« La valeur du commandement est l’aboutissement d’un effort de longue haleine »
Charles de Gaulle (Vers l’armée de métier, 1934)
« Beaucoup d’erreurs diverses, dont les effets s’accumulèrent, ont mené nos armées au désastre.
Une grande carence, cependant, les domine toutes. Nos chefs ou ceux qui agissaient en leur nom n’ont pas su penser cette guerre »
Marc Bloch (L’Étrange Défaite, 1940)
Inflexions : Mon général, pourquoi, avec vos brillants états de service, avez-vous accepté de parler de l’échec ?
Henri Bentégeat : Parce qu’on ne peut pas prendre les fonctions de chef d’état-major des armées (cema)1, qui ont été les miennes, sans avoir la main qui tremble, sauf à être un génie ou un imposteur. Je pense que la plupart de mes prédécesseurs et de mes successeurs ont eu le même sentiment : « Vais-je être à la hauteur ? » À ce niveau de responsabilités, la peur de l’échec, c’est ce que j’appelle le « complexe Gamelin »2 ; il faut veiller chaque jour à ce que jamais juin 1940 ne puisse se reproduire. Ça oblige à faire en sorte que lorsque l’on engage des forces en opérations, les conditions du succès soient réunies, et que l’on ne sacrifie jamais la préparation de l’avenir, que l’on ne sacrifie jamais l’organisation générale de nos armées au regard des menaces et de l’évolution prévisible de celles-ci. Lorsque j’étais à l’École de guerre, j’avais des discussions interminables avec deux complices, dont le général Georgelin, qui sera mon successeur comme cema. Nous avions eu la chance de lire furtivement une biographie de Gamelin saisie à peine parue à la demande de la famille. Nous avions pu nous faire une idée du personnage et des raisons pour lesquelles il avait entraîné la France dans la catastrophe, même s’il n’en était pas l’unique responsable. Donc, à mon sens, dans le cadre des responsabilités que j’ai eu la chance d’exercer, l’échec est une notion importante à travailler.
Inflexions : En quoi, selon vous, le général Gamelin a-t-il échoué ?
Henri Bentégeat : Ce qui est extraordinaire avec Gamelin, c’est qu’il avait été un officier très brillant, même si on discute aujourd’hui de savoir si oui ou non il a été aussi bon qu’on l’a dit pendant la Grande Guerre. Il a été brillant comme jeune général au moins en 1918, et pas seulement comme lieutenant et capitaine. Personne ne conteste son intelligence. Il était cultivé et séduisait beaucoup les civils parce qu’il avait cette aisance de parole et de maniement des concepts. Ce tableau général étant dressé, et pour revenir aux raisons de son échec, nous pouvons dire qu’elles sont personnelles et plus générales. Gamelin était certes le produit d’une époque de sclérose de la réflexion militaire, mais également un malade, il était syphilitique au dernier degré. Il faut ajouter à cela une personnalité faible, un manque de caractère évident et dès le début une certaine incapacité à assumer des responsabilités de nature politico-militaire.
Inflexions : On accuse beaucoup Gamelin, mais son arrivée à ce poste est le résultat d’une sélection. Comment pouvoir tenir à ce niveau une ligne qui ne soit ni trop dure ni trop complaisante ?
Henri Bentégeat : C’est toute la difficulté de l’exercice que vous avez résumé là. On est inefficace si on est en perpétuelle révolte, en perpétuelle opposition. Mais on est tout aussi inefficace, et encore plus coupable, si on se tait, si on accepte tout. Il existe une ligne de crête, qui passe par ce que j’appelle le sens politique, c’est-à-dire la capacité pour le chef militaire à comprendre les motivations et les contraintes du politique afin de savoir les « utiliser » pour intervenir au bon moment et de la bonne manière.
Inflexions : Avez-vous connu des échecs ou avez-vous pu en observer ? Comment avez-vous réagi ? Quelles leçons en avez-vous tirées ?
Henri Bentégeat : Dans le métier militaire, l’échec par excellence, c’est la défaite au combat : c’est Waterloo, c’est Sedan. Mais évidemment il existe d’autres types d’échecs plus ou moins graves, qui se rencontrent tout au long d’une carrière militaire. Ils peuvent être individuels, comme, pour les officiers, celui au concours d’entrée à l’École de guerre, autant collectifs, à l’exemple de la coalition qui ne parvient pas à vaincre les taliban en dix-huit ans de présence en Afghanistan.
