Il serait à peine exagéré d’affirmer aujourd’hui que tout a été écrit sur la Légion étrangère. Du recrutement à la reconversion, de l’instruction à l’engagement opérationnel, en passant par le « mythe Légion », chaque particularité de ce système et des hommes qui le composent a été décortiquée, analysée, encensée ou critiquée au cours de son histoire presque bicentenaire. Au bilan, cette ancienne affiche de recrutement qui spécifiait, sur fond de képi blanc et d’épaulette verte et rouge, « La Légion étrangère : tout le monde en parle, peu la connaissent », conserve toute sa pertinence… et son impertinence.
Pourtant, à l’heure où nos sociétés dites multiculturelles apparaissent particulièrement fragiles face à une menace terroriste qui vient accentuer des fractures ethniques, religieuses et socioéconomiques déjà profondes, il peut être intéressant de se pencher à nouveau sur ce « système Légion », capable à son échelle de faire cohabiter, travailler et, si nécessaire, mourir ensemble des hommes de toutes origines, de toutes cultures, de toutes croyances.
Tandis que le multiculturalisme semblait s’ériger en modèle au sein d’un « village global » que beaucoup appelaient de leurs vœux, de tragiques événements ont en effet brutalement ramené nos sociétés occidentales à une réalité plus complexe, faisant dans le même temps voler en éclats quelques certitudes sur un confortable « vivre ensemble » qui nous semblait acquis. De son côté, la Légion semble ne pas donner prise au doute qui s’installe et continue à tracer son sillon. L’application de principes centenaires immuables dans l’esprit mais évolutifs dans la lettre pour coller aux réalités de notre époque lui permet d’obtenir d’étonnants résultats au prix d’efforts constants. Ce faisant, elle devient paradoxalement chaque jour un peu plus « étrangère », dans le sens de « singulière », à la société qui l’entoure.
S’essayer à transposer certains principes mis en œuvre à la Légion pour les appliquer à l’échelle d’une société et espérer y trouver les fondements d’un « vivre ensemble » renouvelé pourrait, à juste raison, sembler tout à la fois hasardeux et simpliste. Il y a de toute évidence une différence de nature et d’échelle entre une société « globale », qui s’intéresse à tous les aspects de la vie sociale, et une microsociété « partielle », qui n’a pas vocation à organiser l’entièreté de la vie de ses membres. Mais une fois cette réserve posée, l’exercice mérite d’être tenté, non pour y trouver une quelconque solution, mais plutôt pour ouvrir certaines pistes de réflexion à fin d’action. Et puisque la Légion est une spécificité française, un angle d’approche pour établir un parallèle avec notre société s’est imposé naturellement, au travers des trois termes qui forment notre devise : « Liberté, égalité, fraternité. »
- « Recherchez la liberté et vous deviendrez esclave de vos désirs. Recherchez la discipline et vous trouverez la liberté » (proverbe bouddhiste zen)
Dans son article 5, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 définit la liberté essentiellement à travers le prisme de la loi, considérant que « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » et que « tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ». La primauté du droit, entendu comme synonyme de liberté, est ainsi superbement affirmée. Cependant, pendant près de deux siècles, un équilibre naturel entre droits et devoirs du citoyen s’est installé, tel un fondement essentiel d’une société espérant vivre sous le signe de la concorde. Depuis quelques décennies, cet équilibre s’est fait plus fragile, la nécessaire interdépendance entre droits et devoirs étant moins bien comprise et acceptée. Pour beaucoup, le seul véritable devoir pour le citoyen ne consisterait finalement qu’à abandonner une part de son indépendance pour se soumettre à des lois identiques pour tous et espérer vivre librement en collectivité grâce à l’action d’un État de plus en plus omniprésent.
Dans l’imaginaire collectif, c’est à un déséquilibre inverse que s’expose le candidat à l’engagement : cet étranger1 qui exerce son libre arbitre et décide de rejoindre les rangs de la Légion étrangère doit accepter de voir sa liberté considérablement réduite. Les nombreux devoirs liés à la discipline militaire et au choix volontaire de servir la France peuvent à bon droit être assimilés à une restriction de liberté. Mais il est important de garder à l’esprit que la perception du légionnaire est souvent tout autre. Pour deux raisons essentielles.
