L’Europe et le Bassin méditerranéen doivent à Rome leur premier réseau routier transrégional, car les routes étaient nécessaires aux légions pour assurer la défense des frontières et l’ordre intérieur dans l’empire. Autrement dit, la paix romaine dépendait de l’armée, et l’armée dépendait des ponts et des chemins terrassés : sans eux, son temps de réaction aurait été trop lent face aux révoltes et aux invasions.
Nous vivons dans une époque qui se plaît à tout remettre en question, mais ce lieu commun associant l’empire, l’armée et les routes romaines n’est guère discuté tant il semble solide. Après tout, les traces de la voirie romaine sont encore visibles dans le paysage, où il suffit de prendre un peu de hauteur pour voir apparaître leurs droites régulières1. Malgré les saccages du temps et des hommes, les bornes milliaires y subsistent, par centaines2. Les textes aussi témoignent de l’importance de cet appareil, qu’il s’agisse de l’administration des travaux d’entretien ou des nombreux récits des déplacements qu’il rendait possibles, de l’Atlas à la mer du Nord, de l’Atlantique au mont Liban et au-delà. Assurément, l’Empire romain est une affaire de routes, et ces routes sont d’abord associées aux légions3.
Et après ? La question est difficile. Ici aussi, les clichés abondent, non plus ceux de la gloire latine, mais de la décadence germanique. Les travaux menés depuis trente ans sur les transformations du monde romain ont conclu que les premiers siècles du Moyen Âge devraient être transférés à une Antiquité « tardive »4. Qu’ils soient goth, franc ou burgonde, les royaumes que l’on dit barbares étaient beaucoup plus romains qu’on ne l’imagine, car ils ont su maintenir la plupart des droits et des devoirs de l’État impérial, qu’il s’agisse des impôts, de la monnaie, de la justice ou des travaux publics. Il faudrait donc partir du principe que les routes romaines n’ont pas disparu sous les friches, qu’elles ont été conservées et même entretenues là où elles servaient toujours, que les invasions et la déposition du dernier empereur d’Occident n’ont guère eu d’effet sur elles. Après tout, les routes étaient déjà la responsabilité des cités, donc de pouvoirs régionaux qui se sont maintenus sous les rois. L’atlas Barrington est donc tout autant celui du réseau routier de l’empire que celui des royaumes qui lui succèdent5.
Il faut reconnaître que, peu à peu, ce que l’on sait des routes change. En Gaule, leur entretien et leur utilisation ne laissent plus guère de traces dans les textes contemporains. L’affichage public, notamment celui des bornes, se réduit de beaucoup. Au même moment, l’armée aussi se transforme. Les rois mérovingiens n’entretiennent ni armée professionnelle ni garnisons permanentes. La guerre n’est plus tant une affaire de frontières à défendre ou à dépasser qu’une suite de campagnes saisonnières. Les routes sont toujours là, assurément, mais il n’est pas facile de connaître leur utilisation, faute de sources. De fait, les fameuses chaussées associées par la tradition à la reine Brunehaut (m. 613) pourraient être d’origine romaine, sinon postérieures6. Sans témoins écrits, les routes ne se laissent pas facilement dater. En somme, si la recherche s’entend pour placer les royaumes barbares dans la continuité de Rome, notamment pour les routes, il est difficile d’y voir clair, de dépasser les généralités.
L’arrivée au pouvoir des Carolingiens modifie la géographie politique de l’espace latin. Elle provoque une concentration des centres de pouvoir dans le nord des Gaules, entre la Seine et le Rhin. Elle stimule l’extension vers l’est des campagnes militaires franques, et éventuellement du christianisme et de la latinité, bien au-delà des limites du limes romain. Sous Charlemagne (m. 814) et ses premiers héritiers, le gouvernement s’organise avec une nouvelle rigueur, autant dans l’expression de ses idéaux que dans les institutions visant à les réaliser, ce qui modifie la carte du monde franc. Au fil d’un long viiie siècle, les campagnes militaires des Francs causent l’essentiel des transformations géographiques déterminantes pour l’avenir de l’Occident latin. Comme son prédécesseur et son modèle romain, l’Empire carolingien se réalise d’abord par les conquêtes et l’organisation de son pouvoir par les armes. Était-il, lui aussi, aussi dépendant des routes ?
- Les vestiges des routes du premier Moyen Âge
Pour répondre à cette question, il faut d’abord se tourner vers les vestiges matériels. Les routes romaines n’étaient pas pavées, si ce n’est sur certains tronçons à proximité des villes, mais la qualité de leur terrassement leur a permis de résister aux mouvements de la terre et des eaux ; celle-ci explique qu’elles aient été aussi durables, qu’elles aient pu servir, jusqu’à aujourd’hui, de tracés pour des voies nouvelles, mais elle ne suffit pas à les rendre visibles ni à les distinguer de celles qui ont été établies ensuite. En effet, les traces archéologiques des routes ne sont pas faciles à dater, à moins d’engager des fouilles, expérience coûteuse et généralement peu utile dans ce cas. Si les routes anciennes ont pu faire l’objet d’une cartographie, c’est plutôt grâce aux textes, aux inscriptions épigraphiques, à la topographie et à la photographie aérienne. Pour l’Empire carolingien, cependant, les témoins textuels sont trop rares et la photographie ne permet pas de lui attribuer des tracés routiers en propre. Les routes développées et entretenues sous les Carolingiens sont sans doute encore là, dans nos paysages, mais elles ne se laissent pas repérer et étudier facilement. On sait notamment qu’elles ne partageaient pas l’obsession de Rome pour la ligne droite, qu’elles suivaient volontiers le cours des rivières ou le contour des collines. Elles ont donc laissé des marques moins faciles à observer7.
