« C’est le fait d’un homme sage de tirer profit de ses ennemis »
(Xénophon)
La guerre, comme le mariage, est à la fois rencontre, expression ultime de la liberté, manifestation d’un engagement définitif et imprévisible dans une relation, aboutissement d’une décision profondément délibérée. Ces deux relations, radicalement divergentes dans leur objectif, se rejoignent dans la place décisive qu’y tient l’autre. La guerre, comme le mariage, procède d’un pari sur l’autre. Ici, l’autre n’est pas l’épouse mais l’ennemi, l’homme n’est pas le fiancé mais le chef militaire, et l’engagement ne vise pas l’épanouissement de l’autre mais sa destruction. Cependant, comme le fiancé, le chef militaire va chercher à acquérir une connaissance suffisante de l’autre et de ses intentions avant de s’engager définitivement à ses côtés.
En termes militaires, ce pari sur l’autre a un nom : l’impression sur l’ennemi. Dans un paragraphe de quelques lignes, placé en tête du document dans lequel il exprime sa conception de la manœuvre à ses subordonnés, le chef livre sa connaissance et sa perception de l’autre, son ennemi, avant de s’engager dans une relation durable avec lui : la guerre.
Dans l’histoire, tous n’ont pas toujours pris cette précaution. Si l’on en croit les écrits du capitaine de cavalerie Guillaume Bourdon de Sigrais qui étudiait, en 1774, l’esprit militaire des Gaulois1, nos ancêtres celtes partaient au combat sans analyse préalable ni des dangers ni de leur adversaire, ce qu’ils auraient considéré comme une forme de faiblesse. À l’opposé, l’un des premiers grands maîtres de la stratégie, le Chinois Sun Tzu, en pleine époque des royaumes combattants, recommandait au général, dans son traité resté célèbre L’Art de la guerre, de « connaître son ennemi » autant qu’il se connaîssait lui-même et d’adapter sa stratégie à celle de son adversaire2.
L’histoire contemporaine semble lui donner raison, car les chefs qui se sont lancés dans une opération en faisant fi de leur ennemi pour construire leur manœuvre ont rarement vu leur entreprise couronnée de succès. À la veille de la Première Guerre mondiale, le culte de l’offensive prôné par le haut commandement français a bien voulu s’affranchir de la volonté de l’adversaire pour ne retenir que la sienne propre. Ainsi, dans ses conférences, en 1911, le colonel de Grandmaison enseignait que pour préparer une attaque, « ce que veut faire l’ennemi importe peu »3. Les premiers combats d’août 1914 sanctionneront lourdement cette approche.
- La guerre comme relation à deux
Cela revenait en effet à négliger la nature même de la guerre, en tant qu’elle représente, d’abord, une relation à deux. C’est ainsi que nous aident à la comprendre ses grands penseurs, au premier rang desquels se trouve Clausewitz, pour qui la guerre est « la collision de forces vivantes »4. Dans la guerre, ce sont bien deux systèmes complexes, vivants, intelligents et libres qui interagissent. Ce ne sont pas deux masses inertes qui se confrontent dans un combat à sens unique qui verrait systématiquement le parti le mieux armé prendre une fois pour toutes l’avantage sur le plus faible. Ce sont deux forces en constante évolution qui s’affrontent dans un « duel à plus grande échelle »5.
La guerre doit donc être entendue, d’abord, comme « l’affrontement de deux volontés qui s’exprime sous la forme d’un choc intellectuel dont les manœuvres, du niveau stratégique jusqu’au combat tactique, ne représentent, en dernière analyse, que les manifestations physiques »6. Dans cette dimension dialectique, elle a pu être comparée à un jeu dans lequel, selon la théorie du prix Nobel d’économie Thomas Schelling, « la meilleure décision de chacun des joueurs dépend de l’idée qu’il se fait du choix éventuel de son vis-à-vis »7.
