N°2 | Mutations et invariants – I

Bertrand de Lapresle

Conséquences et perspectives d’un cadre international pour les opérations militaires

Le titre de cet article pourrait donner lieu à un brillant ouvrage géostratégique sur la transformation du monde depuis la chute du mur de Berlin et l’attentat du World Trade Center, les conséquences de ces événements en matière de menaces et de risques désormais encourus, et de mesures à en déduire du point de vue du rôle et donc de la constitution de notre outil militaire.

Il pourrait alors constituer un paragraphe du futur Livre blanc sur la Défense européenne ! Il y serait par exemple traité de miniaturisation d’armes de destruction massive, de prolifération nucléaire, biologique, radiologique et chimique, de terrorisme islamiste ou nihiliste, de mondialisation des réseaux de grand banditisme ou de financements mafieux, des déséquilibres belligènes induits par les disparités en matière démographique ou de répartition des ressources et des richesses sur notre planète, de la fragilité de sociétés avancées de plus en plus dépendantes d’électronique et de nanotechnologies, de l’urbanisation galopante aux incontournables conséquences, de l’instrumentalisation d’une jeunesse non éduquée par des mouvements extrémistes, du développement de milices privées de plus en plus surarmées, et de tant d’autres sujets sensibles.

Il y serait précisé ce qu’il faut aujourd’hui entendre par « cadre international ». Nos armées agissent en effet depuis fort longtemps en étroite liaison avec des alliés, dans le cadre de coalitions préexistantes ou constituées pour une circonstance déterminée. Et il est inutile de rappeler, en ces années de commémorations diverses, que notre pays ne doit sa survie face à des menaces totalitaires qu’au concours de ses amis du « cadre international ». Il n’en reste pas moins vrai que notre identité nationale éprouve de plus en plus de difficultés à se situer sereinement entre de prégnantes réalités régionales et locales, et un cadre international de plus en plus incontournable et indispensable, mais aussi pesant, voire tyrannique. En matière militaire, cette notion de cadre international devrait donc ici faire notamment référence aux évolutions récentes et prévisibles :

  • de la politique européenne de sécurité et de défense après le référendum français du 29 mai 2005 ;
  • de nos accords nationaux de défense avec divers pays africains ;
  • des efforts conduits depuis une quinzaine d’années par l’otan pour adapter sa vocation et ses moyens aux transformations du contexte international ;
  • des actions menées par les Nations unies pour tenter de constituer ce cadre international de référence dont la mondialisation de nos économies, mais aussi des risques et des menaces, fait universellement ressentir le besoin.

Nos « opérations militaires » seraient alors replacées aux niveaux qu’elles connaissent selon que nos soldats agissent dans un cadre national ou, de façon beaucoup plus générale, multinational. Et de multiples conséquences s’ensuivraient dans les domaines de la sélection et de la formation de nos cadres et de nos soldats, de la pertinence de notre loi de programmation militaire et du modèle d’armée qu’elle vise, de l’édification de nos capacités à jouer le rôle de nation-pilote d’une coalition internationale, de l’interopérabilité de nos moyens, des perspectives à développer en matière de coopérations structurées ou de mutualisation de certaines capacités opérationnelles, etc.

La notion d’opération militaire serait aussi précisée à une époque où le soldat n’est plus, le ciel en soit remercié, le garant ultime de l’existence de la nation, responsabilité dont il a longtemps exercé le redoutable privilège. Il est à ce sujet banal de rappeler que les opérations d’Algérie n’ont pris le titre de « guerre » que bien longtemps après leur terme, ou que la fin de la guerre d’Irak a été décrétée par le président Bush au moment où la crise dégénérait vers des formes nouvelles de terrorisme, génératrices de pertes humaines qui dépassent tragiquement celles que la guerre officielle a infligées. Il serait donc ici question, par exemple, de militarisation de l’espace, de développement des forces spéciales, de renseignement technique et humain, de coopération civile et militaire, de constitution, de formation et d’équipement d’armées locales à créer de toutes pièces, de mercenariat, de gendarmeries et de polices internationales, de notions que les Américains baptisent « opérations autres que la guerre », ou de modes opératoires comme la coercition ou la maîtrise de la violence, dont ma génération ignorait les dénominations mais connaissait cependant bien les réalités. Peut-être l’auteur irait-il jusqu’à franchir la frontière tacite qui ne permet guère aujourd’hui d’aborder le thème majeur de notre dissuasion nucléaire, au service d’une défense désormais largement inscrite dans un cadre international ?

Traiter un tel sujet, surtout en quelques pages, serait un défi que la plume d’un stratège averti pourrait peut-être relever. Je n’ai ni cette plume ni la culture géopolitique requises pour me livrer à un tel exercice. Je comprends donc que s’il a été fait appel à mes modestes compétences, c’est pour des raisons plus triviales et que ce qui est attendu ici relève du témoignage et non de la thèse de doctorat.