Il ne faudrait pas cependant douter de leur existence. D’abord, les vestiges sont là et lorsqu’ils font l’objet de l’attention des spécialistes, ils deviennent visibles. C’est notamment le cas des ponts qui ont été étudiés par Isabelle Catteddu8. Par ailleurs, certains travaux d’infrastructure très ambitieux ont laissé des traces, le cas le plus évident étant le canal que Charlemagne tenta d’établir entre les bassins du Rhin et du Danube, entreprise qui échoua, mais qui témoigne de l’engagement de ce souverain pour la facilitation des transports et des capacités de ses ingénieurs. Le grand historien des techniques Lynn White a dit de l’âge carolingien qu’il fut « le premier âge de l’ingéniosité yankee » (the First Age of Yankee Ingenuity)9. En faisant le lien avec le ixe siècle européen et le xixe siècle américain, il soutient l’idée que cette époque a connu une expansion technique nouvelle – l’exemple le mieux connu est celui des moulins à eau –, ce qui incite à penser qu’il ne faut pas sous-estimer ses travaux de voirie, même si on n’en connaît mal les traces matérielles.
De fait, du côté des ordonnances qui se multiplient alors – les fameux capitulaires –, quelques indices montrent que l’entretien des voies carrossables était une préoccupation constante des pouvoirs souverains. Ce sont des références courtes, mais répétées, aux usages qui placent les autorités locales en charge de l’entretien des routes et des ponts partout dans l’empire. À les croire, les coutumes anciennes (antiquae consuetudines), qui reléguaient ces travaux aux cités romaines, s’étaient maintenues : ce n’était pas l’État qui les assurait à grande échelle, mais plutôt les évêques, les comtes et les autres grands qui décidaient des affaires de leurs circonscriptions. Il est aussi des signes indirects de la disponibilité de ces routes. Nous avons conservé une lettre d’appel à l’armée, adressée par Charlemagne à l’abbé Fulrad de Saint-Quentin, dans laquelle il est écrit que le contingent dont Fulrad est responsable devra se présenter avec un train de bagages considérable, comprenant des armes, une variété d’outils, des vivres pour trois mois… et tout cela sur des chariots10. Si l’Empire carolingien n’avait plus de routes, si les déplacements devaient se réaliser à travers champs et forêts, des ânes auraient sans doute mieux convenu.
Cette lettre de Charlemagne oblige d’ailleurs à élargir l’espace concerné par cette déduction. Elle indique en effet qu’en cette année, l’armée devait se réunir à Staßfurt, sur la rivière Bode, un affluent de la Saale, donc de l’Elbe. Nous voilà donc loin à l’est des anciennes frontières romaines, en terre de conquête, et il est évident que la campagne allait être tournée contre les Slaves, encore plus à l’est. Dans leurs déplacements, les chariots de l’armée franque n’étaient donc pas limités au réseau des routes romaines. Il était possible de mener une armée importante, lourdement chargée, bien au-delà du Rhin et du Danube. C’est qu’il devait y avoir des routes, là aussi. Ce genre d’indices, certes obliques, suggèrent que l’Europe du haut Moyen Âge n’a pas manqué de voies carrossables, que ce soit pour le commerce ou pour la guerre.
Faut-il s’en étonner ? Sans doute pas, car après tout, en Gaule, les routes romaines s’étaient elles-mêmes superposées à celles qui existaient déjà depuis des siècles. Avant César, même « chevelue » la Gaule n’était pas une vaste et dense forêt. Elle avait ses chemins, comme les contrées plus à l’est. La route n’est pas forcément la réalisation d’un puissant État centralisateur, elle est souvent le résultat de l’imbrication de quantité d’efforts régionaux, au fil des siècles depuis la Préhistoire. Notre foi toute moderne dans la nécessité de l’État et l’appréciation sans cesse réaffirmée de la grandeur de Rome tendent à occulter ce constat, dont il existe plus de preuves qu’il serait possible d’énumérer.
Même dans les pays qui ne sont entrés dans l’orbite franc, latin et romain qu’au ixe siècle, les traces de grands travaux sont importantes. En Germanie et jusqu’aux pays slaves, il existait un réseau de chemins qui permettaient les déplacements entre l’Ouest et l’Est, et qui a facilité les incursions franques au fil des siècles11. D’autres voies suivant le Danube permettaient de s’enfoncer au centre du continent. Indirectement encore, un capitulaire du début du xe siècle en témoigne, car il établit les droits de douane payables par les marchands voyageant dans les deux directions, sur la rivière ou sur les chemins, avec de lourds chargements de sel et d’autres pondéreux12. Plus au nord, le Jutland était traversé par un chemin que la tradition désigne comme la voie « des bœufs », ou « de l’armée » (all. Ochsenweg/Heerweg), ce qui en dit long sur son usage. D’ailleurs, la péninsule a aussi fait l’objet d’une fortification des plus étonnantes, long enchaînement de fossés, de talus et de palissades visant à en défendre l’accès par le continent : l’« ouvrage danois » (all. Danewerk). Ici aussi, ce serait de l’action des Francs et de leurs armes dont le nom témoignerait. Sous les premiers Carolingiens, les peuples germaniques et scandinaves ont payé cher ce voisinage. L’initiative ne s’est renversée que dans le deuxième quart du ixe siècle, lorsque les raids vikings sont entrés chez l’ennemi par les fleuves plutôt que par les routes. Bien qu’elles ne témoignent de l’étendue des routes que de façon indirecte, les observations convergent et elles sont très nombreuses. Il faut se rendre à l’évidence : les routes ne manquèrent pas plus à l’Empire carolingien qu’à Rome, ou qu’à leurs voisins.
