Il est probable que l’homme a commencé à se battre de façon toujours plus élaborée et sur des espaces toujours plus grands le jour où il a pris conscience des richesses du vaste monde et qu’il a décidé de s’y déplacer pour s’en emparer. Vers 1274 av. J.-C., la première bataille connue de l’histoire de l’humanité opposa les Hittites au Égyptiens à Qadesh, dans le sud de l’actuelle Syrie. Cette ville, située aux confins nord et sud des deux empires belligérants, était un important carrefour de routes commerciales en raison de sa situation privilégiée sur l’Oronte et la côte méditerranéenne.
Les grandes périodes d’expansion, qui toutes se sont accompagnées de conflits, ont vu s’ouvrir de nouvelles routes terrestres et maritimes. Rome conquit la Gaule, une partie des îles Britanniques et tout le pourtour du Bassin méditerranéen en développant un réseau routier d’une qualité exceptionnelle pour l’époque et dont l’étendue culmina à trois cent vingt mille kilomètres. Ironie de l’histoire ou fatalité de la guerre, ce réseau contribua à accélérer la chute de l’empire en facilitant les invasions des Ostrogoths, des Huns et des Wisigoths à partir du iiie siècle.
La route de la soie, qui reliait la Chine à la Méditerranée à travers l’Asie centrale et l’Iran, fut créée pour des raisons politiques et militaires. Les empereurs chinois Han, assiégés par les Xiongnu, des barbares nomades, avaient besoin d’alliés et de chevaux. Ils décidèrent d’ouvrir au monde extérieur le commerce de la soie qui était alors un monopole d’État. Il n’est pas étonnant, dans ces circonstances, que ce soit à un général, Zhang Qian, qu’ait été confiée la mission d’ouvrir le premier tronçon de ce parcours au iie siècle av. J.-C.. La route de la soie fut par la suite le catalyseur des plus grands bouleversements géopolitiques du Moyen Âge : avènement des empires khazar au vie siècle, mongol au xiiie siècle puis ottoman presque cent ans plus tard, avant la chute de Constantinople en 1453.
La recherche de la route des Indes, route maritime directe pour relier l’Europe aux Indes orientales par les royaumes d’Espagne et du Portugal à partir du xve siècle, a également donné lieu à des conflits qui ont façonné le monde moderne. Dans le sillage de Christophe Colomb, Vasco de Gama et Magellan, s’engouffrèrent Francisco Pizarro, Hernan Cortès et Francisco de Almeida. Ces conquistadores taillèrent à coups d’épée les empires espagnols et portugais du Nouveau Monde.
L’histoire s’est encore répétée du xvie au xixe siècle lorsque Britanniques et Français inaugurèrent à leur tour de nouvelles routes maritimes vers l’Amérique du Nord, l’Afrique et l’Asie. Ils bâtirent eux aussi d’immenses empires coloniaux après avoir vaincu les armées indigènes grâce à la supériorité technique de leurs Corps expéditionnaires.
L’édification progressive d’un réseau planétaire de routes terrestres, maritimes puis aériennes a ainsi jalonné les avancées de l’humanité vers la modernité. La circulation des hommes, les échanges commerciaux, la diffusion des idées ont été la source de progrès techniques, scientifiques et économiques décisifs. Mais toute médaille a son revers. Tout échange, qu’il soit matériel ou immatériel, est d’abord un acte politique et donc potentiellement guerrier si l’on considère, comme y invite Clausewitz, que la guerre n’est rien d’autre qu’une manifestation politique particulière. Pour cette raison, la mondialisation ne fut pas et ne sera jamais complètement heureuse. Les routes seront toujours source de rivalités, de tensions et de conflits entre les peuples.
