N°13 | Transmettre

Axel Augé

Un enjeu opérationnel et culturel

La formation délivrée dans les écoles d’officiers de l’armée de terre est un enjeu central dans la conduite de l’action militaire contemporaine. Au début du xxe siècle déjà, le maréchal Ferdinand Foch rappelait l’importance d’acquérir des savoirs pour agir : « Il faut savoir, car le savoir crée le pouvoir d’agir ; il faut pouvoir, afin de développer ses facultés d’intelligence, de jugement et de synthèse ; il faut vouloir ou nourrir une volonté soutenue et inflexible ; il faut agir et obtenir des résultats1. » L’esprit de la réforme des enseignements2 à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (esm) reprend ces principes. Les transformations de la finalité opérationnelle (créer les conditions de retour à la paix) imposent désormais aux écoles d’officiers de dispenser une formation adaptée qui, sans cesse, renouvelle le lien entre l’arme et la plume, engendrant une ingénierie nouvelle de transmission du savoir et du savoir-faire militaires.

Bien que la culture militaire se soit très largement étendue aux sciences sociales pour rendre intelligible l’épaisseur anthropologique des guerres nouvelles (Herfried Münkler, 2003), celle-ci donne une part importante au savoir opérationnel, fondamental au métier des armes. Tout l’enjeu de la formation dispensée au futur chef militaire est de rechercher un équilibre entre la transmission d’un savoir généraliste indispensable à l’intelligence des situations paroxystiques d’une part, et la permanence des savoirs professionnels utiles à l’action militaire d’autre part. Autrement dit, un des objectifs de formation est de favoriser le développement d’un ensemble d’aptitudes intellectuelles chez l’officier pour lui apprendre à raisonner en généraliste tout en étant prêt à devenir un soldat (Jacques Meyer, 1998).

Quels outils pédagogiques président à la transmission de la culture militaire des élèves officiers ? Comment les modes de transmission des savoirs en formation s’adaptent-ils aux évolutions de l’environnement national et international des engagements militaires ? Quels sont les modèles de formation que développent les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan pour accroître la professionnalisation des élèves et répondre à l’impératif d’efficacité opérationnelle attendu dans les régiments ? Quels effets imprévisibles produit la réforme des enseignements sur les identités professionnelles des élèves officiers ?

Pour comprendre les évolutions des modes de transmission du savoir militaire et en mesurer les effets sur les identités professionnelles des élèves officiers, il convient d’abord de décrire3 les voies de la professionnalisation des officiers en formation initiale à travers les liens entre la culture savante et la culture de l’action opérationnelle ainsi que les modes de transmission de la culture militaire. Nous examinerons ensuite les reconfigurations des identités professionnelles des élèves officiers produites par des contenus pédagogiques nouveaux.

  • La culture savante au cœur de l’action opérationnelle

Les savoirs militaires évoluent, car le contexte opérationnel est en mutation permanente. Pour continuer à fournir à l’armée de terre les chefs militaires et les soldats dont elle a besoin afin de remplir efficacement les missions qui leur seront confiées, les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, en particulier l’esm, doivent adapter en permanence la formation qu’elles délivrent aux conditions d’engagement contemporain. Au moins trois actions de formation peuvent être mentionnées pour expliquer les modes de transmission des « savoir-faire » totalement tournés vers l’efficacité opérationnelle : d’abord réinvestir les sciences sociales pour comprendre la guerre moderne, ensuite privilégier une approche globale des situations par une pédagogie du retour d’expérience et du debriefing, enfin intégrer dans la formation de l’officier des outils pédagogiques de différentes natures.

  • La réhabilitation des sciences sociales

Les conditions nouvelles des engagements contemporains réhabilitent les sciences humaines et sociales dans la formation du chef militaire. Elles sont désormais indispensables pour comprendre l’épaisseur anthropologique de la guerre, pour appréhender le mode opératoire d’un adversaire aux références culturelles différentes des nôtres et pour rendre intelligible la complexité de l’environnement socioculturel du théâtre d’opérations dans lequel le soldat intervient. La conquête des cœurs et des esprits ne sera pas technologique mais bien culturelle ; la place du soldat est désormais au centre de l’action militaire. Le principe de « juste suffisance technologique » cède le pas à l’ordre de l’esprit4.