Les échecs personnels d’avant mes fonctions de cema que j’ai à vous proposer ont trait à l’instruction ou à l’entraînement. Mon souvenir le plus cuisant remonte à 1970. J’étais jeune lieutenant à Dakar ; Bigeard commandait alors les forces terrestres. Au 1er régiment interarmes d’outre-mer (riaom) se tenaient tous les six mois des tests opérationnels, qui, pendant quarante-huit heures, mettaient en compétition directe toutes les sections et tous les pelotons3 du régiment. Deux mois après mon arrivée, mon peloton d’automitrailleuses était ainsi opposé aux sections parachutistes. Nous avons terminé avant-derniers. Une humiliation incroyable. J’étais horrifié ; mes soldats aussi d’ailleurs. L’horreur absolue. Ça m’a tellement vexé que j’ai rebondi le plus vite possible et que nous avons réussi les tests opérationnels suivants. C’est avec cette expérience que j’ai appris à commander, à commander à la manière parachutiste, c’est-à-dire la manière dont Bigeard concevait les choses : d’abord le « suivez-moi ! » de Bonaparte au pont d’Arcole, puis « vous êtes les meilleurs, nous sommes les meilleurs et donc nous gagnerons ». C’est un esprit de compétition poussé à l’extrême, avec en même temps la certitude d’obtenir l’adhésion de ses subordonnés en leur donnant en permanence envie d’être les meilleurs. Ces deux points ont été essentiels pour le déroulement de ma carrière. Ne nous trompons pas : ce sont des petits secrets plus faciles à exprimer qu’à mettre en œuvre, mais à partir desquels on peut tout faire. In fine, cet échec a été pour moi très profitable ; il m’a fait grandir.
Inflexions : Avez-vous été témoin d’un échec qui a pu poser un problème à sa victime ?
Henri Bentégeat : Je me souviens de l’échec au concours de l’École de guerre de quelques-uns de mes amis. Cela a été définitivement marquant pour eux, à tous égards. J’ai forcément vu des échecs collectifs, mais je ne m’y suis pas attardé et n’en ai pas tiré de leçons pour moi. C’est plus tard que j’ai été appelé à réfléchir à cette notion d’échec, quand j’étais cema, c’est-à-dire trente ans après l’épisode que nous venons d’évoquer. Je me suis alors rendu compte qu’il était difficile de définir ce qu’est l’échec d’une opération. On connaît des revers, mais dans les conflits dans lesquels nous sommes engagés aujourd’hui, il n’est possible d’analyser l’échec que sur le temps long. On s’en rend compte par exemple lorsque l’on tire les leçons de ce qu’il s’est passé en Libye : il n’y a pas eu d’échec militaire, or un échec global de l’opération est manifeste. L’une des premières conclusions que j’en ai tirée a été qu’il me revenait à moi cema de réunir les conditions du succès au lancement de l’opération. On ne peut pas compter sur le politique pour donner toutes les clés pour que ça marche ; les a-t-il d’ailleurs ? Il faut donc lui arracher les informations d’environnement dont la connaissance permettra le succès de l’opération.
L’exemple le plus marquant, pour moi, a eu lieu en 2003, six mois après ma prise de fonction, à propos de ce qui est devenu l’opération Artémis4. Celle-ci a démarré sur un coup de téléphone de Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, à Jacques Chirac lui demandant une intervention militaire française afin d’arrêter des massacres que les Casques bleus déployés en République démocratique du Congo n’arrivaient pas à stopper. Chirac a accepté aussitôt, sans même consulter ni son chef d’état-major particulier5 ni moi. Nous nous sommes donc retrouvés avec ce truc-là sur les bras.
C’était une mission presque impossible en raison de la profondeur de la zone dans laquelle nous devions intervenir, cet est du Congo, l’Ituri, mais aussi de l’absence de piste d’atterrissage en état à Bunia, la capitale régionale. L’environnement diplomatique et militaire n’était guère favorable : il n’y avait aucune aide à attendre de pays comme le Rwanda et certaines factions en Ouganda nous étaient franchement hostiles. Donc les choses me semblaient extrêmement mal parties. Mais nous n’avions pas le choix. Je me suis alors enfermé pendant une heure et demie avec le général Puga, qui commandait alors le cpco6, et nous avons élaboré une liste de conditions pour le lancement de l’opération. Je dois dire que je ne l’ai jamais regretté, parce que sans elles nous aurions certainement échoué. Nous avons délimité un cadre espace-temps, deux mois au maximum, avant une relève par l’onu, puis une limitation à cinquante kilomètres autour de Bunia, parce qu’au-delà nous n’aurions jamais su faire, et enfin nous avons exigé une participation à la fois de l’Afrique du Sud et du Royaume-Uni, pour avoir des garanties et pour éviter les difficultés avec l’Ouganda et le Rwanda. Ce dernier point m’apparaissait fondamental. Le président Chirac les a toutes acceptées. Je suis persuadé aujourd’hui, indépendamment des qualités du général Thonier, qui commandait la force, ou de celles du général Neveu, qui travaillait à partir de Paris, que ce sont elles qui ont permis que l’opération réussisse. Donc au moment de la préparation d’une opération, paradoxalement, il semble que penser à éviter l’échec peut être plus important que de travailler à faire les bons choix ou pas au cours de l’opération.
Inflexions : Pour éviter l’échec, il est nécessaire de réfléchir d’abord soi-même puis en petit comité.
