’agit en particulier de prédire son intention, sur la base d’intérêts potentiellement conflictuels, mais aussi d’évaluer son aptitude à mettre en œuvre son intention. Accorder ou non sa confiance est un acte de foi. Le risque associé à ce pari est celui d’être trahi par l’autre et potentiellement d’y laisser sa vie.
- Faire confiance, un choix dominant
Les chercheurs font preuve d’une grande créativité pour étudier les dilemmes de la confiance. Le jeu de l’ultimatum en est une bonne illustration. Des binômes sont constitués ; l’un de ses membres reçoit une somme d’argent et le pouvoir de décider de ce qu’il va donner à son partenaire. Ce dernier n’a que deux options : accepter ou refuser la proposition de partage. Cette expérience, réalisée dans toutes les cultures, donne toujours le même résultat : la majorité des participants choisit de partager équitablement la somme afin que chacun soit satisfait et qu’une relation de confiance s’établisse ; seule une minorité s’avantage systématiquement en proposant un partage inégal. Le résultat chez les partenaires est toujours le même : ceux à qui l’on propose 20 % ou moins de la somme totale refusent systématiquement le partage, préférant ne rien recevoir du tout plutôt que d’accepter une situation qui leur semble injuste.
Ces comportements ont longtemps surpris les économistes, convaincus que l’humain faisait des choix rationnels. Or, en toute logique, il semble plus intéressant de s’avantager largement soi-même tout comme d’accepter une petite somme d’argent plutôt que rien. En réalité, dans une espèce sociale, les choix font sens. L’équité dans le partage des ressources permet de construire des liens de confiance sur le long terme. Voilà pourquoi les humains sont équipés de mécanismes psychologiques qui les poussent à se comporter, en majorité, de façon juste envers les autres. Il existe cependant une minorité d’individus qui ne joue pas le jeu.
Pour faire face à l’enjeu de l’équité, notre cerveau est programmé pour identifier ce qui est juste ou injuste de manière intuitive, c’est-à-dire sans avoir ni à réfléchir ni à fournir d’effort. La colère provoquée par un traitement injuste, qui rend une relation de confiance impossible, est inscrite dans notre adn.
- L’évolution dans le temps
L’être humain a longtemps été étudié sans prendre en compte son environnement. On sait aujourd’hui que l’influence de ce dernier est majeure. Maintenu dans le même contexte, avec ses hauts et ses bas, l’Homme produit généralement des comportements prévisibles, ce qui donne l’impression que son comportement est gravé dans le marbre et nous amène à émettre des jugements définitifs sur lui. Pourtant, si la personnalité d’un individu reste relativement stable au cours de sa vie, son comportement, lui, peut radicalement changer quand le contexte se transforme.
Se montrer digne de confiance repose sur un bras de fer entre des forces mentales en compétition. Il est donc particulièrement complexe de prédire laquelle va gagner quand l’environnement change. Des facteurs aussi subtils que la glycémie, l’état émotionnel, le stress ou une information nouvelle peuvent modifier de façon importante, et inconsciente, l’équilibre de la confiance chez un individu. La fiabilité est sujette à des variations ; rien n’est jamais certain ou définitif.
Les chercheurs ont montré que les sentiments de gratitude favorisent le choix de bénéfice à long terme et les relations de confiance. L’inimitié ou l’inauthenticité engendrent l’inverse : ils augmentent la prédominance des préoccupations de court terme et réduisent la possibilité de voir émerger la confiance.
- En guise de conclusion
Les humains ne peuvent espérer survivre qu’en collaborant. Et la confiance est l’outil biologique à leur disposition pour gérer cette interdépendance. Mais elle résulte d’un équilibre biologique délicat entre des tensions qui entrent constamment en compétition, et qu’il n’est possible que partiellement de maîtriser. Quel que soit son niveau, elle n’est jamais acquise. Et bien que la décision de faire confiance soit vitale, nous sommes généralement incapables d’expliquer clairement comment nous la prenons. Ce flou intérieur sur un enjeu central nous expose à des risques importants.
Comprendre comment notre instinct de confiance émerge est indispensable pour nous aider à mettre en place des stratégies qui vont dans le sens de nos objectifs. Nous avons tout à gagner à mieux comprendre cette mécanique biologique si nous voulons conduire nos vies de façon éclairée. Cependant, si la science nous instruit sur le fonctionnement de notre cerveau et les marges de manœuvre disponibles, elle ne remplace pas notre conscience pour décider de ce qu’il faut faire en cas de conflit d’intérêts. La meilleure stratégie sur le plan biologique, c’est-à-dire pour notre survie, peut être en désaccord avec nos principes moraux. La décision à prendre relève alors de notre responsabilité.