Si l’on suit le général Vincent Desportes, « il faut revenir à l’ordre de l’esprit » pour conduire la guerre au sein des populations. De ce fait, les disciplines issues des sciences humaines et sociales comme la sociologie, la psychologie interculturelle, les savoirs relatifs aux aires culturelles mondiales (Afrique, mondes arabes, Asie), l’histoire et les relations internationales sont sans cesse mobilisées pour conduire l’action opérationnelle et interpréter instantanément les codes culturels des sociétés dans lesquelles le soldat est déployé. Celui-ci doit désormais mener une phase d’intervention dans le cadre d’affrontements brefs de type conventionnel en s’appuyant sur la technologie et le savoir opérationnel comme démultiplicateur de la puissance, puis accompagner les phases de stabilisation et de reconstruction (normalisation) en revenant à l’anthropologie des sociétés grâce à des savoirs en sciences humaines et sociales constituant de véritables « boîtes à outils » essentielles pour gagner le cœur des populations5.

Le sens de la victoire stratégique, désormais placé sur le terrain politique dans le cadre de la reconstruction, réhabilite la place des sciences humaines dans le continuum de formation du chef militaire. La nouvelle scolarité de l’esm rend compte de cette réalité. Grâce à une méthode pédagogique par projet fondée sur des savoirs théoriques, culturels et techniques, le chef militaire acquiert le courage intellectuel et étend sa culture militaire. Les pratiques pédagogiques complémentaires comme les conférences, les séminaires spécialisés, les lectures d’ouvrages inspirées de la directive sur la culture militaire donnent à chaque élève officier les références professionnelles pour l’exercice du métier des armes et constituent une première étape de l’argumentation d’idées personnelles (Nicolas Tachon, 2007).

  • Comprendre et pratiquer la pédagogie du retour d’expérience

L’enjeu principal de la réforme des enseignements académiques de 2002 a été de concilier une culture générale avec une culture de l’action opérationnelle. La formation dispensée à Saint-Cyr maintient cette étroite relation avec la réalité opérationnelle, loin de la conception idéaliste et théorique du savoir (Émile Durkheim, 1938 ; Isambert Jamati, 1970). Dès lors, la formation délivrée en école place au second rang, et sans les négliger, les enseignements à haute valeur intellectuelle, au profit d’un savoir orienté vers l’efficacité opérationnelle. L’objectif est de donner à l’élève officier les moyens de faire face à la complexité des engagements et de développer une approche globale du théâtre dans lequel il intervient. Car la seule logique militaire ne suffit plus à rendre intelligibles les contextes d’engagement contemporain où s’entremêlent des logiques politiques et culturelles, sécuritaires et humanitaires, traditionnelles et religieuses. L’approche globale et l’invention de nouvelles solutions deviennent la norme de pensée et d’action du futur chef en opération.

La pluridisciplinarité des enseignements répond à cette injonction : développer les capacités d’adaptation de l’élève officier au nouvel environnement de l’action militaire marqué par la complexité, l’incertitude et l’adversité. C’est la principale compétence à acquérir en école par le futur chef militaire. Celui-ci doit devenir capable d’imaginer de nouvelles solutions hic et nunc. C’est le sens des propos d’un colonel interviewé en mars 2009 : « Le sens du savoir militaire est de développer la capacité d’invention de nouvelles solutions face à des conflits inconnus dont la victoire militaire n’est plus le gage de sortie de crise. »

La professionnalisation des élèves repose désormais sur une formation intégrée de type académique, militaire, sportive et humaine. Le développement de la recherche y occupe une part majeure et contribue au renouvellement des connaissances en irriguant la formation dispensée. Des périodes de stages à l’étranger viennent enrichir la pédagogie générale et permettent au futur chef de développer des compétences en langues étrangères utiles aux opérations multinationales au sein d’une coalition.

En dépit de l’ouverture institutionnelle vers le monde civil en général et le monde universitaire en particulier, l’esm a toujours eu vocation à approfondir les savoirs militaires spécifiques au cœur de métier. Aujourd’hui, le futur chef intègre dans son processus de décision, au-delà des savoirs strictement militaires et tactiques, des savoirs issus des sciences sociales pour éclairer son commandement et conduire sa décision. De sorte que le modèle de formation produit un profil de soldat capable de raisonner en généraliste, apte à intégrer les conséquences non militaires de son action à partir d’outils pédagogiques combinés mis au service de l’action opérationnelle.