Le sous-titre de la revue Inflexions, « pouvoir dire », m’incite d’ailleurs à cette interprétation de l’exercice qui m’est demandé.

Ma seule ambition ici sera donc de livrer quelques idées – que je sais partielles, conjoncturelles et très spécifiques – tirées des expériences que j’ai eu le privilège de vivre de 1994 à 1997 dans les Balkans, puis, depuis lors, dans quelques fonctions de circonstance. Ces idées découlent des responsabilités que j’ai exercées, et de la nature des relations que j’ai entretenues au cours de ces années avec de hautes autorités militaires, mais aussi politiques et notamment diplomatiques, d’abord en qualité de chef militaire responsable d’un délicat commandement opérationnel dans le cadre hiérarchique et structurel des Nations unies, puis comme conseiller militaire de Carl Bildt, initialement représentant de l’Union européenne pour la Bosnie-Herzégovine, devenu, après les accords de paix de Dayton, le premier représentant spécial des Nations unies pour ce pays.

Une évidence d’abord : toute action militaire n’a pour but ultime que de contribuer à la recherche, puis à la promotion, d’une solution politique qui seule réglera durablement le conflit. Si nous avions tendance à oublier cette vérité première, les événements récents et actuels d’Afghanistan, d’Irak, de Côte d’Ivoire, de la région des Grands Lacs, ou du Proche-Orient, par exemple, nous la rappelleraient avec force. Le règlement de la crise ne s’obtiendra que grâce à l’action convergente de multiples acteurs civils chargés respectivement de tel ou tel volet d’un plan de paix dont la mise en œuvre progressive doit se traduire par un effacement aussi rapide et durable que possible du volet militaire de ce plan. Mais cette solution politique est bien rarement arrêtée avec précision lorsque l’action militaire est déclenchée.

À cet égard, l’ex-Yougoslavie des dix dernières années présente trois cas de figure très différenciés.

  • Premier cas : la forpronu

L’action militaire était conduite sous la bannière de l’onu et sous une autorité politique unique clairement désignée, en l’occurrence le haut fonctionnaire international d’origine japonaise Yasushi Akashi. Elle précédait tout règlement politique, tant en Croatie qu’en Bosnie. La forpronu avait d’ailleurs notamment pour objet d’obtenir un silence des armes suffisant sur le terrain pour que les politiques puissent élaborer et négocier un plan de paix crédible.

  • Deuxième cas : l’ifor puis la sfor

L’action militaire, essentiellement terrestre, intervient alors en aval d’un plan de paix aussi précis et complet qu’ambitieux. Conduite sous l’égide de l’otan et sous une autorité politico-militaire bicéphale, otan et onu, et dotée de moyens très largement surpuissants, l’opération multinationale concourt de façon initialement très active, puis de plus en plus discrète, à la mise en œuvre, d’ailleurs encore fort laborieuse dix ans après la signature du plan de paix, du volet militaire de ce plan.

  • Troisième cas, plus original : le Kosovo

Une première action militaire internationale essentiellement aérienne, sous l’égide de l’otan et sous commandement intégré, a précédé tout règlement politique et a permis au chef de l’opération alliée d’obtenir de l’adversaire serbe un « accord technico-militaire ». Celui-ci ouvrait la voie à une action militaire complémentaire, essentiellement terrestre cette fois, également mise en œuvre sous l’égide de l’otan. Puis est intervenu un pseudo-règlement politique, qui curieusement prévaut encore, la résolution 1244 de l’onu dont nous connaissons le caractère très ambigu. Là encore, sa mise en œuvre est confiée à deux structures qui agissent de façon parallèle : la kfor est responsable du volet militaire sous l’autorité de l’otan, et l’unmik a en charge les aspects civils de la mission, sous l’égide des Nations unies.

Voilà donc caricaturés sur le théâtre des Balkans trois cas de figure où l’action militaire, toujours menée dans un cadre international, se situe parfois en amont, et toujours en aval de la définition du règlement politique du conflit considéré, et dans des configurations très différenciées des chaînes de commandement : tantôt l’opération est coiffée par une autorité politique unique (forpronu), tantôt elle se situe dans un contexte bicéphale à composante militaire relevant de l’otan et à composante civile subordonnée, pour faire simple, aux Nations unies.

Plus récemment, et hors de mon ancien domaine d’expertise que sont les Balkans, d’autres cas se sont présentés. Ainsi, en Afghanistan, coexistent une opération de recherche et de destruction de terroristes sous commandement exclusif militaire américain, à laquelle des forces françaises participent très activement, et une opération multinationale de maintien de la paix combinant, comme en Bosnie, une composante militaire sous commandement d’une alliance internationale et une composante politique sous l’égide des Nations unies. En Irak, en l’absence également d’un objectif politique accessible à horizon visible et clairement affiché, et sous commandement politico-militaire exclusif des États-Unis, c’est l’action militaire d’une coalition ad hoc qui a initialement et exclusivement prévalu. Et il s’agit désormais d’accoucher, dans la douleur et l’incertitude, d’un règlement durable de la crise, qui permette aux soldats de laisser peu à peu la maîtrise des opérations de paix aux autorités politiques et civiles.