Il faut d’abord s’arrêter sur les motivations, toujours extrêmement variées, qui poussent ces étrangers vers l’engagement. Si beaucoup viennent assouvir un désir de service ou d’aventure, une partie non négligeable d’entre eux espère se libérer d’entraves ou cicatriser de blessures antérieures en signant un contrat et en embrassant la condition de légionnaire. Cela explique d’ailleurs les risques que certains sont prêts à courir dans leur pays d’origine ou au cours du périple qui les mène jusqu’au poste de recrutement. Le nouveau départ, la seconde chance offerte peuvent être perçus comme des libertés inestimables pour ces hommes dont la vie n’a pas été « un long fleuve tranquille »… L’engagement, conformément au chapitre du statut général de mars 2005 et au décret de 2008 relatif aux militaires servant à titre étranger, peut en effet se faire, à la demande du candidat, sur simple déclaration d’identité. Ce principe atypique exige de la Légion étrangère une grande vigilance et un examen approfondi des antécédents des légionnaires concernés, mais il protège ensuite ces derniers, une fois leur passé pleinement endossé par la Légion, de toute ingérence relative à leur situation antérieure. Cette coupure franche est une véritable spécificité de la Légion. Elle aide peut-être à mieux comprendre en creux pourquoi beaucoup de dispositifs portant le label « deuxième chance » peinent à obtenir aujourd’hui des résultats probants dans nos sociétés. Comment se reconstruire, se reclasser, lorsque le passé demeure omniprésent et que tout nous y ramène ?
Ensuite, il faut considérer ce que représente véritablement cet acte d’engagement. Celui qui rejoint les rangs de la Légion fait un choix délibéré : s’abandonner au profit d’un collectif qui le transcende. Il s’agit pour lui de placer sa (re)construction individuelle au cœur d’un projet commun, étayé par le caractère sacré de la mission confiée. S’il conserve sa nationalité d’origine, son statut de légionnaire fait de lui un « volontaire servant la France avec honneur et fidélité », comme le stipule l’article premier du code d’honneur qu’il récite au moment de coiffer son képi blanc pour la première fois. Ce mot « fidélité » figure dans les plis des emblèmes des régiments de la Légion en lieu et place du mot « patrie » sur les autres drapeaux et étendards. Il porte en lui le sacrifice de quarante mille légionnaires ayant donné leur vie pour un pays qui n’est pas le leur. Il englobe la fidélité à la parole donnée, la fidélité au chef, la fidélité aux camarades et frères d’armes…
À l’heure où notre pays est attaqué, où ses dirigeants le disent en guerre, force est de constater que la notion de patriotisme continue d’être galvaudée et conserve bien souvent une connotation négative. Difficile alors de donner un nom aux émotions et aux sentiments qui poussent bon nombre de citoyens à vouloir se mobiliser en réaction ! La fidélité légionnaire, qui n’est ni soumission ni compromission mais découle d’une profonde confiance, ouvre là encore quelques pistes de réflexion. « Nouvelle forme de patriotisme aux contours moins classiques »2, elle conduit des étrangers à mourir pour nos trois couleurs et aide sans doute à mieux comprendre le sens profond de la devise : « Legio Patria Nostra. » Elle est également à la racine de la discipline stricte qui contribue à la réputation de la Légion : le respect fidèle de l’engagement et de la parole donnée confère d’emblée sa légitimité à l’autorité du chef. Ce dernier doit alors sans cesse consolider la confiance donnée par un style de commandement fait de respect mutuel et d’exemplarité. Ce cercle vertueux démontre s’il en était besoin la fonction libératrice d’une discipline librement consentie : il ne s’agit nullement d’enfermer l’individu dans un carcan réducteur et liberticide, mais au contraire de lui offrir la possibilité de s’épanouir, de progresser et de donner le meilleur de lui-même dans un cadre bienveillant.
- « L’égalité peut être un droit, mais aucune puissance humaine ne saurait la convertir en fait » (Balzac, Maximes et Pensées)
« Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres3. » Dans De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville s’attarde sur les risques d’une dérive de l’État social démocratique vers un despotisme « prévoyant et doux », conséquence d’un excès de pouvoir confié par les citoyens à l’État afin de garantir l’égalité de tous. La situation dans laquelle se trouve aujourd’hui notre société, recherchant systématiquement en l’État la solution à chacun de ses maux, peut donc légitimement nous alerter. En particulier parce que la désaffection politique est réelle et que les intérêts matériels prennent le pas sur toute quête d’idéal ou de spiritualité. L’individualisme ne cesse de progresser, enfermant les individus et réduisant, malgré l’illusion que constituent les réseaux d’information, les liens sociaux qui les unissent et leur connaissance mutuelle. Enfin, telle une goutte d’eau pouvant faire déborder le vase de la discorde, la peur d’autrui est exacerbée par un contexte sécuritaire qui insinue le doute en chacun et vient briser le nécessaire lien de confiance entre les individus. Face à cela, et peut-être tel un ultime recours pour apaiser une situation qui lui échappe, l’État n’a de cesse de lutter contre les inégalités dans tous les champs de notre société, acceptant de facto d’affaiblir l’autorité. Étrange paradoxe, dès lors, que de voir disparaître progressivement les hiérarchies de « condition », alors même que les inégalités économiques ne cessent de croître, recréant des hiérarchies d’un autre genre.
