Le 26 août 1914, Adolphe Messimy, député radical-socialiste de l’Ain et ministre de la Guerre, demande à être reçu par le président de la République Raymond Poincaré pour lui rendre compte de la nomination du général Gallieni au poste de gouverneur militaire de Paris. À l’issue d’un bref entretien, il se rend au quai d’Orsay pour y rencontrer René Viviani, président du Conseil. Ce dernier lui apprend qu’au titre de l’Union sacrée, Briand, Delcassé et Millerand acceptent de participer à un gouvernement de « réconciliation nationale », sous réserve pour ce dernier d’obtenir le ministère de la Guerre. En contrepartie de son éviction, Messimy se voit proposer par Viviani de devenir ministre d’État sans portefeuille. Surpris, il refuse d’un bloc « de faciliter une opération purement politique ». Cette attitude intransigeante oblige le président du Conseil à présenter immédiatement la démission collective de son ministère. Sans attendre, Messimy quitte « non sans un certain soulagement » l’Hôtel de Brienne, après avoir exercé de hautes responsabilités dans des circonstances exceptionnelles. Dès le 1er septembre, revêtu de son uniforme de chef de bataillon, il rejoint l’état-major de la Ire armée, persuadé que le « ministre d’hier [ne doit pas] disparaître derrière le chef de bataillon d’aujourd’hui ».
Cette simple phrase demeure sans conteste la ligne de conduite qui structure en grande partie la carrière et l’action d’Adolphe Messimy, aujourd’hui disparu dans les profondeurs de l’Histoire. Ainsi, dès son élection à l’Assemblée nationale, le militaire n’a jamais cessé de fusionner avec le politique et vice versa. Les rares notices biographiques, en particulier celles de l’Assemblée nationale et du Sénat, ne donnent donc qu’un aperçu très incomplet de ce que fut la vie de cet homme atypique, qui n’a eu de cesse d’agir autrement, et pour lequel l’affaire Dreyfus reste l’« élément fondateur » de trente-trois ans d’engagement politique. Officier par vocation, député, sénateur et ministre par conviction, républicain par passion, il est indéniable que ce « brillant second », d’après l’ancien président du Conseil Joseph Caillaux, est toujours resté fidèle à ses idées.
Adolphe Messimy, né le 31 janvier 1869, est éduqué principalement par sa mère, dont le patriotisme n’a d’égal que la piété religieuse. Elle garde les yeux braqués sur la ligne bleue des Vosges, alors que son mari, à la tête d’une étude notariale, voit en son fils aîné son digne successeur. Il n’en sera rien. En 1887, âgé d’à peine dix-huit ans, le jeune Adolphe intègre Saint-Cyr au sein de la promotion « Tombouctou »1. Cette décision, mûrement réfléchie, lui permet de découvrir une institution qu’il ne connaît guère, car étrangère à l’histoire familiale2. À l’issue d’une scolarité décevante, en raison principalement de méthodes d’instruction trop académiques, où « la mémoire est jugée plus importante que la réflexion », il rejoint le 13e bataillon alpin de chasseurs à pied, en garnison à Chambéry. Montagnard depuis son plus jeune âge3, il intègre « ce corps d’élite où l’esprit militaire [est] constamment en éveil ». Très proche de ses hommes, intrépide et alpiniste accompli, il va effectivement y connaître « cinq années de vie active, de fierté juvénile et de sport magnifique », avant de réussir, en 1894, âgé de vingt-cinq ans, le concours de l’École supérieure de guerre (esg), cénacle de la pensée militaire.
Le 5 janvier 1895, dans la cour de l’École militaire, aux côtés des autres élèves des deux promotions de l’esg, le lieutenant Messimy assiste à la dégradation du capitaine Dreyfus. Malgré les doutes qui l’assaillent, il fait taire ses divergences et accepte la décision des sept membres du Conseil de guerre. Pourtant, au fil du temps, le souvenir de cette destitution infamante devient, « dans la grave et déterminante crise qui devait déchirer [sa] conscience quatre années plus tard, la petite lueur qui a éclairé [sa] route ». Affecté en 1896 à l’état-major du xive corps d’armée, à Lyon, cet « officier intelligent et dévoué, plein de vigueur et d’entrain, […] apte à rendre d’excellents services », commence à déranger en raison de son adhésion progressive à la révision du procès. Le 13 janvier 1898, Messimy prend connaissance de l’article de Zola « J’accuse ! », dont il reçoit chacune des phrases comme une gifle. Se remémorant la dégradation, cet esprit libre réalise alors pleinement qu’il a assisté « à une erreur judiciaire », et refuse sans détour de couvrir plus longtemps les mensonges et les forfaitures du haut commandement. Non sans courage, refusant tout conformisme de façade, il ne ménage pas ses critiques malgré des conséquences prévisibles, sans pour autant s’engager dans le débat public. Très vite, il se retrouve au banc des accusés, ses camarades d’hier lui faisant sentir qu’il n’est plus des leurs puisqu’il « pactise avec les antimilitaristes ». Considéré comme réfractaire à la cohésion militaire, il est poussé à la démission par sa hiérarchie. Le 1er septembre 1899, persuadé que les pratiques en cours « ne conviennent plus à l’armée d’une nation démocratique », il quitte le service actif, sans pour autant rompre tout lien avec l’institution4. Peu enclin à abdiquer toute conviction, il retrouve ainsi sa liberté de parole5. Il est alors bien décidé à s’engager autrement et à tout faire pour construire l’armée de demain, celle dont la République a besoin.
