Pour ne pas se noyer dans des définitions métaphysiques complexes, proposons une approche efficace, me semble-t-il, du réel et des différents virtuels puisque ce dernier mot a deux sens distincts. Un réel et deux virtuels auxquels s’ajoute le spirituel dans son extension maximale, relevant ou non d’une religion. Telle est la réflexion qu’offre cet article.
- Le jeu complexe du « ici et maintenant »
Le réel relève du « ici et maintenant ». Il se vit dans une correspondance entre l’espace, le temps et la personne que je suis. Quand cette coïncidence n’existe pas, la réalité visée s’éloigne de ce que nous sentons intuitivement être le réel vraiment réel : l’événement que je vis n’est plus complètement réel et nous parlons alors de réalité (car cela en est une malgré tout) virtuelle. Or celle-ci se dit ou se vit en deux sens.
Quand le virtuel prélude à la réalisation, comme la puissance à l’acte, le grain à l’épi, l’œuf à la poule, l’enfant à l’homme, l’idée à l’œuvre, le plan à la maison, alors il est du réel plénier en gestation. Dans ce cas, le virtuel est au réel dans un rapport de nécessité : celui-ci ne peut se passer de celui-là dans le fil du temps qui procède toujours par étapes. On peut définir ce virtuel premier à partir du « ici mais pas maintenant ». Ou encore, c’est lui mais pas intégralement lui ; c’est ça mais pas vraiment encore pleinement ça. Rares sont les réalités parfaitement développées, totalement abouties, en acte pur et, par là, ce virtuel premier fait presque toujours partie du réel tel que nous le vivons ; il est en fait la réalité telle que nous en avons l’expérience, un réel jamais totalement abouti. En théologie, on relèvera que Dieu seul est Acte pur. C’est ce que la Bible affirme en nommant Dieu « Yahvé », « celui qui est ». Seul Il est pleinement réel.
Lorsqu’il projette le réel à distance, comme le distanciel au présentiel, le songe à la vue, l’illusion à l’espoir, le mirage au paysage, le désir à la possession, le virtuel n’est plus dans un rapport nécessaire à un réel qui peut se passer de lui. Ainsi la rencontre des personnes « en vrai » n’impose pas les réunions « en visio » et celles-ci n’obligent pas à celle-là, même si elles peuvent la préparer. Pas plus que la rencontre ne dépend du téléphone, le réel ne dépend de ce virtuel second. Selon notre approche, ce virtuel second peut se nommer « maintenant mais pas ici ». Ou encore, c’est le moment mais à distance. Au même moment, à ce moment, je vis quelque chose qui se trouve à distance de moi par l’espace à travers des images, qu’elles soient de technique ou d’imagination (le rêve).
Ces deux virtuels prennent sur la vie, et il semble difficile à l’homme de s’en passer totalement : il lui est impossible d’éviter la potentialité d’une chose ou d’empêcher tout rêve. La réalité virtuelle fait partie de la vie humaine et, par ce fait, réclame une réflexion sur une autre dimension, celle de la réalité spirituelle, le spirituel, lequel conjure l’emprise des virtuels comme les méprises sur le réel (par exemple la réduction du réel à la matière).
Je propose le spirituel comme étant la réalisation du « ni ici ni maintenant ». Pour le dire avec un peu plus de précaution : le spirituel se vit dans notre monde spatio-temporel, ne serait-ce qu’en raison de sa source, l’esprit humain traversé de tous les conditionnements et de toutes les conditions vitales inhérentes à l’homme ; et il respire – le mot n’est pas anodin en spiritualité – dans l’espace et dans le temps ; mais il n’est proprement du spirituel que dans la mesure où il dépasse précisément cet « ici et maintenant ». L’activité de l’esprit en tant qu’esprit atteint une permanence et une universalité que les grandes sagesses traduisent magnifiquement, même si, malgré tout, elles les réduisent par leur langue et leur culture. Reste que leur transcription ne les détruit pas ; c’est ce qui fait leur valeur et leur utilité intemporelle et transculturelle. Pensons au Christ, au Bouddha, à Confucius… Seule une herméneutique appropriée permet à cette sagesse transculturelle de nous atteindre à travers ses expressions (livres saints…) nécessairement datées par une époque et par un lieu.