En mars 1937 est publié pour la première fois un Mémento du soldat de la Légion étrangère destiné aux jeunes recrues. Celui-ci stipule : « Tous les légionnaires sont égaux. La Légion, qui est désormais ta seconde patrie, ne distingue ni nationalités ni races ni religions. Soldat de métier, venu volontaire pour servir dans un corps d’élite, tu domineras les partis et leurs luttes politiques par le culte de notre drapeau et l’amour du métier des armes, le plus beau de tous. Aucune question d’ordre politique ou confessionnel ne doit intervenir dans tes relations avec tes camarades, dont tu dois scrupuleusement respecter les croyances et les traditions. » Repris dans le Code d’honneur du légionnaire4 dans son article 2 – « Chaque légionnaire est ton frère d’armes, quelle que soit sa nationalité, sa race ou sa religion » – et applicable « du soldat au colon »5, ce texte expose clairement l’absence de toute inégalité de traitement dès l’engagement. La Légion s’engage ainsi à offrir à chacun les mêmes chances de réussite en son sein. Il ne s’agit pourtant nullement d’un égalitarisme forcené. Tout légionnaire sera certainement amené au cours de sa carrière à obéir aux ordres donnés par l’un de ses camarades à l’engagement ayant progressé plus vite que lui. Ces inégalités « artificielles » sont pourtant parfaitement acceptées. Ce sont même elles qui, dans une logique de progrès, vont tirer l’ensemble de ces hommes vers le haut et les pousser à donner sans cesse le meilleur d’eux-mêmes. Non seulement l’égalité entre les légionnaires est donc bien réelle, mais elle offre en outre à chacun, par le respect de la hiérarchie, la liberté de construire son propre parcours. C’est, comme l’écrit Tocqueville, cette passion « qui tend à élever les petits au rang des grands », qui « excite les hommes à vouloir tous être forts et estimés ».
Cette égalité repose sur une discipline stricte, déjà évoquée précédemment, mais mise en œuvre avec la plus grande justice et la plus grande équité. Victor Hugo n’écrivait-il pas d’ailleurs que « la première égalité, c’est l’équité »6 ? Une même faute entraîne une même sanction pour tous, sanction qui vient laver la faute, rétablir le lien de confiance et faire grandir l’intéressé. Voilà deux principes apparemment simples, mais qui méritent d’être réaffirmés au-delà des enceintes des quartiers de la Légion, tant les bénéfices retirés sont considérables. À l’inverse, tout comportement exceptionnel sera récompensé, mis en avant, montré en exemple, à l’image des tableaux d’honneur qui figurent dans les halls des bâtiments abritant les compagnies. Par ailleurs, la pratique du rapport hiérarchique, très ancienne institution légionnaire aujourd’hui élargie à toute l’armée de terre, offre à chaque légionnaire la garantie de pouvoir accéder à son chef pour lui exposer un problème d’ordre personnel ou professionnel.
Au final, c’est toute l’organisation de la vie de la Légion qui concourt à ce que l’égalité de traitement dont bénéficie chaque légionnaire ne soit pas asservissante et nivelante, mais au contraire stimulante et protectrice. Entendue ainsi, l’égalité devient naturellement une porte ouverte vers une véritable fraternité.
- « Une démocratie doit être une fraternité ; sinon, c’est une imposture » (Antoine de Saint-Exupéry, Écrits de guerre)
Huit mille hommes7. Cent-cinquante nationalités. Difficile de trouver mosaïque humaine plus chamarrée... Quels principes conduisent donc ces étrangers à considérer la Légion comme une véritable famille ?
La fraternité d’armes, d’abord. Ce lien indissoluble et primordial pour celui qui combattra vraisemblablement un jour en opérations. Cette capacité à « faire » confiance, à mettre sa vie entre les mains d’un autre dans le cadre sacré d’une mission commune. Elle implique une connaissance mutuelle qui transcende toute hiérarchie. Si elle n’est bien sûr pas l’apanage de la Légion étrangère, elle prend en son sein une dimension toute particulière en unissant des hommes que rien ne devait un jour rapprocher : curieuse situation que celle, vécue, qui consiste à commander, au sein d’une même unité, deux sous-officiers qui se sont affrontés lors de la guerre des Malouines et seraient désormais prêts à donner leur vie l’un pour l’autre dans l’accomplissement de leur mission !
L’esprit de corps ensuite, conséquence directe de la fraternité d’armes, et résultat de l’attention et du respect mutuels dont tous, chefs et subordonnés, doivent faire preuve. Conséquence également de la volonté permanente d’améliorer la qualité des services rendus, comme le réclame le Code d’honneur dans ses articles 4 et 5 : « Fier de ton état de légionnaire, tu le montres dans ta tenue toujours élégante, ton comportement toujours digne mais modeste, ton casernement toujours net » ; « Soldat d’élite, tu t’entraînes avec rigueur, tu entretiens ton arme comme ton bien le plus précieux, tu as le souci constant de ta forme physique. »
Enfin, la solidarité, qui parachève l’idée de famille. La Légion n’abandonne jamais les siens. Elle le précise, une fois encore, dans son Code d’honneur : « Au combat, tu agis sans passion et sans haine, tu respectes les ennemis vaincus, tu n’abandonnes jamais ni tes morts ni tes blessés ni tes armes. » Cet engagement va bien au-delà du combat. Tout est fait pour pallier l’absence du cadre traditionnel, familial et social : mise à disposition de centres de repos, comme celui de la Malmousque, prise en charge des plus faibles à l’Institution des invalides de la Légion étrangère de Puyloubier, hébergement des plus anciens à la Maison du légionnaire d’Auriol, célébration des fêtes de famille, dont Noël est la plus emblématique. Cette solidarité se construit donc à la fois dans l’accueil des plus jeunes comme dans le respect et l’accompagnement des plus anciens.