Cette typologie des opérations multinationales récentes, pour sommaire qu’elle soit, m’a paru indispensable car elle détermine la situation dans laquelle se trouve le chef militaire dans sa contribution à la recherche de la solution politique d’un conflit. Et c’est bien dans ce cadre que se posent quelques questions majeures, dont les réponses sont de nature à bien orienter le chef militaire d’une opération multinationale dans le rôle qui doit être le sien vis-à-vis de l’autorité politique en charge du conflit. Quel est l’esprit de la mission ? Qu’implique sa lettre ? À quelle autorité obéir, et quelles chaînes de commandement mettre en œuvre ? Enfin, quels sont les moyens disponibles ? Et surtout quelles conséquences tirer des réponses à ces questions dont chacun aura reconnu qu’elles s’articulent autour du fameux triptyque cher aux militaires : mission, chef, moyens ?

  • Premier terme de mon tryptique : la mission

Il faut le répéter : toute intervention militaire part d’une mission, d’un effet à produire, que celui qui la dirige doit être sûr de bien comprendre, dans son esprit comme dans sa lettre.

Pour la forpronu, l’esprit de la mission consistait, au delà de la dimension humanitaire de base, à faire taire les armes des belligérants, au moins lourdes, afin de procurer aux autorités civiles internationales une pause dans la violence suffisante pour conduire des négociations orientées vers un règlement politique. Il n’y avait pas de bataille à livrer, pas de victoire militaire à remporter, pas de bilan des pertes ennemies à aligner, et d’ailleurs pas d’ennemi au sens propre du terme, mais des adversaires du moment, destinés à devenir les partenaires de demain.

Ces caractéristiques sont désormais assez générales. En effet, dans toute opération militaire menée dans un cadre international, les volets humanitaires, d’ordre public, de reconstruction économique, électoraux, médiatiques, judiciaires, de retour des réfugiés, etc., ne peuvent agir utilement que si les armes lourdes se taisent, si les factions sont désarmées puis démobilisées, si les zones sensibles sont gardées, si le déminage des zones habitées et cultivées s’effectue, si les autorités locales menacées sont correctement protégées et escortées, que sais-je ? Autant de tâches de caractère strictement militaire destinées à produire de la sécurité et à la réussite desquelles est évidemment subordonné le règlement politique de la crise, que l’action internationale visant son règlement en soit au stade de l’intervention, de la stabilisation, ou de la normalisation.

Inutile d’épiloguer sur le fait que ces missions ne seront bien remplies que si la force internationale bénéficie à tout instant d’une écrasante supériorité militaire, tant stratégique qu’opérative et tactique sur les éventuels opposants. Mais il est essentiel de prendre en compte le fait que ces derniers sont désormais de moins en moins des unités militaires organisées, mais des belligérants de tout acabit souvent difficiles à identifier – mercenaires, femmes et enfants, terroristes spécialistes des actions que nous appelons pudiquement « asymétriques » –, mais surtout face auxquels l’outil militaire classique s’avère généralement assez inopérant.

Cette production de sécurité peut avoir pour but, selon les cas, soit de convaincre les acteurs locaux de négocier puis de conclure un accord sous l’égide de la communauté internationale, soit de permettre la mise en œuvre de l’accord préalablement négocié.

Dans cet esprit, l’ifor puis la sfor en Bosnie, la kfor au Kosovo, Concordia en Macédoine visent, en application d’un accord entre parties en conflit, à préserver une sécurisation suffisante du théâtre pour que les volets civils de ces accords puissent peu à peu être mis en œuvre. Bien d’autres exemples récents pourraient être évoqués : mission Pamir en Afghanistan, Licorne en Côte d’Ivoire, ou Artemis au Congo, mais je m’en tiendrai ici à mon seul témoignage sur les Balkans.

Sur ce thème, quatre idées simples :

Comme le soulignaient déjà Gallieni ou Lyautey, on ne prend pas de la même façon un village selon qu’il s’agit de réduire un obstacle sur une voie de pénétration stratégique dans la zone des combats, ou au contraire d’en enrichir notre territoire de demain. Dans les cas que nous évoquons, et à la différence du comportement de certains de nos alliés en Irak par exemple, c’est évidemment à la Gallieni que le soldat doit agir. Tout en veillant attentivement à rester prêt en permanence à réagir à toute inversion des phases d’un cycle dont la réversibilité est toujours à craindre, le chef militaire doit garder à l’esprit la perspective de la phase de « normalisation » de l’opération dans laquelle il est engagé, de sorte que la phase d’« intervention », a priori à plus forte connotation militaire, doit absolument être conçue et conduite en évitant tout procédé qui pourrait se révéler efficace dans l’immédiat mais contre-productif dans la seule phase qui consacrera la réussite globale de la mission : la phase de « normalisation ».