Cette vie de l’esprit, dans sa permanence et dans son indépendance, ni ici et ni maintenant, place le spirituel au niveau d’une transcendance (pas forcément personnelle). Il est passionnant de penser son rapport individuel ou collectif au réel et aux deux virtuels. Le cadre de ces propos se limite à parler de ce virtuel second, auquel nous sommes particulièrement attentifs par la venue de machines prodigieuses et prodigues en images.
- Le virtuel second ne date pas d’aujourd’hui
L’envahissement de notre existence par les écrans, le surinvestissement dans les réseaux, la création foisonnante de nouvelles technologies ne nous tromperont pas. La question du virtuel second et de son rapport au réel est aussi vieille que le monde, en tout cas que l’histoire humaine. Pointer d’abord cette constante intemporelle permet de saisir ensuite ses particularités actuelles.
Depuis plusieurs milliers de générations, par l’art, la drogue, le jeu ou le sommeil, le virtuel prend toujours place dans une vie ou au sein d’un peuple. L’art l’enfante à partir d’une musique ou d’une plastique ; des populations entières sont dépendantes de la cocaïne ou de l’opium – il suffit de déambuler en fin de matinée dans les rues de Djibouti pour découvrir ces hommes mâchant le kat aux effets psychotropes. On pourrait noter aussi l’engouement d’une nation pour son équipe de foot alors que fait défaut l’enjeu de la guerre avec ses luttes pour la liberté. Le sommeil, quant à lui, est matrice de tous les rêves, du cauchemar au songe inspiré.
Par des biais divers, l’imagination est ainsi sollicitée, et elle suscite des émotions profondes. Fabriquant des rêves ou des mirages, elle nous berce d’illusions ou nous jette à l’enthousiasme. Ainsi l’être humain pense se dilater par le virtuel ; il fait feu de tout bois pour échapper ou pour compléter le monde concret où il se sent souvent enfermé. Par lui-même, ou par quelque façon étrangère, chimique ou ludique, il s’emploie à s’extraire d’une condition ou d’un conditionnement trop contraignant. Peut-être ce monde parallèle où règne l’image est-il nécessaire pour vivre pleinement le monde « réel » avec sa dimension de gratuité… Refuser à l’enfant de pénétrer et de demeurer dans l’univers du jeu ou du rêve lui fera perdre en fécondité ce qu’il est censé gagner en efficacité.
Avant tout écran, avant toute technique de projection et de transmission, un monde d’images se noue autour de l’esprit humain sans qu’il soit toujours aisé à celui-ci d’en cerner la source. Inspiration divine ? Rêverie solitaire ? Décantation nocturne de la vie diurne ? Libération de la liberté ? À chaque fois une distance est prise avec le monde du « ici » immédiatement palpable par les sens corporels. Le virtuel second pénètre la réalité et nous projette à distance de notre corps, même s’il le marque par les émotions qu’il éveille en nous – un cauchemar nous fait réellement transpirer.
Nous pénétrons ce monde virtuel second par l’intermédiaire de l’image, laquelle se glisse entre nous et la réalité qu’elle finit par masquer. C’est la grande différence avec l’expérience du réel où se forme aussi des images, mais des images qui succèdent à l’usage de nos sens extérieurs et dont il nous faut nous défier si nous souhaitons rester en contact direct avec le réel. Ce que nous appelons l’« attention » est précisément cette capacité à demeurer au maximum dans le réel sans nous en éloigner par le virtuel. D’une certaine façon, l’attention nous protège de l’imaginaire en formant le sol de toute concentration – on le voit dans le monde sportif où la moindre faute d’inattention conduit à la défaite.
Le mélange du réel et des images rend difficile le discernement entre le monde réel et le monde virtuel. « Pince-moi, je rêve » nous est-il arrivé de dire à notre voisin devant une scène surprenante. Nous sommes alors persuadés que la douleur nous réveillera, et qu’elle nous permettra de trancher entre le virtuel et le réel – dans cette remarque, il y aurait une invitation à une étude approfondie sur la fonction de la souffrance pour nous faire revenir au réel et/ou pour le différencier de la réalité virtuelle.