Henri Bentégeat : En matière opérationnelle, j’ai toujours vécu la prise de décision de cette manière ; j’ai toujours ressenti la nécessité de regrouper deux ou trois collaborateurs, essentiellement les principaux concernés, qui tiennent une réflexion totalement libre, la quintessence de ce qui va servir de lignes directrices. Je pense que seul un tout petit groupe permet de trouver de l’originalité pour être décisif. Sinon, ce sera toujours « la solution de l’École de guerre »7 qui va sortir, non pas qu’elle soit forcément mauvaise, loin de là, mais elle présente souvent moins d’intérêt qu’une réflexion très intense conduite en petit comité.
Inflexions : La constitution de l’équipe est donc fondamentale.
Henri Bentégeat : Oui. Cette question s’est parfois posée à moi, notamment à propos du choix des commandants d’opération. Dans les moments difficiles, ce n’est pas un secret, il y a aussi une question de caractère personnel. Dans ceux que moi-même et mon équipe avons connus, notamment en Côte d’Ivoire, en Afghanistan, ou même à Mitrovica, il m’est arrivé de passer avec eux plus d’une heure au téléphone en une sorte de « tête à tête ». Et cela ne marchait que si je leur faisais une confiance absolue et que la réciproque était vraie. Là est la limite de ce genre d’exercice, car à tout moment la confiance peut être trahie, ou celle que l’on croyait mutuelle n’est pas réciproque. Alors l’exercice est inutile et biaisé. C’est très décevant. On a avant tout besoin d’officiers qui arrivent à rassurer leur supérieur, rassurer dans le bon sens du terme. J’en ai eu. Des gens si possible calmes, compétents, qui connaissent leurs dossiers. Quels que soient la formation, l’origine, l’insigne de béret, ce sont eux qui sont utiles quand on doit prendre des décisions soit difficiles soit rapides soit les deux. J’insiste beaucoup sur ce point : l’absolue nécessité du travail, de la compétence et de la confiance.
Inflexions : Gamelin avait-il réussi à créer une équipe autour de lui ?
Henri Bentégeat : À ma connaissance non. Il suffit d’ailleurs d’observer ses rapports avec le général Georges8. C’est effarant. C’est ce que j’avais en particulier retenu du livre dont je parlais un peu plus tôt. C’est inouï de constater qu’ils étaient basés à quelques kilomètres l’un de l’autre et qu’ils n’avaient pas été capables de colocaliser leurs quartiers généraux et qu’ils n’échangeaient que par messages. Ils ne se parlaient pas. C’est invraisemblable. Quand Churchill s’en est rendu compte, il s’est interrogé sur le rôle de Georges, sur celui de Gamelin et sur la réalité de la force des armées françaises. Il tombait des nues tant il croyait que la France possédait la meilleure armée du monde. Cette absence de dialogue, cette solitude de Gamelin est quelque chose d’absolument stupéfiant.
Inflexions : Donc, avant une opération, vous dégagez des critères de succès et d’échec. Cependant, le politique peut tordre le bras du militaire pour engager l’action malgré tout. Comment, dans ces conditions, le chef peut-il protéger ses subordonnés ?
Henri Bentégeat : Moi, je n’ai pas connu ce genre de situation. J’ai eu de la chance de travailler avec Chirac qui sentait très bien la chose militaire. Il ne m’aurait jamais imposé de partir sans les conditions que je demandais. Malgré tout, les chances sont assez faibles, dans le domaine des opérations, que le politique prenne le risque d’un échec en passant outre les préconisations du chef militaire. Autant dans le domaine budgétaire, il est clair que les militaires sont en concurrence directe avec les autres responsables de départements d’administration, autant dans le domaine des opérations, c’est vraiment prendre un risque pour le politique que de passer outre leur avis.
Inflexions : Justement, le cema que vous étiez a-t-il réussi à faire ce qu’il voulait dans le domaine budgétaire ?
Henri Bentégeat : En dehors des opérations – j’ai connu un drame avec Bouaké en 2004, mais ce n’est pas un échec9 –, j’ai un sentiment d’échec personnel dans deux domaines. Le premier a été l’impasse budgétaire à venir pour l’achèvement du modèle d’armées 201510, que nous étions quelques-uns à avoir détectée ; le second est la réforme avortée de l’École de guerre, qui est moins grave.
En 2003, j’avais pris mes fonctions depuis quelques mois quand je me suis aperçu que le modèle d’armée 2015, fixé au moment de la professionnalisation, était inatteignable. Il nous restait pourtant encore quelques années d’exercice. Mais cela était visible dès cette époque, et ce malgré une loi de programmation militaire nettement favorable, qui prévoyait une augmentation des crédits de 1 % par an, en valeur réelle. En fait, les restrictions budgétaires avaient été beaucoup trop importantes entre 1997 et 2002. La plupart des programmes avaient été étalés dans le temps. Nous poussions devant nous une « bosse budgétaire »11 qui, petit à petit, devenait un « mur ».