  • Des outils pédagogiques intégrés à la formation

Appelées à former chaque futur officier de l’armée de terre, les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, « maison mère » des officiers, donnent à chacun les éléments indispensables et fondamentaux qui lui permettront d’assumer des responsabilités croissantes dès son premier emploi, puis au fil de son parcours professionnel6. Pour cela, les enseignants et cadres de contact ont recours à trois procédés pédagogiques7.

Le premier tient à la pratique du debriefing de stages ou des modules de formation autour d’échanges de points de vue entre stagiaires, élèves officiers, formateurs et cadres de contact. Par ce procédé, le futur chef apprend à éprouver ses certitudes replacées dans des contextes interculturels marqués par l’incertitude. Il développe des capacités d’écoute de son subordonné, analyse avec rigueur avant de décider en conscience selon une éthique militaire. La notion de conscience personnelle est essentielle. Elle constitue un procédé pédagogique supplémentaire pour développer les compétences du chef militaire.

La deuxième pratique pédagogique porte sur l’apprentissage de la responsabilité ; l’élève apprend à coordonner avec rigueur les efforts d’acteurs multiples pour remplir une mission. La formation prévoit des exercices où le chef est responsable d’une équipe. Il est progressivement mis en situation de décision et de gestion de ressources (hommes, budget, préparation du paquetage, de l’armement, finalité et objectif de la mission, communication). Un tel procédé développe la rigueur dans l’exécution d’une action et l’autonomie adaptée au plan de la responsabilité.

Enfin, le troisième procédé pédagogique tient à la pratique dite du drill ou savoir « faire refaire » : elle enseigne l’amour du travail bien fait, loin du principe de facilité et d’approximation. Cet effort repose sur la réalisation d’actes concrets nécessitant une régularité dans la mission et un véritable engagement personnel.

Cette refonte de la formation des officiers renforce les identités professionnelles et révèle des compétences opérationnelles.

  • Réforme des enseignements et identités professionnelles

La réforme des enseignements à l’esm recompose l’identité institutionnelle des écoles, sans « démantèlement ni désintégration de la structure nomique antérieure de la réalité subjective »8. Mais cette réforme produit des effets inattendus sur le profil sociologique des élèves officiers auxquels elle s’applique. Cela est particulièrement visible à Saint-Cyr. Pour les élèves dont la militarité est faible, les enseignements académiques renforcent la composante civile de leur identité. À l’inverse, pour les élèves officiers dont la militarité est affirmée, la réforme des cursus accentue leur identité militaire, proche du modèle du professionnel « radical » des idéaux-types étudiés par Samuel Huntington9.

  • Deux logiques solidaires

Les évolutions du modèle de formation10 en école d’officiers ont des effets différents sur le profil sociologique des élèves officiers selon l’ancrage de leur identité professionnelle. Deux facteurs influencent celle-ci11. Le premier concerne une expertise professionnelle ouverte à la société civile. La nouvelle scolarité et ses contenus de formation, plaçant l’homme au cœur des dispositifs pédagogiques, intéressent les entreprises civiles qui n’hésitent plus à faire suivre des stages en formation humaine à leurs cadres pour s’instruire des méthodes militaires et être capables de décider dans un environnement complexe.

L’autre effet tient à la recomposition de l’identité professionnelle d’une minorité d’élèves officiers intéressée par des carrières civiles. Bien que seulement 2 % d’une promotion se tourne vers des professions civiles à l’issue de sa formation militaire, le taux d’attrition12 des élèves depuis la réforme reste constant et se maintient à environ treize élèves dans une promotion de cent soixante personnes. En 2007, quinze saint-cyriens ont fait un tel choix sur une promotion de 180 élèves ; ce qui est mineur au regard de l’effectif global. L’orientation d’élèves officiers dans les entreprises ou les administrations civiles13 est bonne pour le lien armée-nation. En effet, le retour des élèves officiers en fin de cursus vers une profession civile contribue à valoriser l’institution militaire dans la société et témoigne de la qualité de la formation dispensée aux élèves officiers et de sa reconnaissance dans le secteur professionnel civil.