- La nouveauté de notre âge, les machines renversent la table
Mais si ce virtuel tient à tous les âges, il se pare de particularités contemporaines : aujourd’hui, il nous vient pour une immense part de l’extérieur, tout fait, avant même que nous n’intervenions par l’imagination. Là où une figure, une peinture, un roman captait l’imaginaire par un biais délicat, au point qu’il nous fallait parfois y être formés pour les apprécier, sur nos écrans l’image arrive brutale, nerveuse, imposante, totalitaire, manipulatrice.
C’est la grande nouveauté de notre période historique, nouveauté incontestablement liée à l’omniprésence de la technologie. Bien qu’accélérée par la révolution numérique de la fin du xxe siècle, l’affaire date de la souveraineté de la technique, à partir de l’invention de la photo, des phonographes et du cinéma. Sur ce thème, une référence vient à l’esprit : le discours qu’André Malraux prononce à Paris le 20 juin 1968. Il y détaille le destin de la France alors que les troubles des semaines précédentes déroutent les esprits : « Il s’agit là d’événements qui n’appartiennent pas à la politique mais à l’Histoire, et la politique, c’est ce qui reste quand il n’y a pas d’Histoire. »
Cet axiome, que Malraux ne justifie pas, écarte d’un geste toute lecture partisane et toute instrumentalisation politicienne. Il élève ces faits à l’ordre historique : « Pour les historiens, nous sommes à la fin de la civilisation occidentale. Mais ils n’ont pas encore eu le temps de voir qu’entre notre civilisation et celles qui l’ont précédée, il y a trois différences capitales : notre civilisation est la première qui se veuille héritière de toutes les autres ; elle est la première qui ne se fonde pas sur une religion ; enfin, elle a inventé les machines. Nous ne sommes pas les Romains plus les machines, nous sommes des Romains transformés par les machines que nous avons inventées et que les hommes n’avaient jamais inventées avant nous. Construire les pyramides ou les cathédrales, ce n’est ni construire les gratte-ciel ni gouverner l’atome. César se fût entretenu sans peine avec Napoléon, non avec le président Johnson. »
Les machines naissent à toutes les époques, à la guerre, des arcs aux missiles, comme en architecture ou dans la vie domestique. Dans Les Politiques, Aristote faisait déjà l’hypothèse qu’un jour des métiers à tisser automatisés remplaceraient les esclaves… Mais aujourd’hui un cap a été franchi. Malraux aurait trouvé une étincelante confirmation de sa pensée avec ces machines gavées d’intelligence artificielle (ia), pilotées par des algorithmes échappant à la maîtrise de leur créateur tant ils sont devenus complexes. En quoi et comment les machines modifient-elles l’humanité de sorte que nous ne sommes plus des « Romains plus les machines » mais « des Romains transformés par les machines » ? Jusqu’à quand l’homme a-t-il inventé des machines pour l’aider à transformer le monde et à partir de quel seuil, par un effet rétroactif, ces machines l’ont-elles transformé en elles ? Cette question pèse un livre entier.
L’ambition humaine semble faire sienne, en la promouvant, cette transformation de l’homme par une augmentation artificielle. L’homme augmenté concurrence ainsi le robot « humanisé », l’humanoïde de nos romans d’anticipation. Le dernier en date des projets des gafam1 s’appelle metaverse2, nom apparu dans un roman de l’écrivain américain Neal Stephenson, Snow Crash, publié en 1992. Ce que le romancier avait imaginé, les plus grandes entreprises du numérique cherchent à le réaliser à coups de dizaines de milliards de dollars : créer un double du monde réel dans lequel pénètre et évolue l’internaute après avoir adopté un avatar personnalisé. Dans ce monde, grâce aux machines, casques de réalité virtuelle, capteurs, manettes et combinaisons, l’homme supprime l’exigence du « ici » en ressentant les contacts physiques à distance tout en maintenant le maintenant. Une apothéose du « maintenant mais pas ici ». Fantasques il y a encore trente ans, ces projets paraissent possibles aujourd’hui. Et, nous affirment leurs promoteurs, les applications du métavers seraient innombrables : outre le jeu, on peut envisager le télétravail, l’entraînement sportif, la réunion amicale, les courses au supermarché… La guerre certainement, au commencement sous la forme d’un jeu… mais à terme ?