En 2004, j’ai donc proposé à Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, de faire un exercice de prospective permettant de déterminer ce qu’il allait se passer à l’horizon 2020, c’est-à-dire légèrement après l’objectif, afin d’évaluer les changements à éventuellement apporter au modèle 2015 et quels étaient les besoins en financement. Nous avons travaillé pendant un an le projet baptisé « Capacités 2020 ». Nous avons élaboré des scénarios. Les autres directions et services du ministère nous ont aidés, notamment la Délégation générale pour l’armement (dga). En 2005, nous avons présenté nos conclusions. Elles étaient simples : le modèle d’armée 2015 n’était plus atteignable avec les crédits que nous avions programmés ; pour y arriver, même sur un modèle légèrement amendé mais de même ambition, il nous fallait envisager une augmentation annuelle de 3 % des crédits au lieu de 1 %. Le projet a été refusé. La suite, on la connaît : les affaires ont continué à dériver jusqu’en 2008. À cette date, c’est la rgpp12, avec en plus les difficultés de la crise financière, qui organise une diminution considérable de nos effectifs, la révision à la baisse de façon très importante des contrats opérationnels, bref une révision déchirante.
J’ai réfléchi pour comprendre les raisons de cet échec. Ma première conclusion porte sur la méthode : je n’aurais jamais dû conduire cette opération « seul », sous l’égide de l’ema. Pour que la ministre prenne en considération les résultats de notre étude, il aurait fallu que cette dernière soit conduite sous la direction de son cabinet, avec une participation officielle de la dga, et des autres administrations et services. Ce qui était conduit sous l’égide de l’ema, au « bénéfice » des armées, était forcément suspect. Ma deuxième erreur a été de ne pas commencer par le haut, c’est-à-dire de d’abord voir avec le président comment on pourrait lui faire accepter le projet. Mais surtout, troisième erreur, cette tentative de rétablir la vérité des prix était mal choisie en termes d’agenda. Chirac était en fin de mandat et n’était naturellement pas prêt à accepter l’échec de la professionnalisation des armées, qui avait été l’un de ses chantiers les plus importants et qui apparaissait alors comme l’une de ses principales réussites politiques. Le socle de cette réforme, c’était le modèle d’armée 2015. Donc lui présenter le constat de cet échec un an avant la fin de son mandat était impensable. L’échec tient donc souvent à une mauvaise préparation et au choix, judicieux ou non, du moment.
Inflexions : En vous écoutant, on peut aussi se demander si dans notre société à la recherche permanente de la perfection, nous ne sommes pas condamnés à vivre une succession d’échecs.
Henri Bentégeat : Je crois en effet que notre société est un peu schizophrène, au minimum paradoxale. Nous vivons selon deux principes antagonistes : d’une part, la compétition permanente, moteur du capitalisme libéral, d’autre part, l’obsession sécuritaire, qui se traduit en particulier par le principe de précaution et la judiciarisation à outrance. Le résultat, me semble-t-il, est que l’échec est la plupart du temps nié, travesti. Cela est possible à cause de l’omniprésence et de la révolution de l’information, à travers les médias, les réseaux sociaux. Nous vivons en permanence dans un monde d’apparence et de communication virtuelle… Nous pouvons parfois nier l’échec, comme l’a fait George Bush junior lorsqu’il a donné l’ordre de supprimer le comptage des cercueils au retour d’Irak, c’est-à-dire camoufler en partie les morts et les blessés américains. Certains pays cherchent à retarder l’échéance en contrôlant la presse ; mais cela ne dure qu’un temps.
Chez nous, cette contradiction, ce paradoxe est encore plus fort dans le domaine militaire. La première compétition du soldat, c’est celle du combat, celle avec l’ennemi, et elle ne pardonne pas. Pour l’aspect sécurité, le militaire obéit à la nécessité de préserver au maximum ses hommes et, ne les oublions pas, les populations locales, de la mort ou de la blessure. Nous vivons donc dans une société qui travestit elle-même plus ou moins les choses, et qui exige de ses chefs des efforts de commandement, de management, qui sont beaucoup plus lourds de conséquences et plus indispensables que dans n’importe quelle profession civile. Cette tension entre des objectifs antagonistes serait ingérable si nous n’avions pas l’avantage technologique et de puissance globale dans les guerres asymétriques que la France conduit. Si nous devions nous retrouver dans une guerre plus conventionnelle, à égalité ou presque de capacité de feu, je pense que cette tension deviendrait absolument insupportable. Comment réussir un « zéro mort », qui est le catéchisme de tous les dirigeants politiques occidentaux, alors qu’on se trouve engagé dans un conflit de haute intensité ?
Inflexions : Pourriez-vous expliciter concrètement les efforts demandés au commandement ?