La composante « civile » du diplôme des saint-cyriens ouvre de nouveaux débouchés bien au-delà de l’institution militaire. Ces orientations professionnelles ne sont pas banales en soi, et témoignent d’un rapprochement des cultures militaires et civiles ainsi que de la transversalité des savoirs. Mais la construction de l’identité est moins le produit de la formation scolaire que des activités du curriculum, c’est-à-dire de la socialisation résultant des activités extrascolaires comme le respect des règles et de la discipline, la participation aux cérémonies militaires, la transmission des traditions, l’histoire des promotions, l’organisation de soirées de gala, l’intégration des nouveaux, les épreuves collectives. Cette logique relève de ce que Basil Bernstein nomme le discours régulateur14 lié à la vie sociale et différent du discours instructeur (instructionnal discourse) relatif aux savoirs techniques. Sans nier le poids de ceux-ci dans la formation militaire, l’analyse conduite à Saint-Cyr montre que ces activités du curriculum jouent un rôle majeur dans la construction identitaire des futurs officiers, en particulier auprès des élèves dont l’identité militaire est faible.

  • Le paradoxe des évolutions de la formation sur l’identité professionnelle

Les entretiens conduits auprès d’élèves officiers15 montrent que le renforcement de l’enseignement académique devient une ressource pour se réorienter vers des métiers civils. Ceux intéressés par une carrière professionnelle dans le secteur civil sont ceux dont l’identité militaire est faible. Il s’agit d’élèves dont l’identité professionnelle est dite « civilianisée », construite à partir de marqueurs comme l’appartenance familiale civile, le recrutement par la voie universitaire en contraste avec la socialisation professionnelle des classes préparatoires en lycées militaires (Autun, Versailles, Aix-en-Provence, La Flèche), l’intégration de Saint-Cyr par le concours lettres ou sciences éco, moins prestigieux que les prépas sciences.

Ces élèves envisagent plus couramment de suivre une carrière professionnelle civile. Ils estiment en effet, à partir d’un raisonnement en termes de coûts-avantages, que leur identité militaire, ainsi que les aptitudes qu’elle procure seront professionnellement valorisées et reconnues en entreprise. Les compétences humaines acquises grâce à la formation militaire (aptitude à conduire des hommes en groupe restreint, disposition à développer un leadership, capacité à décider et à agir dans la complexité) deviennent un puissant atout, comme l’explique un ancien élève reconverti dans le civil : « Dans le monde du travail civil, la formation militaire est un atout. En ayant fait Saint-Cyr, je possède des compétences académiques et militaires. J’estime pouvoir tenir des postes dans le secteur de la sécurité, des ressources humaines et de la conduite de projet. Il faut reconnaître que la formation à Saint-Cyr est d’une grande qualité : de fait, j’ai abordé ma vie professionnelle civile avec sérénité. Je travaille depuis peu pour une grande entreprise publique. »

En revanche, parmi les élèves dont la militarité est forte, l’accroissement du volume des enseignements académiques accentue la professionnalisation et renforce la composante militaire de leur identité ; ces enseignements étant au service de l’action opérationnelle.

  • Le juste équilibre culturel entre l’arme et la plume

L’ingénierie pédagogique appliquée à Saint-Cyr fait de la formation militaire une activité en adaptation réactive aux conditions nouvelles d’engagement de la force et des théâtres d’opérations. L’enjeu culturel et institutionnel est d’intégrer le discours horizontal fondé sur des pratiques de socialisation collective avec le discours vertical de la pédagogie et des savoirs dans une formation militaire équilibrée. Les mesures prises s’inscrivent toutes dans une démarche qui vise à redonner un équilibre entre l’acquisition d’un ensemble de savoir-faire et celle d’un savoir-être, dans le seul but de conserver comme finalité, selon le lieutenant-colonel Nicolas Tachon, la livraison aux forces, après étape de formation, des cadres aptes à être engagés dans leur emploi quelles que soient les circonstances. À Saint-Cyr, l’essentiel de ce qui est transmis se situe dans le contenu du discours instructeur (programmes, savoirs techniques, cours), mais également dans l’organisation de l’action pédagogique, déterminante pour l’action opérationnelle.

1 Charles Bugnet, En écoutant le maréchal Foch, Paris, Grasset, 1929, p. 271.

2 La nouvelle scolarité repose sur trois piliers : la formation académique, la formation militaire, et la formation humaine et sportive.