Le chef militaire doit également avoir et promouvoir une claire conscience de ce qui est imposable par la force et de ce qui ne l’est pas. Le soldat sait séparer des belligérants, les désarmer plus ou moins, démilitariser des positions, tenir une zone tampon, etc. Par contre, le chef militaire d’une opération multinationale ne sait pas créer d’emplois pour des soldats démobilisés, permettre à des réfugiés minoritaires de rentrer dans des zones où ils ne sont pas souhaités, ni même empêcher de futurs réfugiés de quitter une zone où ils ne se sentent plus en sécurité. Bref, l’usage ou la menace des armes ne suffisent pas pour réconcilier ni amener à la coexistence pacifique des populations encore animées de peur et de haine, sentiments qui engendrent inévitablement la violence. Le soldat n’est qu’un moyen, le tout premier volet d’une opération dont il est souhaitable qu’il s’efface au plus tôt devant les composantes civiles qui seules pourront obtenir l’effet final recherché : une réconciliation dynamique.

Un constat ensuite, que j’ai douloureusement vécu à diverses reprises : dès qu’un cessez-le-feu a été acquis, il doit être politiquement exploité pour produire ses fruits. Or la redoutable propension de la communauté internationale est inverse, et grande est sa tentation de profiter du calme provisoire, chèrement acquis par les soldats, pour s’occuper ailleurs de crises plus chaudes, et d’attendre la prochaine explosion de violence pour se mobiliser à nouveau sur notre théâtre. Il appartient donc au chef militaire qui a obtenu un cessez-le-feu, et le fait respecter au prix de l’engagement de ses forces, de harceler les autorités politiques afin qu’elles tirent en temps utile les bénéfices du calme provisoire péniblement obtenu pour faire avancer le règlement de la crise.

Autre considération sur le thème de l’esprit de la mission : il importe que le chef militaire, tout en respectant les conditions mises par les pays contributeurs de troupes à l’action de leur contingent, bénéficie de la latitude d’apporter un concours aussi large que nécessaire aux acteurs civils du règlement du conflit. Il faut en effet qu’il soit habité par l’idée que la seule victoire qu’il doit rechercher sera concrétisée, le moment venu, par le départ de la force qu’il commande du théâtre en crise, dans une ambiance qui aura permis de nouer des liens de confiance étroits avec les populations concernées.

Un mot maintenant sur la lettre de la mission. Je me limiterai ici à trois brefs messages, dont chacun mériterait un long développement, éclairé par de multiples exemples.

Il est d’abord éminemment souhaitable que le chef militaire soit impliqué aussi précocement que possible dans l’élaboration de sa mission. Tel fut le cas pour l’ifor dont le commandant désigné, l’amiral américain Leighton Smith, avait été très étroitement associé, jour après jour, à la négociation de la lettre des accords de Dayton, dont il allait avoir à mettre en œuvre le volet militaire. Pour illustrer l’étroitesse de cette association, je peux affirmer, pour l’avoir constaté sur place, non sans une certaine jalousie mêlée cependant d’un zeste de réprobation, que pas une ligne des accords négociés sur cette base de l’Ohio n’a été retenue sans le feu vert explicite des autorités militaires américaines. Il est vrai que l’aval du Congrès des États-Unis était indispensable au président Clinton pour l’envoi de troupes américaines en Bosnie-Herzégovine, et que les généraux américains appréciaient parfaitement la puissance du levier d’influence que leur procurait cette exigence.

Ici pourraient prendre place de pertinents développements comparant le contrôle démocratique des opérations militaires tel que le conçoit notre pays par rapport aux États-Unis, et les idées qui pourraient en être tirées pour l’implication de notre Parlement national dans nos engagements militaires en action extérieure.

Contentons-nous, sur ce premier point, d’insister sur l’importance d’instaurer et de promouvoir un dialogue aussi confiant que permanent, hélas assez contraire à notre culture, entre hautes autorités militaires et décideurs politiques, et entre responsables des ministères de la Défense et des Affaires étrangères.

Inutile d’épiloguer sur le besoin d’un mandat clair. Tout mandat international ne peut être qu’un compromis entre des positions politiques qui sont rarement identiques. Pour disposer d’un mandat clair, le mieux est encore de l’écrire soi-même en termes militaires, accessibles à tous ses subordonnés. À la tête de la forpronu, j’avais pris le parti de traduire les innombrables résolutions du Conseil de sécurité de l’onu dans mon langage militaire, puis de faire avaliser ma traduction par New York, via M. Akashi. Je m’en suis mieux porté que le général belge Briquemont qui avait publiquement déclaré, en substance, que le nombre excessif de ces résolutions et le caractère souvent virtuel de leurs dispositions le conduisaient à les détruire dès réception. Revenu en Belgique, il publiait, dans cet esprit, un excellent ouvrage dont le titre résumait les directives qu’il estimait avoir reçues dans les phases critiques de son commandement à Sarajevo : Do Something General !

