N°15 | La judiciarisation des conflits

Max Schiavon
Le Général Alphonse Georges, un destin inachevé
Avon-les-Roches, Anovi, 2009
Max Schiavon, Le Général Alphonse Georges, un destin inachevé, Anovi

« Le 18 juin, je me suis assis sur la défaite, aujourd’hui, je suis assis à côté d’elle », aurait déclaré le général de Gaulle au cours d’un repas du Comité français de libération nationale (cfln) à laquelle il assistait en présence du général Georges. Voilà qui donne une piètre image de l’homme qui fait l’objet d’une biographie imposante, publiée à l’automne 2009 et récompensée par le prix L’Épée et la Plume en mai 2010.

Il convient de ne pas s’arrêter à cette appréciation, mais plutôt de découvrir cet homme lucide et discret, qui est tombé dans l’oubli depuis sa mort en 1951. Pourtant, ce fils de contremaître des forges est devenu par son travail, son sens relationnel et surtout ses brillantes capacités intellectuelles l’un des chefs de l’armée française en 1940. Il a été remarqué par Lyautey, Foch, Weygand, Picard, le ministre dreyfusard, et Maginot. Aujourd’hui, il serait décrit comme un officier possédant une forte culture opérationnelle, avec ses campagnes en Algérie, au Maroc et dans les Balkans, et un parfait officier d’état-major qui côtoie très jeune les plus hautes sphères du pouvoir. Il est l’ami intime du roi Alexandre Ier de Serbie et sera blessé au cours de l’attentat qui a coûté la vie au monarque. Il est considéré par Gamelin comme un rival qu’il faut neutraliser. En 1943, Winston Churchill fera organiser son exfiltration du sol métropolitain afin qu’il rejoigne Alger et le cfln. Son départ provoquera l’ire d’Hitler, la mise en surveillance voire l’arrestation de plusieurs autres généraux.

Général d’armée en 1932, il fait partie des généraux français responsables de la préparation de l’armée avant la guerre. Il n’a de cesse d’ailleurs de dénoncer les impasses et les dangers de la situation militaire française. Il n’est pas entendu… Il ne démissionne pas. Malgré ses difficiles relations avec Gamelin, notamment à propos de la conduite des opérations dans le nord-est de la France, il reste en place au milieu de la bataille.

La biographie consacrée à Georges permet de parcourir cinquante ans de l’histoire de France grâce à la découverte des archives personnelles, et annotées, du général. Elles étaient pieusement conservées par la famille. Max Schiavon, l’auteur, y a découvert beaucoup d’éléments qui éclairent sous un jour nouveau la vision que l’on pouvait avoir de la période. On découvre comment militaires et politiques se sont ingéniés, avant et pendant la guerre, à se lier les mains. L’évolution et la teneur des réunions du cfln laissent songeur. Visiblement l’auteur éprouve de l’affection pour son sujet, mais ne minimise pas ses responsabilités. On découvre un officier lucide sur les limites de l’outil qui entre en guerre, sur les hommes qui l’entourent. Georges, malgré ses qualités, ne cherche pas à être au premier plan.

Plus fondamentalement, cet ouvrage permet de se poser plusieurs questions qui sont toujours d’actualité : comment est formée et sélectionnée l’élite militaire ? Quels sont les rapports entre cette élite et les dirigeants politiques ? Jusqu’où peu-t-on accepter de servir ?

Cette biographie, très agréable à lire, permet donc de réfléchir. On aimerait qu’elle se poursuive par une analyse, d’après les mêmes archives et peut-être celles d’autres généraux, sur l’influence du boulangisme et de la reddition de Bazaine à Metz en 1870, sur le comportement des généraux de 1940. Quoi qu’il en soit, cette biographie mérite d’être lue, distinguée et connue.


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