L’antisémitisme nazi n’a pas été seulement responsable de la Shoah. Il a été le fondement même du IIIe Reich, sa raison d’être, sa vérité. Cet ouvrage le donne à penser ; plus encore il en apporte une démonstration inquiétante et rigoureuse. Reliant sans cesse les deux destins de Wagner et de Hitler, l’auteur en souligne l’extrême proximité. Musicien génial, le premier est également l’auteur de textes en prose profondément antisémites, rassemblés dans ses Œuvres complètes. Des essais qui, comme l’esthétique de ses opéras, inspirèrent profondément le second. Sans la haine du Juif, ni Parsifal ni la Tétralogie ni Lohengrin n’auraient vu le jour. Sans la haine commune des Juifs, la famille des enfants de Wagner n’aurait autant aidé financièrement Hitler dans sa conquête du pouvoir, en convaincant par exemple l’antisémite Henry Ford d’apporter une importante contribution au parti nazi. Ce sont Hitler et la famille de Wagner qui réussiront à faire de Bayreuth le centre esthétique de la culture et de la politique nazies. Dès 1923, Winifred Wagner était fascinée par Hitler et voyait en lui l’incarnation de Parsifal. Et celui-ci calquait ses discours sur le rythme wagnérien, la musique du compositeur jouant un rôle fondamental lors des grandes réunions nazies. Cette tragique complicité a laissé peu d’archives, car la famille a détruit l’essentiel des documents et des lettres échangées dès la défaite allemande, craignant à juste titre le jugement sévère de l’Histoire. C’est tout le mérite de l’auteur de mettre en lumière cette responsabilité ahurissante, la proximité entre un musicien génial et un aventurier captif de son emprise musicale pour venir à bout de son projet dément, qui aboutira à l’une des politiques les plus effrayantes qui ait pu exister. Ce rapprochement souvent évoqué, mais rarement démontré avec une telle maîtrise, mérite une lecture attentive.