- La guerre, la messagerie, l’itinérance curiale :
témoignages indirects de la route
Comme il n’y aura peut-être jamais de cartographie étendue et détaillée des routes du haut Moyen Âge, l’histoire de cette période doit se porter vers les déplacements eux-mêmes, plutôt que sur leurs moyens. Il y a là plus qu’un pis-aller, car l’étude des mouvements que nécessitent le commerce, le gouvernement ou la guerre peut se concevoir comme l’objet final d’une étude des routes. Autrement dit, s’il n’y a toujours pas d’atlas de référence, l’histoire ne s’en trouve pas empêchée ; les entreprises qui dépendent des routes sont plus accessibles à notre curiosité que les routes elles-mêmes. C’est ce que nous allons voir pour trois types de déplacements nécessaires à l’exercice du pouvoir : ceux de la guerre, de l’information et des échanges politiques.
Il faut rappeler que depuis Clovis, l’influence des Francs sur l’Europe occidentale tenait à la force de leurs armes13. L’autorité des rois mérovingiens rayonnait sur presque toute la Gaule, et au fil des générations, elle était devenue évidente et incontestable. Lorsque les ancêtres de Charlemagne ont commencé à s’imposer, d’abord comme ministres des rois, puis comme leurs usurpateurs, ils ont dû, à leur tour, faire leurs preuves en tant que ducs, c’est-à-dire comme chefs de guerre. De fait, l’histoire des premiers Carolingiens, au viiie siècle, se résume en bonne partie à une entreprise menée sur trois générations pour s’imposer par la guerre, d’abord aux Francs eux-mêmes, puis aux principautés soumises aux Mérovingiens et, enfin, au-delà des limites traditionnelles de l’influence franque : en Catalogne, en Italie, jusque dans les plaines hongroises et les monts de Bohême.
À partir de Charles Martel et jusqu’à Charlemagne, les Francs ont été en campagne pratiquement tous les ans. Leurs nouveaux maîtres carolingiens sont parvenus au sommet du pouvoir par leurs victoires, elles-mêmes déterminées par leur capacité à réunir leur troupe année après année, pour des expéditions de plus en plus lointaines. Il était alors normal, à la belle saison, de faire marcher l’ost sur plus de mille kilomètres pour mener campagne. Après la confirmation de son élection par le pape, en 754, le roi Pépin parvint à deux reprises à convaincre ses troupes de traverser les Alpes pour intervenir contre le roi des Lombards, Aistulf. Il faut considérer la reconnaissance d’autorité que cela implique : les Austrasiens, qui formaient l’essentiel de la troupe de Pépin, ne s’étaient pas risqués si loin en terrain hostile depuis deux siècles. Leur expérience contre les Lombards était nulle et le succès de l’entreprise n’avait rien d’assuré. Or ces tours de force, les Carolingiens les ont multipliés tout au long du viiie siècle. Leur armée a réalisé son plein potentiel dans le mouvement constant, vers tous les horizons continentaux. Elle est aussi parvenue à fédérer une grande variété de peuples, mais c’est un autre sujet.
Il est évident qu’en elles-mêmes, les campagnes carolingiennes témoignent de la disponibilité des voies carrossables au-delà des anciennes limites de l’Empire romain. Tous les calculs de vitesse de déplacement des armées franques tendent vers le même résultat, soit une distance parcourue par jour entre vingt et trente-cinq kilomètres, avec des pics pouvant atteindre cinquante kilomètres, les variations dépendant de la durée totale du déplacement et des circonstances14. On voit mal comment une troupe qui se comptait par dizaines de milliers d’hommes aurait pu tenir ce genre de rythme par monts et forêts, avec le train de bagages que suggère la lettre de Charlemagne dont il a été question. Les chemins étaient là, forcément. Et les communautés qui les avaient entretenus payaient en sus le passage des armées sous forme des pillages nécessaires au ravitaillement.
Le deuxième témoignage indirect de l’omniprésence de ces chemins se trouve du côté de la messagerie qui assurait l’information du souverain et de ses représentants. Comme de tout temps, l’action politique et militaire dépendait de cette information, dont il fallait assurer la précision, la régularité et la vitesse. Les princes carolingiens étaient conscients de cet impératif et ils agissaient en conséquence. Ici encore, les témoignages sont trop nombreux pour être énumérés, et il faut donc se contenter d’en donner une illustration. La vitesse normale des messagers des rois et des grands peut être évaluée à environ cinquante/soixante-quinze kilomètres par jour. C’est déjà une preuve qu’il y avait des routes, car ce genre de tempo ne peut être tenu que si un cavalier compte sur le remplacement régulier de sa monture, donc sur des haltes de poste. De fait, le réseau de ces mansiones est observable en certaines régions de l’Empire franc, notamment en Rhétie, donc dans un espace colonisé par Rome, mais aussi en Saxe. Ce dernier cas est intéressant, car les efforts de Charlemagne pour organiser un réseau de soutien de ses messagers a marqué durablement la culture : le mot latin servant à désigner le cheval de poste (paraveredus) est passé dans le dialecte régional et s’est peu à peu imposé à la langue (all. Pferd)15. Le service de la poste en pays saxon a dû faire l’objet d’un effort considérable de la part des envahisseurs francs, pour provoquer l’adoption au quotidien d’un mot latin dont la consonance était aussi peu germanique. Une cartographie de la Saxe du temps de Charlemagne a d’ailleurs été tentée, et il n’y a pas de raison de croire qu’un effort comparable ne pourrait pas réussir à plus grande échelle.