Henri Bentégeat : Je me réfère à quelque chose de traditionnel. Même si je suis profondément interarmées, je pense que dans le domaine de l’exercice du commandement, la réflexion conduite par l’armée de terre depuis plusieurs années, avec le général Lagarde à la fin des années 1970, puis avec le général Bachelet et le général Thorette, plus récemment avec le général Bosser et l’un de ses adjoints de l’époque, le général Lecointre, est extrêmement approfondie. Je constate à quel point ce que j’ai connu quand j’étais jeune lieutenant et ce qui existe aujourd’hui a été bouleversé par la prise en compte permanente de la responsabilisation des subordonnés, de la recherche de leur adhésion et de la question éthique sans laquelle il n’y a plus d’armée mais des bandes armées. Nous sommes, à mon sens, à un niveau qui, certes, ne garantit pas des erreurs, des échecs ou des fautes, mais qui, malgré tout, constitue une colonne vertébrale solide à laquelle il est possible de se référer. Je vous parlais des méthodes de commandement de Bigeard, qui me paraissent un point de départ assez solide. Mais si vous y ajoutez tous les fondements de l’éthique sur laquelle notre armée a beaucoup réfléchi, je pense honnêtement que l’armée française possède une chaîne de commandement sans peu d’équivalent.
Inflexions : Donc cette réflexion sur l’éthique sans cesse renouvelée et approfondie ne se contente pas de prémunir contre l’échec ponctuel d’une opération, mais permet d’avoir une base solide qui évite à l’ensemble de la structure de s’effondrer.
Henri Bentégeat : Vous avez raison et c’est fondamental. Je repense aux analyses de Marc Bloch dans L’Étrange Défaite13, un livre exceptionnel sur l’échec d’une nation entière. En le lisant, j’ai été frappé par le fait que Bloch ne remettait en cause ni Gamelin ni Georges personnellement, mais un mode de commandement et de fonctionnement de nos armées et de la société de l’époque. De manière générale, il critique le comportement des cadres militaires et un mode de fonctionnement discutables voire condamnables. Je crois intimement que nous avons beaucoup progressé dans ce domaine : nous avons gagné une manière de commander qui est, à mon sens, la seule façon de régler cette tension fondamentale que nous avons entre la nécessaire compétition et la nécessaire protection des autres.
Inflexions : La formation des officiers et des sous-officiers insiste beaucoup sur cette importance comportementale.
Henri Bentégeat : Oui, le simple fait de l’enseigner oblige celui qui reçoit la formation à réfléchir un minimum. Vous connaissez la phrase classique, presque éculée, du général de Gaulle dans Vers l’armée de métier : « La véritable école du commandement est la culture générale14. » Pourtant, tout le monde n’en est pas aussi convaincu que ce que l’on veut bien dire. Certes un lieutenant a moins besoin de savoir Clausewitz que de connaître ses hommes, maîtriser parfaitement son matériel et l’emploi de l’ensemble face à un ennemi identifié. Néanmoins, au fur et à mesure que l’on évolue dans la carrière et que l’on prend des responsabilités, je suis convaincu qu’il faut comprendre comment fonctionne la société en général, connaître les mécanismes potentiels de la décision politico-militaire et être au fait des autres civilisations, celles auxquelles nous pouvons être confrontés ou au sein desquelles nous pouvons être amenés à évoluer. En pratique, cela demande d’avoir un minimum de connaissances historiques et géographiques, parfois sociologiques, ce qui n’exclut pas bien entendu – il s’agit là d’un tropisme personnel – la littérature. On apprend beaucoup sur Waterloo avec La Chartreuse de Parme ! On ne peut pas se limiter à la lecture d’un peu de presse ou de deux ou trois résumés que l’on peut trouver à droite ou à gauche pour comprendre les choses en profondeur. L’année dernière, j’ai beaucoup apprécié L’Empire des sables15 d’Emmanuel Garnier, qui explique comment, dans l’entre-deux-guerres, nos armées ont réussi petit à petit à prendre le contrôle des nomades, en particulier des Touaregs et des Peuls, dans la région couverte aujourd’hui par l’opération Barkhane. J’y ai renforcé ma conviction qu’il faut connaître intimement une région et sa population pour être apte à y gagner le genre de guerre auquel nous sommes confrontés actuellement.
Inflexions : Connaître intimement d’accord, réfléchir d’accord. Mais la réflexion peut n’être que du vent si elle ne débouche pas sur des traces, un ordre ou un écrit, pour faciliter l’échange et la confrontation d’idées et d’intelligences.
Henri Bentégeat : Oui, on ne se cultive pas pour le plaisir d’être cultivé ou de passer des diplômes universitaires. La réflexion ne peut être en aucun cas un but en soi. La culture permet une meilleure efficacité. Je crois énormément, dans le métier militaire, à la complémentarité entre la formation, y compris la formation personnelle, et – j’insiste sur le « et » – l’expérience, qu’elle soit opérationnelle, politique ou autre… Des conditions indispensables pour pouvoir faire son métier correctement à partir d’un certain niveau et remporter quelques victoires, si arracher un peu plus de budget peut être qualifié de victoire. Formation collective, formation individuelle et expérience : trois piliers qu’il convient de faire fructifier au fur et à mesure que l’on progresse en responsabilités.
