Cet ouvrage s’ajoute à la littérature, considérable, que César – César et non pas Jules César – ne cesse de susciter. Il ne s’agit ni d’une biographie ni même d’une étude globale, mais d’un recueil d’articles enrichis des études et des résultats de fouilles les plus récentes que l’auteur nous invite à recevoir comme le prolongement de son fameux César, chef de guerre publié il y a maintenant vingt ans et par deux fois réédité sans avoir été modifié. Une première partie contient des textes qui traitent de la guerre des Gaules et de la guerre civile selon une organisation chronologique. L’ambition n’est pas mince puisque l’évocation de ces deux longs conflits convoque tous les peuples (ou presque) de la Gaule et du monde d’alors, entendons le monde méditerranéen : Italie, Grèce, Afrique, Égypte, Anatolie, Espagne. Elle est parfois encombrée par le souci appuyé de dénoncer les erreurs d’appréciation de certains confrères. Une seconde partie, thématique celle-là, s’attache plus précisément à l’art de la guerre comme le prisme de la guerre des Gaules nous le révèle : poliorcétique, bataille en rase campagne, logistique et contre-logistique, moral du combattant…
Alors, que retenir de ce recueil foisonnant ? D’abord que cette nouvelle histoire militaire telle que Yann Le Bohec la met en œuvre depuis une trentaine d’années exige de revisiter incessamment les sources, écrites aussi bien qu’archéologiques, en apportant une égale attention à ce qu’elles disent et ce qu’elles taisent – ce qui exige de bien savoir son latin –, en ne dissimulant rien non plus de la vérité des faits au risque de déranger les amateurs de certitudes tranquilles (ainsi le génocide, au sens précis du terme, des Éburons). Par ailleurs, l’étude de la guerre se révèle utile à bien d’autres enquêtes avec lesquelles elle entretient des relations de proximité, voire de symbiose : l’économie (la logistique), la société (le rôle des esclaves), la culture (la religion, le droit). Ajoutons à cela que l’historien soucieux de polémologie s’attache désormais, dans le sillage de John Keegan, à restituer sa physionomie, faite de sang et de volonté, à la bataille, qui devient sous sa plume bien plus qu’une simple relation littéraire assortie de considérations techniques. Par exemple, l’étude de Gergovie et d’Alésia est aussi celle de la peur du combattant, qu’il soit Gaulois ou légionnaire, thème sur lequel César, finalement, apporte une information très complète.
Il reste l’essentiel. César se montra, sa carrière durant, un stratège et un tacticien hors pair, toujours soucieux de rapidité dans l’exécution des déplacements et des manœuvres, de recherche de la bataille décisive, d’une exploitation optimale des ressources offertes par le terrain. Assuré de disposer de cet instrument de guerre incomparable qu’est devenue la légion, il subit rarement, et retourne toujours et vite la situation à son avantage. Sa force, qui est aussi psychologique, en fait un meneur d’hommes exceptionnel. Le chef, à cette époque, se soucie autant du moral des hommes que du soutien des dieux et, ce qui nous parle davantage, de la caution du droit. Son exemple, même à l’époque du soldat augmenté et de la cyberdéfense, invite à réfléchir.