Ainsi, la nouvelle route de la soie, lancée en 2013 par le gouvernement chinois, s’inscrit dans cette logique d’affirmation de puissance. Cette Belt and Road Initiative, pour reprendre son appellation anglaise, un ensemble de liaisons maritimes et ferroviaires entre la Chine et l’Europe, est en fait un projet planétaire dont l’objectif pour l’empire du Milieu est de redéployer ses investissements à l’étranger dans des projets d’infrastructures routières, ferroviaires et portuaires. Il s’agit pour le géant chinois, à l’instar de ce que fit la Grande-Bretagne à partir du xvie siècle, de mettre en place des comptoirs en créant des ports et des plateformes à vocation civile et militaire qui lui assureront autant de relais logistiques. Le choix de la Chine de développer un axe terrestre en plus d’une route maritime vers l’Europe répond également à une volonté clairement affirmée de contourner un éventuel embargo maritime que les États-Unis et leurs alliés pourraient lui imposer. La guerre est toujours tapie dans l’ombre des considérations commerciales et stratégiques, et nul ne doit s’étonner du Sharp Power dont la Chine fait preuve à l’égard des pays qui pourraient se montrer récalcitrants à son projet. Ainsi, la politique de la canonnière a cédé la place à des moyens coercitifs, moins spectaculaires mais tout aussi efficaces, parmi lesquels le chantage à la dette qui a permis aux Chinois d’obtenir une concession de quatre-vingt-dix-neuf ans sur le port sri-lankais de Hambantota.
La guerre est donc consubstantielle à la route dans la mesure où celle-ci est à la fois un enjeu politique et un vecteur de puissance. La multitude des lignes de communication qui parcourent aujourd’hui la planète est autant un facteur de progrès qu’elle serait un démultiplicateur de violence si demain un conflit éclatait. Les routes, qu’elles soient maritimes, terrestres, aériennes, spatiales, cybernétiques ou hertziennes, offrent des combinaisons tactiques infinies qui complexifient autant qu’elles amplifient les effets des opérations militaires.
Car la guerre est mouvement et la façon de déplacer les forces conditionne depuis longtemps les succès tactiques sur le terrain. Jomini rappelle que « si l’art de la guerre consiste à mettre en action le plus de forces possibles au point décisif du théâtre des opérations, le choix de la ligne d’opérations étant le premier moyen d’y parvenir peut être considéré comme la base fondamentale d’un plan de campagne »1. Clausewitz constate pour sa part : « Lorsqu’au milieu du siècle dernier, surtout sur le théâtre de la guerre de Frédéric II, le mouvement commença à être considéré comme un principe spécifique de la lutte, et que l’on se mit à arracher la victoire grâce à des mouvements inattendus, l’absence d’un ordre de bataille organique rendit nécessaires les dispositions de marches les plus compliquées et les plus malcommodes2. »
Le génie de Napoléon fut justement de créer cet ordre de bataille organique, en l’occurrence des corps d’armée capables de combattre de façon autonome, qui lui permit de faciliter le déplacement de ses troupes et de réinventer l’art de la guerre. Dès la campagne d’Italie, Bonaparte subjugua l’Europe parce que, le premier, il comprit que les jambes de ses soldats avaient autant de valeur tactique que leurs fusils et les canons. Les routes ont donc joué un rôle majeur dans la tactique napoléonienne et plus généralement dans l’art de la guerre moderne.
Depuis, les innovations tactiques n’ont cessé d’aller dans le sens du mouvement et d’une accélération du tempo des opérations. Si Frédéric II fut l’un des artisans du renouveau de la guerre de mouvement à une époque où la guerre de siège faisait encore florès dans le reste de l’Europe, c’est parce qu’il savait que les moyens limités de la Prusse l’obligeaient à une décision militaire rapide. Dès lors, cette nécessité politique se traduisit par un impératif stratégique et tactique : maîtriser le temps et donc l’espace. Voilà pourquoi tout dans la guerre ramène aux routes.
Au fil des siècles, la tactique a consisté à viser les lignes de communication adverses. La manœuvre de la porte à tambour, dont la paternité revient à Hannibal et qui consiste à faire avancer les forces ennemies pour mieux les tourner, est dans l’esprit de nombreux stratèges l’alpha et l’oméga de la manœuvre tactique. Si la bataille de Cannes est considérée comme un chef-d’œuvre, c’est parce qu’elle est l’illustration parfaite des résultats vertigineux que peut donner une manœuvre dont le point d’application n’est pas les forces ennemies mais leurs lignes de communication. Turenne à la bataille de Turckheim en 1675, Frédéric II à celle de Leuthen en 1757, Von Manstein avec la quatrième version du plan jaune en 1940 renouvelèrent cette démonstration. Couper le cordon ombilical reliant les armées à leurs lignes arrières reste un objectif tactique qui a traversé les siècles, d’Alexandre le Grand au général Schwarzkopf.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Un premier constat s’impose : si l’avant et l’arrière, au sens où on l’entendait durant les deux conflits mondiaux et pendant la guerre froide, sont aujourd’hui moins immédiatement perceptibles en raison des nouvelles « guerres au sein des populations », selon l’expression du général Rupert Smith, ces deux grandes caractéristiques d’un théâtre de guerre n’ont pas disparu pour autant. La réflexion tactique et stratégique, qui consiste à identifier et à détruire les fondements de la puissance militaire ennemie, et plus généralement sa volonté de combattre, renvoie encore et toujours aux lignes de communication qui unissent l’avant à l’arrière. Clausewitz avait identifié leur importance au travers de leur double fonction de ravitaillement pour alimenter les forces combattantes et de lignes de retraite. La guerre de demain, quelle que soit sa forme, consistera à s’attaquer à ces lignes de communication et donc aux routes qui les parcourent.