Il est très sécurisant et réconfortant pour les troupes engagées que leur mission soit placée sous un mandat dont la légalité comme la légitimité soient incontestables. À cet égard, la position française exigeant une résolution des Nations unies pour engager les soldats français dans une opération extérieure est essentielle pour le moral et l’efficacité d’une armée désormais professionnalisée, comme pour la solidité du lien nation-armées, si souvent évoqué aujourd’hui. Comme souligné plus haut, l’approbation explicite des représentants du peuple ne peut que conforter le soldat dans sa détermination à remplir la mission qui lui est confiée et dans sa certitude que les actions de force qui lui sont prescrites relèvent de la défense des valeurs fondatrices de nos démocraties, et méritent donc le sacrifice de vies humaines.

  • Deuxième terme de mon triptyque : le chef, donc les chaînes de commandements

Deux idées seulement sur ce thème.

Il est d’abord important que le général commandant une opération conduite dans un cadre international sache précisément répondre à la curieuse question, qui ne se pose d’ailleurs qu’à lui du fait qu’il occupe le sommet de la hiérarchie militaire : qui est mon chef ? C’est toute la question des éventuelles distorsions entre la hiérarchie militaire multinationale et la subordination nationale, mais surtout entre la chaîne militaire de commandement de la coalition et la chaîne politique de l’opération, si celles-ci sont dissociées.

Il faut à mon sens promouvoir à tout prix une chaîne civilo-militaire subordonnant clairement le chef militaire de l’opération multinationale à une autorité politique unique, mandatée par la communauté internationale, et présente en permanence sur le théâtre. Sur ce thème délicat, je voudrais à nouveau stigmatiser, comme je l’ai fait dans plusieurs publications nationales ou anglo-saxonnes, les risques du système de commandement bicéphale, apparemment opératoire et politiquement confortable, mais lourd de terribles dysfonctionnements potentiels en cas de crise. La coexistence à Sarajevo comme à Pristina ou à Kaboul d’une autorité politique mandatée par New York et d’un général désigné par Bruxelles est, de mon point de vue, contre nature, même si elle apparaît pacifique, ce qu’elle risquerait fort de ne plus être en cas de drames locaux se traduisant par d’importantes pertes humaines. Chacune des deux têtes accuserait alors inévitablement l’autre de la responsabilité première de tels drames.

La solution de bon sens que je préconise a d’ailleurs parfaitement fonctionné, sans remonter au général MacArthur au Japon et en restant dans les Balkans contemporains, pour l’atnuso en Slavonie orientale. Cette opération oubliée, mais très bien menée, était conduite par le diplomate américain Jacques Klein, qui avait sous son autorité le général belge responsable du volet militaire de la mission globale. Il est toutefois honnête de mentionner d’une part que Klein était aussi un ancien général réserviste de l’armée de l’air américaine, et que d’autre part il n’aurait pas été possible de placer un général américain sous l’autorité d’un diplomate belge !

Heureusement, l’émergence d’une vraie structure de défense européenne pourrait à l’avenir restaurer une chaîne de commandement rationnelle, avec une autorité politique européenne désignée par Bruxelles, et un chef militaire européen relevant de la pesd (politique européenne de sécurité et de défense) et subordonné sans ambiguïté à ce chef politique européen. Tel est le cas qui a efficacement prévalu sous forme d’ébauche en Macédoine dès 2001, et de manière nettement plus élaborée au Congo à l’été 2003.

À noter en outre que le problème ne se pose pas lorsque la nation pilote du règlement du conflit exerce simultanément les responsabilités politiques et militaires. D’où la propension manifestée par les États-Unis à privilégier désormais les coalitions de fait sur les alliances structurées. À une échelle plus modeste, tel est aussi le cas de l’opération Licorne.

Dans le même esprit, il est essentiel de bien distinguer les – peace-keepers et les peacemakers –. Peace-keepers de la forpronu, nous avions une tâche humanitaire, militaire et politique de tous les instants sur le terrain, en application de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Parallèlement, de nombreux peacemakers, souvent de très haut niveau, se pressaient auprès des responsables politiques des belligérants pour imaginer des solutions négociées au conflit : diplomates du groupe de contact de l’époque, mais aussi acteurs de multiples initiatives de diverses natures, telle l’intervention avortée de l’ex-président américain Carter en décembre 1994. Les belligérants ont vite su exploiter cette pénalisante multiplicité de « pilotes dans un avion qui cherchait son cap », et l’action de la forpronu en a été terriblement compliquée. Il est certes essentiel que des liens étroits existent entre peace-keepers et peacemakers, mais il est tout aussi vital de ne pas tomber, à cet égard, dans le mélange des genres, et d’éviter de procurer aux factions en guerre l’opportunité de failles à exploiter dans les positions politiques affichées par les principaux acteurs, qui constituent pour elles la communauté internationale.