Mais cette dialectique va encore plus loin, car dans un jeu, les règles sont fixées par avance et ne peuvent pas être modifiées en cours de partie. La guerre, elle, « développe ses propres normes au fur et à mesure de son développement »8. Les moyens, le cadre espace-temps ainsi que les critères qui définissent la victoire ne sont pas figés à l’avance mais dépendent de la détermination des deux volontés qui interagissent continuellement. Contrairement à un simple jeu, chaque coup peut faire apparaître de nouvelles cartes, de nouvelles possibilités, de nouvelles règles. Dans cet affrontement, comme l’exprime Clausewitz, « chacun fait de la loi de l’autre », dans ce qu’il appelle une « action réciproque »9, qui conserve la part d’imprévisibilité inhérente à l’exercice de toute liberté humaine. Dans la guerre, c’est bien la liberté de chacun des acteurs qui s’exprime et trouve son aboutissement.
- Penser l’autre, condition préalable à l’engagement
L’exercice de ces deux libertés rend éminemment complexes la préparation et la conduite de l’engagement. Il apparaît en effet impossible de prévoir exactement toutes les réactions successives de la partie adverse, alors même que chacun combat pour conserver sa propre liberté et cherche à priver l’autre de la sienne.
Pourtant, dans ce climat d’incertitude dans lequel il se trouve d’emblée plongé, le chef militaire va devoir décider pour bâtir sa manœuvre et en informer ses subordonnés. Cette décision ne pourra trouver son fondement dans une démarche parfaitement scientifique, car il est impossible à l’esprit humain, même le plus brillant, de prévoir tous les coups de son adversaire et d’anticiper toutes les possibilités pour les parer. Elle ne pourra pas non plus être complètement artistique, car le risque serait trop grand d’engager ses troupes sur un pari un peu fou. C’est pourquoi le raisonnement du chef devra combiner les deux facettes de l’art et de la science. C’est ce qu’Ardant du Picq met en perspective dans ses études sur le combat comme la conjonction des héritages grecs et romains, la tactique des premiers procédant « surtout du raisonnement mathématique », celle des seconds « d’une connaissance profonde du cœur de l’homme »10.
Le chef devra ainsi « combiner les données psychologiques et les données matérielles par une démarche d’esprit abstraite et rationnelle »11. Ce raisonnement lui permettra d’élaborer ce que le général Beaufre a dénommé une « manœuvre contraléatoire », qui vise à contrer le caractère aléatoire des réactions de l’autre, non pas en cherchant à prévoir chacune d’elles dans le détail, mais en décidant de sa propre idée de manœuvre à partir de ce qu’il imagine de celle de l’ennemi et en préparant les contre-réactions qui permettront de s’opposer aux réactions de celui-ci.
- Consentir un risque : celui de s’engager sur l’autre
L’adversaire va alors devenir un objet d’analyse dont le chef militaire cherchera à la fois à connaître les capacités et à déceler les intentions. La démarche conduite va d’abord être scientifique, visant à connaître qui est l’ennemi : quels sont ses équipements, quel est son volume, quelle est sa doctrine, quel est l’état de ses forces, quelles sont ses aptitudes. L’essentiel de ces informations, qui sont le fruit d’un travail très concret d’acquisition de renseignements de différentes natures, tels que des prises de photographies ou des interceptions de communications, pourra être trouvé dans les informations données par l’échelon supérieur. Celui-ci s’étant livré au même exercice quelque temps plus tôt, aura décrit dans ses ordres l’ennemi auquel il s’attend lui-même à être confronté. Il s’agit donc pour le chef, dans cette première étape, d’ordre rationnel, de décliner à son niveau l’ennemi de son supérieur.
La démarche monte de la science vers l’art lorsqu’ensuite le chef cherchera à déceler les intentions de son ennemi : que veut-il ? Il va ainsi s’efforcer de penser son ennemi, voire de penser comme son ennemi, de « penser rouge »12, c’est-à-dire de se mettre dans sa peau pour tenter de deviner ses projets. C’est tout le sens tactique, l’intuition, le flair du décideur qui s’exprime ainsi, avec toute sa part de subjectivité. Cette réflexion se prolongera pour associer à l’intention adverse les différentes manières dont il pourrait s’y prendre pour atteindre ses objectifs : comment l’ennemi va-t-il manœuvrer face à mon action ? C’est ici que la « manœuvre contraléatoire » du général Beaufre trouve sa traduction concrète dans l’imagination comme autant d’hypothèses des différentes réactions que l’adversaire pourrait opposer à l’action amie et, surtout, dans le choix, par le chef, de celle(s) qu’il considère (la) (les) plus déterminante(s).