C’est là qu’apparaît un deuxième constat : les routes ont pris une importance croissante depuis la seconde moitié du xxe siècle. La libre circulation des biens et des personnes ainsi que l’avènement des sociétés de l’information ont fait de l’entrelacs des lignes de communication qui maillent la planète le système à la fois sanguin et nerveux des sociétés modernes. La route est aujourd’hui plus que jamais cause et conséquence de la guerre. Cette dépendance toujours plus grande des sociétés aux flux de toute nature ne laisse pas d’interroger sur le niveau réel de résilience de leurs remarquables trinités clausewitziennes, et notamment la force des liens qui unissent leurs populations à leurs gouvernements et à leurs armées. Qu’adviendrait-il si demain un conflit de haute intensité survenait, qui mettrait aux prises la France, ou l’un de ses alliés, à un pays dont les capacités militaires seraient équivalentes aux siennes ? Comment réagirait notre société si une partie des flux qui assurent aujourd’hui le fonctionnement de son outil de production économique et de ses moyens d’information était rompue ? On n’ose imaginer le chaos dans lequel elle pourrait être plongée.
Un troisième constat devient alors évident : si la stratégie est une lutte pour conserver sa liberté d’action, celle-ci exigera demain un combat acharné pour le contrôle des lignes de communication. Il sera multiforme et multidimensionnel selon les canons de la « guerre hors limites » que deux officiers chinois, Qiao Liang et Wang Xiangsui, ont définie dans leur livre éponyme : « Si ce nom est établi, il indiquera que tous les moyens seront disponibles, que l’information sera générale et que le champ de bataille sera partout. Cela signifie que toutes les armes et toutes les techniques pourront être imposées à loisir ; que toutes les frontières qui séparent les mondes de la guerre et de la non-guerre seront totalement abolies ; également que les principes actuels du combat devront être modifiés et, même, que les lois de la guerre devront être réécrites3. »
La route, ou plutôt les routes, sont donc plus que jamais une notion pertinente pour penser les opérations futures. Leur maîtrise sanctionnera la suprématie militaire d’un camp sur l’autre.
La première exigence tactique sera d’être capable de contrôler tous les types de routes, car la manœuvre militaire sera globale. Elle s’étendra à tous les espaces de la conflictualité moderne : aérien, maritime, terrestre, cybernétique, exo-atmosphérique, électromagnétique et informationnel. Le camp qui l’emportera sera celui qui parviendra à déplacer et à faire combattre ses forces simultanément dans ces sept espaces, et à y varier leurs efforts en fonction des moments de sa manœuvre.
L’histoire de la guerre montre que les révolutions tactiques consistent d’abord à dominer toutes les dimensions d’un théâtre d’opérations et à être capable d’y imprimer un mouvement continu de ses forces. Alexandre parvint à vaincre l’immense armée perse de Darius grâce à la complémentarité des mouvements entre sa cavalerie et ses phalanges d’hoplites. Napoléon conquit l’Europe parce qu’il sut faire manœuvrer ses corps d’armée sur la totalité du théâtre de la guerre. Ses plus grandes victoires – on pense à Ulm, Austerlitz et Iéna – sont le résultat d’une série de mouvements au plan opératif qui lui permirent, soit de manœuvrer « sur les derrières de l’ennemi », soit de séparer les forces de celui-ci lorsqu’il avait la supériorité numérique « pour mieux le battre dans le détail ». Il finit par être vaincu dès qu’il perdit définitivement l’avantage décisif que constituait le contrôle de toutes les grandes voies de communication, notamment dans le domaine maritime. Ce sont moins les Panzerdivisionen de la Wehrmacht qui inventèrent le Blitzkrieg que le couple blindé/avion qui, pour la première fois, permit de conduire un combat coordonné dans les dimensions terrestres et aériennes du champ de bataille. Le principe d’ubiquité, qu’il faut comprendre comme la capacité à combattre simultanément dans tous les espaces de la conflictualité, conditionne l’application des trois grands principes de la guerre de Foch : liberté d’action, économie des moyens, concentration des efforts.