Il convient enfin de noter ici l’importance cruciale de la langue française, partie intégrante du creuset de la Légion. Son apprentissage et son usage contribuent à la lutte, difficile et exigeante, contre tout communautarisme et favorisent ainsi la fraternité. C’est également le cas de la religion : il existe à la Légion étrangère ce que l’on pourrait qualifier de « laïcité positive ». Les croyances et coutumes de chacun sont respectées ; pour autant, nul ne prend ombrage de célébrer à Noël la nativité, symbole de l’intégration des plus jeunes, à travers les célèbres crèches. Aucune querelle de ce type ne saurait faire vaciller l’édifice.
Ces valeurs pourraient paraître de prime abord bien éloignées du quotidien de notre société. Si la fraternité d’armes est partiellement transposable à certains corps publics luttant pour la protection des citoyens au péril de leur vie, l’esprit de corps et la solidarité sont deux valeurs sur lesquelles il est bon de s’attarder quelque peu.
Dans La Légion étrangère. Histoire et dictionnaire8, l’article portant sur l’esprit de corps définit ce dernier comme « l’esprit d’attachement et de dévouement au corps de tous ceux qui en font partie ». Il précise également que ce n’est pas « une création spontanée », mais qu’il « naît d’un consensus que les officiers ont suscité et qui se développe, s’entretient et se renouvelle ». Il est également précisé qu’aux débuts de la Légion étrangère, alors que les bataillons n’étaient pas encore multinationaux, cet esprit de corps n’existait pas et qu’une rivalité malsaine pouvait même apparaître entre les unités de différentes nationalités. Établir un parallèle avec notre « corps » social revient dès lors à tirer deux enseignements. Tout d’abord, la cohésion nationale, qui serait le pendant de cet esprit de corps, ne se décrète pas. Elle ne naît pas spontanément, quels que soient le contexte, les événements et l’émotion qu’ils suscitent au sein de notre société. Les récentes attaques dont la France a fait l’objet l’ont démontré : la « mobilisation générale » à laquelle on a pu croire après chaque tragédie a rapidement laissé place à la routine du quotidien. Ensuite, pour que cette cohésion prenne vie, un esprit de profond consensus est nécessaire. Celui-ci doit être insufflé par une classe dirigeante unanimement reconnue comme exemplaire et recherchant l’intérêt général. C’est la condition indispensable pour que chaque individu accepte aujourd’hui de reléguer ses intérêts particuliers au second plan. Là encore, la défiance de nombreux citoyens à l’égard de la parole publique et la désaffection pour la vie politique qui en découle peuvent être regardées comme autant de freins à la mise en œuvre d’un projet commun véritablement fédérateur.
C’est d’ailleurs cette absence d’un véritable projet commun, d’une véritable communauté de destin, qui, au sein de notre société, vide la notion de solidarité de son sens originel9. À la Légion, celle-ci dépasse le cadre de la définition sociologique. C’est un engagement qui recouvre à la fois un altruisme généreux et un désir d’œuvrer au bien-être matériel et moral de chacun des membres, actif ou retraité, de la famille Légion. C’est, en quelque sorte, une forme particulière de charité. Notre société, elle, tend à considérer davantage la solidarité comme « organique », à la manière du sociologue Émile Durkheim10 : les liens sociaux entre les individus n’existent que par l’interdépendance de leurs activités. Il ne s’agit donc pas d’une véritable action morale, volontaire et individuelle, mais d’une attitude purement sociale. Quelle place alors pour des individus ne pouvant prendre part à cette société, pour les plus faibles ou les plus démunis ? Le flou grandissant entre une « action sociale » concernant une part toujours grandissante de notre population et une véritable solidarité constitue une fragilité supplémentaire pour la cohésion de notre société dans les années à venir.
Dans sa conférence « Qu’est-ce qu’une nation ? » prononcée en 1882 à la Sorbonne, Ernest Renan affirmait : « L’homme n’est esclave ni de sa race ni de sa langue ni de sa religion ni du cours des fleuves ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. » La Légion étrangère ne constitue certes pas une nation. Mais la question mérite presque d’être posée, tant elle incarne un « vivre ensemble » que nos sociétés actuelles ont bien du mal à reproduire. Elle se fait en tout cas pour beaucoup « deuxième patrie ». Au service de la France, elle demeure libre et « saine d’esprit », fraternelle et « chaude de cœur », et les frères d’armes de tous grades qui la composent, égaux devant les règlements, délaissent toute considération de nationalité, de race ou de religion. À elle seule, la Légion démontre à quel point les détracteurs de Renan se trompaient, eux pour qui ce discours ne concernait « que ceux qui ont un passé commun, c’est-à-dire ceux qui ont les mêmes racines ».
