On ne tient qu’en espérant être libéré un jour. Premier conseil : ne pas regarder derrière soi, au début du moins. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes rapidement jurés de ne pas regretter d’avoir pris le chemin de Najaf le matin du 20 août 2004. La veille, j’avais convaincu Christian Chesnot de nous rendre dans la ville sainte chiite couvrir le siège par l’armée américaine du mausolée d’Ali, où s’étaient retranchés les partisans du leader radical chiite Moqtada Sadr. Quelques heures après notre capture, j’ai évoqué ma responsabilité devant Christian, qui immédiatement me rassura : « le passé est le passé, regardons devant nous, pensons plutôt à notre libération ».
En effet, il ne sert à rien de ressasser des regrets. cela ne peut qu’affecter un moral, qui n’en a pas besoin. L’espoir de recouvrer la liberté, d’en finir avec le silence de l’emprisonnement ou le noir du cachot, on l’entretient d’une multitude de manières. Le plus souvent, comme on peut.
Il est assez facile d’espérer, lorsque la situation vous y incline. Par exemple, lorsqu’on nous annonçait une bonne nouvelle. Cela pouvait être un geste de la main, un mot lâché en arabe « votre situation est simple, inch’Allah, (si Dieu le veut), tout va bien se passer ». Cela pouvait être aussi des explications sur le mode de fonctionnement de l’organisation qui nous détenait, l’armée islamique en Irak, une faction sunnite islamo-nationaliste. Un jour, après deux mois de détention, un garde est venu nous raconter comment son groupe opérait : « nous capturons, nous jugeons les otages au sein d’un tribunal islamique, et ensuite nous les répartissons dans deux cases, la case exécution et la case négociations ». Et il ajouta cette phrase quasi salvatrice : « vous, vous êtes dans la bonne case, la patience est belle, comme le dit le proverbe arabe, vous serez libérés un jour ».
Soudainement, j’avais l’impression de m’alléger de dix kilos. Si, à ce moment-là, nous étions plutôt bien traités, le stress nous avait déjà « plombés ». La détention durait depuis deux longs mois. Nos têtes étaient lourdes. Nos esprits paralysés par la peur qu’à une bonne nouvelle succède une mauvaise. Bref, ce genre d’annonces agissait sur nous comme une bouteille d’eau jetée à un cycliste assoiffé, sur les pentes du Galibier. Nous reprenions des forces. Nous pouvions tenir encore des jours, des semaines, des mois s’il le faut, comme nous avions coutume de répéter pour nous en convaincre.
Nous nous étions rendus compte qu’avec le temps, nos capacités de résistance ne s’étaient pas trop émoussées. Libres, nous n’éprouvons que très rarement nos résistances, surtout mentales. Mais elles existent, l’homme est capable d’affronter des épreuves très difficiles. Ainsi sommes-nous restés les quinze premiers jours sans nous brosser les dents, et nous doucher. Nous avons tenu. Confusément, nous avions franchi un cap dans la résistance. Ensuite, nous avons cohabité quelques jours avec des otages, dont nous savions qu’ils allaient être exécutés. Nous avons supporté aussi les transferts allongés dans une sorte de cercueil en carton, dissimulés sous des couvertures, les yeux bandés, les mains liées dans le dos, à l’arrière d’un 4×4, avançant sur des routes incertaines. Nous avons dû également affronter des combats entre la guérilla et les soldats américains autour de la maison, où nous étions détenus. Suivant les ordres qui nous étaient donnés, nous nous sommes allongés sur nos couvertures, évitant de nous mettre sous les fenêtres, obstrués pour ne pas être repérés. Et puis, après une grosse peur, une autre, l’orage s’est arrêté. Nous supportions les épreuves. On se sentait presque forts. Capables en tout cas d’affronter les mauvaises nouvelles, qui peuvent surgir à tout instant – car c’est le lot de tout otage.
Lorsque nous pensions être dans une logique de libération, l’espoir que « la porte s’ouvrirait un jour », selon une de nos expressions favorites, nous faisait tenir. D’autres otages ont tenu plus longtemps que nous. Des prisonniers ont enduré l’épreuve du cachot bien plus longtemps que nous. Si d’autres étaient donc parvenus à surmonter l’épreuve de la séquestration, nous aussi nous pouvions le faire.