La deuxième exigence tactique sera symétriquement inverse à la première : il s’agira d’empêcher l’ennemi de déployer sa manœuvre dans les sept espaces que nous avons identifiés, et plus particulièrement dans les espaces aérien, exo-atmosphérique et cybernétique dont la maîtrise conditionnera le contrôle des quatre autres espaces. Acquérir la supériorité aérienne, spatiale et cybernétique sera le préalable à toute action décisive, car d’elle dépendra la supériorité décisionnelle, premier des facteurs de la supériorité tactique.
Les deux guerres du Golfe et les combats récents dans le Haut-Karabakh ont montré combien la supériorité opérationnelle acquise dans ces trois espaces était fondamentale. Faut-il pour autant penser que la maîtrise des lignes de communication aériennes, spatiales et cybernétiques serait suffisante pour triompher de l’ennemi ? Non, car demain comme aujourd’hui et hier, la victoire continuera de se matérialiser sur terre et sur mer parce que c’est là que vivent les sociétés humaines. Conduire des actions offensives pour couper les lignes de communication adverses tout en veillant à protéger les siennes renvoie à l’escrime stratégique chère au général Beaufre, où la riposte a au moins autant de valeur tactique que l’attaque. Le principe de dualité, qui consiste à conduire une manœuvre à double détente dont le but est de contrer les actions adverses tout en maintenant ses propres objectifs stratégiques, traduit la dimension éminemment dynamique de cette guerre globale et totale où les sept espaces de la conflictualité moderne offrent à chacun des adversaires une multitude de combinaisons tactiques. Le but de la stratégie restera toujours le même : « Convaincre l’adversaire qu’engager ou poursuivre la lutte est inutile4. » Mais la façon d’y parvenir, c’est-à-dire la tactique employée, différera. Il ne s’agira plus de rechercher une bataille décisive selon la conception clausewitzienne de la guerre, mais d’étouffer progressivement la liberté de manœuvre de l’ennemi en le privant de l’accès à certains espaces déterminants du combat. Les efforts initiaux seront donc concentrés sur la prise de contrôle des lignes de communication aériennes, spatiales et cybernétiques ennemies, car le premier des deux camps qui y parviendra aura des chances très raisonnables d’amener son adversaire à résipiscence.
La troisième exigence tactique est donc la capacité à fournir, dès le début d’un conflit, un effort de guerre suffisamment intense pour prendre l’initiative des opérations et ne plus la perdre. L’histoire militaire du siècle dernier montre qu’il est de plus en plus difficile de rétablir une situation compromise au moment de l’entrée en guerre. En 1914, il fallut un mois pour que l’armée française réussisse à arrêter l’offensive allemande qui menaçait Paris. Elle n’y parvint que grâce à la « désobéissance de von Kluck », comme le constata le capitaine Charles de Gaulle en 19245.
En 1940, le commandement français, sidéré par la puissance de la déferlante allemande, attendit vainement un nouveau miracle de la Marne. Un mois et quinze jours après le début de l’offensive allemande, le général Huntziger, chef de la délégation française, signait la convention d’armistice dans le wagon de Rethondes. Vingt-sept ans plus tard, du 5 au 10 juin 1967, l’armée israélienne défit les armées égyptiennes, syriennes et jordaniennes lors de la guerre des Six-Jours. Dès la fin de la première journée, la moitié de l’aviation arabe était détruite, et le soir du sixième jour, les armées des trois pays coalisés étaient mises hors de combat. En moins d’une semaine, l’État hébreu tripla son emprise territoriale : l’Égypte perdit la bande de Gaza et la péninsule du Sinaï, la Syrie fut amputée du plateau du Golan, la Jordanie de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
Le rythme de la guerre éclair ne cessa de s’accélérer au cours des années suivantes : en 1991, la première guerre du Golfe vit les troupes irakiennes qui occupaient le Koweït capituler après une offensive des forces de la coalition internationale qui dura à peine cent heures ; en 2003, le Corps expéditionnaire américano-britannique conquit l’Irak et fit tomber le régime de Saddam Hussein en dix-neuf jours. Ces victoires éclairs ont toutes un point commun : les vainqueurs ont, à chaque fois, pris l’initiative des combats et leur manœuvre a consisté avant tout à s’assurer la maîtrise des espaces leur conférant une supériorité opérationnelle totale. Le rythme très élevé qu’ils ont alors pu imprimer à leurs opérations n’a pas laissé le temps à leurs ennemis de réagir. Ces derniers furent presque spectateurs de leurs défaites.
