Arrivé en 1992 au terme de sa grande enquête collective sur les « lieux de mémoire », l’historien et académicien Pierre Nora constatait dans son chapitre conclusif, « L’ère de la commémoration », que la France était entrée « dans une phase de haute fréquence commémorative ». Loin d’être un phénomène propre à notre pays, cette entrée dans l’ère de la commémoration, ajoutait-il, valait de la même manière pour « toutes les sociétés contemporaines qui se vivent comme historiques ». Ce diagnostic ne laissait pas de l’étonner : lorsqu’une dizaine d’années auparavant il avait lancé son projet de recherche, il était en effet persuadé qu’il fallait se hâter d’étudier les dernières survivances d’une mémoire nationale en voie de perdition. Or plus il avançait dans son entreprise et plus il était obligé de constater qu’il avait été, pour prendre ses propres termes, « rattrapé par la commémoration ».
S’agissait-il là d’un simple effet passager lié à la conjoncture des dernières décennies du xxe siècle ou au contraire d’une mutation durable correspondant à un saut qualitatif ? Le moins que l’on puisse dire, plus de vingt ans après que ce diagnostic a été posé, est qu’il n’a rien perdu de son actualité. D’un bout à l’autre du continent européen, la passion commémoratrice paraît effectivement plus d’actualité que jamais. Les commémorations se suivent à un rythme accéléré, elles se bousculent même l’une l’autre en dépit des efforts de régulation d’instances telles que la « délégation aux célébrations nationales » créée en France en 1974, et tout laisse à penser que l’année 2014, avec les multiples manifestations liées au premier centenaire du début de la Première Guerre mondiale qui vont la marquer, ne fera que renforcer la pertinence du diagnostic posé par Pierre Nora en 1992.
Cette pertinence renforcée ne signifie pas pour autant que rien n’ait changé depuis la fin du siècle dernier ni que la continuité l’emporte sur les transformations. Envisagées à l’échelle européenne, les commémorations ont été marquées par une triple évolution. La première tient à l’intensification de la passion commémoratrice, intensification observable à tous les niveaux, depuis le niveau local ou régional jusqu’au niveau européen ou mondial. Il suffit pour s’en persuader de comparer les initiatives commémoratrices actuelles aux commémorations des décennies passées. Partout, en effet, on constate non seulement une même dynamique d’accélération et de surenchère, mais aussi une même multiplication du nombre des acteurs liée à un renforcement de leur variété. Loin d’avoir diminué, la passion commémoratrice s’est à la fois amplifiée et démocratisée, au point que plusieurs observateurs n’hésitent pas à parler d’« hypermnésie » pour mieux la qualifier.
Jamais en un sens la commémoration n’aura été autant d’actualité qu’aujourd’hui en Europe, ce qui rend compte des formes qui sont devenues les siennes : préparées de longue date, associant des responsables culturels et des historiens, des spécialistes de la communication et des professionnels du tourisme et du marketing, dotées de budgets souvent importants, faisant aller de pair les formes les plus classiques (timbres, publications, colloques, discours, expositions) et les plus modernes et spectaculaires (reconstitutions historiques à grand spectacle, mises en scène, émissions télévisées, présence Internet...), les commémorations sont des investissements dont on escompte une rentabilité aussi bien économique que politique et symbolique.
Cette intensification de la passion commémoratrice est la résultante de plusieurs évolutions aux effets à la fois convergents et cumulatifs. La valorisation de la mémoire observable d’un bout à l’autre du continent, sa transformation en un « impératif catégorique » de nos sociétés sécularisées, la conviction largement partagée de la supériorité de la mémoire sur l’histoire, l’explosion des revendications mémorielles « d’en bas » tout comme le discrédit jeté sur l’oubli jouent en la matière un rôle qu’on ne saurait assez souligner.