3 La méthodologie suivie s’appuie sur trois techniques de recueil des données : l’analyse des documents officiels et institutionnels (programmes de cours, projets pédagogiques), des entretiens réalisés auprès d’enseignants, d’élèves et de cadres (sur l’école, les activités, la formation, la recherche et la mobilité internationale) et l’observation du décorum (architecture, disposition des lieux, décor, mais aussi usages vestimentaires, langagiers) porteur de l’identité institutionnelle.

4 Selon les termes du général Vincent Desportes, « Revenir à l’ordre de l’esprit », Défense nationale et sécurité collective, n° 12, 2008, pp. 10-24. En dépit d’une réflexion conduite dans la plupart des armées occidentales (États-Unis, Europe et Israël) sur la place et l’emploi des robots dans la conduite des opérations militaires, l’homme est l’instrument premier du combat, comme l’écrivait déjà C. Ardant du Picq.

5 Le commandement de l’armée américaine (us Army) a développé un programme de connaissance sociale et culturelle des sociétés irakienne et afghane. Ce programme est présenté sous le nom de Human Terrain System (hts) et médiatisé sous le vocable de « anthropologues embarqués avec les forces » (Anthropologists embeded). Il est mis en œuvre en 2006 pour trouver une solution aux difficultés rencontrées par les forces américaines dans les conflits non-conventionnels en Irak et en Afghanistan, et sortir du warfighting caractéristique de l’action militaire américaine. Il mobilise des sociologues, des anthropologues, des traducteurs, des politologues dont la mission est de collecter des renseignements destinés aux commandants de brigades déployées sur le terrain.

6 Document de formation. Projet éducatif, Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (escc), 2008, p. 3.

7 Voir aussi la directive pédagogique Discipline et Autonomie, escc, 15 novembre 2007, n° 800599/eco/cab.

8 P. L. Beger, T. Luckmann, La Construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens Klincksieck, 1982.

9 Samuel Huntington (The Soldier and the State, Cambridge, Harvard University Press ([1957] 1985) définit la figure du « professionnel radical » dans l’armée à travers celle de l’officier dont l’ethos et les valeurs professionnelles sont centrés sur le cœur de métier, loin de toute logique civile. On peut transposer cette typologie de la construction identitaire à celle de l’ingénieur dont l’identité est fondée sur son cœur de métier. À la figure du professionnel radical, coupé de la société civile, les travaux de Morris Janowitz (The Professional soldier, New York, The Free Press, 1971) ont mis en lumière la figure de « l’officier manager » dont les valeurs sont proches de celles de la société civile et dont l’identité professionnelle est mixte, ouverte et étendue à la société parente.

10 Les évolutions de la scolarité concernent le renforcement des enseignements académiques, le développement de la recherche et l’importance donnée à la mobilité internationale en cours de formation.

11 Nous reprenons en partie l’argumentation d’un article sur ce même thème publié dans le numéro spécial de la revue Éducation permanente (n° 178, 2009) consacré à l’encadrement.

12 Le taux d’attrition désigne le pourcentage d’élève quittant l’armée à la sortie de l’école. En 2007-2008, toutes écoles confondues, seuls dix-huit élèves officiers et officiers élèves ont choisi le secteur civil pour exercer leur activité professionnelle : soit une moyenne de 2 % de l’effectif global. Cinq types de causes expliquent ces réorientations de carrière : la démission, la dénonciation des clauses contractuelles, l’exclusion, la réforme médicale et la résiliation. Pour six élèves sur dix-huit en 2007-2008, il s’agit d’une démission.

13 Selon l’association des saint-cyriens dans la vie civile (ascvic), 15 % d’une promotion est civile quinze ans après l’école ; 20 à 25 % vingt-cinq ans. À cinquante-sept ans, ils sont tous civils.

14 Basil Bernstein, Pédagogie, contrôle symbolique et identité : théorie, recherche, critique, Presses universitaires de Laval, 2007.

15 Les résultats présentés reposent sur des entretiens semi-directifs réalisés en 2008 auprès de trente-huit élèves officiers (un tiers environ d’une promotion). Parmi ce tiers, vingt-deux ont été classés dans le groupe de ceux ayant une identité militaire dite « radicale » et seize dans le panel des professionnels techniques et pragmatiques.

N. de Lardemelle | Former le jeune chef