À l’heure où un terrorisme nihiliste, véritable idéologie de mort dépourvue de toute rationalité, parvient à faire chanceler notre société en s’attaquant à ce que nous sommes, s’insinuant dans des fractures déjà existantes mais ignorées jusqu’alors, le « bloc » Légion étrangère s’érige avec toujours autant de force. L’humanisme de ces étrangers, qui s’exprime jusque dans le fracas de la bataille en s’opposant à toute violence aveugle – « Au combat, tu agis sans passion et sans haine » –, mérite donc, à défaut d’être admiré par tous, au moins d’être considéré et respecté, et pourquoi pas de servir d’exemple. Car une fois la part de rêve et de mystère mise de côté, les principes fondateurs du « système Légion » apparaissent aujourd’hui comme autant d’étais pouvant utilement soutenir notre corps social afin d’éviter tout risque d’émiettement, voire d’effondrement.
1 Par convention, l’appellation « étranger » englobera les 10 à 15 % de Français qui rejoignent chaque année les rangs de la Légion et servent, comme leurs camarades, sous statut à titre étranger. Environ cent cinquante nationalités sont aujourd’hui représentées à la Légion : 25 % des légionnaires viennent du monde slave et d’Asie du Nord, 10 % d’Asie, 20 % d’Europe centrale et balkanique, 10 % d’Afrique et du monde arabe, 18 % d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, 6 % d’Amérique latine. 11 % sont aujourd’hui Français.
2 Général Alain Bouquin, commandant de la Légion étrangère, Képi blanc n° 716, décembre 2009.
3 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, vol. 2, 4e partie, chap. 6, 1840.
4 Le code d’honneur « simplifié » en sept articles remonte aux années 1980.
5 Extrait du Fanion de la Légion, chant de tradition.
6 Victor Hugo, Les Misérables, 1862.
7 La cible en effectifs pour la Légion étrangère est de huit mille neuf cent cinquante hommes à l’horizon 2018.
8 André-Paul Comor, La Légion étrangère. Histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont, p. 354.
9 En latin, solidus signifie « entier » et l’expression in solidum « pour le tout ».
10 Émile Durkheim, De la division du travail social, 1893.
It would hardly be exaggerated to assert today that everything has already been written about the Foreign Legion. From recruiting to reconversion, from instruction in operational engagement to the “myth of the Legion,” every particularity of this system and the men that comprise it has been dissected, analysed, praised or criticised over its history of nearly two hundred years. All the same, this old recruiting poster, with a background of the white cap and the green and red epaulette, that says “The Foreign Legion: everybody talks about it but few know it” retains all of its pertinence and its impertinence.
However, at this time when our so-called multi-cultural societies appear to be particularly fragile in the face of a terrorist threat that is accentuating the already deep ethnic, religious and socio-economic divides, it may be interesting to examine once again this “Legion system” that is able to have men of all origins, cultures and beliefs live and work together and, if necessary to die together.
While multi-culturalism was appearing to create a model of a “global village” that many people called their ideal, tragic events have in effect brutally brought out western societies to a more complex reality, which has at the same time exploded some certainties about a comfortable “co-existence” that appeared to be definite. For its part, the Legion does not appear to have given any support to the doubt which is settling in and continues to leave its wake. The application of the unchanging principles of a hundred years in the mind, that also change in wording in order to match the realities of our time allow it to obtain surprising results through constant effort. By doing this, paradoxically it is each day becoming a bit more “foreign,” in the sense of “singular,” compared to the society surrounding it.
To attempt to transpose certain principles implemented by the Legion in order to apply them to a society and to hope to find in them the foundations for a renewed “co-existence” may, justly, seem to be both dangerous and simplistic. Obviously, there is a difference in nature and scale between a “global” society that is interested in all of the aspects of social life and a “partial” micro-society which is not intended to organise the entirety of the life of its members. But once this reservation is made, the exercise is worth trying, not to find a solution of any sort, but rather to open certain ways of thinking for actions. And since the Legion is a French specificity, one means of approach to establish a parallel with our society is natural, by means of the three words that form our motto “Liberty, equality, fraternity.”
- “Search for liberty and you become a slave to your desires. Search for discipline and you will find liberty” (a Zen Buddhist proverb)
In its Article 5, the Declaration of the Rights of Man and of the Citizen of 1789 defines liberty essentially by means of the law, considering that “the law only has the right to prohibit actions that are harmful to society” and that “nothing that is not prohibited by the law may be prevented and no one may be forced to do what the law does not order.” The rule of law, understood as a synonym of liberty, is thus superbly affirmed. However, over nearly two centuries, a natural equilibrium between the rights and obligations of the citizen has been established, as an essential foundation of a society that desires to live under the sign of concord. Over several decades this equilibrium has become more fragile and the necessary interdependence between rights and obligations has become less understood and accepted. For many people, the only real obligation for citizens finally consisted of abandoning a portion of their independence in order to submit to identical laws for everyone and to hope to live freely in a collective thanks to the actions of a more and more omnipresent State.