Le « présentisme » si bien analysé par l’historien François Hartog comme une caractéristique essentielle de notre temps est un autre élément à prendre en compte : la valorisation du présent au détriment du passé et du futur dans notre perception de la temporalité, le sentiment de l’accélération du temps, l’obscurité croissante de l’avenir, la montée en puissance des doutes sur le futur tout comme la remise en cause de l’idée même de progrès ont eu pour double conséquence une concentration de l’attention sur le présent et une volonté accrue de préservation de la mémoire du passé proche. Il s’agit certes là d’une évolution dont les origines remontent aux années 1970 ; mais elle s’est singulièrement renforcée sous l’effet de l’effondrement de la dernière utopie futuriste européenne, en l’occurrence l’idéologie marxiste emportée corps et biens par l’implosion de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide.
Enfin, l’attention croissante portée au patrimoine, dans sa double dimension culturelle et identitaire, l’importance prise par l’économie de la culture dans nos sociétés vieillissantes, fortunées et disposant de loisirs étendus, mais aussi les nouvelles possibilités offertes par les médias et la communication contribuent elles aussi, à l’intensification de la passion commémoratrice et à la valorisation des trois notions sur lesquelles elle repose, le patrimoine, la mémoire et l’identité.
Par-delà l’intensification de la passion commémoratrice, les dernières décennies ont été marquées en second lieu par une modification du sens même apporté à la commémoration. Jusque dans la seconde moitié du xxe siècle, les commémorations avaient pour but dans leur immense majorité de célébrer la mémoire et l’actualité d’un événement ou d’une personne du passé considérés comme fondateurs d’une collectivité et de son identité – qu’il s’agisse d’une ville, d’une région ou d’une nation. Centrées autour des grands faits du passé, des épreuves surmontées ensemble, des victoires remportées sur les adversaires, des héros et des « grands hommes » (au sens donné à cette notion par les Lumières), elles avaient pour fonction première, comme l’a si bien dit Renan dans son discours de 1882 « Qu’est-ce qu’une nation ? », de conforter « le désir de vivre ensemble et la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ». « La nation, comme l’individu », précise-t-il en des termes qui n’ont rien perdu de leur actualité, « est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple ».
Or force est de constater que cette définition classique de la commémoration est de plus en plus battue en brèche et contestée par une autre conception, à la fois critique et autocritique, qui met, elle, l’accent sur les dimensions négatives du passé et accorde la priorité non plus aux héros ou à ceux qui se sont sacrifiés pour la collectivité, mais aux victimes de l’injustice et des persécutions.
Trois raisons expliquent avant tout cette émergence d’une conception alternative de la commémoration. La première est le discrédit porté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale sur le nationalisme auquel on impute, non sans raisons, la responsabilité des drames et tragédies du xxe siècle, des guerres mondiales, des crimes de masse et des génocides caractéristiques de ce que l’historien britannique Eric Hobsbawm a appelé l’« âge des extrêmes ».
La deuxième tient à la difficulté croissante de nos contemporains, en particulier des plus jeunes d’entre eux, qui vivent depuis près de soixante-dix ans dans une Europe pacifiée, ayant banni la guerre comme moyen légitime de résolution de ses conflits internes et où les frontières semblent avoir disparu, à comprendre que l’histoire des nations européennes a été, jusqu’à une époque très récente, une histoire de « conflits et de guerres, de batailles et de frontières » (Krysztof Pomian).
La troisième raison est liée au succès et à l’universalisation du « paradigme de la Shoah » comme catégorie première d’interprétation du passé, comme aune aidant à mesurer les « usages politiques du passé » et comme critère servant à définir la manière dont on doit se situer face à lui. Dans un tel contexte foncièrement « post héroïque », la commémoration est à l’opposé de toute forme de célébration, centrée qu’elle est autour de la figure de la victime innocente par définition et à qui la collectivité doit reconnaissance et hommage, dans une triple vocation de mémoire à préserver, de repentance autocritique et de responsabilité à assumer.