Le troisième témoignage de l’étendue des routes carolingiennes touche à la politique intérieure de l’empire, c’est-à-dire aux tractations qui assuraient sa cohésion interne. Il concerne deux pratiques complémentaires du mouvement : celle de la Cour et celle des sujets vers leur souverain. Il faut comprendre que l’exercice de l’autorité et le fonctionnement des institutions structurantes se réalisaient essentiellement au niveau des régions et des localités. C’est le cas de la justice, des impôts, de l’ordre public et même de la défense du territoire. En cela, l’Empire carolingien n’est pas différent de son prédécesseur romain ni des autres empires prémodernes : la lenteur des transports et des communications est une constante avec laquelle ils ont tous composé, et l’outil par excellence pour y parvenir était la délégation d’autorité. Or la culture politique du haut Moyen Âge fondait cette délégation sur la fidélité, et la fidélité était conçue comme une affaire personnelle, d’homme à homme, d’inspiration militaire et même servile – le mot « vassal » a d’abord désigné le serviteur. Elle se réalisait préférablement dans la rencontre directe du maître et du fidèle, et, de fait, dans leur lutte pour s’imposer comme nouvelle dynastie royale, les Carolingiens se sont beaucoup appuyés sur cette rencontre nécessaire16.
Il en a découlé que l’on se déplaçait beaucoup. La Cour vivait en déplacement et l’Empire carolingien n’a jamais eu de capitale à proprement parler. Cette itinérance curiale se réalisait essentiellement à l’intérieur d’un vaste périmètre entre Seine et Rhin, à l’exception des interventions de crise17. Pour leur part, les grands de l’empire se rendaient auprès du souverain, qu’il s’agisse de participer à l’armée ou à des assemblées, de marquer leur soumission ou de déposer une requête. Les traces documentaires des déplacements des prélats et des officiers séculiers sont très nombreuses dans les lettres, dans les actes royaux, mais aussi dans les chroniques contemporaines. Ces mouvements à grande échelle, à travers l’empire, étaient constants et nécessaires, en temps de paix comme en temps de guerre. Ils dépendaient, eux aussi, des routes qui s’enchaînaient, d’une région à l’autre. Ici encore, la vitesse des déplacements de la Cour peut être évaluée et elle se trouve toujours dans la fourchette normale des grands équipages empruntant les voies carrossables : vingt à trente-cinq kilomètres par jour. Il y avait donc toujours, en Europe, du viiie au ixe siècle, des routes, des ponts, des haltes et une surveillance suffisante de ces équipements pour assurer la sécurité des voyageurs.
- Les routes du Moyen Âge : une histoire à écrire
Personne ne doute de l’importance capitale de l’Empire romain dans l’histoire de l’espace méditerranéen. Ses glorieuses ruines en témoignent, notamment celles de ses routes. Plus important encore, il a laissé derrière lui des usages et des traits de culture qui marquent encore notre quotidien, notamment ceux de la langue latine, qui est encore avec nous, dans les langues romanes. En histoire, cependant, il faut se garder des conceptions excessivement schématiques. Or l’Empire romain est encore trop souvent perçu comme un âge d’or, en opposition au Moyen Âge qui lui a succédé. En matière de routes, il est acquis que Rome se situe dans la continuité d’une histoire très longue, qui commence bien avant lui, et qui se continue jusqu’à nos jours. L’histoire de la route au Moyen Âge reste à développer, mais il est entendu qu’elle n’est pas celle d’une disparition.
1 À la recherche des traces visibles de la route romaine, voir A. Esch, Zwischen Antike und Mittelalter. Der Verfall des römischen Straßensystems in Mittelitalien und die Via Amerina, Munich, Beck, 2011.
2 Voir par exemple les photos proposées dans la base Mérimée, du ministère de la Culture : https://www.pop.culture.gouv.fr/search/list?base=%5B%22Patrimoine%20architectural%20%28Mérimée%29%22%5D&mainSearch=%22borne%20milliaire%22 [site consulté le 1er septembre 2021].
3 Bien entendu, les routes permettent d’autres commerces, mais ils n’étaient pas leur raison d’être et de fait, en matière d’échanges commerciaux, les voies fluviales et maritimes prenaient le dessus. Les grandes capitales comme Rome et Constantinople ne dépendaient-elles pas des blés de Sicile et d’Égypte ? Sur les réalités concrètes de l’économie maritime autour de la Méditerranée aux temps prémodernes : P. Horden et N. Purcell, The Corrupting Sea. A Study of Mediterranean History, Oxford, Blackwell, 2000.
4 Dans la collection « Transformation of the Roman World », voir notamment : W. Pohl, I. Wood, H. Reimitz (dir.), The Transformation of Frontiers. From Late Antiquity to the Carolingians, Leyde, Brill, 2001.
5 R. J. A. Talbert et R. S. Bagnall (dir.), Barrington Atlas of the Greek and Roman World, Princeton University Press, 2000.
6 Pour le catalogue toujours utile des toponymes et des mentions de ces routes : J. Vannérus, « La reine Brunehaut dans la toponymie et dans la légende », Bulletin de la classe des lettres de l’Académie royale de Belgique no 24, 1938, pp. 301-420.