Là où l’exercice d’autopersuasion devient plus difficile, c’est lorsque nous redoutions de ne plus être dans une logique de libération, mais hélas d’exécution. Il est évident que dans ces moments-là, espérer devient beaucoup plus ardu. Et pourtant, il n’y a pas d’autre solution. « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », nous sommes nous dit, un peu benoîtement, en novembre, lorsqu’un matin, un responsable est venu nous annoncer que « notre situation était grave, que nous pouvions être tués à tout moment ». Nous allions connaître la semaine la plus dure de notre détention, et aussi de notre vie. Le lendemain, des affrontements opposèrent guérilla et Américains, autour de notre geôle. Le surlendemain, nous étions déplacés. En nous ligotant, un de nos gardiens nous glissa à l’oreille : « les Français n’ont pas pris au sérieux la menace que nous leur avons transmise ». J’avais l’impression que le coup de grâce nous était asséné. La douleur commença alors à m’envahir. La peur d’une mort proche est montée en moi. D’autant qu’une heure après, en nous sortant de la voiture dans laquelle ils nous avaient transférés, ce même responsable, qui nous avait lancé la terrible remarque de l’avant-veille, s’exclama alors en anglais : « qui est vivant qui est mort ? ». Nous étions, dès lors, convaincus que l’un d’entre nous serait exécuté, pour que les Français prennent vraiment « la situation au sérieux », selon leur expression.
Pendant quatre jours, nous avons vécu avec la mort face à nos yeux. Chaque bruit métallique, qui nous parvenait de la pièce d’à côté, nous donnait à penser que nos ravisseurs s’activaient pour préparer le billot. Ils nous parlaient pratiquement plus en apportant à manger. L’espoir avait disparu. Nos visages étaient figés. La pression était si forte, que j’entendais le battement de mon cœur. Nous avions rapproché nos paillasses pour se sentir moins seuls. Je fixais le mur à trois mètres de moi. Nos corps s’ankylosaient. Bizarrement, ce n’est pas la tête, qui me faisait mal. C’était le ventre. J’avais l’estomac noué. J’étais saisi d’angoisse. Une angoisse à glacer le sang. Mon ventre était dur comme de l’acier, je ressentais des nœuds à l’intérieur. Je n’avais plus faim. J’imaginais ma mort, le chagrin de mes proches aux funérailles, la douleur immense ressentie par mes parents qui avaient déjà perdu un enfant, il y a quarante ans. J’avais l’impression d’être sur le toboggan de la mort, lentement, la fin de la vie approchait. Pourtant, consentir à mourir affrontait mon souci de lutter contre un destin funeste.
Et puis même dans ces moments de peur morbide, on cherche à se persuader que finalement tout cela est maktoub, comme disent les Arabes, que c’est le destin, ce devait être écrit. Et pour atténuer la douleur de ne plus vivre, au moins se dit-on qu’on a bien vécu. De Jérusalem, à Amman en passant par Beyrouth, Téhéran jusqu’à l’enfer de Bagdad, j’avais vécu mes rêves. Ne vaut-il pas mieux « s’éclater », et partir à 42 ans, après une vie riche en événements, plutôt qu’à 60, après s’être morfondu derrière un bureau ! Même face à la mort, on finit par voir le verre à moitié plein plutôt que celui à moitié vide. Ou espérer toujours et encore en l’au-delà, à une autre vie après la mort.
Quand on est privé d’espoir, on doit absolument s’en créer. Sinon, c’est l’effondrement. Or dès le début, j’avais ce principe en tête : « je suis dans une situation difficile, mais je suis Français, la France n’a pas approuvé l’invasion américaine de l’Irak, gardons espoir, restons zen, imagine que tu es parti pour un voyage difficile de deux ou trois jours ». Pourquoi deux ou quatre jours ? C’était la durée de la détention du dernier journaliste français, enlevé quelques mois plus tôt en Irak.
Tenir, c’est aussi adopter quelques recettes pratiques. Respirer calmement, par exemple. Je me suis souvenu de mes cours de théâtre, quinze ans plus tôt, lorsque le prof nous faisait marcher sur un fil, un balancier à la main. Il s’agissait de recréer cet état, tendu-calme, qui est celui du comédien sur scène. Otage, c’est un peu la même chose. Tendus, nous l’étions pour d’évidentes raisons. Mais, nous devions aussi nous efforcer de rester calmes, pour parer à toutes les situations, surtout les plus cruelles. Lorsque je me retrouvais allongé, pendant nos transferts en voiture, je tâchais donc de respirer calmement, en écoutant le souffle de ma respiration. Une certaine quiétude m’envahissait alors. Respirer profondément allège le fardeau de l’angoisse.