- La liberté aliénée par le virtuel
Faut-il partager l’inquiétude de Gaspard Kœnig exposée dans son ouvrage La Fin de l’individu. Voyage d’un philosophe au pays de l’intelligence artificielle3 ? La dogmatique déclarée par les principaux créateurs de l’ia programme la fin du libre arbitre au profit d’un monde où l’individu autonome et responsable est « dirigé » cordialement – le « nudge universel »4 – et de façon indolore par des algorithmes censés optimiser son plaisir, à l’intérieur d’une communauté d’utilisateurs arguant de la même recherche de satisfaction maximale. Un contentement par le virtuel sans consentement au réel : « L’ia connaît nos goûts profonds mieux que notre conscience superficielle : pourquoi ne pas lui abandonner la gestion de notre bonheur5 ? » Et Kœnig de citer Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie : « Les experts sont inférieurs aux algorithmes6. »
Aucune théorie complotiste n’effraie autant que la lecture de ce livre argumenté : le libre arbitre n’est nié par personne, mais il est abandonné par tous à travers une démission paresseuse et personnalisée autant que régressive et optimisée. Kœnig enregistre l’éclat de rire de ses interlocuteurs spécialistes de l’ia lorsqu’il évoque le libre arbitre prôné par nos traditions philosophiques occidentales. Pour ces experts, l’existence de cette liberté profonde n’est qu’une simulation intérieure réductible à des sollicitations numériques ! Comment réagir ?
- La liberté libérée par le spirituel
Et si la liberté se trouvait protégée et déployée par le haut ? Nos traditions spirituelles l’affirment et s’emparent de ce thème par l’expérience de l’homme emprisonné dans sa grotte ou dans sa cellule mais rendu libre par une forte concentration intérieure. Précédemment a été effleurée la question de l’attention, dont Simone Weil affirmait que, toute pure, elle était prière. Elle-même ne disait qu’un seul Notre Père par jour. C’était toute sa prière, mais elle le répétait autant de fois que nécessaire pour rester attentive à chaque mot. L’exercice est plus difficile qu’on ne le pense. Elle cultivait ainsi son esprit sur des mots portant sur le Ciel.
Quelques années avant Mai-68, le 3 juin 1956, Malraux n’avait pas insisté sur l’intervention des « machines » mais sur la rupture avec la religion : « La nature d’une civilisation, c’est ce qui s’agrège autour d’une religion. Notre civilisation est incapable de construire un temple ou un tombeau. Elle sera contrainte de trouver sa valeur fondamentale, ou elle se décomposera7. » Douze ans plus tard, il reprend sa formule dans sa conférence déjà citée : « Notre civilisation, qui n’a su construire ni un temple ni un tombeau, et qui peut tout enseigner, sauf à devenir un homme, commence à connaître ses crises profondes, comme les précédentes connurent les leurs. »
Ce virtuel second exploité par les machines, ce rêve sans sommeil, avorte de la véritable liberté qui engrange et affronte les limites du réel. Parce qu’il fabrique une liberté imaginaire omniprésente, donc totalitaire, qui ignore et évacue les limites du réel. Où est vraiment la liberté de l’homme et où sera-t-elle encore quand nous nous immergerons dans l’univers parallèle du métavers, en pénétrant dans un film jusque-là porté par des écrans ? Et lorsque la souffrance impose sa griffe, que reste-t-il de ce virtuel second, celui auprès duquel nous venons chercher l’oubli de l’espace et de son conditionnement ?