Messimy a donc brisé l’épée et se retrouve plongé dans une société civile qu’il connaît peu, s’apercevant rapidement qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Pendant trois années, il cherche à se donner les moyens d’intégrer le sérail politique sans en connaître les codes d’accès. Finalement, il est remarqué en 1901 par le ministre de la Guerre Maurice Berteaux, séduit par les idées qu’il défend dans un article intitulé « L’armée républicaine de demain »6, paru dans la Revue politique et parlementaire. Adoubé quelques mois plus tard par le jeune parti radical-socialiste, Messimy se présente à la députation en 19027 dans la 1re circonscription du xive arrondissement de Paris. Plongé dans l’expérience inédite d’une campagne électorale dans un quartier populaire, « parmi les plus délaissés de la capitale », il se trouve confronté au militantisme ouvrier au sein duquel règne un climat « d’idéalisme passionné et de lutte pleine de dignité et de grandeur ». Après des débuts difficiles, son inexpérience devient un atout et il bénéficie de l’antiparlementarisme ambiant qui pousse le peuple à élire de nouvelles têtes. Partisan d’une « politique audacieuse et réfléchie, scientifique et généreuse », à opposer « aux passions brutales du césarisme renaissant », évoquant régulièrement l’armée lors des réunions publiques, sujet qui lui tient à cœur, il est élu au second tour, apparaissant comme le rassembleur d’un vaste mouvement incluant toute la gauche.
Après avoir « éprouvé les fièvres d’une campagne électorale », Messimy sait que le plus difficile reste à faire, et qu’il lui faut se forger un nom et une réputation. Entré par la grande porte au sein d’une élite somme toute restreinte, son passé d’ancien officier en rupture de ban ne laisse personne indifférent et lui confère une notoriété surprenante. Avant-gardiste et promoteur d’idées nouvelles, il apparaît dans les années qui suivent comme l’un des animateurs des débats sur l’armée et l’empire colonial. En effet, pour le militaire qu’il a été et pour l’homme politique qu’il est devenu, le principe de l’« union nécessaire de l’armée et de la République » reste intangible. Rapporteur du budget de la Marine (1904), de la Guerre (1907 et 1908) puis des Colonies (1909 et 1910), il promeut à chaque occasion sa conception de la « défense nationale », qui dépasse largement le simple volet militaire pour prendre en compte l’ensemble des forces vives de la nation. C’est ainsi qu’en 1906, face à l’absence d’un organisme de coordination et de synthèse politico-militaire, il obtient la création du Conseil supérieur de la Défense nationale8, premier pas vers la formation d’un ministère unifié de la Défense nationale, capable d’impulser une politique de défense cohérente. En parallèle, cet homme de gauche, adepte du désarmement et de l’arbitrage international dont il souligne les avantages dans un ouvrage aujourd’hui oublié9, se fait le promoteur de la paix armée. Convaincu que la force militaire est la première ou la principale garantie pour maintenir la paix, il défend le principe de la juste suffisance, ou « comment maintenir l’équilibre entre la promotion de la paix et la défense ferme de la patrie ».
Ministre des Colonies et des Protectorats en mars 1911 (gouvernement Monis), puis de la Guerre trois mois plus tard (gouvernement Caillaux), Messimy marque de son autorité ce département régalien, jouant sans conteste un rôle décisif pour améliorer et redéfinir les relations entre le pouvoir politique et les autorités militaires. C’est ainsi qu’il réforme le haut commandement en installant des généraux dont l’attachement à la République ne souffre d’aucune ambiguïté, tout en imposant des embryons d’états-majors de corps d’armée permanents. Jamais résigné, déployant une énergie parfois démesurée, il refuse de se laisser influencer par les progrès militaires de l’ennemi allemand, n’ayant de cesse de prévenir ses compatriotes que le danger est aux frontières. Redevenu simple député en janvier 1912, il poursuit ses combats pour transformer une institution refermée sur elle-même, en proie au conservatisme, en une armée républicaine et moderne qu’il appelle de ses vœux depuis son entrée en politique10.
