N°50 | Entre virtuel et réel

Hervé Drévillon
Penser et écrire la guerre
Contre Clausewitz, 1780-1837
Paris, Passés Composés, 2021
Hervé Drévillon, Penser et écrire la guerre, Passés Composés

Le nom de Clausewitz est bien connu et chacun s’en va répétant la formule selon laquelle la guerre n’est que la poursuite de la politique par d’autres moyens, sans avoir d’ailleurs lu la moindre ligne de l’auteur prussien. Le livre d’Hervé Drévillon présente ainsi l’immense intérêt de replacer les écrits de Clausewitz dans leur temps, leurs évolutions, leurs débats. Il souligne la difficulté à identifier les principes de l’art de la guerre en passant du particulier au général et se livre à un exercice complexe, qui exige de longues années de recherches et de pratique de son sujet. Il revient ainsi sur l’émergence d’une importante littérature militaire entre la seconde moitié du xviiie siècle et la première moitié du xixe. Dans ce paysage, Clausewitz fait figure de théoricien majeur, mais il est loin d’être le seul et il ne fait pas toujours l’unanimité – on connaît plus ou moins son alter ego Jomini. Hervé Drévillon entraîne son lecteur dans un véritable tourbillon de citations et de références, dont il parvient à faire la synthèse, les guerres de la période révolutionnaire et impériale constituant la toile de fond des travaux de la période comme de cet ouvrage. Après avoir présenté sous ses différentes facettes « La pensée milittéraire » imprimée durant la période, il s’intéresse à la pratique, « Que faire en guerre ? », avec un chapitre particulier consacré à la guerre de siège, puis, dans une troisième partie, revient sur le binôme indissociable mais parfois ambivalent, « Guerre et politique », avec notamment une réflexion sur « L’art combinatoire de la guerre et de la politique » et une étude détaillée des diverses formes de la guerre. En conclusion, il évoque rapidement les « successeurs » (ou supposés tels) de Clausewitz, théoriciens de la guerre absolue ou totale, comme Ludendorff. Il remet en particulier à l’honneur un désormais inconnu, sauf de quelques spécialistes, le général Pelet, qui commanda le Dépôt de la Guerre et conduisit une importante réflexion sur l’intérêt de l’histoire dans les études sur la guerre.

Un volume extrêmement riche, avec lequel on ne sera pas toujours d’accord, mais qui suscite d’intenses réflexions et pousse à revenir aux fondamentaux des principes de la guerre comme de l’histoire militaire. Il n’est sans doute pas adapté à un débutant, car il nécessite quelques solides connaissances pour suivre le raisonnement de l’auteur, mais il est absolument indispensable aux étudiants en war studies et à tous ceux qui veulent aller au-delà des notions élémentaires.

PTE

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