Tenir, c’est aussi être physiquement en assez bonne forme. C’est pourquoi dès que nous le pouvions, nous faisions du sport. Oh le mot est fort ! Nous multiplions plutôt les étirements des jambes, du torse, nous faisions de la musculation, des pompes, nous secouions nos mains, nos têtes. Une heure chaque jour sur une paillasse d’un mètre carré. Finalement, on se rend compte que l’on peut se maintenir en forme, avec pas grand-chose. Ensuite, quand nous le pouvions, prendre une douche nous procurait une sensation de renaissance. Bouger, tournicoter dans un cageot de dix mètres carrés, c’est se fatiguer, et retrouver la même sensation qu’après le footing, que je pratiquais dans les escaliers de mon hôtel de Bagdad, pour fuir le stress dû à la tension, qui régnait dehors. Le sport nous reliait à la vie normale.
Tenir, c’est aussi prier. Nous l’avons fait lorsqu’en novembre nous sentions que le pire pouvait arriver. J’étais gêné. Je pratique peu. Je me suis retourné auprès de Dieu, en lui confessant ce caractère, je dirais, presque utilitaire de mes prières. J’ai besoin de vous, aidez-moi, lui ai-je dit, avec franchise. Chacune de nos prières était une intention de prière. Nous prions pour que les négociateurs irakiens et français parviennent à s’entendre. Nous prions pour nos familles et nos proches. Nous prions pour écarter la mauvaise nouvelle. Toujours cette mauvaise nouvelle, tant redoutée. Nous étions devenus des automates de la prière.
Mais en priant à voix basse, nous nous réunissions. Nous ne formions qu’un. La prière de l’un renvoyait à la supplique de l’autre. Nous retrouvions une cohésion, que le désespoir n’avait certes pas entamée, même si l’angoisse de mourir nous avait rendus quasiment silencieux l’un et l’autre. Christian n’est d’ordinaire pas très bavard. Jusqu’en novembre, il s’était montré optimiste. J’étais moi aussi plutôt optimiste, tout en jouant l’avocat du diable. Et si cela durait ?, disais-je au début de notre détention. Et s’ils soulevaient la question du voile ? J’étais, je suis encore, un optimiste anxieux. Christian m’apparaissait alors comme un optimiste quasi désinvolte, jusqu’à ce 8 novembre, où il flancha face à la lourde menace, qui allait désormais planer au-dessus de nos têtes. Bizarrement, c’est moi qui ai joué alors les assistantes sociales. Je lui répétais qu’un otage mort est un otage qui n’a pas de valeur, qu’après plus de deux mois de négociations, nos ravisseurs n’allaient pas intérêt à jeter le bébé avec l’eau du bain, que nous devions affronter la dernière crise, le dernier coup de bluff, la dernière tentative de passer en force de la part de nos geôliers, avant un dénouement heureux. Une fois de plus, je cherchais des motifs d’espérer, histoire de ne pas perdre complètement pied.
Parler l’arabe, pouvoir échanger un peu avec nos ravisseurs, percer leurs motivations, deviner où nous en étions, tout cela nous a bien sûr beaucoup aidés. tre deux aussi. Surtout deux amis, soudés dans l’épreuve, qui se sont mutuellement soutenus. À deux, les mauvaises nouvelles font mal, mais elles peuvent être partagées. Seul, vous l’êtes cruellement aussi face au désespoir, qu’un codétenu ne peut apaiser.
Finalement, nous avons vécu notre détention comme un défi. Nous ne pouvions, nous ne devions pas baisser les bras. Une telle épreuve est très difficile à supporter. Mais chacun d’entre nous dispose, au tréfonds de lui-même, de ressources insoupçonnées, pour vaincre des écueils, même très périlleux.