Il s’agit bien pour le chef de planifier, et non de prévoir, c’est-à-dire « d’envisager une partie des futurs possibles, de favoriser leur préparation mentale par l’élaboration de manœuvres contraléatoires anticipant les aléas et de faciliter l’exploitation des opportunités »13. Il prend ses responsabilités pour s’engager délibérément malgré une connaissance forcément partielle et partiale de l’autre. Il est conforté dans son sentiment sur l’autre par une étude raisonnable et éclairé dans ce qu’il sait de l’autre par ses impressions. Il n’attend pas de certitude pour décider, mais choisit de se reposer sur sa conviction, mélange de perception et de savoir.
- L’impression sur l’ennemi : expression de ce risque consenti
C’est le fruit de cette démarche de raisonnement sur son ennemi que le chef exprime dans son « impression sur l’ennemi », avant même d’exposer quelle sera sa propre manœuvre, manifestant ainsi l’étude de l’adversaire comme condition préalable à l’élaboration de tout plan de bataille.
Le chef se livre en plusieurs temps. Il indique tout d’abord, le plus nettement possible, l’impression qu’il se fait de son « ennemi global », c’est-à-dire de celui qui peut s’opposer à l’exécution de sa mission dans toute sa zone d’action et la totalité du cadre temporel de sa mission. Il divise ensuite cet ennemi en deux parties. D’abord, l’« ennemi initial », c’est-à-dire la part de l’ennemi auquel il pense être confronté au moment du premier contact. Il y décrit de façon précise la composition de l’ennemi, mais également ses objectifs, ses itinéraires, ses unités, dans l’ordre chronologique probable d’apparition. Ensuite, « l’ennemi ultérieur » ou « en réaction », celui qui, par sa manœuvre et ses moyens, peut favoriser ou relancer l’action de l’ennemi initial.
Partant de l’objectif de l’ennemi global, de sa mission et de son idée de manœuvre, le chef décrit les différentes réactions possibles de son ennemi face à son action, en précisant là aussi sa composition, ses objectifs, éventuellement dégradés, ses nouveaux itinéraires ou ses délais d’intervention adaptés. Ces différentes hypothèses, appelées « modes d’action ennemis », généralement limitées au nombre de deux, seront suffisamment différenciées et précises pour permettre de prévoir des contre-réactions adaptées. Enfin, il hiérarchise ces hypothèses en les classant selon leur probabilité d’occurrence et leur dangerosité. En s’engageant ainsi sur une hypothèse plutôt qu’une autre, en livrant son impression personnelle dans un ordre indiscutable, le voilà désormais lié devant ses subordonnés. Cette prise de risque consentie est consubstantielle de toute décision et projette le chef, comme son unité, dans l’action.
Car c’est bien en se fondant sur l’intention de son ennemi, ses objectifs putatifs et ses probables modes d’action que le chef décide de sa propre intention. Celle-ci, appelée « effet majeur », n’est pas uniquement liée à l’ennemi, car elle ne peut faire l’abstraction d’autres paramètres qui auront également une incidence sur la manœuvre : géographie du champ de bataille, météorologie... Mais parce qu’il est le seul de ces facteurs qui soit à la fois vivant et doté d’une volonté, d’une liberté et d’une intelligence propres, l’ennemi tient cette place déterminante dans la définition par le chef de son propre plan.
- S’adapter en permanence car l’autre reste imprévisible
Cependant, à la guerre rien ne se passe jamais comme prévu. L’autre, cette force vivante et libre, n’agit et ne réagit pas comme on pouvait s’y attendre. C’est ce que signifie le maréchal von Moltke, non sans humour, lorsqu’il exprime qu’à la guerre « l’ennemi a toujours trois solutions ; il choisit en général la quatrième ». Cette situation est également très proche de celle que décrit Paul Valéry dans Regards sur le monde actuel en 1945 : « Nous nous trouvons dans la situation d’un joueur qui s’apercevrait avec stupeur que la main de son partenaire lui donne des figures jamais vues et que les règles du jeu sont modifiées à chaque coup14. » Dans un tout autre contexte, c’est également ce que constate le général américain Wallace, qui commande le Ve corps américain lors de l’opération Iraqi Freedom en mars 2004 : « Nous ne faisons pas la guerre à l’ennemi contre lequel nous nous étions préparés15. »
C’est pour cela qu’au-delà de sa planification, à mesure que l’impression qu’il se fait de son ennemi va évoluer, le chef devra rester capable d’adapter sa manœuvre en cours d’action, en adoptant des contre-réactions qu’il lui était impossible d’envisager initialement. Cela lui demandera d’abord de « créer les conditions de l’initiative » chez ses subordonnés, c’est-à-dire de leur donner le sens dans lequel il souhaite les voir réagir, mais sans les contraindre sur la façon qu’ils auront de le faire. Leur donner des informations suffisamment claires pour qu’ils puissent se raccrocher à un effet à obtenir, en respectant une véritable subsidiarité pour ne pas scléroser leur imagination dans des réactions toutes faites et dictées à l’avance, ce qui pourra leur permettre de saisir les opportunités qui se présenteront à eux.