In the collective imagination, this is an inverse imbalance that exposes the candidate to the commitment: this foreigner1 who exercises his free will and decides to join the ranks of the Foreign Legion must accept that his liberty is considerably reduced. The many obligations connected with military discipline and the voluntary choice to serve France may rightly be assimilated to a restriction of liberty. But it is important to keep in mind that the perception of the Legionnaire is often quite different. For two essential reasons.
First of all it is necessary to examine the motivations that are always extremely varied, which push these foreigners to make this commitment. While many of them come in order to satisfy a desire for service or adventure, a significant portion of them wish to release themselves from hindrances or to heal prior wounds by signing a contract and embracing the status of a Legionnaire. This, moreover, explains the risks that some of them are ready to endure in their countries of origin or during the journey that leads them to the recruiting post. The new start, the second chance that is offered may be seen as inestimable liberties for these men whose lives have not been a “long and tranquil river.” The commitment, in accordance with the chapter of the general statutes of March 2005 and the decree of 2008 concerning military personnel serving as foreigners, may in effect be made at the request of the candidate upon simple declaration of identity. This atypical principle requires great vigilance by the Foreign Legion and an in-depth examination of the antecedents of the Legionnaires in question, but it then protects them, once their past is fully accepted by the Legion, from any interference with regard to their previous situation. This clear break is a veritable specificity of the Legion. It may help to better understand why many of the systems bearing the label “second chance” are today having trouble obtaining clear results in our societies. How can you reconstruct yourself, re-classify yourself, when the past remains omnipresent and everything leads us back to this past?
Then, we need to consider what this act of commitment really represents. Someone who has joined the ranks of the Legion has made a deliberate choice: to give himself to a collective that transcends him. For him this consists of placing his personal (re)construction at the centre of a joint project, supported by the sacred nature of the mission entrusted to him. If he retains his original nationality, his status as a Legionnaire make of him a “willing servant of France with honour and fidelity,” as stipulated in the first article of the code of honour that he recites when donning his white cap for the first time. This word “fidelity” appears in the emblems of the regiments of the Legion, in the place of the word “homeland” on other flags and banners. He carries in him the sacrifice of forty thousand Legionnaires who have given their lives for a country that is not theirs. He embodies fidelity to the oath that he has given, fidelity to the leader, fidelity to his comrades and brothers in arms.
As the time when our country is attacked or its leaders declare that it is at war, it must be noted that the concept of patriotism continues to be tarnished and indeed often retains a negative connotation. Thus, it is difficult to give a name to the emotions and the sentiments that push a large number of citizens to want to mobilise as a reaction! The fidelity of the Legionnaire, which is neither submission or a dishonest compromise, but derives from deep trust, opens several paths to reflection. “A new form of patriotism with less classical contours,”2 it leads foreigners to die for our tri-colour and without a doubt helps us better understand the deep sense of the slogan: “Legio Patria Nostra.” It is also at the root of the strict discipline which contributes to the reputation of the Legion: the faithful respect for the commitment and the oath they have made thus confers its legitimacy to the authority of the leader. The leader must however constantly consolidate the trust given by a style of commanding based on mutual respect and exemplarity. This circle of virtue shows, if there was a need for it, the liberating function of a freely consented discipline: this is not in any manner enclosing the individual in shackles that reduce and destroy liberty, but on the contrary offering him the possibility to develop, to progress and give the best of himself in a well-meaning framework.
- “Equality may be a right, but no human power can convert it to a fact” (Balzac, Maxims and Thoughts)
“I want to imagine under what new features despotism could present itself to the world; I see an innumerable crowd of similar and equal men who spin around restlessly, in order to gain small and vulgar pleasures with which they fill their souls. Each one of them, withdrawn apart, is like a stranger to the destiny of all the others.”3 In Democracy in America, Alexis de Tocqueville addressed the risks of the social democratic State drifting towards “considerate and soft” despotism as a result of an excess of power conferred by the citizens on the State in order guarantee the equality of all. The situation in which our society now finds itself, systematically searching in the State a solution for each of its ills, may thus legitimately alert us. In particular because the political disaffection is real and material interests are prevailing over any quest for the idea or spirituality. Individualism continues to progress, enclosing individuals and reducing the social connections which unite them and their mutual awareness, despite the illusions that are created by the information networks. Finally, such dripping may overflow the cup of discord, the fear of the other is exacerbated by a security framework that insinuates doubt in each person and has broken the necessary connection of trust between individuals. Faced with this, and perhaps as a final recourse to calm a situation that is escaping it, the State continues to combat inequalities in all of the areas of our society, and de facto accepting to weaken authority. This is a strange paradox, since, while seeing a progressive disappearance of hierarchies of “condition,” at the same time the inequalities do not cease to grow, thus creating hierarchies of another sort.
