Cette réédition en poche d’un ouvrage de 2015 est une bonne nouvelle. Certes, on perd la très riche iconographie du grand format (plus de cent photos), mais on conserve la clarté et la précision d’un récit qui permet de mieux comprendre les ultimes semaines de l’apocalypse nazie. Jean Lopez, directeur de la rédaction du magazine Guerre & Histoire et auteur de plusieurs ouvrages d’histoire militaire remarqués, nous fait suivre Hitler pendant cent six jours : du 15 janvier 1945, lorsqu’il rentre définitivement à Berlin, au 30 avril, jour de sa mort. Ce livre n’est cependant pas une biographie du Führer : son entourage à cette période intéresse tout autant l’auteur. C’est ainsi que l’on croise Keitel et Jodl, les numéros un et deux de la Wehrmacht, l’amiral Dönitz, Heinrich Himmler, Bormann, qui occupe un rôle central dans un Reich à l’agonie, ou encore les Gauleiters, personnages clés dans la mobilisation populaire et les répressions. D’ailleurs, pendant la débâcle, le régime liquide plus que jamais ses ennemis intérieurs. Au fil des pages, on perçoit bien l’emprise d’Hitler sur cet entourage, lui qui, pendant bien des soirs, parvint encore à redonner espoir à ses proches, à Goebbels en particulier.
La chronique de Jean Lopez nous fait vivre toutes les étapes qui mènent à la chute du Reich. Citons-en quelques-unes parmi les plus marquantes. Le 30 janvier, les Allemands peuvent entendre une dernière intervention du Führer à la radio, intervention qui n’a rien pour instiller l’espoir. Le lendemain, les Soviétiques franchissent l’Oder. Le 22 mars, la 3e armée américaine du général Patton passe le Rhin puis, le 31, c’est au tour de la 1re armée du général de Lattre. Le 16 avril, trente mille canons et trois mille lance-fusées préparent l’ultime offensive sur Berlin. Le 21, les premiers obus soviétiques tombent sur la ville ; elle en recevra presque deux millions au total. Le lendemain, l’Armée rouge est à une dizaine de kilomètres de la chancellerie. C’est ce jour-là que la majorité des membres de l’entourage d’Hitler l’abandonne. Le 28 avril, toutes les forces allemandes en Italie capitulent.
En sus de cette chronique, huit focus traitent de façon synthétique de thèmes transverses comme les crimes de guerre soviétiques, le bunker d’Hitler ou encore les pertes de la Wehrmacht. Ce dernier sujet est particulièrement intéressant. Sur 5,3 millions de soldats allemands morts pendant la Seconde Guerre mondiale (dont 4 millions sur le front russe), 1,4 million sont tombés entre le 1er janvier et le 9 mai 1945. Les mois de janvier, février et mars 1945 sont de loin les plus meurtriers de la guerre pour la Wehrmacht. Janvier est un record avec 451 742 tués : « Il tombe autant de soldats allemands dans les quatre premiers mois de 1945 que durant les quatre premières années de guerre, autant qu’entre 1914 et 1916. » Comme à son habitude, l’auteur cherche dans ce livre à ébranler certains mythes. On voit bien, par exemple, que la Wehrmacht est davantage résolue à la lutte à mort que la ss dans les derniers jours du Reich. Au final, Jean Lopez nous livre une synthèse très efficace de trois mois d’un véritable « calendrier de l’horreur ». Un livre à recommander à tous les amateurs d’histoire de la Seconde Guerre mondiale.