Malgré les réticences du président Raymond Poincaré, Messimy accepte de prendre de nouveau en main les destinées du ministère de la Guerre en juin 1914 (gouvernement Viviani). Face aux événements tragiques qui s’enchaînent, il n’écoute que son devoir et se jette corps et âme pour aider Joffre « à faire la guerre ». Il s’aperçoit rapidement que l’organisation du ministère ne répond pas aux exigences d’un conflit dont personne ne peut imaginer encore ni la durée ni la dureté. Confronté à des situations inédites, il tente de répondre le mieux possible à cette situation difficile. Mais il ne parvient pas à se départir de ce courant de la tradition républicaine des relations entre l’Exécutif et le haut commandement, selon laquelle le gouvernement doit laisser une très large liberté de manœuvre dans la conduite des opérations au généralissime désigné dès le temps de paix. Il reste dans un premier temps fidèle à cette ligne de conduite, mais, très vite, face aux premiers déboires et à la menace que font peser les armées allemandes, ce républicain au sang chaud rompt avec elle. S’inscrivant cette fois dans la tradition jacobine de la Patrie en danger, en homme déterminé, il intervient directement dans certaines décisions, notamment pour sanctionner les chefs dont il estime, lui l’ancien officier, qu’ils ont failli. Il est finalement évincé du gouvernement au nom de l’Union sacrée et en raison de la responsabilité que les parlementaires ainsi que l’opinion publique lui prêtent dans les déconvenues du début du conflit. Il n’hésite pas alors à rejoindre le front, considérant que c’est son devoir, son unique devoir d’officier et de Français. Son parcours de 1914 à janvier 1919, qui le voit terminer la guerre comme officier général à titre définitif, à la tête de la 162e division d’infanterie, deux fois blessé et titulaire de sept citations, reste inédit chez les parlementaires, mais également chez les officiers de réserve. Il est symptomatique de la constance de son engagement et de la fidélité à son idéal de jeune officier et d’élu de la République11.
À peine Messimy rejoint-il le Sénat en 1923, à la faveur d’une élection partielle, qu’il confirme sa stature d’homme de gauche intrinsèquement attaché « aux valeurs de liberté de l’individu et de justice ». Ancien ministre, membre puis président de la commission sénatoriale de l’Armée dès 1931, ce spécialiste des questions militaires, surveillant vigilant des grands corps de l’État, est particulièrement inquiet des tiraillements et des problèmes de personnes qui perdurent dans les problématiques de défense nationale. Conformément aux idées qu’il professait avant 1914, mais aussi profondément marqué par son expérience personnelle de quatre années d’une guerre industrielle meurtrière auprès des poilus, il estime que la stratégie militaire de la République doit ménager au maximum la vie des citoyens-soldats qui consentent librement à la conscription. Face à un voisin dont la plupart des élites civiles et militaires n’ont toujours pas reconnu la défaite, il se révèle partisan de la construction d’une ligne de fortifications s’étendant des Alpes au nord de la France, baptisée improprement ligne Maginot. Messimy rejoint ainsi le haut commandement dans ses efforts pour préserver l’idée de la nation armée tout en s’inscrivant dans une mobilisation défensive organisée à l’abri d’une barrière fortifiée.
Mais le plus grand combat livré par Adolphe Messimy demeure sans conteste celui qu’il continue à mener pour instaurer un grand ministère unifié de la Défense nationale. Cette constance est une marque de la continuité de son engagement politique, qui confirme ainsi la pérennité de son action pendant toute sa vie publique. En 1932, lorsqu’André Tardieu, président du Conseil, porte enfin sur les fonts baptismaux ce grand ministère, Messimy ne peut qu’approuver cette initiative. À ce sujet, sa pensée a évolué et s’avère particulièrement moderne. C’est ainsi qu’il fait désormais reposer cette création sur cinq piliers : la suprématie du pouvoir civil sur l’autorité militaire, le rôle du haut commandement dans la direction des opérations, la défense de l’empire colonial, partie intégrante de la défense nationale, l’orthodoxie budgétaire et la défense économique.