Conservant cette faculté intellectuelle de réaction, le chef devra également en conserver la capacité matérielle. Il pourra le faire en se gardant un élément de réserve, qui lui permettra de réagir à l’imprévu, sa taille et sa nature pouvant être adaptées en fonction de la part d’incertitude à laquelle il estime se trouver confronté. Pierre Vendryès résume ainsi cette impérieuse nécessité : « Pour prévenir le hasard, il faut disposer de réserves contraléatoires16. »
En définitive, la guerre est une relation continuellement réinventée. Nécessairement pensée, la décision de s’y engager se fonde sur une démarche intellectuelle, synthèse de rationnel et d’irrationnel, de raison et de passion, de données matérielles et de données psychologiques. Mais elle est avant tout l’acceptation d’un risque : l’autre. Prise de risque initiale, qui trouve sa manifestation dans l’impression sur l’ennemi, prise de risque constamment renouvelée au contact de l’autre et dans la confrontation au réel.
Deux défis se présentent au chef militaire aujourd’hui. Le premier, c’est celui de la pluralité, celui de se voir confronté non plus à un autre, mais à plusieurs autres. Il doit penser non plus un ennemi mais des ennemis, car la guerre se fait de moins en moins souvent à deux. Le second, c’est celui de la liberté. Car là où l’ennemi s’affranchit de plus en plus facilement de toutes obligations, qu’elles soient juridiques, doctrinales, voire éthiques, le chef militaire se trouve quant à lui de plus en plus contraint par l’environnement dans lequel il combat, par les structures auxquelles il appartient, par les images qu’il renvoie. Cela peut le rendre davantage prévisible, face à un ennemi qui l’est de moins en moins. Le jeu, truqué, en devient de plus en plus compliqué et la victoire de plus en plus aléatoire.
1 Monsieur C.-G. Bourdon de Sigrais, capitaine de cavalerie, Considérations sur l’esprit militaire des Gaulois, 1774.
2 Sun Tzu, L’Art de la guerre, Paris, Flammarion, 2008.
3 Louis de Grandmaison, Deux conférences faites aux officiers de l’état-major de l’armée. La notion de sûreté et l’engagement des grandes unités, Paris, Berger-Levrault, 1911.
4 Carl von Clausewitz, De la guerre, Paris, Perrin, 2006.
5 Ibid.
6 Michel Yakovleff, Tactique théorique, Paris, Economica, 2009.
7 Thomas Schelling, Stratégie du conflit, Paris, puf, 1980.
8 Julien Freund, « Polémologie, science des conflits », Études polémologiques n° 4, 1972 : « Le jeu respecte un statu quo – celui qui fixe les règles –, mais le conflit a justement pour objet de le modifier pour forcer le vaincu à exécuter la volonté du vainqueur. »
9 Carl von Clausewitz, ibid.
10 Charles Ardant du Picq, Études sur le combat, Paris, Champ libre, 1978.
11 André Beaufre, Introduction à la stratégie, Paris, Hachette, 1998.
12 Michel Yakovleff, ibid. : « Rouge, par référence au temps du Pacte de Varsovie, qui inspirait “l’ennemi conventionnel”. »