  • Troisième terme de mon triptyque : les moyens

Sur ce thème, l’évolution des formes contemporaines de conflits suggère des observations qui nourriraient un numéro entier d’Inflexions. Là encore, je me limiterai à quelques affirmations péremptoires.

La cohérence des moyens avec la mission est une notion apparemment tout à fait triviale, et pourtant au cœur de la plupart des problèmes rencontrés sur le terrain.

Idéalement, ayant des idées claires sur l’esprit et la lettre de sa mission, à la définition de laquelle il a été très précocement et étroitement associé, le chef militaire détermine les moyens requis, que lui accorde son autorité politique. La réalité est malheureusement souvent bien différente. Un terrible exemple des drames que peut entraîner une incohérence criante entre mission et moyens a été la création par les Nations unies en Bosnie des zones dites « protégées », sans que soient accordés les moyens estimés indispensables par les autorités militaires successives de la forpronu. Il est regrettable à cet égard que parallèlement aux poignantes cérémonies commémorant le dixième anniversaire du drame de Srebrenica, aucune communication n’ait porté sur ses causes profondes et sur les conséquences à en tirer, et que la recherche de responsabilités se soit résumée à la poursuite de la quête de quelque bouc émissaire.

Pour les officiers de ma génération, traumatisés très jeunes par le sort de compagnons d’armes, harkis d’Afrique du Nord qui avaient choisi de servir sous l’uniforme français et sont morts sous les tortures du fln, comme pour nos instructeurs de l’époque qui venaient de vivre dans des conditions analogues le tragique retour d’Indochine, de tels événements ne peuvent que conforter cette directive que je n’ai cessé de répéter à mes subordonnés tout au long de ma carrière militaire : ne promettre aux populations dont la sécurité nous est provisoirement confiée, et surtout ne permettre à nos subordonnés de tous nos contingents multinationaux de promettre, que ce que chacun est personnellement absolument assuré de pouvoir tenir. Une telle recommandation s’impose d’autant plus aujourd’hui que les séjours en opex (opération extérieure) sont brefs, alors que les cadres de nos armées sont toujours animés par cette ardente générosité propre à la jeunesse.

Un autre problème, mais de nature moins cruciale, est celui de la définition initiale par le pouvoir politique d’une palette de moyens destinés moins à l’exécution d’une mission opérationnelle précise qu’à afficher publiquement une détermination à agir et un certain niveau d’engagement. La cible est alors moins l’adversaire sur le terrain que les opinions publiques. Un des risques est que le soutien logistique de ces moyens, évidemment aussi peu spectaculaire que rapidement indispensable, ne fasse pas partie de cette séquence à dominante médiatique qui risque parfois de prévaloir sur des considérations liées à la cohérence opérationnelle des moyens de l’opération.

Sur ce thème de la cohérence opérationnelle, comme j’ai eu l’occasion de l’affirmer dans différentes enceintes, l’équation politiquement séduisante « capacité de maintien de la paix  appui aérien = capacité d’imposition de la paix » est dramatiquement fausse. Je m’inscris en outre résolument contre l’injuste et commode procès qui a été fait sur ce thème au système dit « de la double clé ». Les moyens aériens de l’otan qui se sentaient bridés par le commandant de la forpronu auraient voulu pouvoir agir à leur initiative et à leur idée. Et l’opinion générale a vite admis cette thèse devenue vérité première : la double clé, qui permettait au commandant de la forpronu de s’opposer à un appui aérien préconisé par l’otan, serait à l’origine de l’impuissance et des drames de la Force des Nations unies !!! Or quel chef militaire d’unité de mêlée accepterait que son artilleur tire sans son accord ? Il faut se convaincre que dans de telles situations, l’arme aérienne doit constituer un outil aux seuls ordres du commandant de l’opération. Elle doit être employée en très étroite liaison avec un dispositif terrestre parfaitement équilibré, cohérent et adapté aux effets attendus des frappes sur le terrain. Mais en toute hypothèse, les armes aériennes ne seront jamais substituables aux forces qui assurent la permanence du contrôle du terrain et des populations.

Dans un autre registre, le thème du maintien de l’ordre et du contrôle de foules est désormais majeur. En effet, à l’action initiale, militaire au vrai sens du terme, succède assez rapidement, et pour une durée souvent très longue, une période « grise » où l’adversaire à réduire relève davantage du délinquant et du terroriste que du soldat. Et il convient d’accueillir comme une avancée tout à fait considérable les décisions prises au sommet européen de Feira, et élargies par la suite, de constituer progressivement une force de police européenne dotée d’une doctrine d’emploi commune, d’une formation homogène, et de moyens cohérents. Une telle force a cruellement manqué en Bosnie dans l’application initiale des accords de Dayton. La récente émergence de la gendarmerie européenne, sous l’impulsion déterminante de notre ministre de la Défense, est aussi une excellente nouvelle pour les chefs militaires engagés dans un cadre international.