In March 1937 a Memento of the Soldier of the Foreign Legion, intended for new recruits, was published for the first time. It stipulates: “All of the Legionnaires are equal. The Legion is now your second country and it does not distinguish nationalities, races or religions. A professional soldier who has come willingly to serve in an elite corps, you will stand apart from the parties and their political combats by the cult of our flag and the love of the profession of arms, the finest of all. No question of a political or confessional order must arise in your relations with your comrades, whose beliefs and traditions you must scrupulously respect.” This is included in the Code of Honour of the Legionnaire4 in Article 2: “Each Legionnaire is your brother in arms, regardless of his nationality, race or religion” and applicable “from soldier to colonel,”5 this text clearly shows the absence of any inequality in treatment as soon as recruited. The Legion thus undertakes to offer everyone the same chances for success in it. However, this is not in any way a fanatical equality. All Legionnaires will certainly be required during their careers to obey orders given by one of their comrades whose commitment has progress more rapidly than him. These “artificial” inequalities are, however, entirely acceptable. It is in fact this which, in a logic of progress, that will draw all of these men upwards and push them to continually give the best of themselves. Not only is equality between Legionnaires indeed real, but it is offered moreover to everyone, by respect for the hierarchy, the liberty to construct their own path. As Tocqueville writes, it is this passion “which tends to raise the small to the rank of the great” who “excite all men to want to be strong and respected.”
This equality relies on strict discipline, as noted above, but implemented with the greatest justice and the greatest equity. After all, did not Victor Hugo write that “the first equality is equity?”6 The same fault causes the same sanction for everyone, which sanction clears the fault, re-establishes the connection of trust and causes the man in question to grow. Here are two apparently simple principles, but which should be re-asserted beyond the quarters of the Legion, since the benefits from this are so considerable. On the other hand, any exceptional behaviour will be rewarded, promoted and shown as an example, such as the boards of honour that appear in the halls and the buildings housing the companies. Moreover, the practice of hierarchical relations, which is a very old institution in the Legion that is now being enlarged to the entire army, offers each Legionnaire the guarantee to be able to access his leader in order to address a personal or professional problem.
Finally, it is the entire organisation of life in the Legion that leads this equality of treatment that each Legionnaire enjoys is neither controlling or levelling, but, on the contrary, stimulating and protective. Thus understood, equality naturally becomes an open door to true fraternity.
- “A democracy must be a fraternity; if not, it is a sham” (Antoine de Saint-Exupéry, Wartime Writings)
Eight thousand men.7 One hundred fifty nationalities. Difficult to find a more richly coloured human mosaic. But what principles lead these foreigners to consider the Legion to be a true family?
The brotherhood of arms, first of all. This is an insoluble and primordial connection for those who will one day actually be in combat operations. This ability to trust, to put your life in the hands of another in the sacred context of a shared mission. It implies a mutual knowledge which transcends any hierarchy. While it is certainly not a prerogative of the Foreign Legion, within the Legion it takes a very particular dimension by unifying men for whom there was once nothing to bring them together: a curious situation such as the one which consisted of commanding, within the same unit, two sub-officers who had been on opposite sides in the Falklands War and were now ready to give their lives for each other in order to accomplish their mission!
The esprit de corps is then a direct consequence of the brotherhood of arms, and the result of the mutual attention and respect that everyone, leaders and subordinates, must demonstrate. This is also a consequence of the constant desire to improve the quality of the services rendered, as the code of Honour demands in Articles 4 and 6: “Proud of your status as a Legionnaire, you will demonstrate this in your dress that is always elegant, your conduct that is always dignified but modest, your barracks that are always clean;” “An elite soldier, you will train with rigour, you will maintain your weapon as your most precious belonging, you will always be concerned by your physical condition.”
Finally, the solidarity which completes the idea of family. The Legion never abandons its men. It specifies, once again, in the code of Honour: “In combat, you will act without passion and without hatred, you will respect the vanquished enemies, you will never abandon your dead, your wounded or your arms.” This commitment goes well beyond combat. Everything is done to overcome the absence of the traditional family and social framework: the provision of rest centres, such as the one in Malmousque, the care for the weakest at the Institute for the Invalids of the Foreign Legion in Puyloubier, housing for the oldest at the Legionnaire House at Auriol, the celebration of family holidays, of which Christmas is the most emblematic. This solidarity is constructed thus both in the reception of the youngest and the respect for and assistance to the oldest.
Finally, it should be noted here the crucial importance of the French language, which is an integral part of the crucible of the Legion. The teaching and use of French contributes to the difficult and demanding combat against any community-based isolation and thus favours brotherhood. This is also the case of religion: in the Foreign Legion there exists what one may call “positive secularity.” The beliefs and customs of everyone are respected; however, no one resents celebrating the nativity at Christmas, which is a symbol of the integration of the youngest, by the celebrated crèches.