Ces questions fondamentales, le spirituel les recense et tente d’y satisfaire en offrant des chemins de liberté bien plus que des réponses théoriques. Il use de l’imaginaire, mais n’y reste jamais. Il s’efforce de taire la tempête des sentiments et des émotions afin de plonger plus profond et mettre en communion l’esprit avec lui-même.
Dans une conscience croyante, nous croyons que le virtuel est aussi exploité par Dieu, à l’instar du réel à travers lequel Il nous fait signe. Pensons à la force du songe par l’entremise duquel Il parle aux hommes dans la Bible. La réalité virtuelle fournit aussi les outils pour le discernement à partir de la désolation ou de la consolation : saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, nous offre les Exercices pour faire ce discernement. L’imagination est donc utile au spirituel. Mais celui-ci retient l’homme de filer à l’anglaise hors de sa condition humaine.
Ainsi, le spirituel, à sa façon, reprend la question de la vérité, laquelle court les chemins de la philosophie. Désormais, la recherche de la vérité s’impose à nouveau en face des masses d’informations auxquelles chacun peut prétendre sans filtre. Vrai ou faux ? En face de la quête de véracité aux apparences de nain, deux géants jumeaux s’affrontent : like ou not like, j’aime ou je n’aime pas. L’approche par le sentiment que cette information éveille en moi se dresse bien plus haut que la question de savoir si elle est vraie. Ce n’est plus l’intelligence qui s’anime mais l’émotion qui palpite, qui forme le premier mouvement intérieur de l’homme captif de l’écran.
L’enjeu du spirituel ne se résume pas à remplir des églises ou des temples. Il se comprend comme chemin d’humanisation par la recherche du réel et d’une vérité démêlée d’un virtuel imposant sa fiction et son plaisir.
Saint Paul nous presse de sortir du sommeil, et donc du virtuel, selon une métaphore classique chez les spirituels : « Frères, vous le savez : c’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de votre sommeil. […] La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière8. »
Ainsi le spirituel collabore avec le virtuel, mais il le cadre et l’oriente vers le réel et, s’il le peut, vers le réel absolu, vers Celui qui demeure au-dessus de tout, mais qui est présent partout, source et garant de la liberté.
1 gafam est l’acronyme des cinq grandes entreprises qui dominent le marché numérique : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
2 Contraction de Meta Universe, c’est-à-dire méta-univers (métavers en français).
3 Éditions de l’Observatoire, 2019.
4 Ibid., pp. 146 et suivantes.
5 Ibid., p. 135.
6 Ibid., p. 141.
7 Propos recueillis par Élisabeth de Miribel, Institut Charles-de-Gaulle, et cités par Jacques Julliard dans Le Figaro du 7 juin 2021, p. 18.
8 Lettre aux Romains, 13, 11-12.
To avoid getting bogged down in complex metaphysical definitions, we propose an efficient approach, I believe, to reality and the different virtual realities, since this latter term has two different meanings. In this article, we also add spirituality, in its full extension, whether it relates to religion or not.
- The Complex Play of “Here and Now”
Reality is what is “here and now”. It is experienced in a correspondence between space, time and the person I am. Without this correspondence, reality is distanced from what we intuitively feel to be the truly real reality: the event I am living is no longer completely real and we then talk of virtual reality (because it is one despite everything). However, virtual reality is used and experienced in two ways.
When virtual reality is a prelude to achievement, like power to action, grain to ear, egg to chicken, child to man, idea to work, plan to house, then it is complete reality in preparation. In this case, virtual reality is in a relationship of necessity to reality: the former needs the latter in the course of time which always proceeds in stages. This first virtual reality can be defined from the “here but not now”. Or, it is this but not totally this; it is that but not really fully that. Realities are rarely perfectly developed, totally complete as pure acts. Therefore, this first virtual reality is almost always part of the reality as we experience it; in fact, it is reality as we have experienced it, a reality that is never totally complete. In theology, we will note that God alone is pure Act. This is what the Bible asserts by calling God “Yahweh”, “he who is”. He alone is fully real.