L’Allemagne est certainement le pays européen qui, en raison de son passé, a été le plus loin dans la voie du « post héroïsme » et dans la commémoration des victimes. La mémoire du nazisme et plus encore celle de la persécution et du massacre des Juifs y ont pris les dimensions d’un véritable « mythe fondateur négatif », ce qui rend compte tout autant du refus de toute forme de fierté et de cérémonial militaires que de l’édification au cœur de la capitale réunifiée, à proximité immédiate de la porte de Brandebourg, de l’immense mémorial aux Juifs d’Europe assassinés, de la décision prise en 1996 de faire du 27 janvier, c’est-à-dire de la date de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau par l’armée soviétique, un jour de recueillement public, ou encore du fait que, dans la commémoration du 9 novembre, on ne fait pas seulement mémoire des deux événements « positifs » que sont la proclamation de la République en 1918 et la chute du mur en 1989, mais tout autant des deux événements « négatifs » qui font obstacle à toute tentation d’autocélébration que sont, d’une part, le putsch (manqué) d’Hitler et de Ludendorff à Munich en 1923 et, d’autre part, la « nuit de cristal » de 1938.
L’Allemagne représente certes un cas extrême, la Russie et le Royaume-Uni constituant à l’inverse les deux pays européens dans lesquels le modèle de la commémoration « héroïque » reste le plus prégnant. Mais dans la plupart des autres pays, on retrouve les deux formes de commémoration évoquées précédemment dans un rapport oscillant entre la coexistence et l’opposition, qu’il s’agisse de la France, où la commémoration du 8 mai 1945 renvoie aussi bien à la victoire alliée qu’aux massacres de Sétif, ou de la Pologne, avec l’inauguration dans la même ville, Varsovie, du musée de l’Insurrection de 1944, qui glorifie l’héroïsme des combattants qui se sont sacrifiés pour la libération de leur patrie (musée inauguré pour le soixantième anniversaire de l’événement en 2004), puis de celle du musée de l’Histoire des Juifs de Pologne construit sur le site de l’ancien ghetto (musée inauguré, lui, en 2013 pour le soixante-dixième anniversaire du soulèvement de celui-ci en 1943).
La troisième évolution qui caractérise les commémorations dans l’Europe d’aujourd’hui concerne le cadre géographique dans lequel elles s’expriment. Jusqu’à une époque récente, la prédominance du cadre national (et étatique) était telle que ce dernier paraissait constitutif de la commémoration elle-même. C’est du reste ce que continue de penser l’encyclopédie virtuelle Wikipedia lorsqu’elle définit la commémoration comme « une cérémonie officielle organisée pour conserver la conscience nationale d’un événement de l’histoire collective, et servir d’exemple et de modèle ». Or s’il est vrai que le cadre national reste le cadre premier de la commémoration, il a perdu son caractère exclusif et doit de plus en plus compter avec deux autres espaces mémoriels dont l’importance s’est singulièrement renforcée, en particulier depuis la chute du mur de Berlin, l’implosion du bloc soviétique, la réunification européenne et les dimensions nouvelles prises par la mondialisation : l’espace européen d’une part, et l’espace mondial et universel d’autre part.
Par contraste avec l’Europe d’avant 1989, qui n’était guère plus qu’un espace mémoriel, l’Europe d’aujourd’hui représente une « communauté mémorielle », conflictuelle et divisée, certes, mais dont les enjeux de commémoration sont fondamentalement les mêmes d’un bout à l’autre du continent et transcendent les appartenances nationales, qu’il s’agisse de la mémoire de la Shoah et des responsabilités des différents pays impliqués dans cette « rupture de civilisation » (Dan Diner), de celle des deux guerres mondiales, de celle des génocides, des déportations et des expulsions, de celle des passés dictatoriaux et totalitaires, de celle du communisme, ou encore de celle du colonialisme et des conflits liés à la décolonisation. Partout, la commémoration de ces « mémoires douloureuses » est inséparable d’une interrogation sur les raisons des défaillances de l’Europe et ses responsabilités. Partout, également, cette interrogation va de pair avec le souci de tirer les conséquences d’un passé condamnable et de tout faire pour qu’il ne se reproduise pas.