You can only survive if you can maintain the hope of being freed one day. my first word of advice is: don’t look back, at least not at first. that is why we quickly vowed not to regret having taken the road to najaf on the morning of 20 august 2004. the night before, i had convinced christian chesnot that we should go the shiite holy city to cover the american army’s siege of the mausoleum of imam ali, where the partisans of the radical shiite leader, moqtada al-sadr, were holed up. a few hours after we were captured, i brought up my responsibility with christian, who immediately reassured me, “the past is the past, we should look forward, we should think about our liberation”. indeed, there is no point in mulling over regrets. that could just affect your morale, which is the last thing you need.
The hope of being set free, of ending the silence of imprisonment or the darkness of the dungeon, is kept alive in many ways. Usually any way you can.
It is quite easy to have hope when the situation inclines you to. For example, when you are given good news. It could be a hand gesture or a word that slips out in Arabic – “your situation is simple, insha’Allah (God willing), everything is going to be alright.” It could also be an explanation of the operations of the organization that was holding us, the Islamic Army in Iraq, an Islamo-nationalist Sunnite faction. One day, after two months of captivity, a guard came to tell us how his group operated: “We capture, we judge the hostages before an Islamic tribunal, and then we divide them up into two compartments, the execution compartment and the negotiation compartment.” And he added this sentence with nearly saving grace: “You are in the right compartment, patience is beautiful, as the Arabic proverb says, you will be set free one of these day.”
Suddenly I felt like I was ten kilos lighter. Although we were being treated fairly well at that point, the stress had already got us “down”. We had been held for two long months already. Our heads were heavy. Our minds were paralyzed by the fear that good news would be followed by bad. In a word, this kind of information affected us like a bottle of water thrown to a thirsty cyclist climbing to the Galibier Pass in the Alps. We got stronger. We could hold on for days, weeks or months more if we had to, as we used to say to each other over and over again to convince ourselves of it.
We realized that, over time, our resistance capacities had not been worn down too much. When we are free, we very rarely test our resistance capacities, especially our mental capacities. But they exist; man is capable of confronting terrible ordeals. We spent the first two weeks without brushing our teeth or taking a shower. We survived. Confusedly, we had gotten over one resistance hurdle. Then, we lived with some other hostages for a few days, knowing that they were going to be executed. We also dealt with being transferred lying down in a sort of cardboard coffin, hidden under blankets, blindfolded with our hands tied behind our backs, in the back of a 4x4 driving along unsafe roads. We were also confronted with combat between the guerillas and American soldiers around the house where we were being held. We followed the orders we were given and laid down on our blankets, keeping away from the windows, which were obstructed to keep us from being located. And then, after one big scare and another big scare, the storm subsided. We could handle the ordeals. We almost felt strong. Or at least capable of taking the bad news that we could receive at any time – because that is the fate of all hostages.
When we thought that things were working toward our liberation, the hope that “the door would open one day”, which was one of our favourite expressions, kept us going. Other hostages had held out longer than us. Prisoners had endured their dungeons much longer than us. If other people could survive the ordeal of sequestration, we could do it, too.
Self-persuasion became more difficult when we feared that things were no longer working toward our liberation, but unfortunately toward our execution. Obviously, at those times, it is much harder to have hope. And yet, there is no other solution. “As long as we’re alive, there’s hope”, we said to ourselves, a bit blandly, one morning in November when one of the leaders came to tell us that our situation was serious, that we could be killed at any time. We were about to live the hardest week of our captivity, and of our lives. The next day, there was a battle between the guerillas and the Americans around our jail. The day after that, we were moved. As he tied us up, one of our guards whispered to us, “The French didn’t take our threats seriously.” I felt like we had just been dealt the coup de grâce. I started to become overwhelmed with pain. The fear of imminent death grew inside me. Especially when, one hour later, we got out of the car that had transferred us and the same guard who had made that terrible comment cried out, in English, “Who is alive and who is dead?” We were sure that one of us was going to be executed so that the French would truly take “the situation seriously”, as they said.
For four days, we lived face to face with death. Every metallic noise that we heard coming from the room next to us had us thinking that our captors were getting the block ready. They barely spoke to us anymore when they brought us our meals. Hope was gone. Our faces were frozen. The pressure was so strong that I could hear my heartbeat. We moved our mattresses together to feel less alone. I stared at the wall three meters in front of me. Our bodies grew numb. Strangely, not my head, which hurt. It was my stomach. I had knots in my stomach. I was filled with anguish. Bloodcurdling anguish. My stomach was hard as steel; I could feel the knots inside. I lost my appetite. I imagined my own death, the sorrow of my loved ones at my funeral, the immense pain felt by my parents who had already lost a child forty years earlier. I felt like I was on a death ride, slowly, the end of my life was coming. And yet, accepting to die was an affront to my need to fight against a tragic fate.