Les progrès continus dans les domaines de la précision et de la portée des armements, de la détection, de l’observation, de la transmission des données, et ceux attendus dans les domaines de l’« hyper vélocité » des missiles, de la robotisation des systèmes d’armes et du tri des données, vont permettre de réduire encore un peu plus le brouillard de la guerre et les frictions du champ de bataille, et d’accroître ainsi l’avantage de celui qui prendra l’initiative du combat. Dans ce nouveau contexte technico-opérationnel, le principe tactique de réactivité, c’est-à-dire la capacité à contrer très rapidement un ennemi qui tenterait de prendre l’initiative des combats, apparaît fondamental dans la mesure où il conditionne l’issue du conflit.
Aujourd’hui, la valeur d’une armée se mesure non seulement à l’aune de son aptitude à mener une manœuvre coordonnée dans les sept espaces de la conflictualité moderne, mais aussi à sa capacité à fournir un effort de guerre intense dès la phase initiale du conflit. On mesure alors toute la vacuité du concept de remontée en puissance envisagé pour atténuer certaines impasses capacitaires. Au moment où retentira le premier coup de canon, il sera trop tard pour espérer se doter des moyens humains et matériels qui pourraient faire défaut.
« Trop tard », c’est justement par ces deux mots que le général Mac Arthur avait coutume de définir la défaite. À l’heure où la dimension artistique de la guerre semble progressivement s’effacer devant sa dimension scientifique, et où le maillage des routes réelles et virtuelles constitue autant de lignes de manœuvre qui accéléreront immanquablement le rythme des opérations, il semble qu’il faille ajouter à l’appréciation lapidaire du libérateur des Philippines et vainqueur d’Inchon deux nouveaux mots : « Trop lent. »
1 A.-H. Jomini, Précis de l’art de la guerre, Paris, Perrin, 2001, p. 186.
2 C. von Clausewitz, De la guerre, rééd. Paris, Les Éditions de Minuit, 2006, p. 347.
3 Q. Liang, W. Xiangsui, La Guerre hors limites, Paris, Payot et Rivages, 2003, pp. 39-40.
4 A. Beaufre, Introduction à la stratégie, rééd. Paris, Hachette, 2009, p. 35.
5 Ch. de Gaulle, La Discorde chez l’ennemi, rééd. Paris, Perrin, 2018.
It is likely that man began to fight in ever more sophisticated ways and in ever greater areas the day he became aware of the riches available in the wider world and decided to move in to seize them. Around 1274 BC, the first known battle in human history was between the Hittites and the Egyptians at Qadesh, in what is now southern Syria. This town, situated on the northern and southern borders of these two warring empires, was a major trade route crossroads, due to its privileged location on the Orontes river and the Mediterranean coast.
The great periods of expansion, all of which were accompanied by conflict, saw the opening up of new land and sea routes. Rome conquered Gaul, part of the British Isles and the entire Mediterranean basin by developing a road network of exceptional quality for the time, covering a total length of 320,000 kilometres. By an irony of fate or a casualty of war, this road network also helped to hasten the fall of the empire by facilitating invasions by the Ostrogoths, the Huns and the Visigoths from the third century onwards.
The Silk Route that linked China to the Mediterranean via Central Asia and Iran, was created for political and military reasons. The Han Chinese emperors, besieged by Xiongnu nomadic barbarians, needed allies and horses. So they decided to open up the silk trade, which was a state monopoly at the time. It is not surprising, in these circumstances, that it was a general, Zhang Qian, who was entrusted with the mission of building the first section of this route in the second century BC. The Silk Route subsequently became the catalyst for the greatest geopolitical upheavals in the Middle Ages: the advent of the Khazar empire in the sixth century, the Mongolian empire in the thirteenth century and the Ottoman empire almost one hundred years later, before the fall of Constantinople in 1453.
The quest for the route to India, a direct sea route from Europe to the East Indies via the kingdoms of Spain and Portugal from the fifteenth century onwards, also gave rise to conflicts which have shaped our modern world. In the wake of Christopher Colombus, Vasco de Gama and Magellan, came Francisco Pizarro, Hernan Cortès and Francisco de Almeida. These conquistadors carved out the Spanish and Portuguese empires in the New World.