Rien n’est plus frappant à cet égard que la multiplication après 1989 des initiatives commémoratrices proprement européennes. Alors que les commémorations des grands moments de la Seconde Guerre mondiale avaient été jusque-là soit exclusivement nationales, soit réservées aux pays vainqueurs, les commémorations du début du xxie siècle ont toutes été des commémorations d’unité et de réconciliation réunissant sur un pied d’égalité et sur la base d’une responsabilité partagée pays vainqueurs, pays vaincus et pays neutres ; ce fut le cas aussi bien en juin 2004 pour la commémoration du débarquement en Normandie que pour celle organisée en mai 2005 à Moscou pour le soixantième anniversaire de la fin de la guerre, ou encore pour celle qui fut organisée à l’initiative de la Pologne à Gdan´sk le 1er septembre 2009 pour le soixante-dixième anniversaire du début de la guerre. La création en 2000, à la suite de la conférence de Stockholm sur la mémoire de l’Holocauste, d’une Task Force for International Cooperation on Holocaust Education tout comme l’implantation à Bruxelles de deux « musées de l’Europe » s’inscrivent dans le même contexte. En 2009, enfin, le Parlement européen, pour mieux commémorer le vingtième anniversaire de la révolution pacifique en Europe centrale et orientale, le soixantième anniversaire de la fondation du Conseil de l’Europe, le soixante-dixième anniversaire du pacte germano-soviétique et du début de la Seconde Guerre mondiale, et, enfin, le quatre-vingt-dix-neuvième anniversaire des traités de Versailles, Saint-Germain et Trianon, a voté une ambitieuse résolution sur la « conscience de l’Europe et le totalitarisme » qui, en dépit de son faible écho, n’en affirme pas moins sa volonté de s’affirmer comme un acteur à part entière des mémoires européennes.
Les Nations Unies et l’unesco se posent enfin, elles aussi, en acteurs d’une commémoration universelle en cours d’émergence, que ce soit par l’intermédiaire de l’inscription de monuments, de sites et d’œuvres sur la liste du « patrimoine mondial » (liste établie à partir de critères avant tout européens et dans laquelle les pays européens arrivent largement en tête) ou par l’établissement de « journées mondiales », à l’exemple de la journée du 27 janvier déclarée en 2005 Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’Humanité.
C’est dans ce contexte que vont s’inscrire les innombrables initiatives commémoratrices liées au centenaire du début de la Première Guerre mondiale. Préparées souvent de longue date, réunissant de très nombreux acteurs, allant du local à l’universel, mêlant une grande variété de formes d’intervention et faisant en quelque sorte feu de tout bois, elles viendront à coup sûr apporter une nouvelle preuve de la passion commémoratrice qui caractérise l’Europe d’aujourd’hui. Partout aussi, elles insisteront, bien davantage qu’on ne l’avait fait précédemment, sur les victimes de la guerre (militaires et civiles), souligneront sa dimension tragique et suicidaire, dénonceront le caractère mortifère du nationalisme, mettront en valeur les dimensions européennes et mondiales du conflit, inviteront à une appréciation critique du passé et appelleront à la réconciliation dans le cadre d’une Europe enfin pacifiée. Une instance de coordination internationale mise sur pied à l’initiative de la Belgique et composée avant tout de diplomates représentant une trentaine d’États s’emploie à coordonner les initiatives nationales, tandis que se prépare une réunion solennelle de tous les chefs d’État et de gouvernement des pays ayant pris part à la guerre, réunion qui doit se tenir à Sarajevo le 28 juin 2014 dans le cadre du sommet européen et qui aura pour thème : « Nous avons tiré les leçons de notre histoire. »