Enfin, l’intérêt d’Adolphe Messimy pour l’empire colonial ne se dément pas et dépasse les seuls enjeux strictement militaires. Il se fait ainsi le promoteur incessant du développement des colonies et de la formation des élites locales à la gestion des territoires, initiant dès 1931, fort du soutien gouvernemental, les grands emprunts coloniaux d’un montant de trois millions neuf cent mille francs, appelés logiquement emprunts Messimy. Président du Congrès de l’enseignement colonial en France, il se fait également, de nouveau, le porte-parole de l’empire colonial vis-à-vis de l’opinion publique métropolitaine qui reste, à ses yeux, indifférente à l’histoire des outre-mers. Enfin, le sénateur Messimy consacre toute son énergie à un projet qu’il défend lors de la Conférence économique de la France métropolitaine d’outre-mer qui se tient de décembre 1934 à avril 1935 à Paris, rassemblant bon nombre de personnalités éminentes et représentants du monde colonial. S’inscrivant dans la durée et dans l’avenir, il demande la création d’un Colonial Fund, ou Fonds national pour l’outillage public de la France d’outre-mer. En instaurant des moyens financiers pérennes, le gouvernement serait en mesure d’instituer une politique globale et cohérente pour l’empire colonial, respectant ainsi « un des devoirs essentiels et primordiaux de tous ceux qui ont à la fois le souci et une claire vision de la grandeur de la patrie ».
Le 1er septembre 1935, en vacances dans la maison familiale de Charnoz-sur-Ain, le général Messimy meurt brutalement d’une congestion cérébrale à l’âge de soixante-six ans, évitant « la tristesse du déclin que, dans le privé, [il disait] redouter ». Son décès, qui est un non-événement, est relayé poliment par la presse nationale, qui se plaît à souligner son « caractère droit, entier, d’une franchise totale […] qui méprisait les hypocrites du monde et de la politique, [n’ayant] jamais caché ce qu’il pensait ». Ses obsèques, « qui n’ont pas connu l’éclat qu’on a prodigué à d’autres qui le méritaient moins », se déroulent le 5 devant une foule nombreuse. Sa dépouille est ensuite inhumée, avec les honneurs militaires, dans le caveau familial au cimetière de Loyasse, à proximité de la basilique Notre-Dame de Fourvière, à Lyon.
Le souvenir de ce héraut de la République, qui a consacré toute sa vie d’officier et de parlementaire à son pays, a peu à peu disparu de la mémoire collective. Dès lors, la trace de l’action de cet homme s’est estompée, nombre d’historiens ne gardant de lui que son caractère tranchant et des décisions prises parfois à l’emporte-pièce, en particulier à l’été 1914. On oublie la plupart de ses combats, de ses engagements et de ses réussites pour ne conserver que le souvenir de ses échecs. Messimy, il est vrai, n’était pas un homme exceptionnel. Pourtant, des réformes et des intuitions fondamentales pour l’action des armées françaises pendant la Grande Guerre et, au-delà, pour le devenir des rapports politico-militaires à l’ère républicaine, doivent rester attachées à son nom. Technicien du monde militaire, fin connaisseur de l’outre-mer, il lui manquait certainement une âme « plus politique ». Par ailleurs, souvent cassant, parfois caractériel, on ne lui connaît aucun disciple, mais plutôt des amis fidèles. Tous, tels Joseph Paul-Boncour et Albert Lebrun, sans oublier plusieurs officiers généraux – Gamelin, Buat, Brissaud-Desmaillet – lui ont reconnu de nombreuses qualités et un engagement qui ne s’est jamais démenti pour défendre ses idées. Ainsi Joseph Caillaux qui, refusant de « laisser libre cours à sa peine et de réveiller un fragment éteint du passé », préfère évoquer « la figure de celui qui fut non seulement, de l’avis de tous, un magnifique soldat », mais qui, surtout, « en républicain irréprochable » et en « soldat de l’An II, […] rendit à la France des services dont un petit nombre seulement mesurent la valeur et l’étendue ».