When it projects reality at a distance, like remotely to face-to-face, dream to sight, illusion to hope, mirage to landscape, desire to possession, virtual reality is no longer in a relationship of necessity to any reality which is not needed. Thus, a meeting held “face to face” does not impose a video meeting and one does not require the other, even though the latter may serve to prepare the former. Reality does not depend on this second virtual reality any more than the meeting depends on the telephone. According to our approach, this second virtual reality can be defined as “now but not here”. Or even as the moment but remotely. At the same time, at this very moment, I am experiencing something that is distanced from me by space through images, whether they are technical or imaginary (dream).
These two virtual realities take over life, and it seems difficult for man to do without them completely: it is impossible to avoid the potentiality of something or to prevent any dream. Virtual reality is part of human life and therefore, demands reflection on another dimension, that of spiritual reality, spirituality, which wards off the hold of virtual reality and the misunderstandings of reality (for example, the reduction of reality to matter).
I propose spirituality as being “neither here nor now”. To phrase it more cautiously: spirituality is experienced in our spatio-temporal world, if only due to its source, the human mind, with all the forms of conditioning and vital conditions inherent in man; and it breathes—the term is not without meaning in spirituality—in space and time; but it is strictly spiritual only insofar as it goes beyond precisely this “here and now”. The activity of the mind attains a permanence and universality magnificently translated by the great sages, even if, despite everything, they reduce them by their language and culture. But their transcription does not destroy them; this is what gives them value and their timeless and cross-cultural utility. Think of Christ, Buddha, Confucius, etc. Only appropriate hermeneutics allows this transcultural wisdom to reach us through its expressions (holy books, etc.) necessarily dated by a time and place.
This life of the mind, permanent and independent, neither here nor now, places spirituality on the level of transcendence (but not necessarily personal). It is fascinating to think about one’s individual or collective relationship with reality and the two virtual realities. The context of this article is limited to this second virtual reality, to which our attention is particularly drawn by the advent of incredible machines packed with images.
- The Second Virtual Reality is Nothing New
We will not be deceived by the invasion of our existence by screens, the over-investment in networks, or the abundance of new technologies. The question of the second virtual reality and its relationship to reality is as old as the world, or at least as old as the history of mankind. By examining this timeless constant first, we can then grasp its modern-day particularities.
For thousands of generations, through art, drugs, games or sleep, virtual reality has always had a place in life and peoples. Art creates it through music or matter; whole populations are addicted to cocaine or opium—a late morning stroll through the streets of Djibouti is sufficient to see the psychotropic effects on Khat-chewing men. We could also talk of a nation’s infatuation with its football team but with no regard for the issue of war and its fight for freedom. Sleep, meanwhile, is the cradle of all fantasies, from nightmares to inspired dreams.
The imagination is thus solicited by various means, and it arouses deep emotions. Producing dreams or mirages, it lulls us with illusions or throws us into enthusiasm. Humans thus believe they are expanding through the virtual; we use all available means to escape from or complete the concrete world in which we often feel confined. By ourselves, or in some other chemical or entertaining way, we try to extricate ourselves from a condition or conditioning that restricts our freedom. Perhaps this parallel world where the image reigns is necessary to fully experience the “real” world with its free dimension… Preventing a child from exploring the world of play or dreams would cause them to lose in fecundity what they are supposed to gain in efficiency.
Before any screen, or any screening or broadcasting technique, a world of images is woven around the human mind, but the mind cannot always readily identify the source. Divine inspiration? Solitary reverie? Nocturnal deciphering of daytime life? Freeing of freedom? Each time, we take a step back from the world of the “here”, the world immediately palpable by our bodily senses. The second virtual reality penetrates reality and projects us at a distance from our body, even if it marks us with the emotions it arouses—a nightmare really does make us sweat.
We enter this second virtual world through the image, which slips between us and the reality it ends up concealing. Here lies the great difference with the experience of reality, where images also form, but images that stem from the use of our external senses and which we must defy to remain in direct contact with reality. What we call “attention” is precisely this ability to remain as much in reality as possible without virtual reality distancing us from it. In a way, attention protects us from the imaginary by forming the base of all concentration—we see this in the world of sports where the slightest lapse of attention leads to defeat.