En dépit du vœu partout exprimé de commémorations apaisées, qui sachent dépasser le cadre national et soient à la fois européennes et mondiales, tout laisse pourtant à penser que, dans le concret, les différences entre les nations, liées tant à leur histoire propre qu’à leur mémoire et à leur culture politique, seront rien moins qu’abolies. Tandis que certains pays préparent ces commémorations de longue date et ont institué pour cela des instances de coordination dotées d’un budget (le Royaume-Uni prévoit ainsi un budget commémoratif de cinquante millions de livres), d’autres, à l’inverse, sont très en retrait, voire quasiment absents, qu’il s’agisse de l’Allemagne qui s’est refusée jusqu’à peu à avoir une instance de coordination nationale, préférant, pour éviter de donner prise à la critique de l’étranger, laisser l’initiative aux communes et aux Länder, ou encore de la Pologne, peu désireuse de rappeler que deux millions et demi de soldats polonais ont combattu loyalement et courageusement dans les armées allemande, autrichienne et russe, et préférant de ce fait attendre 1918 pour commémorer avec faste la renaissance de la Pologne comme État national souverain. D’un pays à l’autre, enfin, les malentendus liés aux différences de culture mémorielle et de rapport au passé ne sont pas à exclure : le diplomate en charge de la coordination des initiatives commémoratrices allemandes aurait ainsi, si l’on en croit certains journaux, laissé entendre aux autorités britanniques qu’un « ton moins déclamatoire » faciliterait le travail en commun entre les deux pays.
Les commémorations de la Première Guerre mondiale seront à coup sûr bien plus européennes et mondiales qu’elles ne l’ont jamais été. Mais si grande que soit la volonté des uns et des autres de faire en sorte qu’elles servent à une meilleure compréhension réciproque et fassent œuvre de réconciliation, elles montreront aussi que si l’Europe d’aujourd’hui est une communauté mémorielle, sa mémoire, loin d’être unifiée, est bien plutôt une mémoire partagée et divisée.
In 1992, on completing his massive collaborative study on the “realms of memory” (lieux de mémoire), French historian and academic Pierre Nora observed, in his concluding chapter, “The era of commemoration”, that France had entered into “a period of commemorative frenzy”. Far from being peculiar to France, he added that this entering into the era of commemoration was also the case for “all contemporary societies that experience themselves in historical terms”. This observation has been a continual source of amazement to him: when he first began work on his research project around ten years earlier, he had been convinced that it was imperative to study the last vestiges of a national memory fast nearing extinction. Instead, the further he looked into his subject, the more he was forced to admit that, in his own terms, “commemoration had caught up with him”.
Was this just a temporary effect related to living in the last decades of the twentieth century, or, on the contrary, was it a long-term transformation corresponding to a qualitative shift? At the very least, we can say that, more than twenty years after this observation was made, it has lost none of its relevance in today’s world. Across Europe as a continent, the passion for commemoration does indeed appear to be as topical today as it ever was. We are seeing a spate of commemorations, succeeding one another at an ever more furious pace in spite of efforts to regulate them on the part of bodies such as France’s “Délégation aux célébrations nationales” (Delegation for National Celebrations) set up in 1974, and it seems likely that 2014, with numerous commemorations held to mark the centenary of the start of World War One, will only confirm the relevance of Pierre Nora’s observation back in 1992.
This is not to say that such a confirmation of relevance means that nothing has changed since the end of the last century, nor that continuity has won out over change. Seen at a European scale, commemorations have evolved in three ways. The first is due to the intensification of a passion for commemoration, an intensification that can be observed at every level, from the local or regional up to the European or international. If we need convincing, we can simply compare current commemorative initiatives with the commemoration ceremonies of past decades. Everywhere we look, we can see not only a similar trend of acceleration and escalation of commemorating, but also a similar multiplication in the number of players involved, together with a greater variety of players. Far from having diminished, the passion for commemoration has become both amplified and democratised, to the point where a number of observers have no hesitation in talking of “hypermnesia” to describe it more accurately.