From the sixteenth to the nineteenth century, history repeated itself when the British and the French in turn established new sea routes to North America, Africa and Asia. They too built huge colonial empires after defeating the indigenous armies as a result of the technical superiority of their expeditionary forces.
The gradual construction of a global network of land, sea and air routes has thus marked man’s advancement towards the modern era. The movement of people and trade, and the spread of ideas were sources of significant technical, scientific and economic progress. But every coin has two sides. All exchanges, whether material or immaterial, are, first and foremost, a political act and therefore potentially belligerent, if we consider, as Clausewitz invites us to do, that war is no more than a particular form of political expression. For this reason, globalisation has not been, and will never be, entirely harmonious. Routes will always be a source of rivalry, tension and conflict between nations.
Thus, the new Silk Route, launched in 2013 by the Chinese government, is part of the same logic—power assertion. The Belt and Road Initiative, a set of maritime and rail links between China and Europe, is, in fact, a global project the aim of which is to enable China (the Middle Kingdom) to deploy its foreign investments in rail, road and port infrastructure projects. Following the example of Britain from the early sixteenth century onwards, the mighty Chinese state aims to set up trading posts by creating ports and platforms for civilian and military use that will provide logistic relays for the nation. China’s decision to develop an overland route to Europe, in addition to a sea route, also responds to a clearly stated desire to circumvent a potential maritime embargo that could be imposed by the United States or its allies. War is always lurking in the shadows of commercial and strategic considerations and no-one should be surprised by the sharp power that China demonstrates towards countries that may be uncooperative with respect to the project. In this way, gunboat policy has given way to less spectacular, but equally effective, coercive means, including debt blackmail, which has enabled the Chinese to obtain a ninety-nine year concession on the Sri Lankan port of Hambantota.
Routes and roads are, therefore, part and parcel of war, insofar as they are both a political issue and a vector of power. The innumerable lines of communication that today cover the planet are as much a factor of progress as an incubator of violence, should conflict break out tomorrow. Routes, whether they be sea, land, air, space, cyber or radio, offer infinite tactical permutations that both hamper and amplify the impact of military operations.
For war is movement, and the manner in which military forces move has long conditioned tactical success in the field. Jomini reminds us that “If the art of war consists of deploying the mass of army forces at the decisive point in the theatre of operations, the choice of line of operations, being the primary means of achieving this, can be considered to be the very foundation of a campaign plan1.” Clausewitz noted, “When, in the middle of the last century, particularly in Frederick II’s theatre of war, troop movements began to be considered to be a specific combat tactic, and victory was achieved by means of unexpected manoeuvres, the absence of an organic order of battle made it necessary to implement extremely complex and impractical marching arrangements2.”
Napoleon’s genius was precisely to establish an organic order of battle, that is, army corps capable of fighting autonomously, which then allowed him to clear the way for troop movements. In this way, he reinvented the art of war. As early as the Italian campaigns, Bonaparte subjugated Europe because he was the first to understand that his soldiers’ legs were of as much tactical value as their guns and cannons. Roads thus played a major role in Napoleonic tactics and, more generally, in the art of modern warfare.
Since then, tactical innovations have continued to be based on military movements and acceleration of the pace of operations. Frederick II was one of the artisans of the revival of war of movement at a time when siege warfare was still flourishing in the rest of Europe, because he knew that Prussia’s limited resources forced him to make swift military decisions. This political necessity turned into a strategic and tactical requirement: the control of time and, therefore, space. This explains why, in war, everything comes back to roads.
Throughout the centuries, tactics have aimed at targeting enemy lines of communication. The double envelopment tactic, attributed to Hannibal, consisting in forcing enemy forces forward in order to gain a better position to surround them, is, in the eyes of many strategists, the nec plus ultra of tactical manoeuvres. The battle of Cannes is considered to be a masterpiece because it is the perfect illustration of the dazzling results that can be achieved by a manoeuvre that does not focus on enemy troops themselves, but on their lines of communication. Turenne, at the battle of Turckheim in 1675, Frederick II at the battle of Leuthen in 1757, Von Manstein with the fourth version of Case Yellow in 1940 (the Manstein plan) all applied this tactic. Cutting the umbilical cord linking armies to their rear lines is a tactical objective that has spanned the centuries, from Alexander the Great to General Schwarzkopf.