De cet homme de réseaux plutôt que leader, adepte des contacts confidentiels, l’historiographie de la IIIe République n’en avait sans doute pas pris la mesure. Il n’en reste pas moins indéniable que Messimy, fort de son expérience, a toujours défendu au cours de ses trente-trois années de vie publique une véritable conception des rapports politico-militaires fondée sur la primauté du pouvoir civil sur l’autorité militaire, gage, selon lui, de sa loyauté et de son efficacité. Avec d’autres, dans un contexte de crise et à la faveur de l’arrivée au pouvoir des radicaux-socialistes, il a joué un rôle important pour en assurer l’institutionnalisation et la mise en œuvre au tournant du siècle. En effet, avant même les errements de 1914 et l’épreuve des tranchées qui l’ont conforté dans cette posture, il a fait partie du petit nombre des officiers entrés en politique à l’occasion de l’affaire Dreyfus, ayant rapidement pris conscience que l’armée de la République, malgré une position « centrale et primordiale », ne devait pas être conçue comme une entité propre et indépendante, aussi bien sur le terrain politique que fonctionnel. Dès lors, ce héraut de la République a été aussi un précurseur du concept de défense nationale, entendu au sens large, comprenant, outre sa dimension coloniale, un important volet économique. Messimy s’en est fait le fervent et tenace avocat, avant, pendant et après la Grande Guerre, au nom de son idéal démocratique et d’une préoccupation jamais démentie d’assurer l’efficacité des armées. Comme l’a souligné dans son éloge funèbre le sénateur d’Indre-et-Loire René Besnard, « que chacun trouve dans [son] souvenir, […] une force naturelle afin d’accomplir, après lui, ces grands labeurs qu’il résumait lui-même d’un mot : servir ».
1 Ses camarades de promotion s’appellent Mangin, Girodon, Lacapelle, Brissaud-Desmaillet ou encore Mordacq.
2 Son frère suivra ses traces quelques années plus tard, avant de décéder de maladie en cours de scolarité.
3 Membre du Club alpin français depuis ses seize ans, Messimy est un excellent alpiniste. En 1891, il effectue seul une reconnaissance en territoire italien, avant d’être le premier chef de section à séjourner en plein hiver au poste de la Turra, qui surplombe le col du Mont-Cenis, à deux mille cinq cent trente mètres d’altitude. Enfin, en 1894, il ouvre une nouvelle voie d’accès vers le sommet de la Grande Casse, dans le massif de la Vanoise, qui culmine à trois mille huit cent cinquante-cinq mètres. Elle porte depuis son nom.
4 Pour éviter tout scandale, Messimy démissionne officiellement afin de gérer la fortune familiale à la suite de la mort de son frère Paul, décédé deux ans plustôt, le 3 mai 1897. Il reste réserviste au sein de l’état-major, effectuant des périodes régulières.
5 C’est ainsi que le 13 juillet 1906 il a l’honneur d’être nommé par l’Assemblée nationale, à sa demande, rapporteur de la loi de réhabilitation du capitaine Dreyfus et du lieutenant-colonel Picquart.
6 Dans cet article, l’auteur, dix ans avant Jean Jaurès et L’Armée nouvelle, promeut le principe d’une armée de métier pour défendre les frontières, appuyée par la nation militarisée sous forme de milices. En 1935, pour le colonel Mayer, ce type d’armée qui « semble le plus séduisant » est assez analogue aux propositions du colonel de Gaulle, encore inconnu. A. Messimy, « L’armée républicaine de demain », Revue politique et parlementaire n° 84, 1901, pp. 554-574 ; É. Mayer, « La crainte de la guerre étrangère ne doit pas ouvrir la voie à la servitude intérieure », in V. Duclert (sd), Le Colonel Mayer, de l’affaire Dreyfus à de Gaulle, Paris, Armand Colin, 2007, pp. 308-311.
7 Il sera élu en 1912 dans l’Ain, son département d’adoption, lors d’une élection partielle.
8 Il n’est pas le premier à défendre la création de cet organisme, mais réussit à porter ce projet jusqu’au bout. Le général Iung, Gaston Moch ou encore Maurice Berteaux en ont été les précurseurs. Ph. Vial, « La défense nationale avant 1914, une utopie institutionnelle ? », Revue Défense nationale n° 778, mars 2015, pp. 72-79.
9 A. Messimy, La Paix armée. La France peut-elle en alléger le poids ?, 1903.
10 Tout en essayant d’imposer un système de formation continue des officiers, il milite pour l’adoption d’une nouvelle tenue de combat, ainsi que pour le développement de l’artillerie lourde, de la tsf, et la motorisation des moyens de transport.
11 Pendant toute la durée du conflit, Messimy, sans jamais retourner siéger à l’Assemblée nationale, multiplie les « correspondances parallèles » avec des hommes politiques, y compris au plus haut niveau, des militaires de tout grade et de nombreux journalistes. Ainsi, en 1917, il en appelle directement au président de la République pour faire annuler l’offensive Nivelle, persuadé de son échec, sans succès. Puis, par deux fois, il refuse de lancer des offensives qu’il juge tactiquement inutiles, préférant préserver la vie de ses hommes. Il ne sera jamais déjugé ni par le ministère de la Guerre ni par le haut commandement.