In one sense, commemoration has never been so topical as it is today in Europe, reflected in the forms that have become characteristic of it: planned well in advance, bringing together culture managers and historians, communication experts, as well as tourism and marketing professionals, allocated what can be very large budgets, mixing the most classical forms (stamps, publications, conferences, speeches and exhibitions) with the most modern, spectacular forms (large-scale historical reconstructions, show productions, television programmes, web presence, etc.), commemorations are an investment with anticipated economic as well as political and symbolic returns.
This intensification of the passion for commemoration is the result of a number of shifts with effects that both converge and combine. The increasing value placed on memory that can be observed across the continent, its transformation into a “categorical imperative” of our secularised societies, the widespread conviction that memory is superior to history, the surge in demand for memories “from below, from the people”, just as the discrediting of forgetting, all play a role in the matter that cannot be overstressed.
“Presentism”, analysed so effectively by the historian François Hartog as an essential characteristic of our time, is another factor that needs to be taken into account: placing greater value on the present than on either the past or the future in our perception of temporality, the feeling that time is speeding up, a future that seems ever more uncertain, mounting doubts about the future, together with a questioning of the very idea of progress, have had the two-fold consequence of focusing attention on the present and strengthening the will to preserve our memories of the recent past. This is undoubtedly a shift that has its origins back in the 1970s; however, it has been dramatically reinforced by the collapse of Europe’s last futurist utopia, namely, Marxist ideology, which has totally disappeared with the implosion of the Soviet Union and the end of the Cold War.
The increasing focus on heritage, in its two aspects of culture and identity, the importance taken on by the culture economy in our ageing, wealthy societies with their extended leisure hours, and also the new possibilities afforded by the media and communications, also contribute to the intensification of the passion for commemoration and the increasing value placed on the three notions on which it is based - heritage, memory and identity.
Secondly, in addition to the intensification of the passion for commemoration, the last few decades have been marked by a change in the very meaning attributed to commemoration. Up until the second half of the twentieth century, the aim of the vast majority of commemorative events was to celebrate the memory and the current relevance of an event or person in the past that was considered to play a founding role for a collectivity and its identity – whether this be a town, a region or a nation. Centring on the major events of the past, on the ordeals overcome together, on victories won over an adversary, on heroes and “great men” (in the meaning given to the idea during the Enlightenment), their primary function, as Renan put it in his speech of 1882, “What is a nation?”, was to bolster the “desire to live together, the will to perpetuate the value of the heritage that one has received in an undivided form”. He continues, in terms that have lost none of their relevance today, “The nation, like the individual, is the culmination of a long past of endeavours, sacrifice, and devotion. A heroic past, great men, glory (by which I mean genuine glory), this is the social capital upon which one bases a national idea. To have common glories in the present; to have performed great deeds together, to wish to perform still more, these are the essential conditions for being a people”.
We should add that this conventional definition of commemoration has increasingly come under fire, contested by an alternative conception, both critical and self-critical at the same time, one that stresses the negative aspects of the past and gives priority to the victims of injustice and persecution, rather than the heroes and those who sacrificed their lives for the good of the community, as before.
There are three main reasons for the emergence of this alternative conception of commemoration. First, since the end of the Second World War, the discrediting of nationalism, seen, not without good reason, as the cause of the disasters and tragedies of the twentieth century, of the world wars, mass crimes and genocide, characteristic of what British historian Hobsbawm called “the age of extremes”.
The second reason is related to the growing difficulty of our contemporaries, especially the younger generations, who have lived for nearly seventy years in a Europe at peace, which has eliminated war as a legitimate means for resolving internal conflict and where borders have seemingly disappeared, to understand that the history of European nations was, until very recently, a history of “conflicts and wars, battles and borders,” (Krysztof Pomian).