7 Les synthèses sont pléthoriques, mais sur le haut Moyen Âge, les lectures sont plus rares : M. Rouche, « L’héritage de la voirie antique dans la Gaule du haut Moyen Âge (ve-xie siècle) », L’Homme et la route en Europe occidentale au Moyen Âge et aux Temps modernes (Centre culturel de l’abbaye de Flaran, 2es Journées internationales d’histoire, 20-22 septembre 1980), Auch, 1982, pp. 13-32, repr. in Le Choc des cultures. Romanité, germanité, chrétienté durant le haut Moyen Âge, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2003, pp. 37-58 ; J. Heuclin, « Des routes et des hommes en Gaule durant le haut Moyen Âge », in Ch. Mériaux et E. Santinelli (dir.), « Un premier Moyen Âge septentrional : études offertes à Stéphane Lebecq », Revue du Nord nos 391-392, 2011, pp. 735-748 ; S. Gendron, La Toponymie des voies romaines et médiévales. Les mots des routes anciennes, Paris, Errance, 2006.
8 A. Bayard et M. Gravel, « Les ponts dans l’Empire carolingien », Archéothéma n°26, 2013, pp. 48-51.
9 Ouvrage classique, mais chaudement discuté : L. T. White, Technologie médiévale et transformations sociales [1962], M. Lejeune (trad.), Paris, Mouton, 1969.
10 A. Boretius et V. Krause (édit.), Capitularia Regum Francorum I, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, 1883, n°75, p.168.
11 B. Ludowici, « Overland Routes and Markers for Central Places. The Hellweg between the Rhine and Elbe », in B. Ludowici (dir.), Trade and Communication Networks of the First Millennium AD in the Northern Part of Central Europe: Central Places, Beach Markets, Landing Places and Trading Centres, Stuttgart, Theiss, 2010, pp. 335-340.
12 Boretius et Krause (édit.), Capitularia Regum Francorum II, no 253, 1897, pp. 249-252.
13 Sur ce qui suit, le manuel de référence le plus récent est G. Bührer-Thierry et Ch. Mériaux, La France avant la France (481-888), Paris, Belin, 2010.
14 M. Gravel, Distances, rencontres, communications. Réaliser l’empire sous Charlemagne et Louis le Pieux, Turnhout, Brepols, 2012, pp. 83-92.
15 H. Dannenbauer, « Paraveredus-Pferd », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte. Germanistische Abteilung no 71, 1954, pp. 55-73.
16 Sur la sémiotique du mouvement dans l’Empire carolingien : M. Gravel, « Déplacements et immobilités des souverains carolingiens : de l’empire au royaume de Francie occidentale », in J. Barbier, F. Chausson, S. Destephen (dir.), Le Gouvernement en déplacement. Pouvoir et mobilité de l’Antiquité à nos jours, Presses universitaires de Rennes, 2019, pp. 213-234.
17 M. Gravel, Distances, rencontres, communications.. , op. cit., pp. 27-94.
It is to ancient Rome that we owe the first transregional road system in Europe and in the Mediterranean basin: for the Roman legions, roads were paramount, enabling them to defend the external borders of the Roman Empire and to maintain law and order within. In other words, the pax romana was dependent on the Roman army and the Roman army depended on constructed roads and bridges, without which it would have been be too slow in responding to revolts and invasions.
In current times, when we tend to question everything, the customary link made between the Roman Empire, its Army and its roads is so well-established that it is never disputed. After all, vestiges of Roman roads are still visible in our landscape; viewed from above, it is easy to appreciate their regular straight lines1. Despite the ravages inflicted by time and by man, hundreds of milestones still exist2. There is also written evidence of the scale of this system from maintenance work documentation and from numerous accounts of journeys that were made possible by these roads, which stretched from the Atlas mountains to the North Sea, from the Atlantic to Mount Lebanon and beyond. The Roman Empire was undeniably all about roads and these roads are primarily associated with the Roman legions3.
And after the Roman era? The subject is complex. Here too, clichés abound—no longer a matter of Latin glory, more of Germanic decadence. Work conducted over the last thirty years on the transformation of the Roman world concluded that the first centuries of the Middle Ages should be reassigned to Late Antiquity4. Whether Goth, Frankish or Burgundian, these so-called barbarian kingdoms were much more Roman in character than one could imagine, for they preserved most of the rights and duties of the imperial state—taxes, currency, justice and public works. It should be assumed, therefore, that Roman roads did not just become wastelands but were preserved and maintained in areas where they were still in use, and that the invasions and even the deposition of the last Emperor of the Western Roman Empire had hardly any effect on them. After all, roads were already the responsibility of the cities and thus of the regional powers that continued under the kings. The Barrington Atlas is therefore just as much a chart of the road network under the Roman Empire as of the kingdoms which came after5.
It should be recognised our knowledge of the road systems gradually changed. Contemporary texts contain hardly any hint of how the roads were used and serviced in Gaul. The number of public markers, and in particular, milestones, was considerably reduced. At the same time, military transformation was underway. The Merovingian kings did not maintain a professional army and they did not have any permanent garrisons. War was no longer so much a question of defending or challenging borders, but a series of seasonal campaigns. Unquestionably, the roads still existed but, due to a lack of sources, it is not easy to know what they were used for. So the famous routes traditionally associated with Queen Brunhilda (chaussées Brunehaut) who died in 613, may be Roman in origin or may date from a later period6. Without written evidence, roads are not easy to date. In sum, although research points to placing the barbarian kingdoms on a continuum with Rome, in particular with respect to roads, it is difficult to obtain a clear view and to rise above general assumptions.
