N°50 | Entre virtuel et réel

Jean-Pierre Bat, Nicolas Courtin et Vincent Hiribarren (dir.)
Histoire du renseignement en situation coloniale
Jean-Pierre Bat, Nicolas Courtin et Vincent Hiribarren (dir.), Histoire du renseignement en situation coloniale, Presses universitaires de Rennes

Cet ouvrage collectif regroupe vingt auteurs européens et africains. Il a été dirigé par Jean-Pierre Bat, agrégé, docteur en histoire et chercheur affilié au cnrs et à l’École nationales des chartes, Nicolas Courtin, ancien rédacteur en chef adjoint de la revue Afrique contemporaine et chercheur indépendant, et Vincent Hiribarren, maître de conférences en histoire de l’Afrique contemporaine au King’s College de Londres. L’objectif fixé de « mieux voir le quotidien de l’économie du renseignement en situation coloniale, loin des champs de bataille » est rempli. Sont effectivement bien mis en lumière les « subalternes de l’information » qui, pendant longtemps, n’étaient pas des sujets de recherche, révélant ainsi tout autant « le prisme déformant des archives utilisées habituellement par les historiens qu’une sorte de fascination sur le pouvoir fantasmé d’un appareil d’État tout-puissant ».

Les vingt-deux contributions centrées, donc, sur les métiers et le travail du renseignement dans les colonies sont regroupées en trois parties : « Le renseignement par et pour l’État colonial », « Culte du terrain et renseignement de choc » et « Le renseignement aux yeux des colonisés ». Les entrées sont de qualité inégale, mais la plupart apportent une perspective rare et intéressante. D’une grande variété thématique et géographique, il n’est pas possible de les citer toutes. En ce qui concerne l’empire colonial français, qui est au cœur du livre, citons la contribution de Denis Leroux, docteur en histoire, qui analyse le rôle des officiers itinérants (oi) pendant la guerre d’Algérie. Une hybridation, selon l’auteur, d’un modèle modernisé d’officier des affaires musulmanes et d’un « vaste appareil de renseignement opérant largement hors de cadres juridiques clairs », puisque les oi sont des acteurs importants de l’« organisation des populations ». Félicien Coulibaly Navigué s’attache, lui, à rendre compte des méthodes de collecte de renseignements des missionnaires catholiques en pays sénoufo de Côte d’Ivoire, méthodes qui ne cessèrent d’évoluer au fil du temps pour gagner en efficacité. L’empire colonial britannique est lui aussi présent dans l’ouvrage avec une contribution de Vincent Hiribarren sur le renseignement et la guerre contre l’upc dans le Cameroun britannique de 1959 à 1961 et une autre sur « Glubb of Transjordania » par Clothilde Houot. À noter également un travail sur le renseignement portugais avec un texte de Victor Pereira sur la pide de 1945 à 1974. Cet ouvrage offre de multiples pistes de réflexion et apporte beaucoup à l’histoire du renseignement. Un domaine d’étude très dynamique depuis plusieurs années, mais qui a peu été abordé sous l’angle des situations coloniales.


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