The third reason is linked to the success and universalising of the “Holocaust paradigm” as a primary category for use in interpreting the past, as a yardstick for assessing the “political uses of the past” and as a criterion for defining the way in which one should relate to it. In such a fundamentally “post-heroic” context, commemoration is the opposite of any form of celebration, centred as it is, by definition, on the figure of the innocent victim, to whom the collectivity owes recognition and tribute, and this with a three-fold purpose: memory to be preserved, self-critical repentance and taking responsibility.
Germany is undoubtedly the European state which, given its past, has gone the furthest down the “post-heroic” path and in commemorating the victim. The memory of Nazism, and, more particularly, the memory of the persecution and massacre of the Jews, have taken on the dimensions of a veritable “negative founding myth”, which accounts for the refusal of all forms of pride and military ceremony as well as for the building, in the heart of the reunified capital, right next to the Brandenburg Gate, of the enormous Memorial to the Murdered Jews of Europe, for the decision taken in 1996 to make 27 January, i.e. the date on which Auschwitz-Birkenau extermination camp was liberated by the Soviet army, a day of international remembrance, or the fact that in commemorating 9 November, the Germans commemorate not only two “positive” events, namely the proclamation of the Republic in 1918 and the fall of the Berlin Wall in 1989, but also two “negative” events which block any attempt at self-congratulation, first, the (failed) putsch led by Hitler and Ludendorff in Munich in 1923 and second, Kristallnacht (Crystal Night) in 1938.
While Germany represents an extreme case, Russia and Great Britain are, on the contrary, the two European countries where the “heroic” model of commemoration remains most significant. In most other countries, however, we see the two forms of commemoration described above in a relationship hovering between coexistence and opposition, for example in France, where commemorations for 8 May 1945 refer both to the Allied victory and to the Sétif massacres, or in Poland, with the inauguration of two museums in Warsaw alone, the Warsaw Rising Museum in 2004, dedicated to the 1944 Uprising, paying tribute to the heroism of the people who fought and died to liberate their country (the museum was opened to coincide with the 60th anniversary of the event), and, in 2013, the Museum of the History of Polish Jews, built on the site of the former ghetto, which opened on the 70th anniversary of the Ghetto Uprising in 1943.
The third change in commemorations across contemporary Europe regards the geographical framework in which they take place. Until recently, the national (or state) framework predominated to such an extent that it appeared to be what constitutes the very notion of commemoration. This can still be seen in the French pages of the online encyclopaedia Wikipedia, which defines commemoration as “an official ceremony organised to preserve national awareness of an event in a collective history and to serve as an example and model”. However, while it is true that the national framework is still the primary framework for commemoration, it has lost its exclusive nature and must increasingly take into account two other “memory spaces” the importance of which has grown considerably, especially since the fall of the Berlin Wall, the collapse of the Soviet bloc, European reunification and the current scale of globalisation - a European space on the one hand and a global, universal space on the other.
Unlike pre-1989 Europe, which was little more than a memory space, Europe today is a “memory community”, full of conflict and division, certainly, but where the stakes involved in commemoration are fundamentally the same across the continent and transcend the sense of belonging to a specific nation, whether remembering the Holocaust and the responsibility of the various countries involved in such a “rupture in civilisation” (Dan Diner), or remembering the two world wars, genocide, deportation and eviction, of past dictatorships and totalitarian states, of Communism or colonialism and the conflicts during the process of decolonisation. Wherever we look, the commemoration of these “painful memories” comes hand-in-hand with a questioning of the causes of Europe’s failure and of its responsibilities. Wherever we look, we also see this questioning is coupled with a concern to learn from the consequences of a past that must be condemned and do everything possible to prevent it happening again.