And then, even in those moments of morbid fear, we sought to convince ourselves that it was all maktub, as the Arabs say, it was our destiny, it was all written. And to attenuate the pain of living no longer, we said that at least we had had good lives. From Jerusalem to Amman, from Beirut to Teheran to the hell of Baghdad, I had lived my dreams. Isn’t it better to have “lived it up” and to go at 42 after an eventful life, rather than at 60 after the drudgery of life at a desk! Even faced with death, you end up seeing the glass as being half full rather than half empty. Or hoping for the beyond, for life after death.
When hope is taken away from you, you absolutely must create hope. Otherwise, you collapse. Right from the start, I kept this principle in mind: I am in a difficult situation, but I am French, France did not approve of the American invasion of Iraq, you have to keep hoping, keep cool, imagine that you are on a rough trip for two or three days.” Why two or four days? That was how long the last French journalist was held, who had been taken hostage a few months earlier in Iraq.
Survival also means adopting a certain number of practical formulas. Breathing calmly, for example. I remembered my theatre classes from fifteen years earlier, when the teacher had us walk a tightrope with a balancing pole in hand. I needed to recreate that state of calm tension, that of the actor on stage. Being a hostage is sort of the same thing. We were in a state of tension for obvious reasons. But we also had to force ourselves to remain calm to be able to deal with all situations, especially the cruellest of situations. When I found myself lying there during our transfers in their cars, I tried to breathe calmly, listening to the whisper of my own breathing. A certain peace of mind came over me in those cases. Breathing deeply lightens the yoke of anguish.
Survival also entails being in fairly good shape physically. That is why, as soon as we could, we got some exercise. Oh was it good! We stretched as much as we could, our legs, our torsos, we lifted weights, did pushups, we shook out our hands, our heads. One hour every day on a one-square-meter mat. In the end, we realized we could keep in shape without many accessories. Then, when we could, taking a shower gave us a feeling of rebirth. Moving, running around a ten-square-meter cell would wear us out, giving us the same sensations as after jogging, which I used to do in the stairs of my hotel in Baghdad to get rid of the stress built up due to the tension outside. Exercise gave us a link to normal life.
Survival also means prayer. We prayed in November when we felt that the worst might happen. I was embarrassed. I’m not very religious. I turned to God, confessing to Him what I would call the somewhat utilitarian nature of my prayers. I need You, please help me, I said, quite frankly. Each one of our prayers was a prayer of intention. We prayed for the Iraqi and French negotiators to reach an agreement. We prayed for our families and our loved ones. We prayed for there not to be any bad news. The bad news that we feared so much. We had become robots in prayer.
But while whispering our prayers, we grew closer. We were one. One person’s prayer joined the supplication of the other. We found cohesion that despair had not taken away from us, even though the anguish of death had made us nearly silent toward one and other. Christian is not very talkative in general. Until November, he had been optimistic. I was also fairly optimistic, while playing the devil’s advocate. “What if this drags on?” I said at the beginning of our captivity. “And what if they bring up the subject of Muslim girls’ wearing the veil in French schools?” I was, and still am, an anxious optimist. Christian seemed to me to be almost casually optimistic, until the 8th of November, when he flinched when confronted with the serious threat that was now hanging over us. Strangely, I was the one who played the role of social worker at this point. I kept telling him that a dead hostage is of no value, that after two months of negotiations, our captors had no reason to throw the baby out with the bathwater, that we had to handle the latest crisis, the latest bluff, the latest attempt by our jailers to force the negotiators’ hands before a happy ending. Once again, I was looking for reasons to hope, so as not to lose it completely.
Speaking Arabic, being able to talk a little bit with our captors, trying to understand their motivations, guessing how things were going, all of this of course helped us greatly. As did the fact that there were two of us. Especially two friends, together in their ordeal, being able to give each other mutual support. When there are two of you, the bad news hurts but you can share it. Alone, you are cruelly so in the face of the despair that a cellmate can help you to handle.
Lastly, we lived our captivity as a challenge. There was no way we could give up. This sort of ordeal is very hard to bear. But deep within, each of us has unimaginable resources to overcome the most dangerous situations.