13 Vincent Desportes, Décider dans l’incertitude, Paris, Economica, 2007.
14 Paul Valéry, Regards sur le monde actuel et autres essais, Paris, Gallimard, 2002, première parution en 1945.
15 Cité par Vincent Desportes, ibid., p. 22.
16 Pierre Vendryès, De la probabilité en histoire, Paris, Economica, 1998.
“It is a feature of a man of sense to derive profit from his enemies”
Xenophon
War, like marriage, is simultaneously an encounter, the ultimate expression of freedom, the manifestation of a definitive commitment within a relationship of which we cannot predict the outcome, and the result of a deeply deliberate decision. Both of these relationships, so radically different in their objectives, coincide in terms of the decisive place within them held by the “other”. War, like marriage, proceeds from the decision to take a gamble on the “other”. In the case of war, the other is not one’s spouse but one’s enemy, man is not the fiancé but the military leader, and the commitment does not aim to achieve the fulfilment of the other but their destruction. However, like a fiancé, the military leader will try to find out as much as possible about the other and their intentions before definitively launching in.
In military terms, this gamble on the enemy has a name: the impression of the enemy. In a paragraph of just a few lines, at the top of a document in which the military leader explains his concept of operations to his subordinates, he conveys his knowledge and perception of the other – his enemy – before entering into the enduring relationship of war with this other.
In military history, not everyone has always taken this precaution. If the writings of Cavalry Captain Guillaume Bourdon de Sigrais, who in 1774 studied the military thinking of the Gauls1, are to be believed, our Celtic ancestors went into battle without any prior analysis of either the dangers or their adversaries; indeed, they would have considered such analysis a form of weakness. On the other hand, during the Warring States period, one of the first great strategists, Chinese General Sun Tzu, generally recommended “knowing your enemy” as well as you know yourself and adapting your strategy to your enemy’s2, in his treatise on The Art of War, still widely read today.
Contemporary history seems to suggest that he was right. Leaders who have gone into battle ignorant of their enemy when planning their manoeuvres have rarely met with success. On the eve of the First World War, the offensive strategy promoted by the French high command was to ignore what the enemy might be trying to achieve and consider only its own intentions. At his conferences in 1911, Colonel Grandmaison taught that “what the enemy wants to achieve matters little” when preparing for an attack3. The first battles in August 1914 would seriously discredit this approach.
This effectively demonstrates a complete misunderstanding of the nature of war, which is first and foremost a two-party relationship. This is how the great military theorists would have us understand it, most prominently Clausewitz, for whom war was “the collision of two living forces”4. In war, two complex, living, intelligent and free systems are interacting. These are not two inert masses facing one another in a one-way battle where the better armed party always gains the advantage over the weaker one, but two constantly evolving forces confronting one another in a “duel on a larger scale”5.
War therefore has to be understood primarily as “the clash of two wills, expressed in the form of an intellectual confrontation of which the manoeuvres, from strategy to tactical combat, are only ultimately a physical manifestation”6. In this, its dialectical dimension, war has been compared to a game in which, according to the theory of Nobel prizewinning economist Thomas Schelling, “each player’s best choice of action depends on the action he expects the other to take”7.
But this dialectic goes even further because, in a game, the rules are set in advance and cannot be changed while the game is being played, whereas war “develops its own rules as it progresses”8. In war, the means, the space/time context, and the criteria that define victory are not fixed in advance but depend on what the two constantly interacting wills decide. Unlike in an ordinary game, every move can bring new cards, new possibilities and new rules. In this confrontation, as Clausewitz puts it, “one dictates the law to the other” in what he calls a “reciprocal action”9, which retains the unpredictability inherent in any exercise of human freedom. In war, it is indeed the freedom of each of the players that is being expressed and finding its fulfilment.
- Contemplating the other, a prior condition of engagement
The exercise of these two freedoms makes preparing for and waging war enormously complex. Indeed, being able to predict with any accuracy the opposing party’s sequence of reactions, when each side is fighting to protect its own freedom and seeking to deprive the other party of its, seems impossible.
However, despite being immediately plunged into this climate of uncertainty, the military leader still has to decide his manoeuvres and tell his subordinates what they are. This decision cannot be based on a purely scientific approach because even the most brilliant human mind cannot predict all the moves its adversary will make and come up with every possible strategy for fending them off. Nor can it be based on a purely artistic approach because the risk of dragging one’s troops into a slightly mad gamble would be too great. So the military leader’s reasoning must be based on a combination of both art and science. This is exactly what Ardant du Picq, in his Battle Studies, describes as the conjunction of Greek and Roman heritage, with the tactics of the Greeks proceeding mainly “from mathematical reasoning” and of the Romans “from a profound knowledge of man’s heart”10.