Un long chemin reste néanmoins à parcourir pour que prévalent des dispositions policières et juridiques applicables par tous les contingents engagés sur un théâtre extérieur, de sorte que, par exemple, le rebelle serbe ou albanais du Kosovo ne soit pas traité de façon différente selon qu’il est capturé en zone française, allemande, britannique, italienne, ou américaine…

Non moins essentiel pour la résolution des conflits contemporains est le thème des actions civilo-militaires (acm). J’ai dit plus haut que le chef militaire doit absolument faciliter l’action des organismes civils par tous les moyens à sa disposition. Nous avons de longue date cette culture, héritée par exemple de nos « affaires indigènes » ou de nos « sections administratives spéciales ». Les militaires, professionnalisés, étant désormais davantage cantonnés dans leurs responsabilités strictement opérationnelles, il faut maintenant que se constituent, en faisant appel à des réservistes par exemple, des structures civiles de crise aptes à accompagner d’emblée l’action des soldats de l’avant, et même à les conseiller pour que les opérations militaires n’obèrent pas, ou en tout cas le moins possible, la tâche de pacification qui devra suivre au plus tôt.

Sur ce point, je ne peux qu’applaudir au fait que nos armées soient désormais convaincues de l’impérative nécessité de développer aussi largement que possible une structure très diversifiée de « réserves ». La réserve opérationnelle est en train d’atteindre sa majorité. Reste à concrétiser de façon volontariste le concept, très riche de potentialités en matière de solidité du lien vital qui doit attacher la nation à ses armées, de « réserve citoyenne ».

Bien d’autres sujets significatifs mériteraient d’être abordés en matière de moyens nécessaires au règlement des conflits qui se développent depuis 1990. Citons par exemple :

  • le développement de procédures et d’outils de renseignement permettant au responsable de l’opération de bénéficier de toutes les informations acquises par les contingents de sa coalition ;
  • l’exploitation optimale du rôle des médias et des opinions publiques, à orienter vers quatre cibles bien distinctes, à savoir les contingents sur le terrain, les opinions publiques de la communauté internationale, les factions en conflit, et surtout les populations locales, dans leur langue et selon leur culture, pour leur expliquer les attitudes, les comportements, et les projets de la communauté internationale et de la Force ;
  • l’intérêt du concept des observateurs militaires tels que les conçoivent les Nations unies ;
  • l’analyse fine des avantages et risques de l’utilisation d’armes non létales ;
  • la prise en compte des données nouvelles liées à l’émergence d’une justice pénale internationale, dans des conditions conférant à nos soldats la sérénité qu’implique le sentiment d’être efficacement soutenus par l’autorité nationale ;
  • la définition d’un processus de coordination synergique de l’action des ong et autres structures humanitaires ;
  • l’importance du choix des conseillers civils du commandement militaire en matière, notamment, juridique, politique et culturelle. Particulièrement judicieuse m’est ainsi apparue la formule britannique, que j’ai constatée in situ en 1995, d’affecter de jeunes diplomates pendant plusieurs mois auprès du commandement à Banja Luka.

Il faut de même savoir s’imprégner aussi largement que possible de la culture locale. Comment servir utilement dans les Balkans sans avoir au moins lu Le Pont sur la Drina ou La Chronique de Travnik d’Ivo Andri ?, et quelques romans d’Ismail Kadaré sur la société albanaise. Dans le même esprit, tout aussi importantes sont la connaissance et la prise en compte de la culture des différents contingents qui constituent la force multinationale dont le commandement nous est confié. On ne commande pas de la même façon des Britanniques, des Kényans des Jordaniens. Par ailleurs, un conseiller culturel du niveau de la conseillère qui assistait en son temps Akashi à Zagreb aurait probablement pu permettre d’éviter l’évaluation erronée selon laquelle Milosevic céderait à trois jours de bombardements aériens de la Serbie, si intensifs soient-ils, à la fin du mois de mars 1999. Enfin, la judiciarisation inéluctablement croissante de notre environnement opérationnel rend désormais indispensable la généralisation de conseils juridiques analysant de près les ordres d’opérations avant leur diffusion.

  • Conclusion

En conclusion, j’aimerais présenter quelques recommandations de niveau très hétérogène. J’ai souvent évoqué la première de ces recommandations, mais sans succès, et je tiens à profiter de ce numéro d’Inflexions pour tenter d’enfoncer le clou. Le soldat reste très attaché à la reconnaissance publique de la réalité de son engagement dans la résolution de crises internationales. Or la réglementation en matière de récompenses n’a pas bien suivi l’évolution de la nature de ces crises, ni celle des comportements attendus de ceux qui sont engagés dans leur résolution. Il nous faut un système de récompenses, et surtout de décorations, bien corrélé avec nos nouvelles missions et avec l’évolution du cadre d’action qui a justifié cette « refondation » dans laquelle nos armées se sont si totalement investies. Il faut que le sergent qui a réussi, dans l’esprit de sa mission, à éviter un bain de sang ou à désamorcer une explosive situation de crise soit aussi récompensé que celui qui a contribué à la reprise du pont de Vrbanja. Et il faut que cette récompense soit décernée, dans le temps comme dans l’espace, au plus près des faits en cause.