What is the situation today? The first observation that can be made is that front and rear lines, in the sense in which they were understood during the two world wars and the Cold War, are not so directly observable today due to the new “wars amongst the people”, as General Rupert Smith put it. However, these two major components of the theatre of war have not disappeared, for all that. Tactical and strategic thinking, which involves identifying and destroying the foundations of the opponent’s military power and, more generally, its will to fight, still refers to the lines of communication between the front and the rear. Clausewitz recognised their importance due to their dual function as supply lines and lines of retreat. Whatever form it may take, tomorrow’s war will entail attacking these lines of communication and the routes that run through them.
This is where a second observation comes to light: roads have gained increasing importance since the second half of the twentieth century. The free movement of goods and persons, together with the advent of the information culture, have made the interlacing lines of communication that criss-cross the planet the bloodstream and nervous system of modern society. More than ever today roads are both the cause and the consequence of war. Society’s ever-increasing dependence on flows of all kinds never ceases to question the true level of resilience of its wondrous Clausewitz Trinities, and in particular, the strength of the ties linking populations to their governments and armies. What would happen tomorrow if a high-intensity conflict were to arise, pitting France or one of its allies against a state with equivalent military capabilities? How would society react if some or part of the flows that ensure our economic production resources and our communication means were interrupted? We cannot imagine the chaos into which it could be plunged.
A third observation then becomes apparent: if strategy is a struggle to preserve freedom of action, in the future, this will entail a fierce battle to control the lines of communication. This battle will be multifaceted and multidimensional according to the doctrine of “unrestricted warfare” defined by two Chinese officers, Qiao Liang and Wang Xiangsui, in their book of the same name. “If this is an established term, it suggests that all means will be deployed, that intelligence will be public and that the battlefield will be everywhere. This means that it will be possible to impose weapons and all methods at will, and that all boundaries separating the worlds of war and non-war will be totally obliterated. It also signifies that current principles of combat will have to be revised and even the doctrine of war will have to be re-defined3.”
More than ever, therefore, roads, or routes in general are an extremely pertinent concept when considering future military operations. Control of them will sanction supremacy of one side over another.
The first tactical requirement will be to control all forms of routes, because martial manoeuvres will be global. They will extend to all theatres of modern warfare—air, sea, land, cyber, exo-atmospheric, electromagnetic, plus the intelligence environment. The victor will be the side that manages to shift its forces and fight in these seven domains simultaneously and adjust its forces’ effort as function of the timing of their manoeuvres.
The history of warfare demonstrates that tactical revolutions consist, first and foremost, in dominating all domains of a theatre of operation and in engaging forces in continuous movement. Alexander the Great was able to defeat Darius III’s huge Persian army thanks to complementary movements by his cavalry and his phalanx of hoplites. Napoleon conquered Europe because he was able to manoeuvre his military units across the entire theatre of war. His greatest victories—Ulm, Austerlitz and Jena—were the result of a series of operational movements that allowed him to manoeuvre either “at the back of the enemy” or to separate enemy forces when they had numerical superiority in order to “beat them individually”. He was eventually defeated once he lost the decisive advantage of controlling all major routes of communication, in particular maritime routes. It was not so much the Wehrmacht’s Panzerdivisionen that invented the Blitzkrieg, as the pairing of armoured vehicles and aircraft, which, for the first time, made it possible to conduct coordinated attacks in the land and air battlefield domains. The principle of omnipresence, which should be understood as the capacity to fight simultaneously in all domains of conflict, conditions the application of Foch’s three great principles of war—freedom of action, economy of means and concentration of effort.
The second tactical requirement will be diametrically opposed to the first—it will involve preventing the enemy from manoeuvring in the seven military domains referred to above, and particularly in the air, exo-atmospheric and cyber domains; control of these will condition domination of the four other domains. The acquisition of air, space and cyber supremacy will be the prerequisite for any decisive action, because it will depend on decisional superiority, which is key to gaining tactical advantage.