When the Carolingians came to power, political geography changed in the Latin-speaking region. There was a concentration of centres of power in the north of Gaul between the Seine and the Rhine. This stimulated an eastwards expansion of Frankish military campaigns and eventually of Christianity and Latin culture, extending well beyond the Roman limes (borders). Under Charlemagne (d. 814) and his first heirs, government was ordered with fresh rigour, both in terms of expression of its ideals and of the institutions charged with implementing them and this altered the map of the Frankish world. Throughout the eighth century, Frankish military campaigns were instrumental in the majority of essential geographical transformations that were decisive for the future of the Latin West. As was the case of its forerunner and Roman model, the Carolingian Empire was shaped first and foremost by military conquests and power was organised by military means. So was it not, too, dependent on roads?
- What remains of Early Middle Age roads?
To answer this question, we must first consider the tangible remains. Roman roads were not paved, apart from certain sections in the vicinity of towns. The quality of the earthworks, however, was such that they withstood earth and water movement, which thus explains why these roads have endured so long and right up to present times. It has been possible to use them to plot the route of new thoroughfares. But this is not sufficient to make them visible or to distinguish them from subsequently built roads. In fact, it is not easy to date the archaeological origins of roads unless excavations are carried out, which can be costly and, generally, of little value. If ancient roads have been mapped at all, this work has been based on ancient texts, epigraphic evidence, topographical analysis and aerial photography. In the case of the Carolingian Empire, however, textual evidence is too scarce and photographs do not enable the routes to be attributed specifically to this era. The roads established and maintained under the Carolingians are undoubtedly still there in our landscapes, but they cannot be easily located or studied. We do know that the Carolingians did not share Rome’s obsession with straight lines, that their roads readily followed water courses or hill contours. The marks that they have left are therefore less easy to observe7.
Nonetheless, we should not doubt their existence. Firstly, there are vestiges of them and when they become the object of specialist focus, they become visible. This is the case, notably, of the bridges studied by Isabelle Catteddu8. Moreover, some extremely ambitious infrastructures have left their trace, the most obvious being the canal that Charlemagne attempted to build between the Rhine and Danube basins, an undertaking that was unsuccessful, but which testifies to the sovereign’s commitment to facilitating transport and to the skills of his engineers. The great technical historian, Lynn Townsend White, called the Carolingian era “the first age of Yankee ingenuity”9. By making the connection between ninth century Europe and the nineteenth century in America, he argues that the Carolingian era was a period of new technical expansion, the best known example being watermills, which suggests that its roadworks should not be underestimated, even if little is known of their physical traces.
Indeed, amongst the plethora of ordinances issued at the time—the famous capitularies—there are some indications that the maintenance of roadways was a constant concern for the sovereign powers. There are brief but repeated references to the customs of placing local authorities in charge of roads and bridge maintenance throughout the Empire. According to them, the ancient customs (antiquae consuetudines), which relegated these works to the Roman cities, had been maintained: it was not the State that undertook this work on a large scale, but the bishops, counts and other notables who ruled upon matters in their own territories. There are also indirect signs of the existence of these roads. We have preserved an army conscription letter sent by Charlemagne to Abbot Fulrad of Saint-Quentin summoning the contingent for which Fulrad was responsible to report, bringing a considerable amount of equipment, including weapons, a variety of tools and food for three months … and all that on carts10. If the Carolingian Empire no longer had any roads, if travel took place via field and forest, surely donkeys would have been more suitable.
This letter from Charlemagne compels us to look beyond the region immediately concerned by this inference. It indicates in fact that in the same year, the army was to gather at Stassfurt on the river Bode, a tributary of the river Saale which flows into the Elbe. This is much further eastwards of the former Roman boundaries and, in addition, conquered territory. It is clear that the campaign was to be waged against the Slavs located even further to the east. The movements of the Frankish army’s wagons were therefore not limited to using Roman roads. It was possible to transport a heavily laden, substantial army far beyond the Rhine and Danube. Which means that there must have been roads there as well. This kind of evidence, albeit oblique, suggests that there was no shortage of roads in the Early Middle Ages, either for trade or military purposes.
Should we be surprised? Probably not, because after all, in Gaul, the Roman roads had been built on routes that had already existed for centuries. Before Caesar, although covered in vegetation, Gaul was not just a vast, dense forest. It had its routes, as did the lands further to the east. A road is not necessarily the product of a powerful, centralising State, it is often the result of numerous intersecting regional efforts made throughout the centuries since prehistoric times. Our modern faith in the need for the state, and the constantly reiterated admiration for the greatness of Rome, tend to mask this observation, of which there is more evidence than it is possible to record.
Even in countries that did not come under Frankish, Latin or Roman influence until the ninth century, there are significant traces of major roadworks. In Germania and extending to the Slavic countries, there was a network of routes enabling travel between West and East and which facilitated Frankish incursions over the centuries11. There were other routes along the Danube to the centre of the European continent. A capitulary from the early tenth century indirectly testifies to this fact, as it establishes customs duties to be charged to merchants travelling in either direction on water or on land carrying substantial loads of salt or other heavy goods12. Further north, a route cut across Jutland, referred to as the “Oxen” or “Army” route (German: Ochsenweg/Heerweg), a name that reveals a lot about its use. The Jutland peninsula was also the site of an astonishing fortification, a long chain of ditches, embankments and fences designed to defend it from access from the mainland, the Danevirke (German: Danewerk). In this case also, it would be to the action of the Franks and their weapons that this work testifies. Under the early Carolingians, the Germanic and Scandinavian peoples paid dearly for their proximity. This situation was only reversed in the second quarter of the ninth century, when Viking raids entered enemy territories by river instead of by road. Although the evidence as to the extent of the road network is indirect only, the observations converge and they are extremely numerous. It is patently clear that the Carolingian Empire was not short of roads, any more than Rome was or their neighbours were.