Une des caractéristiques majeures de l’évolution récente des formes de conflit me semble être la perte de pertinence des distinctions anciennes entre les notions de sécurité intérieure, d’une part, et de défense, d’autre part. Il est aujourd’hui de mieux en mieux admis que défense et sécurité sont de plus en plus étroitement imbriquées, comme l’illustre le caractère global de la guerre déclarée au terrorisme depuis les attentats du 11 septembre 2001. Il semble cependant que nous soyons très loin d’avoir tiré toutes les conséquences de ce profond bouleversement, tant en matière de gouvernance militaire que de gouvernance politique. Il s’est certes déjà traduit par quelques mesures spectaculaires tel le rattachement de notre gendarmerie, pour emploi, au ministre de l’Intérieur, et il s’illustre par les nombreux voyages à l’étranger qu’effectue ledit ministre dans le cadre de ses responsabilités en matière de sécurité intérieure nationale. De même, le développement récent de la doctrine et des moyens des acm, comme l’intérêt enfin apporté à la composante « réserves », citoyenne et opérationnelle, de nos armées, ou l’ouverture des programmes de nos écoles militaires à des disciplines politico-stratégiques comme à la pratique des langues étrangères, sont autant de pas dans la bonne direction. Mais bien du chemin reste à faire, en matière par exemple d’implication très précoce et continue des autorités militaires dans les études et travaux liés à notre politique intérieure et étrangère de sécurité et de défense ; en matière aussi de constitution permanente de cellules civiles de règlement de crises, se livrant à des exercices réguliers avec nos forces militaires, et prêtes à les accompagner dans des délais très brefs sur tout théâtre de projection.

L’heure est à la professionnalisation de nos armées, et à leur recentrage systématique sur le cœur de leur métier par un appel accru à une très large externalisation. Or, paradoxalement, une des conséquences principales de l’évolution des formes de conflits, me semble devoir conduire à une ouverture de plus en plus affirmée de nos officiers vers les disciplines civiles liées à la reconstruction d’un pays au sens large, intégrant une bonne perception des dimensions humaines, juridiques, électorales, politiques, économiques, culturelles et sociales d’un tel processus. Et parallèlement, apparaît de plus en plus importante la juste compréhension par l’opinion publique des dimensions nouvelles de la résolution des conflits et du rôle que seuls des soldats peuvent initialement jouer. Dans cet esprit, il me semble que sans renier l’aspect fondateur du cœur du métier de soldat, il est plus que temps ­d’admettre que ce métier n’a de sens qu’au service d’une société que l’officier doit connaître et comprendre dans toutes ses dimensions, et dont il doit de même être connu et compris. Il faut donc ouvrir à nouveau à des officiers généraux ou supérieurs, que leur dénomination même désigne pour des tâches générales, des fonctions qu’ils ont excercé de tout temps et qui ont été récemment, et de façon assez insidieuse, confiées à des autorités civiles sous le prétexte pernicieux que les militaires devaient se « resserrer sur le cœur de leur métier ». Une telle réouverture serait d’ailleurs bénéfique au recrutement par nos armées des jeunes gens brillants dont elles ont besoin, alors que l’ambition de ces derniers de s’impliquer dans la construction des projets d’avenir de notre pays trouve actuellement de plus attractives perspectives dans la haute administration civile ou dans des entreprises à dominante scientifique, économique, ou financière.

Ultime considération sur les conséquences et les perspectives des opérations militaires conduites dans un cadre international : de même qu’était soulignée plus haut l’urgence de l’émergence d’un corpus juridique commun permettant un traitement homogène des belligérants par les divers membres d’une coalition, il me semble essentiel que se développe une réflexion commune qui s’appliquerait à tous les contingents engagés dans la résolution d’une crise, et qui porterait sur les fondamentaux éthiques relatifs à l’usage de la force dans les circonstances nouvelles qu’affrontent nos unités désormais confrontées à toutes sortes de formes de violence. Je tiens à saluer à cet égard la récente création aux écoles de Coëtquidan d’un pôle d’excellence d’éthique et de déontologie, et à formuler le souhait que nos principaux alliés acceptent de s’impliquer à nos côtés dans cette démarche de nature à définir de façon concertée le sens qu’il convient de donner à l’action militaire, et à nourrir une réflexion éthique dont la richesse et l’ouverture soient à la mesure des extraordinaires progrès techniques des moyens militaires mis à la disposition du soldat.

Une telle réflexion contribuerait bien utilement à clarifier le son de cette trompette aujourd’hui un peu enrouée, et la réponse à la question plus que jamais d’actualité que saint Paul posa avec angoisse aux Corinthiens : « Si la trompette rend un son incertain, qui se préparera à la bataille ? »

Usage de la force et culture d... | A. Lejbowicz
C. Del Ponte | L’exécution d’un ordre d’un su...