The two Gulf wars and recent conflicts in Upper Karabakh have demonstrated the extent to which operational superiority in these three domains is fundamental. Does this mean that domination of the air, space and cyber lines of communication is enough to triumph over the opponent? No, because in the future, as now and in the past, victory will continue to materialise on land and sea, because this is where human society exists. Conducting offensive actions to cut off the enemy’s lines of communication, whilst ensuring that one’s own lines are protected, is reminiscent of the strategic fencing analogy so dear to General Beaufre, where a riposte has at least as much tactical value as an attack. The principle of duality—conducting a two-stage manoeuvre with the aim of countering enemy action whilst maintaining one’s own strategic objectives—reflects the highly dynamic dimension of this global and total war, where the seven domains of modern warfare offer each opponent a multitude of tactical combinations. The purpose of the strategy remains the same: “to convince the enemy that there is no point in engaging in or continuing the fight”4. But the way to achieve this, i.e. the tactics employed, will be different. It will no longer be a question of seeking a decisive battle according to the Clausewitzian concept of war, but to gradually stifle the enemy’s freedom of movement by depriving him of access to certain critical areas of combat. Initial efforts will therefore focus on taking control of enemy air, space and cyber communication lines, as the first of the two sides that manages to do so will have a more than reasonable chance of bringing his opponent to heel.
The third tactical requirement is therefore to be able, from the onset of combat, to deliver a sufficiently intense war effort to be in a position to take the operational initiative and not lose it. Military history in the last century shows that it is increasingly difficult to re-establish a situation that has been compromised at the outset of war. In 1914, it took a month for the French army to stop the German offensive that was threatening Paris. And, as Captain Charles de Gaulle observed in 1924, it only succeeded because of “Von Kluck’s disobedience5.”
In 1940, the French command, stunned by the power of the German onslaught, waited in vain for another miracle on the Marne. One month and fifteen days after the start of the German offensive, General Hunzinger, head of the French delegation, signed the armistice agreement in a railway carriage at Rethondes. Twenty-seven years later, from 5th to 10th June 1967, the Israeli army defeated the Egyptian, Syrian and Jordanian armed forces in the Six Day War. By the end of the first day, half of the Arab air force had been destroyed and by the evening of the sixth day, the armies of the three coalition states were forced out of action. In less than a week, Israel had tripled its territorial hold: Egypt lost the Gaza strip and the Sinai peninsula, Syria was stripped of the Golan Heights and Jordan lost the West Bank and East Jerusalem.
The pace of the Blitzkrieg continued to accelerate in subsequent years: in 1991, during the first Gulf War, Iraqi troops occupying Kuwait capitulated following an international coalition force offensive that barely lasted a hundred hours; in 2003, the American-British expeditionary force conquered Iraq and toppled Saddam Hussein’s regime in nineteen days. These lightning victories all have one thing in common—in each case, the victors took the initiative and their tactics consisted, above all, in ensuring control of the domains that gave them total operational superiority. The extremely rapid tempo they were able to set for their operations did not give the enemies time to react. They were almost spectators of their own defeat.
Continual progress in weapons accuracy and range, detection, observation, data transmission and expected progress in hyper-velocity missiles, weapon system robotisation and data sorting will further reduce the fog of war and battlefield friction, thus increasing the advantage of the side that initiates combat. In this new technical and operational context, rapid reaction tactics, that is, the capability of countering extremely swiftly an enemy attempt to initiate combat, appears to be fundamental, insofar as it conditions the outcome of the conflict.
Today, the value of an army is measured not only by its ability to conduct coordinated operations in the seven domains of modern warfare, but also by its capacity to provide an intense war effort from the outset. This leads us to recognise the futility of the idea of ramping-up power in order to mitigate certain deficits of capacity. By the time the first cannon shot is fired, it will already be too late to hope to procure any human and material resources that might be lacking.
“Too late”—these were the precise words used by General Mac Arthur to define defeat. At a time when the art of war seems to be gradually declining in favour of its scientific dimension, and when the network of real and virtual routes is forming so many lines of manoeuvre, which will inevitably step up the pace of operations, it would seem that two more words could be added to that concise assessment by Mac Arthur, liberator of the Philippines and victor of Incheon — “Too slow”.
1 A.-H. Jomini, Précis de l’art de la guerre, Paris, Perrin, 2001, p. 186.
2 C. von Clausewitz, De la guerre, re-issue. Paris, Les Éditions de Minuit, 2006, p. 347.
3 Q. Liang, W. Xiangsui, La Guerre hors limites, Paris, Payot et Rivages, 2003, pp. 39-40.
4 A. Beaufre, Introduction à la stratégie, re-issue. Paris, Hachette, 2009, p. 35.
5 Ch. de Gaulle, La Discorde chez l’ennemi, re-issue. Paris, Perrin, 2018.