N°50 | Entre virtuel et réel

Maxime Reynaud
La Première Guerre mondiale dans le Pacifique
De la colonisation à Pearl Harbor
Paris, Passés Composés, 2021
Maxime Reynaud, La Première Guerre mondiale dans le Pacifique, Passés Composés

Verdun, le Chemin des Dames, la Somme. Dans la mémoire française de la Première Guerre mondiale, ces noms résonnent immédiatement. Plus lointains, Caporetto, Tannenberg, les Dardanelles évoquent également d’autres batailles. En revanche, Tsingtao, Coronel ou les Samoa n’évoquent rien. Ils font pourtant intégralement partie de l’histoire de ce conflit. À l’autre bout du monde, à des milliers de kilomètres des tranchées, des hommes se sont battus et sont morts. Ici réside tout l’intérêt de ce livre, dont l’auteur propose une minutieuse synthèse des opérations menées dans l’océan Pacifique, rappelant ainsi que cette guerre fut véritablement mondiale dès ses premiers jours. Le terme « minutieux » caractérise sans mal ce remarquable ouvrage, car Maxime Reynaud fait progresser pas à pas son lecteur. Tout d’abord, le décor, la colonisation allemande (associée à une minuscule présence austro-hongroise) dans le Pacifique, les acteurs stratégiques, les forces en présence. Car l’auteur ne se contente pas de narrer les opérations très diverses, mais courtes (sièges, batailles navales, opérations amphibies) qui constituent l’histoire de la Première Guerre mondiale dans le Pacifique, il remet aussi, de manière très claire, l’ensemble des faits en perspective et replace parfaitement ce théâtre d’opérations dans un contexte plus global.

Cette vision globale s’accompagne d’un sens du détail qui rend l’ouvrage très plaisant à lire. Le lecteur est transporté dans ces nombreuses îles, dont l’éparpillement multiplie la diversité des situations. L’auteur possède l’art de développer un fait, de filer l’anecdote et de sortir utilement de son cadre spatio-temporel, humanisant par ce moyen son récit (je songe ici à l’odyssée tropicale du capitaine allemand Detzner ou à la défense opiniâtre mais inventive de Papeete par le lieutenant de vaisseau français Maxime Destremau). Le propos s’appuie sur un style agréable et clair. Un grand regret : le nombre important de coquilles relevées. Un plus mineur : la distinction entre les différentes classes de navire ou les différents niveaux de commandement terrestres ne semblent pas toujours bien perçue par l’auteur, sans que cela n’entache la qualité de l’ouvrage.

La lecture reste passionnante de bout en bout. Le Pacifique fut durant la Grande Guerre un théâtre gigantesque mais mineur ; le bilan humain ne dépasse pas les cinq mille morts, un nombre bien faible en comparaison de l’Europe. Cet ouvrage montre surtout en quoi les opérations menées et leur issue diplomatique (entérinée notamment à Versailles) façonnèrent la future guerre du Pacifique, que ce soit sur le plan stratégique (montée en puissance du Japon) ou sur des aspects plus opérationnels (défense des îles…). La conclusion est limpide : lorsque s’achève le conflit, un nouveau décor est planté pour un autre affrontement.

Maxime Yvelin

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