- Implicit evidence of the existence of roads—troop movements, messengers and curial itinerance
Since there may never be an extensive and detailed map of the roads of the Early Middle Ages, we must look at the nature of travel that took place at this time, rather than the roads themselves. This is not merely a second-best option: the study of travel occasioned by trade, government or war could be considered to be the ultimate aim of a survey of roads. In other words, the lack of reference in terms of a road atlas does not impair history: the activities which rely on roads stimulate our curiosity more than the roads themselves. This is what we shall see for the three categories of travel that are essential for the exercise of power: those relating to war, to communications and to political relations.
It should be remembered that since Clovis, the influence of the Franks over Western Europe was based on the strength of arms13. The authority of the Merovingian kings was felt throughout most of Gaul and, over the generations, it became manifest and incontestable. When Charlemagne’s ancestors began to assert themselves, initially as ministers to the kings before subsequently supplanting them, they, in turn, had to prove themselves as dukes, that is, warlords. Thus, the history of the first Carolingians in the eighth century can be summarised in large part as a three-generational effort to impose themselves by military means, initially on the Franks themselves and then on the principalities subject to Merovingian rule and finally in areas beyond the traditional borders of Frankish influence—Catalonia, Italy even as far as the Hungarian plains and the Bohemian mountains.
From Charles Martel until Charlemagne, the Franks were on the campaign trail almost every year. The new Carolingian masters rose to power thanks to their victories, which in turn were determined by their ability to assemble their troops year after year for expeditions that were increasingly remote. At the time, it was normal for the army to march over a thousand kilometres in the summer season to conduct a campaign. Following confirmation by the Pope of his election in 754, King Pépin twice managed to convince his troops to cross the Alps to take action against Aistulf, the Lombard king. Consider the recognition of authority that this implies: the Austrasians, who constituted the bulk of Pépin’s troops, had not ventured so far into hostile territory for two centuries. They had no experience against the Lombards and the success of the venture was not at all assured. The Carolingians repeated these tours de force throughout the eighth century. Their army achieved its full potential by constantly pushing out towards every horizon in Europe. It also managed to federate a wide variety of peoples—but that is another topic!
It is clear that the Carolingian campaigns themselves attest to the existence of roadways beyond the ancient limits of the Roman Empire. All calculations of the speed of displacement of the Frankish armies tend toward the same result, that is to say a distance of between twenty and thirty kilometres a day, with peaks of over fifty kilometres. These variations depended on the total expedition duration and on circumstances14. It is difficult to see how an army of tens of thousands of men laden with a supply train as suggested in Charlemagne’s above-mentioned letter could have kept up this kind of pace across mountains and wooded terrain. There must have been roads. And the communities that had maintained these roads paid an additional toll for the passage of the armies in the form of the pillaging that took place to provision the troops.
Further proof of the ubiquitous existence of these roads can be found in the communication system that informed the sovereign and his representatives. As always, political and military action relied on information that had to be accurate, regular and swift. The Carolingian princes were aware of this necessity and they acted accordingly. Here again, the evidence is too vast to be individually recorded, so we must be content with an illustration. The normal speed of messengers to the kings and high dignitaries can be estimated at around fifty to seventy-five kilometres a day. This is already evidence of the existence of roads, since this kind of pace can only be sustained if a rider can count on his mount being replaced at regular intervals, and thus on post stops. And indeed, a network of these mansiones can be seen in certain regions of the Frankish Empire, notably in Raetia, in an area conquered by Rome, but also in Saxony. The latter case is interesting, because Charlemagne’s efforts to set up a network to support his messengers made an enduring cultural mark: the Latin word for post horse (paraveredus) passed into the regional dialect and gradually became part of the language (German: Pferd)15. The postal service in Saxony must have been the object of considerable effort on the part of the Frankish invaders to bring about the adoption of a Latin word that sounded so un-German. An attempt has been made to map Saxony in Charlemagne’s time and there is no reason to believe that a similar undertaking could succeed on a larger scale.
A third testimony as to the extent of the Carolingian road network relates to the internal politics of the Empire, that is, the negotiations that were necessary to ensure its internal cohesion. This involves two complementary flows: the movements of the Court and movements by subjects to encounter their sovereign. It is important to understand that authority was exercised, and official authorities operated essentially at regional and local levels. This was the case for justice, taxation, public order and even defence of the territory. In this respect, the Carolingian Empire was no different from its Roman predecessor or from other pre-modern empires. The slow pace of transport and communications was a constant with which they all had to contend and the ideal method of overcoming this was to delegate authority. According to the political culture in the Early Middle Ages, delegation was based on allegiance and allegiance was considered to be a personal matter, secured directly man to man, and was military, even slavish in character—the term, “vassal” initially meant servant. It was preferable for such fealty to be sworn directly between master and vassal and, because of their struggle to become the new royal dynasty, the Carolingians laid considerable importance on the need for this meeting16.