No quarrel of this type could shake the edifice.
These values may appear to be quite distant from the day-to-day life of our society. If the brotherhood of arms is partially transposable to certain public bodies fighting to protect citizens at the risk of their lives, the esprit de corps and the solidarity are two values that should be examined somewhat.
In The Foreign Legion. History and dictionary,8 the article concerning the esprit de corps defines this as “the spirit of attachment and dedication to the corps by everyone who forms a part of it.” It also specifies that this is not a “spontaneous creation,” but that it “is born from a consensus that the officers have elicited and which has developed, is maintained and renewed.” It is also specified that at the beginning of the Foreign Legion, when the battalions were not yet multinational, this esprit de corps did not exist and an unhealthy rivalry could even appear between units of different nationalities. Establishing a parallel with our social “corps” thus consists of drawing on two lessons. First, national cohesion, which would be the result of this esprit de corps, cannot be decreed. It does not arise spontaneously, regardless of the context, the events or the emotions that they arouse within our society. The recent attacks that have targeted France have shown this: the “general mobilisation” which we believe to see after each tragedy quickly subsides into daily routine. Finally, in order for this cohesion to come to life, a deep spirit of consensus is necessary. This must be inspired by a class of leaders that is unanimously recognised as exemplary and seeking the general interest. This is the indispensable condition in order for each individual to today accept to delegate his particular interests to the background. Here again, the defiance of many citizens with regard to public statements and the disaffection for political life resulting from this may be regarded as brakes on this implementation of a shared project that truly brings people together.
Moreover, it is this absence of real shared project, a veritable shared destiny, which, in our society, deprives the concept of solidarity of its original meaning.9 In the Legion, this exceeds the framework of sociological definition. This is a commitment that covers both generous altruism and a desire to work for the material and moral well-being of each of the members of the Legion family, whether active or retired. To some extent, this is a particular form of charity. Our society tends to consider solidarity to be more “organic,” in the manner of the sociologist Emile Durkheim:10 the social connections between individuals only exist by the interdependence of their activities. Thus, this is not a veritable moral action that is voluntary and individual, but a purely social attitude. What then is the place for individuals who cannot participate in this society, for the weakest or the least fortunate? The growing vagueness between “social action” concerning a continually growing section of our population and true solidarity constitutes an additional fragility for the cohesion of our society in the coming years.
In his conference “What is a Nation?” given at the Sorbonne in 1882, Ernest Renan affirmed: “Man is not a slave either of his race or his language or his religion or of the course of the rivers or the direction of mountain ranges. A great aggregation of men, healthy of mind and warm of heart, creates a moral conscience that one calls a nation.” Certainly, the Foreign Legion does not constitute a nation. But the question needs to be posed, since it incarnates a “cohabitation” that our current societies are struggling to reproduce. For many, in any event it constitutes a “second homeland.” At the service of France, it remains free and “healthy of mind,” fraternal and “warm of heart,” and the brothers in arms of all ranks who compose it, equal before the rules, relinquish any consideration of nationality, race or religion. The Legion alone shows to what extent the detractors of Renan were wrong, those for whom this speech only concerned “those who have a shared past, namely those who have the same roots.”
At this time when nihilist terrorism, a veritable ideology of death without any rationality, is shaking our society by attacking what we are, insinuating in the already existing fractures that were up to now ignored, the Foreign Legion “block” is sturdy with all the more force. The humanism of these foreigners, which is expressed even in the heat of the battle by opposing any blind violence — “In combat, you will act without passion and without hatred,” should therefore be admired by everyone, and at least be considered and respected, and, why not serve as an example. Because, once the dream and the mystery are put to one side, the founding principles of the “Legion system” appear today to be supports that could usefully sustain our social body in order to avoid any risk of shattering or even collapse.
1 By convention, the term “foreigner” includes the 10 to 15% of French citizens who each year join the ranks of the Legion and serve, like their comrades, under the status of foreigner. Approximately 150 nationalities are today represented in the Legion: 25% of the Legionnaires come from the Slavic world and North Asia, 10% from Asia, 20% from Central Europe and the Balkans, 10% from Africa and the Arab world, 18% from Western Europe and North America, 6% from Latin America. Currently 11% are French.
2 General Alain Bouquin, commander of the Foreign Legion, White Cap No. 716, December 2009.
3 Alexis de Tocqueville, Democracy in America, Vol. 2, Part 4, Chapter 6, 1840.
4 The “simplified” Code of Honour in seven articles dates from the 1980s.
5 Extract from the Flag of the Legion, traditional song.
6 Victor Hugo, Les Misérables, 1862.
7 The staffing target for the Foreign Legion is eight thousand nine hundred fifty men by 2018.
8 André-Paul Comor, The Foreign Legion. History and Dictionary, Paris, Robert Laffont, p. 354.
9 In Latin, solidus means “whole” and the expression in solidum “for the whole.”
10 Emile Durkheim, Concerning the social division labour, 1893.