Inflexions : Cela nous ramène au second échec personnel que vous évoquiez en début d’entretien, la réforme de l’École de guerre. Que vouliez-vous faire ?
Henri Bentégeat : Je n’irai pas jusqu’à évoquer comme Marc Bloch « l’odeur de moisi qu’exhale l’École de guerre ». Dans mon esprit, ce n’était pas du tout le cas. L’École de guerre16, le Collège interarmées de défense (cid) à mon époque, relevait directement du cema. Si je n’ai jamais servi en école, j’ai toujours attaché de l’importance à la formation des cadres et des officiers en particulier. Je me suis donc rendu plusieurs fois à l’École de guerre et j’ai eu l’impression que la part de l’interarmées y était trop réduite : l’année de scolarité était dévorée par les impératifs de chacune des armées, qui y ont introduit leurs propres périodes. Je trouvais l’ensemble mal structuré aux dépends de l’interarmées. De plus, j’avais le sentiment que l’encadrement n’était pas à la hauteur. Mes visites dans les écoles équivalentes britanniques ou américaines me donnaient l’impression d’une qualité bien supérieure. Enfin, l’équilibre entre la formation opérationnelle et la formation générale m’apparaissait fluctuant et incertain. La situation pouvait à mon sens être nettement améliorée.
Fin 2005, j’ai donc proposé deux efforts aux chefs d’état-major de chacune des armées (cem) : rétablir le primat de l’interarmées dans l’année commune de la scolarité et l’affectation d’officiers à haut potentiel aux fonctions de professeur de groupe. Un échec total. Les cem se sont opposés à ce que l’interarmées soit unifiée, arguant qu’ils avaient un besoin impératif des créneaux accordés pour des « périodes spécifiques » à chacune des armées. Et les critères d’affectation des officiers professeurs n’ont pas changé : aucun professeur de groupe n’était classé parmi les hauts potentiels, conservés, presque naturellement, en priorité dans leur état-major d’armée d’origine.
La première conclusion n’est pas une nouveauté : l’interarmées est, de façon structurelle, insupportable à chacune des armées. Demander l’accroissement de la part de la formation interarmées nécessite une préparation très fine que je n’avais pas fait réaliser. La seconde conclusion est comparable à ce que nous évoquions avec le modèle d’armée : j’ai mal choisi mon moment. Ma demande est arrivée après que j’ai réussi à imposer la subordination des cem au cema et non plus au ministre. Fin 2005, le décret portant organisation des armées n’était pas encore digéré. Il était donc « normal » que je me trouve face au maximum de réticences de leur part. Je n’ai pas insisté.
Inflexions : Vous qui avez pris du recul, que conseilleriez-vous au lecteur de la revue Inflexions pour apprivoiser un échec potentiel ?
Henri Bentégeat : J’aime bien le fait que vous utilisiez le terme « apprivoiser », parce qu’en matière d’échec, il n’est pas bon de s’habituer à la chose, mais je crois qu’il faut s’y confronter sans crainte. J’y crois fondamentalement. Quand on prend une décision, et Dieu sait si on en prend dans notre métier, qui peut notamment coûter des vies humaines, on ne peut le faire dans la précipitation et sous pression que si on apprivoise l’échec potentiel. Je me souviens avoir été appelé en pleine nuit par des commandants d’opération quand il se passait quelque chose de très difficile. Il fallait que je décide tout de suite, parce qu’il y avait urgence et que mes interlocuteurs me le demandaient. Impossible de consulter l’état-major. Mon premier réflexe a toujours été d’essayer de dessiner dans ma tête les contours de l’échec possible, afin de le conjurer, de l’apprivoiser, de le mettre de côté et de trancher. Pour résumer, l’échec doit toujours être présent dans l’esprit du chef. Il ne faut pas avoir peur de le penser, car le penser permet de le circonscrire et d’en limiter ses dégâts potentiels. Apprivoiser l’échec, c’est être réaliste et considérer que l’on peut échouer. En l’acceptant, on envisage déjà, si on a le temps parce que tout cela on va vite, la manière dont va essayer de rebondir.
Alors, que conseiller pour apprivoiser cette notion ? Évidemment qu’il faut s’intéresser à tout ce qui peut alimenter les réflexions fondamentales liées à l’exercice de notre métier, donc lire Inflexions. Le métier des armes est un métier totalement singulier, et plus que jamais dans une société dans laquelle la mort est généralement niée, où elle a pratiquement disparu de la vie courante, et où l’hédonisme et l’individualisme sont dominants. Si on veut pouvoir continuer à exercer ce métier avec beaucoup de sérénité et avec le recul suffisant, il faut énormément lire, énormément chercher à s’informer. D’autant plus que l’on peut avoir parfois l’impression que les valeurs qui fondent notre société s’éloignent de celles qui nourrissent la communauté militaire. Il ne faut en aucun cas laisser s’établir un fossé entre les deux, parce que sinon ce sera la fin des armées de la nation. Lire pour connaître notre société, comprendre toutes ses évolutions, et en même temps renforcer les raisons d’être de la mission des armées, des comportements des soldats et de leur place dans la société. Cette réflexion doit être conduite en permanence, en profitant de la lecture, en pratiquant l’échange et surtout l’écoute. Il faut réfléchir à l’échec, mais pour mieux s’en prémunir. Je pense qu’il faut résolument toujours vouloir gagner. La notion d’échec ne peut être décorrélée de celle de responsabilité, de la capacité de réflexion. Elle nécessite de travailler sur les modalités d’élaboration de la décision à partir d’une réflexion collective dans un cercle plus ou moins grand. Parler de l’échec, c’est aussi réfléchir à la formation, au travail individuel et au développement de la curiosité des décideurs ou des futurs décideurs.