As a result, travel was common and frequent. The Court was always on the move and the Carolingian Empire never had a real capital to speak of. This curial itinerance took place essentially within the vast area located between the Seine and the Rhine, with the exception of crisis interventions17. The great men of the empire went to the sovereign, either to participate in the army or assemblies, to swear fealty or to submit a request. Documentary evidence of the movements of prelates and secular officers is abundant in letters and in royal acts, but also in contemporary narratives. This widespread travel across the empire was constant and necessary both in times of peace and of war. It depended on roads linking one region to another. Here again, the speed of the Court’s movements can be estimated, and it always falls within the normal range for large numbers travelling on carriageways—twenty to twenty-five kilometres a day. In the eighth and ninth century in Europe, therefore, there were roads, bridges, rest stops, plus suitable supervision of these facilities to ensure the safety of travellers.
- The roads of the Middle Ages: a history yet to be written
No one doubts the capital importance of the Roman Empire in relation to the history of the Mediterranean area. Its glorious ruins bear witness to this, and especially the vestiges of its roads. More importantly, it left behind customs and cultural features that still mark our daily lives, particularly the Latin language, which is still with us today via the Romance languages. As historians, however, we must beware of over-schematic theories. The Roman Empire is still too often perceived as a golden age, as opposed to the Middle Ages that followed. As far as roads are concerned, it is a fact that the Roman empire forms part of historical continuum that began long before it, and still continues to this day. The history of roads in the Middle Ages has yet to be written, but it goes without saying that when it is, it will not be a tale of disappearance.
1. In search of visible traces of Roman roads, see A. Esch, Zwischen Antike und Mittelalter. Der Verfall des römischen Straßensystems in Mittelitalien und die Via Amerina, Munich, Beck, 2011.
2. See, for example, photo in the Mérinée database, Ministry of Culture: https://www.pop.culture.gouv.fr/search/list?base=%5B%22Patrimoine%20architectural%20%28Mérimée%29%22%5D&mainSearch=%22borne%20milliaire%22 [site visited on 1st September 2021].
3. Of course, roads facilitate other traffic, but this was not the reason for their existence and in fact river and sea routes were the preferred trade routes. Did not the major capitals such as Rome and Constantinople depend on cereal crops from Sicily and Egypt? The reality of the maritime economy around the Mediterranean in pre-modern times: P. Horden et N. Purcell, The Corrupting Sea. A Study of Mediterranean History, Oxford, Blackwell, 2000.
4 In the collection, Transformation of the Roman World, see also: W. Pohl, I. Wood, H. Reimitz (dir.), The Transformation of Frontiers. From Late Antiquity to the Carolingians, Leyde, Brill, 2001.
5 R. J. A. Talbert and R. S. Bagnall (dir.), Barrington Atlas of the Greek and Roman World, Princeton University Press, 2000.
6 Catalogue of toponyms and references to these roads (still pertinent): J. Vannérus, La reine Brunehaut dans la toponymie et dans la légende, Bulletin from the Letters class of the Royal Academy of Belgium n°24, 1938, pp. 301-420.
7 There is a plethora of summaries, but for the Early Middle Ages, texts are more scarce: M. Rouche, Héritage de la voirie antique dans la Gaule du haut Moyen Âge (ve-xie siècle), L’Homme et la route en Europe occidentale au Moyen Âge et aux Temps modernes (Flaran abbey cultural centre, 2nd edition of International History Days, 20–22 September 1980), Auch, 1982, pp. 13-32, repr. in Le Choc des cultures. Romanité, germanité, chrétienté durant le haut Moyen Âge, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2003, pp. 37-58 ; J. Heuclin, Des routes et des hommes en Gaule durant le haut Moyen Âge, in Ch. Mériaux et E. Santinelli (dir.), Un premier Moyen Âge septentrional : études offertes à Stéphane Lebecq, Revue du Nord 391-392, 2011, pp. 735-748 ; S. Gendron, La Toponymie des voies romaines et médiévales. Les mots des routes anciennes, Paris, Errance, 2006.
8 A. Bayard and M. Gravel, Les ponts dans l’Empire carolingien, Archéothéma no 26, 2013, pp. 48-51.
9 Classic work, but hotly disputed: L. T. White, Technologie médiévale et transformations sociales [1962], M. Lejeune (trad.), Paris, Mouton, 1969.
10 A. Boretius and V. Krause (edit.), Capitularia regum Francorum I, Hanover, Hahnsche Buchhandlung, 1883, p. 168, n° 75.
11 B. Ludowici, Overland routes and markers for central places. The Hellweg between the Rhine and Elbe, in B. Ludowici (dir.), Trade and Communication Networks of the First Millennium AD in the Northern Part of Central Europe: Central Places, Beach Markets, Landing Places and Trading Centres, Stuttgart, Theiss, 2010, pp. 335-340.
12 A. Boretius and V. Krause (Edit.), Capitularia regum Francorum II, n° 253, 1897, pp. 249-252.
13 The most recent reference manual on what follows is G. Bührer-Thierry and Ch. Mériaux, La France avant la France (481-888), Paris, Belin, 2010.
14 M. Gravel, Distances, rencontres, communications. Réaliser l’empire sous Charlemagne et Louis le Pieux, Turnhout, Brepols, 2012, pp. 83-92.
15 H. Dannenbauer, “Paraveredus-Pferd”, Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte. Germanistische Abteilung no 71, 1954, pp. 55-73.
16. On the semiotics of movement in the Carolingian Empire: M. Gravel, Déplacements et immobilités des souverains carolingiens : de l’Empire au royaume de Francie occidentale, in J. Barbier, F. Chausson, S. Destephen (dir.), Le Gouvernement en déplacement. Pouvoir et mobilité de l’Antiquité à nos jours, Presses universitaires de Rennes, 2019, pp. 213-234.
17 M. Gravel, Distances, rencontres, communications..., op. cit., pp. 27-94.