N°51 | La confiance

Alexandre Saintin
Le Vertige nazi
Voyage des intellectuels français dans l’Allemagne nationale-socialiste
Paris, Passés Composés, 2022
Alexandre Saintin, Le Vertige nazi, Passés Composés

Peu de livres restituant le passé nous parlent autant de notre présent et peut-être de notre futur. Avec ce mélange de « déjà-vu », d’archaïsme et de modernité. Il est en effet fascinant de retrouver certains discours d’intellectuels des années 1930 et 1940, animés par un antisémitisme affiché et une critique de la République, porter autant d’admiration à Hitler. Inspiré par Charles Maurras, le concept d’ordre incarné par le fascisme de Mussolini et surtout par Hitler leur semble la seule voie d’avenir pour la France. Régénérer la France, vieille démocratie fatiguée, à l’aune de ce nouvel ordre leur semble une évidence. D’autant plus qu’ils sont convaincus des intentions pacifistes du régime nazi ! Ces intellectuels voyagent en « bande organisée » dans l’Allemagne nazie. Ils y sont invités avec tous les honneurs et tiennent des discours élogieux aux chefs nazis, à Goebbels en particulier, qui ont parfaitement compris l’efficacité de cette propagande. L’Allemagne devient leur boussole spirituelle. Les rassemblements gigantesques nocturnes les fascinent. Certains noms nous sont connus : Pierre Drieu la Rochelle (qui est loin d’être le pire), Lucien Rebatet (le plus immonde avec Fernand de Brinon), Robert Brasillach, Jacques Doriot, Jacques Benoist-Méchin, Jacques Chardonne… D’autres le sont moins, tels Alfred Fabre-Luce, Pierre-Antoine Cousteau, Jean Fontenoy, les frères Jean et Jérôme Tharaud, Emmanuel Mounier, Thierry Maulnier, Bertrand de Jouvenel, Jules Romains, Pierre Benoist, Alphonse de Châteaubriant, Robert Vallery-Radot, Georges Bataille même, fasciné par les ordres médiévaux du nazisme. Le comité France-Allemagne les réunit pour structurer cette collaboration, qui va se poursuivre pendant la guerre. Ils n’hésitent pas à parler de révolution messianique, de nouvelle religion séculière… Certes existaient ceux qui, comme Emmanuel Levinas, Daniel Guérin, Georges Capitant ont vu avec lucidité les dangers et les contradictions mêmes du nazisme. Jacques Maritain, après une période de fascination, s’est ressaisi. Mais le renom et la visibilité des admirateurs du nazisme l’emportaient « médiatiquement » sur le silence des opposants. La dénonciation du judéo-bolchevisme, l’anglophobie, la détestation de la démocratie, la fascination pour l’ordre leur apparaissaient comme des leviers nécessaires de la renaissance française. Cet aveuglement devrait nous dessiller le regard. Puisse ce livre passionnant y contribuer.


Harald à la dent bleue | Lucie Malbos
Pauline Brunet | Les Rochambelles, ambulancière...