The combination of reality and images makes it difficult to distinguish between the real and the virtual world. “Pinch me, I’m dreaming”, we sometimes say when faced with a surprising scene, convinced that pain will awaken us and allow us to distinguish between the virtual and the real. We could see this remark as an invitation to explore the function of suffering in bringing us back to reality and/or differentiating it from virtual reality.
- The Novelty of our Times: Machines Turn the Table
But although this virtual reality has always existed, it now has contemporary characteristics: today, it comes to us for the most part from the outside, ready-made, even before our imagination sets to work. Where a picture, a painting or a novel once delicately captured our imagination, so much so that we sometimes needed training to appreciate them, images now appear suddenly on our screens, nervous, imposing, totalitarian and manipulative.
This is the great novelty of our historical times, and one that is unquestionably linked to the omnipresence of technology. Although it gained speed with the digital revolution at the end of the 20th century, it dates back to the sovereignty of technology, to the invention of photography, gramophones and cinema. On this theme, one reference springs to mind: in his address delivered in Paris on 20 June 1968, André Malraux explained the destiny of France following the unrest of the previous weeks that had baffled people’s minds: “These events do not belong to politics but to history, and politics is what remains when there is no history.”
This axiom, which Malraux did not justify, simply brushed aside any partisan analysis and political exploitation. It made these events historical: “To historians, we are at the end of Western civilisation. But they have not yet had time to see that between our civilisation and those that preceded it, there are three crucial differences: our civilisation is the first to claim to be the heir of all others; it is the first not to be based on a religion; and finally, it has invented machines. We are not the Romans plus machines, we are Romans transformed by the machines we have invented and that men had never invented before us. Building pyramids or cathedrals is not building skyscrapers or controlling the atom. Caesar would have conversed easily with Napoleon, but not with President Johnson.”
Machines are created in all eras, in wartime, from bows to missiles, and in architecture and domestic life. In Politics, Aristotle already suggested that automated looms would one day replace slaves. . . But today a new turning point has been reached. Malraux’s thoughts would have found vibrant confirmation with these machines packed with artificial intelligence (ai), driven by algorithms so complex that even their creators no longer control them. How do machines change humanity such that we are no longer “Romans plus machines” but “Romans transformed by machines”? Up to what point did man invent machines to help him transform the world and from what point did these machines retroactively start transforming it themselves? It would take a whole book to explore this question.
Human ambition would appear to embrace and promote this transformation of man through artificial augmentation. The augmented human thus competes with the “humanised” robot, the humanoid of our futuristic novels. The most recent gafam1 project is called Metaverse2, a name that first appeared in a novel by American writer Neal Stephenson, Snow Crash, published in 1992. What the novelist had imagined, the largest digital companies are trying to achieve with tens of billions of dollars: they are seeking to create a double of the real world where Internet users evolve through a personalised avatar. In this world, thanks to machines, virtual reality headsets, sensors, joysticks and jumpsuits, man does away with the need for “here” by feeling physical contact from a distance, but maintains the now. This is the height of “now but not here”. Still within the realm of fantasy thirty years ago, these projects now seem possible today. And, according to its promoters, the Metaverse has countless applications: not only games, but also remote working, sports training, get-togethers with friends, and supermarket shopping. And war no doubt, initially in the form of a game . . . but what about in the long run?
- Freedom Alienated by Virtual Reality
Should we share the concern expressed by Gaspard Koenig in his book The End of the Individual: A Philosopher’s Journey to the Land of Artificial Intelligence3? The dogma declared by the main creators of ai programmes the end of free will in favour of a world where the independent responsible individual is cordially and painlessly “steered”—the “universal nudge”4—by algorithms designed to optimise their pleasure, within a community of users who share the same quest for maximum satisfaction. Contentment is obtained through virtual reality without consent to reality: “AI knows our deepest tastes better than our superficial conscience, so why not let it manage our happiness5?” Koenig goes on to cite Daniel Kahneman, winner of the Nobel Prize for Economics: “Experts are inferior to algorithms6.”