Nothing is more remarkable insofar as this is concerned as the increasing number of purely European commemoration initiatives since 1989. While commemorations of key events of the Second World War had, until 1989, been either exclusively national affairs, or prerogative of the victors, commemorations at the beginning of the 21st century have all been commemorations of unity and reconciliation bringing together on an equal footing and on the basis of shared responsibility victorious countries, defeated countries and neutral countries; this was the case in June 2004 for the commemoration of the Normandy landings, as well as for that organised in May 2005 in Moscow to mark the 60th anniversary of the end of the war, and for that held in Gdan´sk on 1 September 2009 at the instigation of Poland for the 70th anniversary of the start of the war. In the same context, in Year 2000, following the Stockholm conference on remembering the Holocaust, a Task Force for International Cooperation on Holocaust Education was set up and two “museums of Europe” opened in Brussels. Last, in 2009, the European Parliament, in a bid to more effectively commemorate the 20th anniversary of peaceful revolution in Central and Eastern Europe, the 60th anniversary of the founding of the Council of Europe, the 70th anniversary of the German-Soviet Pact and the beginning of the Second World War, together with the 99th anniversary of the Treaties of Versailles, Saint-Germain and Trianon, adopted an ambitious resolution on “European conscience and totalitarianism” which, in spite of a limited response, nevertheless confirms its determination to commit to playing a leading role in European remembrance.
The United Nations and unesco also want to be seen as stakeholders in the emerging universal commemoration activity, by means of including monuments, sites and works on the “World Heritage” list (a list drawn up on the basis of what are primarily European criteria and which is mainly dominated by European countries), and the development of “International Days”, for example 27 January, declared in 2005 to be International Day of Commemoration in Memory of the Victims of the Holocaust and for the prevention of crimes against humanity.
This is the context in which the numerous commemorative initiatives related to the centenary of the start of the First World War will be held. Planned well in advance, bringing together many different players, ranging from local to international in scale, encompassing a huge variety of forms of activity and, to a certain extent, using all available means, these initiatives are certain to provide further evidence of the passion for commemoration characteristic of Europe today. They will also widely and much more forcefully than before focus on the (military and civilian) victims of the war, stressing its tragic and suicidal side, denouncing the deadly nature of nationalism, highlighting the European and global dimensions of the conflict, encouraging a critical assessment of the past and calling for reconciliation within the framework of a Europe at peace, at last. An international coordination committee set up on the initiative of Belgium and mainly including diplomats representing around thirty states is working on coordinating national actions, while a formal meeting of all the heads of State and government of the countries that were involved in the war is being organised, scheduled to be held in Sarajevo on 28 June 2014 as part of the European summit on the subject: “The lessons learned from our history”.
However, in spite of the widely-stated desire that these commemorations should be peaceful, that they will succeed in going beyond the national framework to be both European and international in scale, it seems highly unlikely that, in practice, the differences between nations, related to their own specific histories as well as their memories and political cultures, will be eradicated. While some countries have been planning these commemorations for a long time and have set up special coordination committees to this end, with specific budgets (the United Kingdom, for instance, has allocated a commemoration budget worth fifty million pounds), others are, on the contrary, taking a more low-key approach, or even practically none at all, as in the case of Germany, which until recently refrained from having a national coordination committee, preferring instead, to avoid leaving itself open to foreign criticism, to leave initiatives in the hands of the town councils and to the Länder, and also of Poland, which has little desire to recall the fact that two and a half million Polish soldiers fought loyally and courageously in the German, Austrian and Russian armed forces, preferring to wait until 1918 to commemorate the rebirth of Poland as a sovereign nation state with all the pomp and circumstance that merits. Finally, between the various countries, misunderstandings regarding differences in “remembrance” culture and the relationship with the past cannot be excluded: the diplomat in charge of coordinating commemorative events in Germany has, if we are to believe certain newspapers, given the British authorities to understand that adopting a “less declamatory tone” would make it easier for the two countries to work together.
One thing is certain, that the events commemorating the First World War will be more European and more international than ever before. Yet, however strong the will of all parties to ensure that they serve to improve mutual understanding and work toward reconciliation, they will also demonstrate that although Europe is now a community of memory, its memory, far from unified, is in fact disparate and divided.