Propos recueillis par Jean-Luc Cotard
1 Le chef d’état-major des armées est conseiller militaire du président de la République, du gouvernement, en charge de commander les opérations militaires et de préparer l’avenir de l’outil militaire.
2 Maurice Gamelin (1872-1958), général commandant en chef des forces terrestres et commandant en chef des armées alliées en France, est le promoteur du plan qui conduit à l’entrée de l’armée française en Belgique au moment où les blindés allemands percent dans les Ardennes. Brillant intellectuel, il est remarqué très tôt par le futur maréchal Joffre. Pendant la Grande Guerre, il se distingue comme commandant de la 2e brigade de chasseurs puis à la tête de la 9e di. Il part au Brésil de 1919 à 1924 pour recréer l’armée brésilienne. Il commande avec brio les troupes au Levant de 1925 à 1927. Il occupe les principaux postes à responsabilités à la tête des armées à partir de 1931. Mais il ne croit ni à l’emploi de l’aviation ni à celui de divisions blindées. Il conseille de ne pas intervenir lors de la remilitarisation de la Ruhr, comme lors de l’Anschluss. Paul Reynaud lui reproche son manque d’allant à l’occasion de la campagne de Norvège. Il n’apprécie pas le général Weygand, son prédécesseur, ni le général Georges, son principal adjoint, encore moins le maréchal Pétain. Il est arrêté en septembre 1940 pour être jugé comme responsable de la défaite. Incarcéré, il est retenu prisonnier par les Allemands en Bavière. À la fin de son mandat au Levant, son supérieur trouve qu’il lui manque « une colonne vertébrale ». Le colonel Le Goyet, son biographe, le décrit comme un « faux modeste, qui se sent à l’aise dans le flou, l’incertain, la dualité du commandement ». L’écrivain Jules Romains, qui l’a rencontré plusieurs fois, souligne son incapacité à rendre cohérentes sa pensée et ses actions par manque de volonté. Voir F. Lannoy et M. Schiavon, Les Généraux français de 1940, Antony, etai, 2013, et P. Le Goyet, Le Mystère Gamelin, Paris, Presses de la Cité, 1975.
3 Le 1er riaom était composé d’unités d’infanterie parachutiste et d’un escadron blindé. Dans les compagnies, les lieutenants commandent des sections (trente à cinquante hommes selon leur nature) et dans les escadrons, des pelotons (vingt à trente hommes selon le type de matériel). Le terme peloton, comme escadron, fait référence en général à des unités appartenant à des armes autrefois montées.
4 L’opération Artémis est une opération militaire de l’Union européenne en Ituri, qui s’est déroulée du 6 juin au 6 septembre 2003. Dix-huit nations, dont la France était le leader, ont agi dans le cadre de la Politique européenne de sécurité commune sous l’autorité du Conseil des Nations unies. La France a fourni 80 % des deux mille deux cents soldats engagés et a hébergé le poste de commandement de l’opération.
5 Le chef d’état-major particulier de la présidence de la République (cemp) est un officier général à la tête d’un petit état-major chargé d’établir des liens fluides entre les principaux acteurs de la Défense et le président de la République. Il existe également à Matignon un général, chef du cabinet militaire du Premier ministre.
6 Le Centre de planification et de conduite opérationnelle (cpco) est une structure de l’état-major des armées qui permet de commander en permanence les forces militaires françaises en opération sur le sol national ou à l’étranger.
7 Les officiers d’état-major ont l’habitude d’utiliser l’adage « il y a la bonne et la mauvaise solution, et puis il y a la “solution de l’École de guerre” ». Celle-ci ne tranche pas par son originalité ; elle est souvent un moyen terme et débouche sur des actions prévisibles.