The leader must thus combine “both psychological and material data” in a mental process that is “at once abstract and rational”11. This way of thinking will enable him to develop what General Beaufre called a “contingency manoeuvre” (manœuvre contraléatoire), which aims to counter the uncertainty of the other’s reactions not by trying to predict each of them in detail, but by deciding what his own manoeuvres will be based on what he thinks his enemy’s will be, and planning counter-reactions to deflect his enemy’s reactions.
- Engagement with the other: the permitted risk
The enemy then becomes a subject of analysis, with the military leader trying both to find out its capabilities and to discern its intentions. The approach is initially scientific, aimed at discovering who the enemy is: what equipment it has, how big it is, what doctrine it follows, what condition its forces are in, and what its strengths are. Most of this information, which is the result of different kinds of practical intelligence-gathering (taking photographs, intercepting communications), can be found in information provided by the rank above. This higher rank, having performed the same exercise some time earlier, will have described in its orders the enemy it was expecting to face itself. At this initial fact-based stage, the military leader’s task is therefore to determine what the enemy of his superior represents for him.
The approach shifts from the realms of science to art when the leader attempts to discern his enemy’s intentions: what does the enemy want? He will endeavour to contemplate his enemy, to try to think like his enemy, to “think red”12, i.e. to put himself in his enemy’s shoes to try to work out what his enemy is planning. This is where the leader’s tactical thinking and intuition come into play, as subjective as they may be. In addition to trying to contemplate the enemy’s intentions, the military leader must also consider the different ways the enemy might act to achieve its objectives: how will the enemy manoeuvre against my action? General Beaufre’s “contingency manoeuvre” now starts to take shape in his mind in the form of possible reactions by the enemy to friendly action, and especially in the choice of action(s) he (the leader) considers to be most effective.
The leader’s job is to plan and not to predict, or to put it another way, “to envisage some of the possible futures, to help to prepare for them mentally by developing contingency manoeuvres that anticipate the unexpected, and to facilitate the seizing of opportunities”13. He assumes his responsibilities so that he can launch in decisively despite having a necessarily partial, one-sided knowledge of his opponent. His sense of his opponent is backed up by fact-based research, and his knowledge of his opponent is enlightened by his impressions. He does not expect certainty in order to decide, but chooses to base his actions on his conviction, which is a blend of perception and knowledge.
- Impression of the enemy: the expression of the permitted risk
It is the outcome of this reasoning process concerning the enemy that the military leader expresses in his “impression of the enemy” before he gives any details of what his own action will be, thereby demonstrating a study of the opponent to be a prior condition for the preparation of any battle plan.
The leader reveals his thinking in stages. Firstly he explains, as clearly as possible, his impression of his “overall enemy”, i.e. whoever might oppose the fulfilment of his mission anywhere within his area of action, throughout its duration. He then splits this enemy into two parts. The first is the “initial enemy” (ennemi initial), or the part of the enemy he expects to be confronted with at the first contact. He precisely describes the enemy’s composition, but also its objectives, itineraries and units, in their probable chronological order of appearance. The second is the “subsequent enemy” (ennemi ultérieur) or the “reactive enemy” (ennemi en réaction), the one that uses its manoeuvres and resources to encourage or repeat the initial enemy’s action.
Based on the overall enemy’s objective, mission and operational ideas, the leader describes the enemy’s different possible reactions to his action, stating anew its composition, objectives (which may have been downgraded), new itineraries or adjusted timescales for intervention. These hypotheses – generally limited to two – are known as the “enemy modes of action” and are sufficiently differentiated and precise to allow tailored counter-reactions to be planned. Finally, the leader ranks these hypotheses according to their probability of occurrence and how dangerous they are. By prioritising one hypothesis over another and by giving his personal impression in a definitive order, the leader is now committed before his subordinates. Any decision-making amounts to taking this permitted risk and projects the leader, along with his unit, into action.
On the basis of his enemy’s intention, putative objectives and probable modes of action, the leader decides his own intention. Referred to as “major effect” (effet majeur), his intention is not linked solely to the enemy, because it takes account of other parameters that will also have an impact on the manoeuvre: battlefield geography, weather, etc. But because the enemy is the only one of these factors that is living and has a will, freedom and intelligence of its own, it is central to the leader’s definition of his own plan.