No conspiracy theory is as alarming as this well-argued book: no one denies free will, but everyone abandons it through lazy and personalised but also regressive and optimised resignation. Koenig bears in mind the AI experts’ burst of laughter when he mentions the free will advocated by our Western philosophical traditions. To these experts, the existence of this profound freedom is merely an interior simulation that can be reduced to digital stimulation! How should we respond?
- Freedom Freed by Spirituality
And what if freedom were protected and deployed from above? This is what our spiritual traditions affirm, seizing upon the theme through the experience of man imprisoned in a cave or cell but rendered free by inner concentration. Earlier we touched on the question of attention, described as pure prayer by Simone Weil. The Lord’s Prayer was her only prayer and she said it only once a day, but repeated it as many times as necessary to remain attentive to each word. This is a more difficult exercise than we might imagine. She thus cultivated her mind with words about Heaven.
A few years before May ’68, on 3 June 1956, Malraux had not stressed the intervention of “machines” but the break with religion: “The nature of a civilisation is what is built around a religion. Our civilisation is incapable of building a temple or a tomb. It will be forced to find its fundamental value, or it will decay7.” Twelve years later, he repeated his words in the conference previously mentioned: “Our civilisation, which has failed to build a temple or a tomb, and which can teach everything except how to become a man, is beginning to experience its most profound crises, as did the ones before us.”
This second virtual reality exploited by machines, this sleepless dream, defeats true freedom which amasses and confronts the limits of reality. Because it produces an omnipresent, and therefore totalitarian, imaginary freedom that ignores and disposes of the limits of reality. Where does man’s freedom truly lie, and where will it be once we are immersed in the parallel world of the Metaverse, becoming part of a film hitherto projected on a screen? And when suffering digs in its claw, what remains of this second virtual reality, the one in which we come to seek oblivion from space and its conditioning?
Spirituality identifies these fundamental questions and attempts to answer them by offering paths to freedom rather than theoretical solutions. It uses the imaginary, but never stays there. It strives to silence the storm of feelings and emotions in order to dive deeper and bring the mind into communion with itself.
In a believing conscience, we believe that God also exploits the virtual, just like the reality through which He beckons to us. Think of the power of the dream through which He speaks to men in the Bible. Virtual reality also provides the tools for discernment based on desolation or consolation: Saint Ignatius of Loyola, founded of the Society of Jesus, gave us the Spiritual Exercises to achieve this discernment. Imagination is therefore useful to the spiritual, but spirituality keeps us from running away from our human condition.
Thus, in its own way, spirituality takes up the question of truth, a central theme in philosophy. Henceforth, the quest for the truth again becomes essential when faced with the masses of information now accessible to us all, with no filter. True or false? In the face of the dwarf-like quest for truth, two giants battle it out: like or not like. The feelings that this information arouses in us rises far above the question of whether it is true. Intelligence is no longer stimulated, only emotion, forming the first inner movement of man captive of the screen.
Spirituality is not just a question of filling churches or temples. It is a path to humanisation through the search for reality and a truth extricated from a virtual reality imposing its fiction and pleasure.
Apostle Paul urges us to wake up from sleep, and thus from virtual reality, according to a classical metaphor among spiritualists: “Brothers, you know it is time, the hour has already come to awaken from your slumber. [...] The night is almost gone, and the day is near. Let us lay aside the deeds of darkness and put on the armour of light8.”
Spirituality thus collaborates with virtual reality, but it provides guidance towards reality and, if possible, towards the absolute reality, towards the One who remains above all, but who is present everywhere, the source and guarantor of freedom.
1 gafam is the acronym for the five big firms that dominate the digital market: Google, Apple, Facebook, Amazon and Microsoft.
2 Contraction of Meta Universe.
3 Éditions de l’Observatoire, 2019.
4 Ibid., p. 146 et seq.
5 Ibid., p. 135.
6 Ibid., p. 141.
7 Interviewed by Élisabeth de Miribel, Institut Charles de Gaulle, and cited by Jacques Julliard in Le Figaro newspaper on 7 June 2021, p. 18.
8 Letter to the Romans, 13, 11-12.