8 Alphonse Georges (1875-1951) était général commandant le théâtre nord-est en 1940. Brillant officier d’infanterie, remarqué tant pour son sens du commandement que sa diplomatie, il commande essentiellement en Afrique du Nord. Il est réputé capable de résoudre des dossiers inextricables. Il sera l’un des rédacteurs du plan de mobilisation de 1914. Il seconde Pétain pendant la guerre du Rif, puis devient chef de cabinet d’André Maginot. Il connaît personnellement Winston Churchill qui l’apprécie et le roi Alexandre de Yougoslavie. En 1934, lors de l’attentat de Marseille qui coûte la vie au souverain et au ministre Louis Barthou, Georges est blessé grièvement. Gamelin cherche plus tard à l’écarter des responsabilités. Il fait partie des généraux qui alertent sur les déficiences de l’armée française. À la mobilisation, il devient le commandant du front nord-est. Il est hostile au plan Dyle de Gamelin, qui vise à entrer en Belgique en cas de violation de la neutralité de cette dernière. Fin 1939, celui-ci lui retire son bureau logistique. Après avoir tenté avec Weygand de prendre la percée allemande en tenaille, il organise la retraite. Après l’armistice, il commence l’organisation de l’armée de Vichy. Fin 1943, Churchill organise son départ clandestin pour rejoindre le général Giraud à Alger. Il participe au Comité français de libération nationale, dont il est progressivement évincé par de Gaulle. À la Libération, il témoigne au procès de Pétain et dans l’instruction menée contre Weygand. Voir F. Lannoy et M. Schiavon, op. cit., et M. Schiavon, Le Général Georges, un destin inachevé, Parçay-sur-Vienne, Anovi, 2009.
9 Le 6 novembre 2004, les avions des forces armées nationales de Côte d’Ivoire bombardent le lycée français de Bouaké dans lequel était hébergée une unité du régiment d’infanterie de chars de marine. Neuf militaires français (2e rima, ricm, 515e rt) et un civil américain sont tués. Le président Chirac donne alors l’ordre de détruire les avions ivoiriens. À peu près au même moment, des milices proches du président ivoirien provoquent une violente action antifrançaise à Abidjan et son aéroport.
10 Le modèle d’armée 2015 a été défini lors de la professionnalisation des armées, notamment avec la loi de programmation militaire (lpm) 1997-2002. L’objectif était de se doter de « forces resserrées mais hautement disponibles, capables d’exploiter toutes les possibilités de systèmes d’armes de plus en plus complexes », mais aussi de « s’associer rapidement avec des unités de pays alliés ou amis dans des actions communes ». Des objectifs d’engagement de forces étaient fixés à chacune des armées : « Pour l’armée de terre, soit plus de cinquante mille hommes pour prendre part à un engagement majeur dans le cadre de l’Alliance, soit trente mille hommes sur un théâtre, pour une durée d’un an, avec des relèves très partielles (ce qui correspond à un total de trente-cinq mille hommes), tandis que cinq mille hommes relevables sont engagés sur un autre théâtre (ce qui correspond à quinze mille hommes environ) ; pour la marine, un groupe aéronaval et son accompagnement, ainsi que des sous-marins nucléaires d’attaque, à plusieurs milliers de kilomètres ; pour l’armée de l’air, avec une capacité de transport maintenue au niveau actuel, une centaine d’avions de combat et de ravitailleurs en vols associés, ainsi que les moyens de détection et de contrôle aérien, et les bases aériennes nécessaires ; pour la gendarmerie, des éléments spécialisés et d’accompagnement des forces. Enfin, les forces capables de missions de projection pourront être requises, si le besoin s’en fait sentir, pour la protection du territoire national. Leur plus grande mobilité, leur souplesse d’articulation permettront de répartir ou de concentrer les efforts sur le territoire pour des missions de sécurité ou de service public. »
11 Pour faire face aux problèmes budgétaires, les armées étalent la livraison des matériels dont l’achat a été prévu par la lpm. Ceci nécessite de prolonger la durée de vie des matériels anciens, dont le coût d’entretien augmente. En même temps, l’étalement de l’arrivée des nouveaux matériels crée de nouvelles charges auprès des industriels. Donc, pour résoudre une contrainte financière temporaire, on crée de nouvelles charges (bosse budgétaire), qui se cumulent avec les précédentes et avec les futures, d’où la notion de « mur ».
12 La Révision générale des politiques publiques (rgpp) consiste en une analyse des missions et actions de l’État et des collectivités, suivie de la mise en œuvre de scénarios de réformes structurelles, avec comme buts la réforme de l’État, la baisse des dépenses publiques et l’amélioration des politiques publiques.
13 M. Bloch, L’Étrange Défaite, 1940, 1re publication 1946.
14 Ch. de Gaulle, Vers l’armée de métier, Paris, Berger-Levrault, 1934.
15 E. Garnier, L’Empire des sables. La France au Sahel, 1860-1960, Paris, Perrin, 2019.
16 L’École de guerre en France est née de la défaite de 1870. Après avoir pris de l’expérience en unités, des officiers sont sélectionnés sur concours pour apprendre à travailler en état-major, à concevoir les opérations et à prendre des responsabilités à la tête de régiments, bases aériennes ou bâtiments de la Marine nationale, puis ultérieurement dans les différents états-majors. En 1993, les écoles de guerre des différentes armées fusionnent en un Collège interarmées de défense(cid), qui reprend l’appellation École de guerre en 2011. Un officier qui n’est pas breveté de cette école ne peut prétendre au grade de colonel, encore moins de général.