- Constant adaptation because the “other” remains unpredictable
However, in war, nothing ever goes as planned. The “other”, that living, free force, never acts or reacts as one might expect. That is what Field Marshall von Moltke meant when he said, not without humour, that in war, “the enemy always has three options available to him, and will generally choose the fourth”. This is very similar to the situation described by Paul Valéry in Regards sur le monde actuel in 1945: “We find ourselves in the position of a player who is realises with shock that his partner is playing cards he has never seen before and that the rules of the game change with every move”14. In a completely different context, it is also what American General William S Wallace observed, commanding the V (us) Corps during the Iraqi Freedom operation in March 2004: “The enemy we’re fighting is a bit different than the one we war-gamed against”15.
That is why, regardless of his planning, a military leader must continue to be able to adapt his current manoeuvre as his impression of the enemy changes, by adopting counter-reactions that he was unable to envisage at the outset. This means that he has to “create the conditions for initiative” among his subordinates, i.e. give them a general sense of how he would like them to react but without restricting them in what they do to achieve this. He needs to give them sufficiently clear information for them to be able to grasp the effect to be obtained, while allowing them genuine freedom to act so as not to stifle their imaginations with off-the-peg reactions laid down in advance, thus enabling them to seize any opportunities that present themselves.
While maintaining the intellectual capacity to react, the leader must also maintain the material capability to do so. He can do this by holding something in reserve, to enable him to react to the unforeseeable. The size and nature of this reserve should be adapted to the degree of uncertainty with which he expects to be confronted. Pierre Vendryès sums up this imperative thus: “to forestall chance events, you need contingency reserves”16.
When all is said and done, war is a relationship subject to constant reinvention. Of necessity carefully considered, the decision to engage in warfare is based on an intellectual process, a synthesis of the rational and the irrational, of reason and passion, of material and psychological data. But above all else, it is the acceptance of a risk: the “other”. The initial risk is expressed in the impression of the enemy; it is constantly renewed on contact with the other, and in the actual confrontation.
Nowadays military leaders have two challenges to face. The first is one of plurality, of being confronted with not just one, but several “others”. Because war is less and less often a two-party conflict, they no longer have to contemplate one enemy, but a number of enemies. The second challenge is one of freedom. While enemies may find it increasingly easy to evade all obligations-legal, doctrinal or ethical-military leaders find themselves increasingly constrained by the environment in which they are fighting, by the structures to which they belong, and by the images being sent back. This can make them increasingly predictable when faced with enemies who are increasingly unpredictable. The game, thus rigged, becomes increasingly difficult to win.
1 Guillaume Bourdon de Sigrais, Considérations sur l’esprit militaire des Gaulois, 1774.
2 Sun Tzu, The Art of War, Paris, Flammarion, 2008.
3 Louis de Grandmaison, Deux conférences faites aux officiers de l’état-major de l’armée. La notion de sûreté et l’engagement des grandes unités, Paris, Berger-Levrault, 1911.
4 Carl von Clausewitz, On War, Paris, Perrin, 2006.
5 Ibid.
6 Michel Yakovleff, Tactique théorique, Paris, Economica, 2009.
7 Thomas Schelling, Strategy of Conflict, Paris, puf, 1980.
8 Julien Freund, « Polémologie, science des conflits », Études polémologiques No 4, 1972 : « The game has a status quo – the one that sets the rules – but the purpose of the conflict is to alter this status quo and force the loser to bend to the winner’s will. »
9 Carl von Clausewitz, ibid.
10 Charles Ardant du Picq, Battle Studies, Paris, Champ libre, 1978.
11 André Beaufre, An Introduction to Strategy, Paris, Hachette, 1998.
12 Michel Yakovleff, ibid. : Red with reference to the Warsaw Pact era, which inspired the concept of the ‘conventional enemy’.
13 Vincent Desportes, Deciding in the Dark, Paris, Économica, 2007.
14 Paul Valéry, Regards sur le monde actuel et autres essais, Paris, Gallimard, 2002, first published in 1945.
15 Quoted by Vincent Desportes, ibid., p. 22.
16 Pierre Vendryès, De la probabilité en histoire, Paris, Economica, 1998.